Corse
Courant « modéré »
: du nationalisme au corsisme ?
Jean-Guy Talamoni
Jean-Guy
Talamoni
Lundi 28 mai 2012
Depuis plusieurs années,
Corsica Libera a proposé à l’autre
courant du mouvement national
l’élaboration d’un projet commun, ceci,
bien entendu, dans le respect de la
nécessaire diversité politique au sein
de la famille patriotique.
Aucune réponse n’a été
enregistrée pour l’heure.
Par ailleurs, le courant dit «
modéré » a marqué ces derniers temps un
recul de plus en plus net à l’égard des
fondamentaux de la lutte nationale.
On pourrait citer quelques
exemples…
- Le vote sur le siège de la
Chambre régionale de commerce : les élus
de Corsica Libera à l’Assemblée ont été
les seuls à se prononcer en faveur de
Corti, capitale historique de la Corse
qui a toujours eu la préférence du
mouvement national. L’un des leaders de
Femu a Corsica a d’ailleurs reconnu dans
son intervention que la candidature de
Corti avait du sens pour un
nationaliste, avant de voter pour…
Bastia !
- La question de la compagnie
maritime publique, dite « compagnie
régionale » : le courant « modéré » n’a
pas encore donné de position, alors que
le Conseil exécutif lui-même a commencé
à le faire !
- La proposition de citoyenneté
corse, que Corsica Libera a portée seule
durant la campagne électorale et les
Assises du foncier : les leaders «
modérés » ont attendu, pour l’évoquer
comme une possibilité, que Paul Giacobbi
le fasse lors de la clôture des Assises
!
Sans parler de questions
environnementales essentielles, comme le
projet du port de la Carbonite à Bastia
: le courant « modéré » n’a toujours pas
pris position à cet égard, alors qu’il
prétend s’emparer de la municipalité.
Pour ne contrarier personne, il a
intégré à l’équipe de campagne les
principaux défenseurs du projet et les
opposants les plus en vue au même projet
!
Sur tous ces sujets, on
applique scrupuleusement le conseil du
Cardinal de Retz, lequel estimait qu’«
on ne sort de l’ambiguïté qu’à son
détriment »…
L’objectif qui sous-tend ce
comportement est clair : se préparer à
saisir toutes les occasions, être
compatible avec la gauche, pour obtenir
le siège de député de Porti Vechju ;
être compatible avec la droite, dans la
perspective des élections municipales de
Bastia…
Il y a beaucoup plus grave :
afin de donner des gages à d’éventuels
futurs partenaires, on va jusqu’à
condamner ceux qui prennent tous les
risques pour défendre la Corse…
Alors, le nationalisme dans
tout ça ?
Sans mettre en doute la
sincérité des militants qui composent ce
courant « modéré », il est permis de se
demander comment il se démarque
aujourd’hui, au plan de idées, de celui,
par exemple, de Paul Giacobbi… Quelle
sont les différences entre le discours
de ce dernier et celui des leaders
modérés ? Ah oui, il y en a quelques
unes : le Président du Conseil exécutif
a une position plus claire sur la
Compagnie maritime et sur la
citoyenneté. Par ailleurs, il n’a pas
condamné les dernières opérations
militaires contre la dépossession
immobilière…
Nous ne nous faisons aucune
illusion sur l’éventuelle conversion de
Paul Giacobbi au nationalisme. Mais que
penser alors du courant « modéré », qui
s’éloigne de plus en plus ouvertement du
mouvement national pour rejoindre un
corsisme autrefois incarné par Philippe
Ceccaldi et Toussaint Luciani,
aujourd’hui par la gauche « autonomiste
» (Paul Giacobbi, Pierre Ghionga,
Vincent Carlotti…) et une partie de la
droite (le groupe de Jean-Martin
Mondoloni) ?
L’analyse que nous faisons ici
ne se veut aucunement polémique : nous
nous limitons à constater des faits.
Devant une évolution aussi
préoccupante, nous exhortons une fois de
plus le courant « modéré » à revenir
dans le champ du mouvement national, en
participant à un projet patriotique
commun.
L’« accession aux
responsabilités » – expression répétée
de façon obsessionnelle par certains
dirigeants – ne peut se faire au prix
d’un reniement de l’idée nationale. Le
capital de confiance que les Corses nous
ont offert en 2010 (36% du corps
électoral) ne doit pas être dévoyé.
La prise du pouvoir par le
mouvement patriotique est désormais
possible. Elle peut se faire avec
d’autre forces politiques mais à
condition que le centre de gravité de la
démarche demeure la nation.
Une approche qui laisserait les
idées au vestiaire, ou au magasin des
antiquités, ne peut être cautionnée.
Pour notre part, nous ne la
cautionnerons pas.
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