Face au malaise social et
économique qui frappe la population
israélienne elle-même et à la
résistance quotidienne du peuple
palestinien décidé à ne pas
capituler, cet Etat répond par une
fuite en avant lourde de menaces
internationales. Fuite en avant
marquée notamment par un matraquage
idéologique pour préparer l’opinion
à une guerre contre l’Iran.
Dans ce contexte, la riposte
citoyenne internationale continue de
se développer, essentiellement selon
sept axes :
- Le soutien aux mobilisations
politiques du peuple palestinien
pour sa libération, telle la
mobilisation pour la libération
des prisonniers politiques.
- Le soutien aux multiples
projets locaux sociaux,
économiques ou culturels qui
aident le peuple palestinien à
survivre dignement
- La poursuite des actions
pour briser le blocus de Gaza
- La solidarité avec les
anticolonialistes israéliens
- L’interpellation des
décideurs, aussi bien les
macro-décideurs internationaux
que des micro-décideurs locaux
- La tenue ou la participation
à des réunions à tous niveaux
pour expliquer la situation et
son importance internationale
- Le développement de la
campagne BDS (Boycott,
Désinvestissement, Sanctions
contre l’Etat d’Israël jusqu’à
ce qu’il se conforme au droit
international)
Ce septième axe est un
engagement majeur : il est
nécessaire pour mettre fin à
l’impunité d’Israël, qui est
l’obstacle principal à toute
possibilité d’une paix juste entre
Palestiniens et Israéliens.
Des milliers d’articles ont été
écrits sur le mouvement BDS, sur son
fondement (appel de la société
civile palestinienne) et sur son
essor, qu’il s’agisse du BDS
économique, culturel, académique ou
sportif. L’objectif de cet article
est d’afficher le triple enjeu de ce
mouvement : l’enjeu pour les droits
du peuple palestinien et de tous les
peuples à disposer d’eux-mêmes,
l’enjeu anti-guerre, et l’enjeu
antiraciste. La situation ici-même
en France permet que ce mouvement
BDS y devienne de plus en plus
populaire.
Les soulèvements dans les pays
arabes pour la démocratie et la
justice sont d’une actualité
politique très importante aussi. Ils
relèvent des situations internes
dans ces pays, mais une paix durable
au Proche-Orient ne sera pas
possible sans qu’une issue conforme
au droit international sanctionne la
guerre coloniale qu’Israël livre au
peuple palestinien.
1. BDS, LES DROITS
DU PEUPLE PALESTINIEN, ET DE TOUS
LES PEUPLES A DISPOSER D’EUX-MEMES
La reconnaissance des droits du
peuple palestinien, contre
l’occupation, contre le mur, pour le
droit au retour de réfugiés, contre
les discriminations que subissent
les Palestinien d’Israël, est la
base de BDS.
Lancé en 2005, la Campagne
internationale BDS n’a cessé de se
développer. Ceci pour plusieurs
raisons. D’abord parce que la cause
du peuple palestinien est devenue
une cause anticoloniale phare. D’une
part l’Etat d’Israël est le dernier
Etat émanant du monde occidental
poursuivant une si longue conquête
coloniale, et d’autre part la
persévérance du peuple palestinien à
résister suscite une admiration et
une solidarité accrues. Cette
admiration et cette solidarité sont
stimulées par les échanges que
permettent les moyens de
communication contemporains tels
qu’internet. La bataille pour les
droits du peuple palestinien est une
bataille contre la dérégulation du
droit international, contre le «
deux poids deux mesures », pour le
droit de tous les peuples à disposer
d’eux-mêmes.
L’impunité constante d’Israël, la
complicité et l’hypocrisie de ses
alliés, l’échec programmé des
accords d’Oslo, l’appel à l’aide
politique de la société civile
palestinienne, ne pouvaient plus
durer sans susciter un élan citoyen
international fort. Le BDS, à
l’image du boycott qui avait
contribué à mettre fin au régime
d’apartheid en Afrique du Sud, s’est
imposé.
Et dans ce contexte également, les
moyens tels qu’internet ont
contribué au développement du
mouvement, permettant ainsi la
circulation internationale des
informations, des vidéos des
actions, encourageant l’inventivité
et l’émulation.
BDS a pris son essor en France à
partir de 2009, à l’issue des
massacres contre la population
gazaouie au cours de l’hiver
2008/2009. Ce mouvement s’est
confirmé, surmontant trois obstacles
qui étaient particuliers à la
situation française. La culture du
boycott éthique du consommateur, qui
était plus répandue dans les pays
anglo-saxons qu’ici, s’est enfin
propagée en France aussi. La
jeunesse, qui était inégalement
mobilisée au cours des périodes
précédentes, a fait une irruption
marquée sur la scène de la
solidarité avec le peuple
palestinien. Et la pression
constante des milieux sionistes,
virulents en France et empressés
d’intenter des procès, n’a pas
découragé le mouvement, à présent
conforté par quatre jugements
déclarant que BDS n’est pas illégal.
La sympathie que recueille le
mouvement BDS s’est développée et de
plus en plus de gens sont prêts à y
contribuer à leur mesure, selon leur
situation spécifique. Il nous
appartient de mettre en œuvre les
médiations pour les mobiliser. BDS
s’articule aux préoccupations de la
société civile, aux valeurs que sont
le commerce équitable (refus de tout
commerce inéquitable), l’écologie
(refus des fruits et légumes des
colonies), l’éthique du consommateur
(refus de produits tels que le
gazéificateur Sodastream ou les
médicaments génériques TEVA), les
droits humains (engagement de
juristes), la culture (artistes pour
BDS). La mobilisation victorieuse
contre la société israélienne
Agrexco a été un bel exemple de la
possibilité et la nécessité de
rassembler pour BDS des gens issus
de divers milieux.
2. BDS ANTI-GUERRE
De nombreux mouvements
anti-guerre ont existé dans le monde
dont en France : par exemple contre
la guerre au Vietnam au cours des
années 1960/70 ou contre la guerre
en Iraq plus récemment.
Bien que ce ne soit pas son objet
premier, le mouvement BDS a une
portée anti-guerre considérable.
L’Etat d’Israël est le parfait
exemple d’un Etat qui conçoit la
guerre comme un moyen logique et
quasi naturel de résoudre ses
problèmes, comme si la recherche
d’une paix juste était un danger
plus grand que la guerre.
Israël a attaqué militairement
d’autres pays, par exemple le Liban,
et se tient toujours prêt à jouer au
Proche-Orient le rôle de gendarme au
service des puissances occidentales.
Son mépris pour les droits du peuple
palestinien a contribué à attiser de
nombreux conflits.
L’armée est l’un des principaux
piliers de la société israélienne.
Israël est un exportateur d’armes et
de matériel de répression très
performant. Cet Etat peut se
revendiquer auprès de ses
interlocuteurs d’avoir testé ce
matériel contre le peuple
palestinien.
Israël est toujours présent en bonne
place dans les salons de
présentation et de ventes
d’armements.
La France a acheté des drones
israéliens, qui pourraient être
utilisés pour surveiller les
banlieues populaires.
L’extension de la guerre est pour
Israël un exutoire face aux conflits
sociaux que finit toujours par
générer toute société fondée en
grande partie sur une économie de
guerre et sur les normes d’un
capitalisme ultralibéral. Elle est
un exutoire aussi pour se soustraire
aux récriminations visant sa
politique coloniale contre le peuple
palestinien. Le risque de guerre
contre le peuple iranien s’inscrit
dans ce contexte. Il est à
considérer très sérieusement, les
va-t-en guerre étant prêts à
pratiquer la politique du pire, et
notamment à utiliser des armes de
destructions massives.
Le peuple palestinien est le premier
à faire les frais d’une telle
politique. Et en même temps un
embrasement du Moyen-Orient aurait
par le jeu des alliances politiques
de graves répercussions sur une
grande partie du monde occidental,
des pays arabes et des pays
musulmans.
Pour toutes ces raisons, BDS est
donc aussi une politique
anti-guerre, qui concerne
directement de nombreux pays, dont
la France.
3. BDS ANTIRACISTE
La politique israélienne se fonde
sur des critères racistes
manifestes. Racisme anti-palestinien
d’abord, qui est inscrit dans la
politique coloniale et d’apartheid
contre le peuple palestinien. Il ne
s’agit pas simplement d’un racisme
de guerre, mais du droit exclusif de
la population juive de décider de
l’avenir des habitants de la
Palestine historique, droit décliné
dans les nombreuses dispositions
répressives visant les Palestiniens
de Cisjordanie et de Gaza et les
Palestiniens d’Israël.
Le racisme vise aussi les « Arabes
». Il est à noter que les
Palestiniens d’Israël ne sont pas
qualifiés de Palestiniens mais
d’Arabes, alors que les Juifs arabes
ne sont pas officiellement
considérés comme « arabes » mais
comme des « Juifs orientaux »Il vise
également les musulmans.
Toute cette panoplie raciste est une
expression de l’idéologie du « choc
des civilisations », stimulée
particulièrement depuis la période
ouverte par la destruction du World
Trade Center le 11 septembre 2001.
Cette idéologie se base sur une
prétendue supériorité de la
civilisation occidentale face à un
monde arabe et musulman présenté
comme sous-civilisé, et ayant
vocation à abriter de nombreux
terroristes …
Rajoutons que la société juive
israélienne est elle-même structurée
selon des critères racistes, les
Juifs sépharades étant
culturellement et encore souvent
matériellement discriminés par
rapport aux Juifs ashkenazes, et les
Juifs falashas étant relégués aux
bas de l’échelle sociale.
Et pour compléter ce tableau,
n’oublions pas les violences
racistes contre les migrants
africains.
L’idéologie qui inspire tout ce
fonctionnement raciste est largement
promue par les défenseurs de la
politique israélienne dans le monde
occidental, et en particulier en
France.
Le racisme de la politique
israélienne, et ici l’islamophobie,
les racismes anti-arabe, anti «
jeunes issus de l’immigration »,
anti « sans-papiers issus du
Tiers-Monde », etc, procèdent de la
même mentalité qui instaure une
supériorité de l’homme blanc
occidental. L’Etat d’Israël n’est
certes pas le seul auteur de cette
idéologie, mais il apparait comme un
modèle, un rempart contre les
prétendus « barbares » de notre
époque, une avant-garde qui suscite
l’adhésion de divers courants
politiques, notamment
d’extrême-droite.
La mobilisation pour BDS a donc
une forte portée antiraciste, à la
fois pour « là-bas » et pour ici.
En conclusion.
La campagne BDS se développera
d’autant plus que nous saurons
convaincre les gens que nous
sensibilisons qu’en se mobilisant
pour BDS ils se mobilisent en même
temps pour leur propre avenir.
C’est pourquoi une pratique
attentive des trois volets de BDS
peut permettre d’élargir de plus en
plus le mouvement, de le rendre plus
interne à la société française,
d’attirer de plus en plus de gens
issus de divers milieux.
Paris, fin août 2012
Jean-Guy Greilsamer,
militant UJFP et de la Campagne BDS