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Action secrète
La technique du coup d'État coloré
John Laughland
Le symbole d’Otpor (Serbie)
Lundi 4 janvier 2010
La technique des coups d’État colorés trouve son origine dans
une abondante littérature du début du XXe siècle. Elle a été
mise en application avec succès par les néo-conservateurs
états-uniens pour « changer les régimes » de plusieurs États
post-soviétiques. Elle a par contre échoué dans des univers
culturels différents (Venezuela, Liban, Iran). John Laughland,
qui couvrit certaines de ces opérations pour le
Guardian,
revient sur ce phénomène. Au cours de ces
dernières années, une série de « révolutions » ont éclaté en
différents endroits du monde.
Georgie
En novembre 2003, le président Edouard
Chevardnadze a été renversé à la suite de manifestations et
d’allégations d’élections truquées.
Ukraine
En novembre 2004, des manifestations – la
« Révolution orange » – commencèrent au moment où des
accusations similaires d’élections truquées étaient formulées.
Il en résulta que le pays perdit son ancien rôle géopolitique de
pont entre l’Est et l’Ouest et fut poussé vers une adhésion à
l’OTAN et à l’UE. Étant donné que la Rus de Kiev fut le
premier État russe et que l’Ukraine s’est maintenant tournée
contre la Russie, il s’agit là d’un événement historique. Mais,
comme le disait George Bush, « vous êtes soit avec nous soit
contre nous ». Bien que l’Ukraine ait envoyé des troupes en
Irak, elle était manifestement considérée comme trop amie de
Moscou.
Liban
Peu après que les États-Unis et l’ONU aient
déclaré que les troupes syriennes devaient se retirer du Liban
et suite à l’assassinat de Rafik Hariri, les manifestations de
Beyrouth ont été présentées comme la « Révolution du Cèdre ».
Une énorme contre-manifestation du Hezbollah, le plus important
parti pro-syrien, fut passée sous silence alors que la
télévision montrait sans fin la foule anti-syrienne. Exemple
particulièrement énorme de mauvaise foi orwellienne, la BBC
expliqua aux téléspectateurs que « le Hezbollah, le plus grand
parti politique du Liban, est jusqu’ici la seule voix dissidente
qui souhaite que les Syriens restent au Liban ». Comment la
majorité populaire peut-elle être une « voix dissidente » ? [1]
Kirghizistan
Après les « révolutions géorgienne et
ukrainienne, nombreux sont ceux qui prédisaient que la vague de
« révolutions » allait s’étendre aux anciens États soviétiques
d’Asie centrale. Et c’est ce qui arriva. Les commentateurs
semblaient divisés sur la question de savoir quelle couleur
attribuer au soulèvement de Bichkek : révolution « citron » ou
« tulipe » ? Ils n’ont pas pu se décider. Mais ils étaient tous
d’accord sur un point : ces révolutions sont cool, même quand
elles sont violentes. Le président du pays, Askar Akaïev, fut
renversé le 24 mars 2005 et les contestataires prirent d’assaut
le palais présidentiel et le mirent à sac.
Ouzbékistan
Lorsque des rebelles armés s’emparèrent des
bâtiments gouvernementaux, libérèrent des prisonniers et prirent
des otages dans la nuit du 12 au 13 mai dans la ville ouzbek
d’Andijan (située dans la vallée de Ferghana où les troubles
avaient également commencé au Kirghizistan voisin), la police et
l’armée encerclèrent les rebelles et il en résulta une impasse
de longue durée. On entreprit des négociations avec les rebelles
qui ne cessèrent d’augmenter leurs revendications. Quand les
forces gouvernementales les attaquèrent, les combats firent
quelque 160 morts dont 30 parmi les forces de la police et de
l’armée. Pourtant les médias occidentaux présentèrent
immédiatement ces affrontements violents de manière déformée,
prétendant que les forces gouvernementales avaient ouvert le feu
sur des contestataires non armés, sur « le peuple ».
Ce mythe sans cesse répété de la révolte
populaire contre un gouvernement dictatorial est populaire à
gauche comme à droite de l’éventail politique. Autrefois, le
mythe de la révolution était manifestement réservé à la gauche,
mais lorsque le putsch violent eut lieu au Kirghizistan, le
Times s’enthousiasma à propos des scènes de Bichkek qui lui
rappelaient les films d’Eisenstein sur la révolution bolchévique ;
le Daily Telegraph exalta le « pouvoir pris par le
peuple » et le Financial Times eut recours à une
métaphore maoïste bien connue lorsqu’il vanta la « longue marche
du Kirghizistan vers la liberté ».
Une des idées clés à la base de ce mythe est
manifestement que le « peuple » est derrière les événements et
que ces derniers sont spontanés. En réalité, bien sûr, ce sont
des opérations très organisées, souvent mises en scène pour les
médias et habituellement créés et contrôlés par les réseaux
transnationaux d’« ONG » qui sont des instruments du pouvoir
occidental.
La littérature sur les coups d’État
Le mythe de la révolution populaire spontanée
perd de sa prégnance en raison de l’ample littérature sur les
coups d’État et les principales tactiques utilisées pour les
provoquer. C’est bien entendu Lénine qui a développé la
structure organisationnelle vouée au renversement d’un régime
que nous connaissons maintenant sous le nom de parti politique.
Il différait de Marx en ce qu’il ne pensait pas que le
changement historique était le résultat de forces anonymes
inéluctables. Il pensait qu’il fallait le provoquer.
Mais ce fut probablement Curzio Malaparte qui
le premier, dans Technique du coup d’État, donna une
forme célèbre à ces idées [2].
Publié en 1931, ce livre présente le changement de régime comme
une technique. Malaparte était en désaccord avec ceux qui
pensaient que les changements de régime étaient spontanés. Il
commence son livre en rapportant une discussion entre des
diplomates à Varsovie au printemps 1920 : La Pologne a été
envahie par l’armée rouge de Trotski (la Pologne avait elle-même
envahi l’Union soviétique, prenant Kiev en avril 1920) et les
bolcheviques étaient aux portes de Varsovie. La discussion avait
lieu entre le ministre de Grande-Bretagne, Sir Horace Rumbold,
le Nonce papal, Monseigneur Ambrogio Damiano Achille Ratti
(lequel fut élu pape deux ans plus tard sous le nom de Pie XI).
L’Anglais disait que la situation politique intérieure de la
Pologne était si chaotique qu’une révolution était inévitable et
que le corps diplomatique devait fuir la capitale et se rendre à
Poznan. Le Nonce n’était pas d’accord, insistant sur le fait
qu’une révolution était tout aussi possible dans un pays
civilisé comme l’Angleterre, la Hollande ou la Suisse que dans
un pays en état d’anarchie. Naturellement, l’Anglais était
choqué à l’idée qu’une révolution pût éclater en Angleterre.
« Jamais ! » s’exclama-t-il. Les faits lui ont donné tort car il
n’y eut aucune révolution en Pologne et cela, selon Malaparte
parce que les forces révolutionnaires n’étaient pas suffisamment
bien organisées.
Cette anecdote permet à Malaparte d’aborder
les différences entre Lénine et Trotski, deux praticiens du coup
d’État. Il montre que le futur pape avait raison et qu’il était
faux de dire que certaines conditions sont nécessaires pour
qu’il y ait révolution. Pour Malaparte, comme pour Trotski, on
peut provoquer un changement de régime dans n’importe quel pays,
y compris dans les démocraties stables d’Europe occidentale à
condition qu’il y ait un groupe d’hommes suffisamment déterminés
à l’effectuer.
Fabriquer le consentement
Cela nous amène à d’autres textes relatifs à
la manipulation médiatique. Malaparte luimême n’aborde pas cet
aspect mais celui-ci est a) très important et b) constitue un
élément de la technique utilisée pour les changements de régime
aujourd’hui. À vrai dire, le contrôle des médias durant un
changement de régime est si important qu’une des
caractéristiques de ces révolutions est la création d’une
réalité virtuelle. Le contrôle de cette réalité est lui-même un
instrument du pouvoir, si bien que lors des coups d’États
classiques des républiques bananières, la première chose dont
s’emparent les révolutionnaires est la radio.
Les gens éprouvent une forte répugnance à
accepter l’idée que les événements politiques, aujourd’hui, sont
délibérément manipulés. Cette répugnance est elle-même un
produit de l’idéologie de l’ère de l’information qui flatte la
vanité des gens et les incite à croire qu’ils ont accès à une
somme considérable d’informations. En fait, l’apparente
diversité de l’information médiatique moderne cache une extrême
pauvreté de sources originales, de même qu’une rue entière de
restaurants sur un rivage grec peut cacher la réalité d’une
seule cuisine à l’arrière. Les informations sur les événements
importants proviennent souvent d’une source unique, souvent une
agence de presse et même des diffuseurs d’informations comme la
BBC se contentent de recycler les informations reçues de ces
agences tout en les présentant comme étant les leurs. Les
correspondants de la BBC sont souvent dans leurs chambres
d’hôtel lorsqu’ils envoient leurs dépêches, lisant souvent pour
le studio de Londres l’information que leur ont transmise leur
collègues en Angleterre, qui les ont à leur tour reçues des
agences de presse. Un second facteur expliquant la répugnance à
croire à la manipulation des médias est lié au sentiment
d’omniscience que notre époque de mass média aime flatter :
critiquer les informations de la presse, c’est dire aux gens
qu’ils sont crédules et ce message n’est pas agréable à
recevoir.
La manipulation médiatique a plusieurs
aspects. L’un des plus importants est l’iconographie politique.
C’est un instrument très important utilisé pour défendre la
légitimité des régimes qui ont pris le pouvoir par la
révolution. Il suffit de penser à des événements emblématiques
comme la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, l’assaut du
Palais d’Hiver pendant la révolution d’octobre 1917 ou la marche
de Mussolini sur Rome en 1922 pour se rendre compte que certains
événements peuvent être élevés au rang de sources presque
éternelles de légitimité.
Cependant, l’importance de l’imagerie
politique va bien au-delà de l’invention d’un emblème pour
chaque révolution. Elle implique un contrôle beaucoup plus
rigoureux des médias et généralement ce contrôle doit être
exercé sur une longue période, pas seulement au moment du
changement de régime. Il est vraiment essentiel que la ligne du
parti soit répétée ad nauseam. Un aspect de la culture
médiatique d’aujourd’hui que de nombreux dissidents dénoncent à
la légère est que les opinions dissidentes peuvent être
exprimées et publiées, mais c’est précisément parce que, n’étant
que des gouttes d’eau dans l’océan, elles ne représentent jamais
une menace pour la marée propagandiste.
Willy Münzenberg
Un des maîtres modernes du contrôle des
médias fut le communiste allemand avec qui Goebbels apprit son
métier, Willy Münzenberg. Il n’est pas seulement l’inventeur de
la manipulation mais aussi le premier à avoir mis au point l’art
de créer un réseau de journalistes formateurs de l’opinion qui
propagèrent des idées correspondant aux besoins du Parti
communiste allemand et à l’Union soviétique. Il fit fortune en
édifiant un vaste empire médiatique.
Il était très impliqué dans le projet
communiste dès le début. Il appartenait aux proches de Lénine à
Zurich et en 1917, il accompagna le futur chef de la révolution
bolchévique de la gare centrale de Zurich à la gare de Finlande
à Saint-Pétersbourg dans un train plombé, avec l’aide des
autorités impériales allemandes. Lénine demanda à Münzenberg de
combattre la publicité épouvantable suscitée par le fait qu’en
1921, 25 millions de paysans de la région de la Volga
commencèrent à souffrir de la famine qui frappait l’État
soviétique nouvellement créé. Münzenberg, qui était alors rentré
à Berlin où il fut plus tard élu député communiste au Reichstag,
fut chargé de créer une œuvre de bienfaisance ouvrière factice,
le Foreign Committee for the Organisation of Worker Relief
for the Hungry in Soviet Russia dont le but était de faire
croire que les secours humanitaires provenaient d’autres sources
que de la Herbert Hoover’s American Relief Administration.
Lénine craignait non seulement que Hoover utilise son projet
humanitaire pour envoyer des espions en URSS (ce qu’il fit) mais
également – chose peut-être plus importante – que le premier
État communiste au monde ne souffre fatalement de la publicité
négative due au fait que l’Amérique capitaliste lui venait en
aide à quelques années de la Révolution.
Après s’être fait la main en « vendant » la
mort de millions de personnes causée par les bolcheviques,
Münzenberg se tourna vers des activités de propagande plus
générales. Il édifia un vaste empire médiatique connu sous le nom
de Trust Münzenberg qui possédait deux quotidiens de masse en
Allemagne, un hebdomadaire de masse et avait des intérêts dans
d’autres publications dans le monde. Il s’illustra
particulièrement en mobilisant l’opinion mondiale contre
l’Amérique lors du procès de Sacco et Vanzetti (deux immigrés
italiens anarchistes condamnés à mort pour meurtre dans le
Massachusetts en 1921) et pour contrebalancer l’idée propagée
par les nazis selon laquelle l’incendie du Reichstag en 1933,
était l’œuvre d’un complot communiste. Rappelons que les nazis
prirent prétexte de cet incendie pour procéder à des
arrestations et à des exécutions en masse de communistes. (On
pense maintenant que le feu a en réalité été mis à titre
individuel par l’homme qui fut arrêté dans le bâtiment à
l’époque, le pyromane Martinus van der Lubbe). Münzenberg
réussit à convaincre une partie importante de l’opinion d’un
mensonge opposé à celui des nazis, c’est-à-dire que ceux-ci
avaient mis le feu eux-mêmes afin d’avoir un prétexte pour se
débarrasser de leurs principaux adversaires.
Le fait le plus significatif pour notre époque
est que Münzenberg comprit combien il est important d’influencer
les faiseurs d’opinion. Il avait essentiellement pour cible les
intellectuels, partant de l’idée qu’ils étaient faciles à
influencer en raison de leur grande vanité. Il avait notamment
des contacts avec un grand nombre de personnalités littéraires
des années 1930. Il en encouragea beaucoup à soutenir les
Républicains lors de la guerre civile espagnole et d’en faire
une cause célèbre de l’anti-fascisme communiste. La tactique de
Münzenberg revêt une grande importance dans la manipulation de
l’opinion en faveur du Nouvel ordre mondial aujourd’hui. Plus
que jamais, des « experts » apparaissent sur nos petits écrans
pour nous expliquer les événements et ils sont toujours des
véhicules de la ligne officielle du parti. On les contrôle de
différentes manières, généralement avec de l’argent ou par la flatterie.
Psychologie de la manipulation de
l’opinion
Il existe une série d’ouvrages qui mettent le
doigt sur un aspect un peu différent de la technique spécifique
mise au point par Münzenberg. Il concerne la manière d’amener
les gens à agir collectivement en recourant à des stimuli
psychologiques. Peut-être que le premier théoricien important en
fut le neveu de Freud, Edward Bernays, qui écrivait dans son
ouvrage Propaganda, paru en 1928, qu’il était tout à fait
naturel et justifié que les gouvernements façonnent l’opinion
publique à des fins politiques [3].
Le premier chapitre porte le titre révélateur suivant :
« Organiser le chaos ». Pour Bernays, la manipulation consciente
et intelligente des opinions et des habitudes des masses est un
élément important des sociétés démocratiques. Ceux qui
manipulent les mécanismes cachés de la société constituent un
gouvernement invisible qui représente le vrai pouvoir. Nous
sommes dirigés, nos esprits sont façonnés, nos goûts formés, nos
idées suggérées essentiellement par des hommes dont nous n’avons
jamais entendu parler. C’est la conséquence logique de la
manière dont notre société démocratique est organisée. Un grand
nombre d’êtres humains doivent coopérer afin de vivre ensemble
dans une société qui fonctionne bien. Dans presque tous les
actes de notre vie quotidienne, qu’il s’agisse de la sphère
politique, des affaires, de nos comportements sociaux ou de nos
conceptions éthiques, nous sommes dominés par un nombre
relativement réduit de personnes qui connaissent les processus
mentaux et les caractéristiques sociales des masses. Ce sont
elles qui contrôlent l’opinion.
Pour Bernays, très souvent les membres du
gouvernement invisible ne savent même pas qui en sont les autres
membres. La propagande est le seul moyen d’empêcher l’opinion
publique de sombrer dans le chaos. Bernays continua de
travailler sur le sujet après la guerre et a publié, en 1947,
The Engineering of Consent [4],
titre auquel Edward Herman et Noam Chomsky faisaient allusion
lorsqu’ils publièrent leur ouvrage majeur La fabrique du
consentement en 1988 [5].
Le rapport avec Freud est important parce que, comme nous allons
le voir, la psychologie est un outil capital pour influencer
l’opinion publique. Selon deux des auteurs ayant collaboré à
La fabrique du consentement, Doris E. Fleischmann et Howard
Walden Cutler écrivent que chaque chef politique doit faire
appel à des émotions humaines de base afin de manipuler
l’opinion. L’instinct de conservation, l’ambition, l’orgueil, la
faim, l’amour de la famille et des enfants, le patriotisme,
l’esprit d’imitation, le désir de commander, le goût du jeu
ainsi que d’autres besoins sont les matières brutes
psychologiques que chaque leader doit prendre en compte dans ses
efforts pour gagner l’opinion publique à ses idées. Pour
préserver leur confiance en eux, la plupart des gens ont besoin
d’être certains que tout ce qu’ils croient est vrai.
C’est ce que Münzenberg avait bien compris :
le besoin fondamental des hommes de croire ce qu’ils veulent
croire. Thomas Mann faisait allusion à ce phénomène quand il
attribua l’ascension d’Hitler au désir collectif du peuple
allemand de croire à un « conte de fées » dissimulant la laide
réalité.
À ce sujet, d’autres ouvrages méritant d’être
mentionnés concernent moins la propagande électronique moderne
que la psychologie des foules. Les classiques, ici, sont
Psychologie des foules de Gustave Le Bon (1895) [6],
Masse et puissance d’Elias Canetti (1960) [7]
et Le viol des foules par la propagande politique de
Serge Tchakhotine (1939) [8].
Tous ces livres font abondamment appel à la psychologie et à
l’anthropologie. Il y a également le magnifique ouvrage de
l’anthropologue René Girard dont les écrits sur la logique de
l’imitation (mimesis) et sur les actions violentes
collectives sont d’excellents outils pour comprendre pourquoi
l’opinion publique peut si facilement être amenée à soutenir la
guerre et d’autres formes de violence politique.
Technique de formation de l’opinion
Après la guerre, un grand nombre des
techniques mises au point par le communiste Münzenberg furent
adoptées par les États-uniens, comme le montre magnifiquement
l’excellent ouvrage de Frances Stonor Saunders Qui mène la
danse ? La CIA et la Guerre froide culturelle [9].
Saunders explique de manière extrêmement détaillée comment, au
début de la Guerre froide, les États-uniens et les Britanniques
commencèrent une importante opération clandestine destinée à
financer des intellectuels anti-communistes [10].
L’élément fondamental est qu’ils concentrèrent leur attention
sur des personnalités de gauche, surtout des trotskistes qui
n’avaient cessé de soutenir l’Union soviétique qu’en 1939
lorsque Staline signa le Pacte de non-agression avec Hitler et
qui avaient souvent travaillé auparavant pour Münzenberg. Un
grand nombre de ces personnes qui se situaient au point de
jonction entre le communisme et la CIA au début de la Guerre
froide sont devenus des néo-conservateurs de premier plan, en
particulier Irving Kristol, James Burnham, Sidney Hook et Lionel
Trilling [11].
Les origines gauchistes, voire trotskistes,
du néo-conservatisme sont connues, bien que je continue d’être
surpris par de nouveaux détails que je découvre, par exemple que
Lionel et Diana Trilling ont été mariés par un rabbin qui
considérait Felix Dzerjinski, fondateur de la police secrète
bolchévique (ancêtre du KGB) et pendant communiste de Himmler,
comme un modèle d’héroïsme. Ces origines gauchistes
entretiennent un rapport particulier avec les opérations
clandestines évoquées par Saunders car l’objectif de la CIA
était précisément d’influencer les opposants de gauche au
communisme, c’est-à-dire les trotskistes. L’idée de la CIA était
simplement que les anti-communistes de droite n’avaient pas
besoin d’être influencés et encore moins d’être payés. Saunders
cite Michael Warner lorsqu’elle écrit que pour la CIA, la
stratégie consistant à soutenir la gauche anticommuniste allait
devenir le fondement théorique des opérations politiques de la
CIA contre le communisme pendant les deux décennies suivantes.
La stratégie était décrite dans The Vital
Center : The Politics of Freedom d’Arthur Schlesinger
(1949) [12],
ouvrage qui constitue une des pierres angulaires de ce qui
devint plus tard le mouvement néoconservateur. Saunders écrit
que l’objectif consistant à soutenir des groupes gauchistes
n’était ni de détruire ni de dominer ces groupes mais plutôt de
maintenir une discrète proximité et de diriger leur pensée, de
leur procurer un moyen de se défouler et, à la limite, de
s’opposer à leurs actions au cas où ils deviendraient trop
« radicaux ». Les manières dont cette influence de gauche fut
ressentie furent nombreuses et variées. Les États-Unis étaient
décidés à donner d’eux-mêmes une image progressiste, en
contraste avec l’Union soviétique « réactionnaire ». Autrement
dit, ils voulaient faire exactement ce que faisaient les
Soviétiques. En musique, par exemple, Nicolas Nabokov (le cousin
de l’auteur de Lolita) était l’un des principaux agents du
Congrès pour la liberté de la Culture. En 1954, la CIA
finança un festival de musique à Rome au cours duquel l’amour
« autoritaire » de Staline pour des compositeurs comme
Rimski-Korsakov et Tchaïkovski fut « contré » par de la musique
moderne non orthodoxe inspirée du dodécaphonisme de Schoenberg.
Pour Nabokov, promouvoir une musique qui abolissait
manifestement les hiérarchies naturelles, c’était délivrer un
message politique clair. Un autre progressiste, le peintre
Jackson Pollock, ancien communiste, fut également soutenu par la
CIA. Ses barbouillages étaient censés représenter l’idéologie
américaine de la « liberté » opposée à l’autoritarisme de la
peinture du réalisme socialiste. (Cette alliance avec les
communistes a précédé la Guerre froide : le fresquiste
communiste mexicain Diego Rivera fut parrainé par Abby Aldrich
Rockefeller mais leur collaboration prit fin subitement lorsque
Rivera refusa de retirer un portrait de Lénine d’une scène de
foule peinte sur les murs du Rockefeller Center en 1933.)
Ce mélange entre la culture et la politique
fut encouragé explicitement par un organisme de la CIA qui avait
un nom très orwellien, le Bureau de stratégie psychologique. En
1956, il parraina une tournée européenne du Metropolitan Opera
dont l’objectif politique était d’encourager le
multiculturalisme. Son organisateur, Junkie Fleischmann,
déclara : « Nous, aux États-Unis, nous sommes un melting-pot et
par là nous prouvons que les peuples peuvent s’entendre
indépendamment des races, des couleurs de peau ou des
confessions. En utilisant le terme de « melting-pot » ou toute
autre expression accrocheuse, nous pourrions présenter le Met
comme un exemple de la manière dont les Européens immigrés
peuvent s’entendre aaux États-Unis et suggérer que, par
conséquent, une espèce de fédération européenne est tout à fait
possible. »
Soit dit en passant, c’est exactement
l’argument utilisé notamment par Ben Wattenberg qui, dans son
ouvrage The First Universal Nation, soutient que les
États-Unis possèdent un droit particulier à l’hégémonie mondiale
parce qu’elle réunit toutes les nations et races de la planète.
La même idée a été exprimée par Newt Gingrich et d’autres
néoconservateurs.
Parmi les autres sujets mis en avant,
certains sont au centre de la pensée néoconservatrice
d’aujourd’hui. Le premier d’entre eux est la croyance
authentiquement libérale à l’universalisme moral et politique.
Elle a été au centre de la philosophie de la politique étrangère
de George W. Bush. À de nombreuses occasions, il a déclaré que
les valeurs politiques sont les mêmes dans le monde entier et il
a utilisé cette affirmation pour justifier l’intervention
militaire en faveur de la « démocratie ». Au début des années
1950, Raymond Allen, directeur du PSB (le Bureau de stratégie
psychologique fut rapidement désigné uniquement par ses
initiales, sans doute afin de cacher son vrai nom) était déjà
parvenu à la conclusion suivante :
« Les principes et idéaux contenus dans la
Déclaration d’indépendance et la Constitution sont destinés à
être exportés et constituent le patrimoine des hommes partout
dans le monde. Nous devrions nous adresser aux besoins
fondamentaux de l’humanité qui, je crois, sont les mêmes pour
l’agriculteur du Texas que pour celui du Pendjab. »
Certes, il serait faux d’attribuer la
propagation des idées uniquement à la manipulation clandestine.
Elles s’inscrivent dans de vastes courants culturels dont les
causes sont multiples. Mais il ne fait pas de doute que la
domination de ces idées peut être considérablement facilitée par
des opérations clandestines, en particulier parce que les gens
des sociétés d’information de masse sont étonnamment
influençables. Non seulement, ils croient ce qu’ils lisent dans
les journaux mais ils s’imaginent qu’ils sont arrivés aux
conclusions par eux-mêmes. Par conséquent, l’astuce pour
manipuler l’opinion publique consiste à appliquer ce qui a été
théorisé par Bernays, mis en place par Münzenberg et élevé au
rang d’un grand art par la CIA. Selon l’agent de la CIA Donald
Jameson, en ce qui concerne les attitudes que l’Agence désirait
susciter par ses activités, il est évident qu’elle voulait
produire des gens qui étaient intimement persuadés que tout ce
que faisait le gouvernement était juste.
Autrement dit, ce que la CIA et d’autres
agences ont fait pendant cette période fut d’adopter la
stratégie que nous associons au marxiste italien Antonio Gramsci
qui affirmait que l’« hégémonie culturelle » était essentielle
pour la révolution socialiste.
Désinformation
Enfin, il existe une quantité énorme de textes
sur la technique de désinformation. J’ai déjà mentionné le fait
important, formulé à l’origine par Tchakhotine, que le rôle des
journalistes et des médias est fondamental pour s’assurer que la
propagande est constante. Il écrit que la propagande ne saurait
s’interrompre, formulant ainsi une des règles fondamentales de
la désinformation moderne qui est que le message doit être
répété très souvent pour passer. Avant tout, Tchakhotine dit que
les campagnes de propagande doivent être dirigées de manière
centralisée et très organisée, ce qui est devenu la norme à
l’ère de la « communication » politique moderne. Les membres
travaillistes du Parlement britannique, par exemple, ne peuvent
pas parler aux médias sans l’autorisation du Director for
Communications du 10, Downing Street.
Sefton Delmer était à la fois un praticien et
un théoricien de la black propaganda (désinformation). Il
créa une fausse station de radio qui, pendant la Seconde Guerre
mondiale, diffusait de la Grande-Bretagne vers l’Allemagne et
répandit le mythe qu’il y avait de bons Allemands patriotes qui
s’opposaient à Hitler. On maintint le mythe qu’il s’agissait en
réalité d’une station allemande clandestine et on la fit émettre
sur des fréquences proches de celles des stations officielles. Ce
genre de « black propaganda » fait maintenant partie de
l’arsenal de la « communication » gouvernementale états-unienne.
Le New York Times a révélé que le gouvernement faisait
des bulletins d’informations favorables à sa politique qui
étaient ensuite diffusés sur les chaînes ordinaires et présentés
comme s’ils émanaient de ces chaînes.
Il y a de nombreux autres auteurs qui ont
écrit sur le sujet et j’ai parlé de certains d’entre eux dans ma
chronique All News Is Lies mais peut-être que l’ouvrage
qui correspond le mieux au débat actuel est celui de Roger
Mucchielli, La Subversion, publié en français en 1971 et
qui montre que la désinformation, autrefois tactique auxiliaire
pendant la guerre, est devenue une tactique principale [13].
Selon lui, la stratégie s’est développée au point que l’objectif
est maintenant de conquérir un pays sans même l’attaquer
physiquement, en particulier en recourant à des agents d’influence
à l’intérieur. C’est essentiellement l’idée proposée et discutée
par Robert Kaplan dans son essai publié dans The Atlantic
Monthly en juillet/août 2003 et intitulé « Supremacy by
Stealth » [14].
Un des plus sinistres théoriciens du Nouvel ordre mondial et de
l’Empire américain, Robert Kaplan, défend explicitement
l’utilisation illégale et immorale de la force pour permettre
aux États-Unis de contrôler le monde entier. Son essai concerne
le recours aux opérations secrètes, à la force des armes, aux
coups tordus, à la désinformation, aux influences clandestines, à
la formation de l’opinion, voire aux assassinats politiques,
tous moyens relevant d’une « éthique païenne » et destinés à
assurer la domination US.
Un autre point à souligner à propos de
Mucchielli est qu’il fut un des premiers théoriciens du recours
à de fausses ONG ou « organisations de façade » pour provoquer
un changement politique interne dans un autre pays. Comme
Malaparte et Trotski, Mucchielli avait compris que ce n’étaient
pas des circonstances « objectives » qui faisaient le succès ou
l’échec d’une révolution mais la perception de ces circonstances
créée par la désinformation. Il avait également compris que les
révolutions historiques, qui se présentaient invariablement
comme le produit de mouvements de masse, étaient en réalité
l’œuvre d’un tout petit nombre de conspirateurs très bien
organisés. Comme Trotski, Mucchielli insistait sur le fait que
la majorité silencieuse devait être absolument exclue du
mécanisme de changement politique, précisément parce que les
coups d’État sont l’œuvre d’un petit nombre de personnes et non
de la masse.
L’opinion est le « forum » où l’on pratique
la subversion et Mucchielli montre les différentes manières
d’utiliser les mass médias pour créer une psychose collective.
Selon lui, les facteurs psychologiques sont extrêmement
importants à cet égard, particulièrement dans la poursuite de
stratégies importantes comme la démoralisation d’une société.
L’adversaire doit être amené à perdre confiance dans le
bien-fondé de sa cause et tous les efforts doivent être tentés
pour le convaincre que son adversaire est invincible.
Rôle des militaires
Avant d’aborder le présent, évoquons encore
une question d’ordre historique : le rôle des militaires dans la
conduite d’opérations secrètes et dans l’influence exercée sur le
changement politique. C’est une chose dont certains analystes
contemporains admettent volontiers l’existence aujourd’hui :
Kaplan approuve le fait que l’armée états-unienne soit utilisée
pour « promouvoir la démocratie ». Il se plaît à indiquer qu’un
coup de téléphone d’un général US est souvent un meilleur moyen
d’encourager un changement politique dans un pays du Tiers Monde
qu’un appel de l’ambassadeur des États-Unis. Il cite un officier
des Army Special Operations : « Quel que soit le président du
Kenya, c’est le même groupe de gars qui dirige les forces
spéciales et les gardes du corps du président. Nous les avons
entraînés. C’est ce qu’on appelle l’influence diplomatique. »
L’aspect historique du sujet a été récemment
étudié par un universitaire suisse, Daniele Ganser dans son
livre Les Armées secrètes de l’OTAN [15].
Il commence par mentionner le fait que, le 3 août 1990, Giulio
Andreotti, alors Premier ministre, a admis qu’il avait existé
une armée secrète dans son pays depuis la fin de la Seconde
Guerre mondiale connue sous le nom de Gladio, qu’elle avait été
créée par la CIA et le MI6 et qu’elle était coordonnée par une
section peu orthodoxe de l’OTAN.
Il confirmait ainsi une des rumeurs les plus
persistantes de l’Italie de l’après-guerre. De nombreuses
personnes dont des magistrats instructeurs avaient le sentiment
que Gladio ne faisait pas seulement partie d’un réseau d’armées
secrètes créées par les États-Unis en Europe occidentale pour
combattre une éventuelle occupation soviétique, mais également
que ces réseaux en étaient venus à influencer le résultat
d’élections, allant jusqu’à conclure de sinistres alliances avec
des organisations terroristes. L’Italie était une cible
particulière parce que le Parti communiste y était très
puissant.
À l’origine, cette armée secrète avait été
mise sur pied dans le but de se préparer à l’éventualité d’une
invasion, mais il semble qu’elle effectua bientôt des opérations
secrètes visant à influencer les processus politiques eux-mêmes,
en l’absence d’invasion. Il existe de nombreuses preuves que les
Étaats-uniens se sont ingérés massivement, en particulier dans
les élections italiennes, afin d’empêcher le Parti communiste
d’accéder au pouvoir. Des dizaines de milliards de dollars ont
été offerts aux chrétiens-démocrates pour cette raison.
Ganser va jusqu’à dire qu’on a la preuve que
des cellules Gladio ont organisé des attentats terroristes dans
le but de faire accuser les communistes et de pousser la
population épouvantée à réclamer des pouvoirs spéciaux pour
l’État destinés à les « protéger » du terrorisme. Ganser cite
l’homme accusé d’avoir posé une des bombes, Vincenzo Vinciguerra,
qui a bien expliqué la nature du réseau dont il était un simple
soldat. Cela faisait partie d’une stratégie visant à
« déstabiliser afin de stabiliser ».
On s’attaquait à des civils, à des femmes, à
des enfants, à des innocents, à des inconnus tout à fait
étrangers au jeu politique. La raison en était simple : il
s’agissait de contraindre le peuple italien à se tourner vers
l’État pour demander une plus grande sécurité. Telle est la
logique politique qui présidait à tous les massacres dont les
auteurs sont restés impunis parce que l’Etat ne pouvait pas se
déclarer coupable de ce qui était arrivé. Il existe un rapport
évident avec les théories du complot à propos du 11-Septembre.
Ganser présente toute une série de preuves selon lesquelles on a
agi là comme Gladio en Italie et ses arguments laissent penser
qu’il pourrait y avoir eu une alliance avec des groupes
d’extrême gauche comme les Brigades Rouges. Après tout, lorsque
Aldo Moro fut enlevé – il fut ensuite assassiné –, il se rendait
au Parlement pour y présenter un programme de coalition entre
les socialistes et les communistes, ce que les États-Unis
étaient précisément déterminés à empêcher.
Les tacticiens de la révolution
aujourd’hui
Les ouvrages historiques dont j’ai parlé nous
aident à comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Mes collègues
et moi-même du British Helsinki Human Rights Group avons pu
constater que les mêmes techniques sont utilisées aujourd’hui.
Les principales tactiques ont été
perfectionnées en Amérique latine dans les années 1970–80.
Beaucoup d’agents secrets spécialistes du changement de régime
de l’époque Reagan et Bush père ont exercé leur métier sans
problèmes dans l’ancien bloc soviétique sous Clinton et Bush fils.
Le général Noriega raconte dans ses mémoires que les deux agents
de la CIA et du département d’Etat envoyés pour négocier puis
pour provoquer sa chute du pouvoir à Panama en 1989 s’appelaient
William Walker et Michael Kozak. Or le premier réapparut au
Kosovo en janvier 1999 lorsque, en tant que chef de la Mission
de vérification, il supervisa la création du mensonge sur les
« atrocités » qui servit de prétexte à la guerre. Michael Kozak,
quant à lui, devint ambassadeur en Biélorussie où, en 2001, il
monta l’opération « Blanche cigogne » destinée à renverser le
président Alexandr Loukachenko. Dans un échange de lettres avec
The Guardian, en 2001, il eut le front de reconnaître
qu’il faisait en Biélorussie exactement ce qu’il avait fait au
Nicaragua et au Panama, c’est-à-dire « promouvoir la
démocratie » [16]
La technique moderne du coup d’Etat se
présente essentiellement sous trois formes : ONG, contrôle des
médias et agents secrets. Leurs activités sont interchangeables,
si bien que je ne les traiterai pas séparément.
Serbie, 2000
Le renversement de Slobodan Milosevic ne fut
manifestement pas la première fois où l’Occident utilisait des
influences clandestines pour provoquer un changement de régime.
Le renversement de Sali Berisha en Albanie en 1997 et celui de
Vladimir Meciar en Slovaquie en 1998 ont été fortement influencés
par l’Occident et dans le cas de Berisha, un soulèvement
extrêmement violent fut présenté comme un exemple bienvenu de
prise du pouvoir spontanée par le peuple. J’ai personnellement
observé comment la communauté internationale et en particulier
l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe), falsifièrent les résultats de leur contrôle des
élections afin d’assurer le changement politique. Cependant le
renversement de Milosevic à Belgrade, le 5 octobre 2000, est
important parce qu’il s’agissait d’une personnalité très connue
et que la « révolution » qui l’a destitué impliquait un usage
très ostentatoire du « pouvoir populaire ». Le contexte du
putsch contre Milosevic a été brillamment décrit par Tim
Marshall, journaliste à Sky TV. Ce qu’il montre est valable
parce qu’il approuve les événements qu’il évoque et qu’il se
vante de ses nombreux contacts avec les services secrets, en
particulier ceux de Grande-Bretagne et des États-Unis.
À tout instant, Marshall semble savoir qui
sont les principaux agents secrets. Son compte rendu est plein
de références à « un agent du MI6 de Pristina », à des « sources
des services secrets yougoslaves », à « un homme de la CIA qui a
aidé à préparer le coup d’État », à un agent des services
secrets de la marine américaine », etc. Il cite des rapports
secrets des renseignements serbes, il sait qui est le chef
d’état-major du ministre britannique de la Défense qui mit au
point la stratégie du renversement de Milosevic. Il sait que les
conversations téléphoniques du ministre des Affaires étrangères
britannique sont écoutées. Il sait qui sont les agents des
services secrets russes qui accompagnent Evgueni Primakov, le
Premier ministre russe, à Belgrade pendant les bombardements de
l’OTAN. Il sait dans quelles chambres de l’ambassade de
Grande-Bretagne il y a des micros et où sont les espions
yougoslaves qui écoutent les conversations des diplomates. Il
sait qu’un membre de la Commission des relations internationales
de la Chambre des représentants états-unienne est en réalité un
agent des services secrets de la marine. Il semble savoir que
des décisions des services secrets sont souvent prises sans
l’accord complet des ministres. Il décrit comment la CIA a
escorté la délégation de l’Armée de libération du Kosovo jusqu’à
Paris pour les entretiens de Rambouillet avant la guerre où
l’OTAN lança à la Yougoslavie un ultimatum dont elle savait
qu’il ne pouvait pas ne pas être rejeté. Il fait allusion à un
« journaliste britannique » qui a servi d’intermédiaire entre
Londres et Belgrade pour des négociations secrètes à un haut
niveau extrêmement importantes où les participants cherchèrent à
se trahir les uns les autres au moment où le pouvoir de
Milosevic s’effondrait. (Je le soupçonne de parler ici de
lui-même.)
Un des thèmes qui traversent son livre sans
qu’il le veuille est que la frontière entre les journalistes et
les barbouzes est ténue. Au début du livre, Marshall parle en
passant des « liens inévitables entre les agents, les
journalistes et les politiques », disant qu’ils « travaillent
tous dans le même domaine ». Il continue sur le ton de la
plaisanterie en disant que c’est une « association de barbouzes,
de journaleux et de politicards, plus le peuple » qui a causé la
chute de Milosevic. Il adhère au mythe de la participation du
« peuple » mais le reste de son livre montre qu’en réalité le
renversement du président yougoslave n’a pu avoir lieu que grâce
à des stratégies politiques conçues à Londres et à Washington.
Avant tout, Marshall fait bien comprendre
qu’en 1998, le département d’État et les services de
renseignements décidèrent d’utiliser l’Armée de libération du
Kosovo (ALK) pour se débarrasser de Milosevic. Il cite une
source selon laquelle « le projet des États-Unis était clair :
lorsque le moment serait venu, ils utiliseraient l’ALK pour
apporter la solution au problème politique », le « problème »
étant la survie politique de Milosevic. Cela voulait dire qu’on
soutenait le sécessionnisme terroriste de l’ALK pour mener
ensuite une guerre contre la Yougoslavie à ses côtés. Marshall
cite Karl Kirk, un agent des services secrets de la marine
états-unienne : « Finalement, nous avons engagé une vaste
opération à la fois ouverte et secrète contre Milosevic ». La
partie secrète de l’opération consistait non seulement à étoffer
les différentes missions d’observation envoyées au Kosovo
d’agents des services secrets britanniques et états-uniens, mais
également – et c’était crucial – d’apporter une aide militaire,
technique, financière, logistique et politique à l’ALK qui
faisait du trafic de drogue et d’êtres humains et assassinait des
civils. »
La stratégie commença à la fin de 1998
lorsqu’une « importante mission de la CIA fut mise en œuvre au
Kosovo ». Le président Milosevic avait autorisé la mission
d’observation diplomatique du Kosovo à entrer dans la province
pour y contrôler la situation. Ce groupe fut immédiatement
étoffé d’agents secrets et de forces spéciales britanniques et
états-uniens, d’hommes de la CIA et des services secrets de la
marine US, de membres du Special Air Service britannique et du
14th Intelligence, corps de l’armée britannique qui opère aux
côtés du SAS pour effectuer ce qu’on appelle de la « deep
surveillance ». Le but immédiat de l’opération était d’effectuer
de l’« intelligence preparation of battlefield » [méthode
d’analyse du terrain susceptible de devenir un champ de
bataille], version moderne de ce que le duc de Wellington avait
l’habitude de faire, c’est-à-dire de parcourir le champ de
bataille de long en large pour se rendre compte de la
configuration du terrain avant d’attaquer l’ennemi. Ainsi, comme
l’écrit Marshall, « officiellement la KDOM [Mission diplomatique
d’observation au Kosovo] était dirigée par l’OSCE en Europe et
officieusement par la CIA. C’était un front de la CIA. » En fait,
la plupart de ses membres travaillaient pour un autre front de
la CIA, la DynCorp, compagnie basée en Virginie qui emploie,
selon Marshall surtout des « membres des unités d’élite de
l’armée américaine ou de la CIA ». On utilisa la KDOM, qui
devint plus tard la Mission de vérification au Kosovo pour faire
de l’espionnage. Au lieu d’effectuer les tâches de contrôle qui
leur étaient assignées, les membres de la Mission utilisaient
leurs GPS pour localiser et identifier les cibles que l’OTAN
bombarderait plus tard. On a du mal à comprendre comment les
Yougoslaves ont pu permettre que 2000 agents des services
secrets parfaitement entraînés parcourent leur territoire,
d’autant que, comme le montre Marshall, ils savaient très bien
ce qui se passait.
Le chef de la Mission de vérification au
Kosovo était William Walker, l’homme qui avait eu pour mission
d’évincer Noriega du pouvoir au Panama et qui avait été
ambassadeur des États-Unis au Salvador dont le gouvernement,
soutenu par Washington, entretenait des escadrons de la mort.
Walker « découvrit » le « massacre » de Racak en janvier 1999,
événement utilisé comme prétexte pour engager le processus
conduisant aux bombardements qui commencèrent le 24 mars. De
nombreux témoignages laissent penser que Racak était une mise en
scène et que les corps trouvés là étaient ceux de combattants de
l’ALK et non de civils, comme on l’a prétendu. Ce qui est
certain, c’est que le rôle de Walker était si important que la
route nationale du Kosovo qui mène à Racak a reçu son nom.
Marshall écrit que la date de la guerre – printemps 1999 – n’a
pas seulement été décidée à la fin de décembre 1998, mais qu’elle
a été communiquée à ce moment-là à l’ALK. Cela signifie que
lorsque le « massacre » a eu lieu et que Madeleine Albright
déclara que le printemps était précoce cette année-là, elle se
comportait comme Goebbels qui, apprenant la nouvelle de
l’incendie du Reichstag en 1933, aurait dit : « Quoi, déjà ? »
De toute façon, Marshall écrit que lorsque la
Mission fut retirée à la veille des bombardements de l’OTAN, les
agents de la CIA qui en faisaient partie remirent tous leurs
mobiles et leurs GPS à l’ALK. « Les Étaats-uniens entraînèrent
l’ALK, l’équipèrent en partie et lui donnèrent virtuellement un
territoire », écrit Marshall, même si lui, comme tous les autres
reporters, a contribué à propager le mythe des atrocités
commises systématiquement par les Serbes contre une population
civile albanaise totalement passive.
La guerre commença, bien sûr, et la
Yougoslavie fut violemment bombardée. Mais Milosevic restait au
pouvoir. Aussi Londres et Washington se mirent à pratiquer ce
que Marshall appelle une « guerre politique » pour le faire
partir. Cela consistait à donner d’importantes sommes d’argent
et d’apporter une aide technique, logistique et stratégique, y
compris des armes, à différents groupes de l’« opposition
démocratique » et à des ONG de Serbie. À ce moment-là, les
États-uniens opéraient principalement par le biais de
l’International Republican Institute [17]
qui avait ouvert des bureaux en Hongrie dans le but de se
débarrasser de Milosevic. Marshall explique qu’à l’une des
réunions, « on était tombé d’accord sur le fait que les
arguments idéologiques de démocratie, de droits civiques et
d’approche humanitaire seraient beaucoup plus convaincants s’ils
étaient accompagnés, le cas échéant, de beaucoup d’argent ». Cet
argent, et beaucoup d’autres choses, d’ailleurs, entrèrent en
Serbie par les valises diplomatiques, dans bien des cas celles
de pays apparemment neutres comme la Suède qui, n’étant pas
officiellement membre de l’OTAN, purent maintenir des ambassades
complètes à Belgrade. Marshall ajoute que l’argent entra pendant
des années. Des médias « indépendants », comme la station de
radio B92 (éditeur de Marshall) étaient financés en grande partie
par les États-Unis. Des organisations contrôlées par George
Soros [18]
jouèrent également un rôle essentiel, comme plus tard en
Géorgie, en 2003–04. Les « démocrates » n’étaient en réalité
rien d’autre que des agents étrangers, comme l’affirmait
impassiblement le gouvernement yougoslave à l’époque.
Marshall explique aussi une chose qui est
maintenant de notoriété publique, c’est-à-dire que ce sont
également les États-uniens qui ont conçu la stratégie consistant
à mettre en avant un candidat, Vojislav Kostunica, pour unifier
l’opposition. Il présentait le principal atout d’être inconnu du
grand public. Marshall montre que la stratégie impliquait aussi
un coup d’État soigneusement préparé et qui eut lieu comme
prévu. Il montre de manière très détaillée comment les
principaux acteurs de ce qui fut présenté par les télévisions
occidentales comme un soulèvement « populaire » spontané étaient
en réalité une bande de voyous extrêmement violents et
lourdement armés commandés par le maire de la ville de Cacak,
Velimir Illic. C’est le convoi d’Illic long de 22 kilomètres qui
transporta « des armes, des paras et une équipe de kickboxeurs »
jusqu’au bâtiment du Parlement fédéral de Belgrade. Marshall
admet que les événements du 5 octobre 2000 « ressemblaient plus
à un coup d’État » qu’à la révolution populaire que présentaient
si naïvement les médias du monde entier.
Géorgie, 2003
Bien des tactiques appliquées à Belgrade
furent reprises ad nauseam en Géorgie en novembre 2003
pour renverser le président Edouard Chevardnadze [19].
Les mêmes allégations d’élections truquées furent faites et sans
cesse répétées. (En Géorgie, il s’agissait d’élections
législatives et en Yougoslavie de l’élection présidentielle.)
Les médias occidentaux reprirent sans se poser de questions ces
allégations qui avaient été formulées longtemps avant le
scrutin. Une guerre de propagande fut déclenchée contre les deux
présidents, dans le cas de Chevardnadze après une longue période
où on l’avait encensé comme un grand démocrate réformateur. Les
deux « révolutions » se produisirent après un similaire « assaut
contre le Parlement » transmis en direct par les télévisions.
Les deux transferts de pouvoirs furent négociés par le ministre
russe des Affaires étrangères Igor Ivanov qui prit l’avion pour
Belgrade puis pour Tbilissi afin d’organiser la chute des
présidents en exercice. Et, last but not least,
l’ambassadeur américain fut le même dans les deux cas : Richard
Miles.
Cependant, la similitude la plus manifeste
consiste dans l’utilisation d’un mouvement étudiant connu sous
le nom d’Otpor (Résistance) en Serbie et Kmara (C’est assez !)
en Géorgie [20].
Les deux mouvements avaient le même symbole, un poing serré noir
sur blanc. Les gens d’Otpor entraînèrent ceux de Kmara et tous
les deux furent soutenus par les États-Unis. Et les deux étaient
manifestement structurés selon des principes communistes,
associant l’apparence d’une structure diffuse de cellules
autonomes et la réalité d’une discipline léniniste fortement
centralisée.
Comme en Serbie, le rôle joué par les
opérations secrètes et l’argent états-uniens fut révélé, mais
seulement après les événements. Pendant ceux-ci, les télévisions
ne cessèrent de parler du soulèvement du « peuple » contre
Chevardnadze. Toutes les images contraires à ce mensonge
optimiste furent occultées, comme le fait que la « marche sur
Tbilissi » menée par Mikhail Saakachvili était partie de Gori,
la ville natale de Staline, au pied de la statue de l’ancien
tyran soviétique qui reste un héros pour beaucoup de Géorgiens.
Les médias ne s’inquiétèrent pas lorsque le nouveau président,
Saakachvili, fut confirmé dans ses fonctions par une élection qui
le gratifia d’un score stalinien de 96 %.
Ukraine, 2004
Dans le cas de l’Ukraine, on observe la même
combinaison d’activités des ONG financées par l’Occident, des
médias et des services secrets [21].
Les ONG ont joué un rôle énorme en délégitimant les élections
avant qu’elles aient lieu. On n’a cessé de parler de fraudes
généralisées. En d’autres termes, les manifestations de rues qui
ont eu lieu après le second tour, remporté par Ianoukovitch, se
fondaient sur des allégations qui circulaient avant le début du
second tour. La principale ONG responsable de ces accusations,
le Comité des électeurs d’Ukraine, n’a pas reçu un sou des
électeurs ukrainiens ; il a en revanche été généreusement financé
par les gouvernements occidentaux. Ses bureaux étaient ornés de
photos de Madeleine Albright et le National Democratic Institute
était un de ses principaux soutiens. Il ne cessait de faire de
la propagande anti-Ianoukovitch.
Pendant les événements eux-mêmes, j’ai pu
prouver certains des abus de cette propagande. Ils consistaient
principalement à répéter inlassablement que le gouvernement
pratiquait la fraude électorale, à dissimuler la fraude
pratiquée par l’opposition, à présenter Victor Iouchtchenko, un
des hommes les plus ennuyeux du monde, comme un politique
charismatique et de propager la thèse ridiculement
invraisemblable qu’il avait été délibérément empoisonné par ses
ennemis. (Aucune poursuite n’a été engagée jusqu’à présent.) On
trouvera le compte rendu le plus complet sur la propagande et
les fraudes dans le rapport « Ukraine’s
Clockwork Orange Revolution » du British Helsinki Human
Rights Group. Une explication intéressante du rôle joué par les
services secrets a été fournie dans le New York Times par
C. J. Chivers qui montre que le KGB ukrainien a travaillé depuis
le début pour Iouchtchenko, en collaboration avec les
États-uniens, bien entendu [22].
Parmi d’autres articles importants sur le sujet, mentionnons
celui de Jonathan Mowat intitulé « The New Gladio in Action ?
Ukrainian Postmodern Coup Completes Testing of New Template »,
qui montre en détail comment la doctrine militaire a été adaptée
pour provoquer un changement de régime et comment sont utilisés
divers instruments, de la psychologie aux faux sondages
d’opinion [23].
L’article de Mowat est particulièrement intéressant quand il
parle des théories de Peter Ackermann, l’auteur de Strategic
Nonviolent Conflict [24]
et d’un discours intitulé « Between Hard and Soft Power : The
Rise of Civilian-Based Struggle and Democratic Change » et
prononcé au département d’Etat en juin 2004 [25].
Mowat est également excellent en matière de psychologie des
foules et de son utilisation lors des putschs. Il attire
l’attention sur le rôle des « masses d’adolescents » et de
l’« hystérie des rebelles » et fait remonter l’origine de leur
utilisation à des fins politiques au Tavistock Institute dans les
années 1960. Cet Institut avait été créé par l’Armée britannique
en vue de la guerre psychologique après la Première Guerre
mondiale et parmi ses illustres étudiants on trouve David Owen,
ancien Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et Radovan
Karadic, ex-Président de la République serbe de Bosnie. Mowat
montre comment les idées formulées là par Fred Emery furent
reprises par un certain Howard Perlmutter, professeur
d’« architecture sociale » à la Wharton School et disciple
d’Emery pour qui « Rock video in Katmandu » était une image
appropriée pour évoquer la manière dont les États de culture
traditionnelle pouvaient être déstabilisés afin de créer
éventuellement une « civilisation globale ». Il ajoutait qu’une
telle transformation devait satisfaire à deux exigences :
« créer des réseaux internationaux d’organisations
internationales et locales » et « créer des événements
mondiaux » en « transformant un événement local en un événement
pouvant avoir des répercussions internationales immédiates grâce
aux médias.
Conclusion
Rien de ce que je viens d’évoquer ne relève
de théories du complot, il s’agit d’authentiques complots. Pour
les États-Unis, la promotion de la démocratie est un élément
important de sa stratégie générale de sécurité nationale.
D’importants secteurs du Département d’État, la CIA, des agences
paragouvernementales comme le National Endowment for Democracy
et des ONG financées par le Gouvernement, comme le Carnegie
Endowment for International Peace, qui a publié plusieurs
ouvrages sur la « promotion de la démocratie » ont tous un point
commun : ils impliquent l’ingérence, parfois violente, de
puissances occidentales, en particulier des États-Unis, dans la
politique d’autres États et cette ingérence est très souvent
utilisée pour encourager le changement de régime, objectif
révolutionnaire par excellence.
John Laughland
a été administrateur du
British
Helsinki Human Rights Group, association étudiant la
démocratie et le respect des Droits de l’homme dans les anciens
pays communistes, et membre de Sanders Research Associates. Il
est aujourd’hui directeur de recherches à l’Institut pour la
Démocratie et la Coopération.
[1]
Lors de la révolution du Cèdre, le Hezbollah formait une
majorité relative. Après le retrait des forces de paix syrienne,
le Hezbollah a constitué une vaste coalition incluant notamment
le Mouvement patriotique libre du général Michel Aoun. Cette
coalition est apparue majoritaire en nombre de voix lors des
élections législatives. Cependant, compte tenu du système
électoral qui privilégie les communautés sur les individus,
cette coalition populaire est minoritaire au Parlement. Ndlr.
[2]
Technique du coup d’État, par Curzio Malaparte. Première
édition Grasset 1931. Réédition en livre de poche, Grasset &
Fasquelle (200 !).
[3]
Propaganda par Edward L. Bernays, Horace Liveright (1928)
Téléchargeable. Version française :
Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie,
Zone (2007).
[4]
« The
Engineering of Consent », The Annals of the American
Academy of Political and Social Science, 1947, 250 p. 113.
Cet article a été reproduit dnas le recueil éponyme (The
engineering of consent, University of Oklahoma Press, 1955.
[5]
Manufacturing Consent : The Political Economy of the Mass
Media, par Edward S. Herman et Noam Chomsky, Pantheon Books
Inc (1988). Version française :
La fabrication du consentement : De la propagande médiatique en
démocratie, Agone, 2008.
[6]
Psychologie des foules, par Gustave Le Bon, 1895.
Téléchargeable.
[7]
Masse und Macht, par Elias Canetti, Fischer Taschenbuch
Vlg. Version française :
Masse et puissance, Gallimard, 986.
[8]
Le viol des foules par la propagande politique, par Serge
Tchakhotine, Gallimard, réédition en poche 1992.
[9]
Who Paid the Piper ? : CIA and the Cultural Cold War, par
Frances Stonor Saunders, Granta, 1999. Version française :
Qui mène la danse ? La CIA et la Guerre froide culturelle,
Denoël, 2003.
[10]
A propos du Congrès pour laa lioberté de laa Culture, on lira « Quand
la CIA finançait les intellectuels européens », par Denis
Boneau et « Quand
la CIA finançait les intellectuels italiens », par Federico
Roberti, Réseau Voltaire, 27 novembre 2003 et 5 septembre
2008.
[11]
« Les
New York Intellectuals et l’invention du néo-conservatisme »,
par Denis Boneau, Réseau Voltaire, 26 novembre 2004.
[12]
The vital center ; the politics of freedom, par Arthur
M. Schlesinger, Boston Houghton Mifflin Co, 1949.
[13]
La subversion, par Roger Muchielli, C.L.C ; Nouvelle ed.
revue et mise à jour edition, (1976)
[14]
« Supremacy
by Stealth », par Robert Kaplan, The Atlantic Monthly,
juillet/août 2003.
[15]
Les Armées secrètes de l’OTAN, par Daniele Ganser,
éditions Demi-lune (2007). Ce livre est
publié en feuilleton par le Réseau Voltaire.
[16]
« For
Nicaragua, read Belarus » par Mark Almond ; « Belarus and
the Balkans », lettre de Michael Kozak ; « Belarus
president tightens grip on a resentful people » et « Belarussian
foils dictator-buster... for now. Tested US foreign election
strategy fails against Lukashenko », par Ian Traynor, The
Guardian, 21 et 25 août, 10 et 14 septembre 2001.
[17]
IRI est une braanche de laa NED. Voir « La
NED, nébuleuse de l’ingérence "démocratique" », par Thierry
Meyssan, Réseau Voltaire, 22 janvier 2004.
[18]
« George
Soros, spéculateur et philanthrope », Réseau Voltaire,
115 janvier 2004.
[19]
« Les
dessous du coup d’État en Géorgie », par Paul Labarique,
Réseau Voltaire, 7 janvier 2004.
[20]
« L’Albert
Einstein Institution : la non-violence version CIA », par
Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 juin 2007.
[21]
« Washington
et Moscou se livrent bataille en Ukraine », par Emilia
Nazarenko et la rédaction ; et « Ukraine :
la rue contre le peuple », 1er et 29 novembre 2004.
[22]
« Back
Channels : A Crackdown Averted ; How Top Spies in Ukraine
Changed the Nation’s Path », par C. J. Chivers, The New
York Times, 17 janvier 2005.
[23]
« The
new Gladio in action ? Ukrainian postmodern coup completes
testing of new template », par Jonathan Mowat, Online
Journal, 19 mars 2005.
[24]
Strategic Nonviolent Conflict : The Dynamics of People Power in
the Twentieth Century, par Peter Ackerman et Christopher
Kruegler, préface de Thomas C. Schelling, Greenwood Press
(1993).
[25]
Presentation at the US State Department. Between Hard and
Soft Power : The Rise of Civilian-Based Struggle and Democratic
Change, par Peter Ackerman, 29 juin 2004.
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