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Dissidentvoice
Les Maîtres de la Défaite : un Empire américain en déconfiture,
au milieu de force fracas belliqueux
James Petras
La Maison Blanche
on Dissidentvoice, 13 septembre 2008
http://www.dissidentvoice.org/2008/09/masters-of-defeat-retreating-empire-and-bellicose-bluster/
« Washington en est réduit à regarder d’autres puissances
modifier le réel »
Financial Times, 25 août 2008
Où que l’on porte son regard, la politique impériale des
Etats-Unis subit des défaites militaires et diplomatiques de
grande ampleur. Avec le soutien du Congrès Démocrate des
Etats-Unis, la poursuite par une Maison-Blanche républicaine
d’une approche militaire du meccano de l’Empire a conduit à un
déclin d’ampleur mondiale de l’influence américaine, au
réalignement d’anciens régimes-clients sur des adversaires de
l’Empire (américain), à l’émergence d’hégémons concurrents et à
la perte de sources vitales de matières premières stratégiques.
Les défaites et les pertes n’ont (pourtant) en rien douché
l’enthousiasme des stratèges, ni mis un terme à une frénésie
d’édification d’un empire.
Au contraire : tant la Maison-Blanche que les membres actuels du
Congrès ont adopté un durcissement des positions militaires,
réitéré un style agressif de politique et une dépendance accrue
vis-à-vis de l’outremer, ainsi qu’une posture belliqueuse visant
à distraire le peuple américaine de la dégradation de ses
conditions de vie. Tandis que le coût économique et politique
d’entretien de l’Empire ne fait que s’accroître, tandis que le
gouvernement fédéral alloue des centaines de milliards de
dollars à un secteur financier mité par les crises et opère des
coupes de plusieurs dizaines de milliards dans les taxes sur les
profits des entreprises, afin d’essayer d’éviter les faillites
et la récession, c’est l’ensemble du fardeau économique qui est
supporté par les salariés, sous la forme d’un niveau de vie
déclinant, tandis que douze millions d’ouvriers immigrés sont en
butte à une sauvage répression de l’Etat.
Les échecs outre-mer et les crises à l’intérieur, toutefois,
n’ont abouti à l’apparition d’aucune alternative progressiste :
les bénéficiaires en sont les concurrents des Etats-Unis,
outre-océan, et l’élite américaine. Dans une large mesure, là où
des majorités de l’opinion publique ont exprimé un désir (voire,
ont réclamé à cor et à cris) des alternatives progressistes,
elles ont été rembarrées par des représentants politiques liés à
des idéologues militaristes et aux élites entrepreneuriales.
Paradoxalement, les défaites et le déclin du meccano d’empire
américain sous emprise militaire se sont accompagnés du reflux
des mouvements anti-guerre en Amérique du Nord et en Europe
occidentale, ainsi que du déclin vertigineux des partis et des
régimes politiques opposés à l’impérialisme US dans les
capitales de tous les pays capitalistes avancés. Autrement dit,
les défaites subies par l’Empire états-unien n’ont pas été
produites par la gauche occidentale, et elles n’ont par
conséquent produit aucun « dividende de la paix », ni même des
conditions de vie améliorées, pour les classes laborieuses ou
pour les paysans. Pour autant qu’elles aient bénéficié à
quelqu’un, c’est essentiellement à des pays aspirant depuis peu
à l’impérialisme économique, comme la Chine, la Russie ou
l’Inde, ou encore à de riches pays pétroliers du Moyen-Orient,
mais surtout parmi à un vaste ensemble de pays exportateurs de
ressources agro-minérales, comme le Brésil, l’Afrique du Sud et
l’Iran, qui se sont taillé de confortables « niches »
économiques dans leurs régions respectives.
La croissance et l’expansion outre-mer des nouveaux pays
bâtisseurs d’empire(s) économique(s), ainsi que leurs classes
dirigeantes agro-minéralo-financières (à la possible exception
du Venezuela) ont grandement bénéficié à une minuscule élite ne
comprenant jamais plus d’un cinquième de leur population
générale. Le déclin relatif de l’impérialisme militaire
états-unien et l’ascension de nouvelles puissances impérialistes
économiques ont redistribué la richesse et les parts de marché
entre pays, mais non pas entre classes, au sein des puissances
montantes. Si ce sont les spéculateurs
militaristes-sionistes-financiers qui dirigent l’Empire
américain, c’est, en revanche, les industriels nouveaux
milliardaires, les spéculateurs de l’immobilier et les
exportateurs de matières premières agro-minérales qui dirigent
les nouveaux empires économiques en cours d’émergence.
Relevons un deuxième paradoxe dans le fait que les forces
politiques qui sont en train de dézinguer l’empire américain
militaro-centré ne sont pas les mêmes que celles qui bénéficient
de la guerre…
Si les résistances irakienne et afghane ayant imposé un coût
s’élevant au minimum à trois milliards de dollars au Trésor
américain et cloué au sol plus de deux millions de militaires
américains en rotation dans ces contrées durant les six années
écoulées, ce sont les Chinois, les Indiens, les Russes, les
Européens, les classes dirigeantes et financières du pétrole du
Golfe qui ont récolté les bénéfices d’énormes dépenses
américaines improductives. Si les nouveaux bénéficiaires sur le
plan économique sont, dans une large mesure, laïcs,
impérialistes et élitistes, les forces politico-militaires qui
sont en train de saper et de battre l’Empire militaire américain
sont des forces religieuses (islamiques), nationalistes et
fondées sur l’adhésion des masses.
Les défaites actuelles du meccano de l’Empire militaire
américain ne sont pas le produit de mouvements occidentaux,
laïcs, de gauche, de masse. Elles ne se traduisent pas non plus
dans une société progressiste ou égalitaire.
Non : en lieu et place, nous assistons à des inégalités
économiques criantes se développant à très grande vitesse,
dictées par des classes dirigeantes qui font la promo de leurs
propres versions « nationales » des stratégies néolibérales à
base de liberté des marchés et de stratégies maximisant les
profits, à travers l’exploitation économique du travail, de
l’extraction jusqu’à l’épuisement des ressources naturelles et
du pillage de l’environnement. Tant que les mouvements de
masses, les intellectuels et les militants de l’Occident ne se
départiront pas de leur passivité et de leur allégeance aveugle
vis-à-vis des plus grands partis politiques existants, la
défaite du militarisme US restera un fardeau coûteux, assumé par
les masses du Tiers-Monde, tandis que les bénéfices afflueront
vers les nouveaux impérialistes économiques nouveaux
milliardaires, en pleine expansion.
Géographie des défaites et de la Berezina de l’Empire
Le Moyen-Orient : l’Irak et l’Iran
L’ascension du meccano d’Empire à direction militaire aux
Etats-Unis a, une fois de plus, mis en évidence son incapacité
absolue d’imposer un nouvel ordre impérial. Après six ans et
demi de guerre et d’occupation en Irak, les Etats-Unis ont subi
des pertes militaires effroyables et des pertes économiques
s’élevant à plus d’un demi-milliard de dollars sans avoir pu,
pour autant, s’assurer un quelconque gain, ni en matière
politique, ni en matière militaire, ni prosaïquement en termes
de ressources naturelles. Les pertes entraînées par la guerre
ont généré une opposition domestique à l’intervention militaire
américaine qui ne cesse de saper la capacité militaire actuelle
et future de l’Empire. Il n’est pas jusqu’au chef de pacotille
installé par les Etats-Unis à la tête de l’Irak, Al-Maliki qui
n’ait osé exiger une date ferme pour le retrait des Etats-Unis.
L’autre client des Etats-Unis, en Afghanistan, cette fois, le
président Kharzai, a réclamé un droit de regard accru sur les
opérations militaires américaines, qui ont tué des dizaines de
non-combattants et de civils, ne faisant, de ce fait,
qu’approfondir et étendre le soutien de la population afghane à
la résistance nationale, qui opère désormais absolument partout
en Afghanistan.
Pour ceux, aux Etats-Unis (et en particulier à « gôche ») qui
arguaient erronément du fait que l’invasion de l’Irak aurait été
« une guerre pour le pétrole » (et non ce qu’elle était en
réalité, à savoir une guerre visant à soutenir les ambitions
hégémoniques d’Israël), la signature par l’Irak d’un contrat de
fourniture de pétrole, pour un montant de 3 milliards de dollars
avec la China National Petroleum Corporation, fin août [1],
démontre le contraire, à moins que les tenants du « Pas de sang
pour du pétrole ! » soient prêts à revoir leur slogan, pour en
faire : « Non à une guerre américaine pour le pétrole
chinois ! »… Tout au long des six années consécutives à
l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, les compagnies
pétrolières américaines n’ont jusqu’ici jamais réussi à obtenir
le moindre marché pétrolier qui fût digne d’être mentionné.
Les 4 et 5 octobre, la Shell, une des plus grandes
multinationales pétrolières du monde, et OMV, une firme
énergétique australienne vont parrainer une conférence, à
Téhéran, sous les auspices de la National Iranian Gaz Export
Company, afin de promouvoir « les opportunités d’exportations de
gaz et les potentialités gazières de la République Islamique
d’Iran ». Cette conférence n’est qu’un exemple de plus du rôle
joué par les majors du pétrole, qui s’efforcent, par des moyens
pacifiques, de bâtir leurs holdings transocéaniques (l’ « empire
économique »). La plus importante opposition à cette initiative
« pétrole contre la paix » de la Shell Oil est venue du
principal promoteur judéo-sioniste de l’engagement américain
dans les guerres moyen-orientales pour les beaux yeux d’Israël,
j’ai nommé l’Anti-Defamation League, qui a fustigé « Big Oil »,
les « grossiums du pétrole »…
Selon ses deux principaux dirigeants, Glen Lewy et Abe Foxman,
« … ces deux firmes sont en train de sponsoriser une conférence
avec la compagnie d’Etat du principal pays encourageant le
terrorisme et grand violateur des droits humains devant
l’Eternel. Mais en sponsorisant comme elles le font une des
industries stratégiques de l’Iran – le gaz naturel -, OMV et
Shell portent atteinte aux efforts déployés par les Etats
responsables (sic) et par de nombreuses entreprises, afin
d’isoler l’Iran ».
Le conflit entre Shell/OMV et la principale organisation siono-juive
américaine met en évidence le conflit fondamental opposant le
meccano de l’Empire économique et celui de l’Empire militaire.
Le fait que Shell et OMV aient poursuivi leur préparation de la
conférence en Iran démontre que certains secteurs, tout au
moins, de l’industrie pétrolière, commencent, enfin, à défier la
mainmise des siono-militaristes sur la politique moyen-orientale
des Etats-Unis. Après avoir perdu des dizaines de milliards de
dollars en contrats pétroliers lucratifs, « grâce » aux
politiques dictées par les sionistes, les compagnies pétrolières
sont tout juste en train (enfin !) d’ébaucher de premiers pas en
direction de la formulation d’une nouvelle politique.
En poursuivant l’agenda israélo/siono-américain de guerres
séquentielles et de sanctions contre de riches pays pétroliers
musulmans, Washington a perdu l’accès, le contrôle et les
profits qui en découlent, à l’avantage de concurrents
économiques de taille mondiale, d’une une région
particulièrement stratégique.
Afrique
En Somalie, Washington a opté pour l’intervention militaire via le régime éthiopien dictatorial comparse de Meles Zenawi, afin
de soutenir le régime fantoche failli et pro-américain
d’Abdullah Yusuf. Après près de deux ans, l’Ethiopie et le
régime fantoche ne contrôlent qu’à grand-peine que deux pâtés de
maisons de la capitale Mogadishu, tandis que le reste du pays
est aux mains de la résistance somalie. D’après le Financial
Times [2], le régime éthiopien a « exprimé un désir de réduire,
voire de cesser, son engagement militaire en Somalie ». Le
vassal des Etats-Unis a été défait tant militairement que
politiquement, les Etats-Unis ont échoué à garantir un soutien
de l’Union Africaine à son occupation par délégation. Dans
l’ensemble de l’Afrique, la Chine, l’Union européenne, le Japon,
la Russie, ainsi (dans une moindre mesure) que l’Inde et le
Brésil ont, tous, réalisé de grandes percées vers la certitude
d’obtenir des joint ventures dans le pétrole, les matières premières, les marchés
d’exportation et des investissements de grande ampleur (et de
très long-terme, dans les infrastructures), tandis que les
Etats-Unis soutenaient des commandos séparatistes au Soudan et
finançaient le régime corrompu de Moubarak en Egypte, pour un
montant annuel de plus d’un milliard de dollars. Non seulement
l’empire américain a cédé le terrain, sur le plan économique, à
ses concurrents mondiaux, mais il a subi une défaite
militaro-diplomatique majeure en Somalie et il a très gravement
affaibli son vassal éthiopien, tant politiquement que
financièrement.
Asie du Sud
En Asie du Sud, le gouvernant fantoche stratégique des
Etats-Unis, le dictateur pakistanais Musharraf a été contraint à
la démission – et la coalition électorale, faible et divisée,
qui le remplace, n’a pas été capable d’être au niveau de soutien
militaire, diplomatique et informationnel qu’assurait Musharraf
à la guerre américaine en Afghanistan. La frontière
pakistano-afghane est virtuellement un territoire ouvert pour
des attaques transfrontalières, pour le recrutement et pour la
fourniture en armes des organisations résistantes afghanes. La
perte de Musharraf par l’Empire américain ne fait que saper
davantage les efforts des Etats-Unis visant à imposer leur
avant-poste en Afghanistan.
A travers de fréquentes attaques terrestres et aériennes contre
des régions pakistanaises frontalières de l’Afghanistan, la
« coalition » Etats-Unis-Otan a multiplié, approfondi et rendue
massive l’opposition civile, politique, et aussi l’opposition
armée et ce, dans l’ensemble du pays. La soi-disant « élection »
du vassal des Etats-Unis, ci-devant seigneur de la guerre et
malfrat Asif Ali Zadari, au poste de président du Pakistan, ne
contribuera pas, quoi qu’il en soit, à la récupération par les
Etats-Unis de leur influence, au-delà d’une élite politique
extrêmement restreinte et de cercles militaires extrêmement
limités. La recherche et l’extension de leur impérialisme
militaire de l’Afghanistan vers le Pakistan par les Etats-Unis
les a conduits à une défaite politique d’autant plus sévère dans
la population de la quasi-totalité de l’Asie du Sud.
Des généraux et des officiers supérieurs de l’Otan ont reconnu
que les ainsi dits « Taliban » ont réorganisé et étendu leur
influence dans l’ensemble de l’Afghanistan, qu’ils contrôlent
désormais la plupart des voies d’accès aux grandes villes et
qu’ils opèrent y compris autour et à l’intérieur de la capitale
Kaboul. Des bombardements et des frappes par missiles américains
répétés ont généré une opposition quasi-unanime envers le
gouverneur de pacotille Karzai. Les engagements de l’un comme de
l’autre candidat à la présidence américaine de renforcer
considérablement les forces d’occupation en Afghanistan dès
qu’il se sera installé aux manettes du pouvoir ne font que
prolonger la guerre et approfondir l’affaiblissement de l’empire
et économique, ainsi que ses fondations internes.
Le Caucase
La tentative de Washington d’étendre sa sphère d’influence au
Caucase, au moyen d’un larcin territorial par son vassal
géorgien autoritaire, le président Mikheil Saakashvili, a
abouti, en lieu et place, à une profonde défaite des ambitions
régionales de ce satrape régional. La sécession politique et
l’intégration à la Russie de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie
représentent la fin de l’expansion illimitée des Etats-Unis et
de l’Union européenne dans cette région du monde – ainsi qu’un
recul considérable de ce terrain contesté. L’aventurisme dément
de Saakashvili et la destruction de l’économie géorgienne qui en
a découlé ont provoqué
un désordre interne généralisé (en Géorgie).
Pire encore : la Géorgie, les Etats-Unis et ses clients
est-européens en appellent à des « sanctions » contre la Russie,
menacent de saper les pipelines stratégiques approvisionnant en
énergie l’Europe de l’Ouest, et de mettre un terme à la
collaboration de Moscou à la politique militaire des Etats-Unis
en Afghanistan, en Iran et au Moyen-Orient. Si Washington
poursuit son escalade dans ses menaces militaires et économiques
contre la Russie, celle-ci pourrait fournir à l’Iran, à la Syrie
et à d’autres ennemis des Etats-Unis de puissants missiles
anti-aériens ultramodernes de moyenne portée. Tout aussi grave :
la Russie peut très rapidement se débarrasser de 200 milliards
de dollars qu’elle détient sous la forme de bons du Trésor
américain, affaiblissant d’autant le dollar et initiant ainsi
une débandade mondiale de cette devise.
En Géorgie, comme ailleurs, le meccano de l’empire économique
américain accorde la priorité à des larcins faillis d’avance de
territoires par un pays vassal de troisième catégorie, au
détriment de relations stratégiques, économiques et militaires
fructueuses avec la principale puissance énergétique mondiale,
qui est aussi son collaborateur crucial dans ses opérations en
cours au Moyen-Orient. Tandis que les relations économiques des
Etats-Unis avec la Russie s’effritent, en conséquence de leur
politique militaire agressive d’encerclement de Moscou – avec
des bases militaires américaines en République tchèque, en
Pologne, en Géorgie, en Bulgarie, en Roumanie – les bâtisseurs
de l’Empire ouest-européen s’abstiennent de proférer des menaces
militaires, s’en tenant à une rhétorique virile et au
« dialogue », en vue de renforcer leurs relations énergétiques
stratégiques avec la Russie…
Moyen-Orient / monde arabe
Au Moyen-Orient, le soutien inconditionnel des Etats-Unis à
l’agression militaire israélienne au Liban, en Palestine et en
Syrie, ainsi que le soutien américain apporté à des vassaux
arabes faibles et ineptes, ont entraîné un déclin vertical de
l’influence américaine. Au Liban, depuis la défaite de
l’invasion israélienne de 2006, le Hezbollah gouverne
littéralement la moitié Sud du pays – et il détient un véto sur
le gouvernement libanais, ce qui revient à dire qu’il est en
mesure de renverser le gouvernement libanais actuel, vassal des
Américains.
A Gaza, les tentatives américaines et israéliennes de s’emparer
du pouvoir et d’évincer le Hamas,
via leur féal Abbas et
leur marionnette Dahlan, ont été déjouées et elles ont fait
long-feu, tandis que le mouvement indépendantiste nationaliste
palestinien, sous la direction du Hamas, a renforcé son pouvoir.
La velléité de Washington de recouvrer son influence et
d’améliorer son image de marque auprès des gouvernants
conservateurs et modérés en assurant la « médiation » d’un
accord de paix entre Israël et la ‘Palestine’, à Annapolis, en
novembre 2007, a été totalement foutue en l’air par la
répudiation effrontée et totale par Tel Aviv de toutes les
conditions fondamentales mises en avant par l’administration
Bush. Washington n’a strictement aucune influence sur
l’expansion coloniale sioniste. Au contraire, la politique
moyen-orientale des Etats-Unis est totalement soumise à l’Etat
israélien, à travers la Configuration du Pouvoir Sioniste et son
contrôle sur le Congrès, sur le choix des candidats à la
présidence, sur les mass médias et sur les principaux ‘think
tanks’ de la propagande.
Les sionistes ont apporté la démonstration du pouvoir qui est le
leur en édictant qui pouvait, et qui ne pouvait pas, ne
serait-ce que prendre la parole à la Convention Nationale
Démocrate, qui a connu – cerise sur le gâteau – une censure sans
aucun précédent à l’encontre du président James Carter en raison
de ses critiques humanitaires contre la politique israélienne à
l’encontre des Palestiniens. L’usurpation siono-israélienne de
la politique moyen-orientale des Etats-Unis a entraîné la perte
d’investissements, de marchés, de profits potentiels et de
partenariats stratégiques pour l’ensemble de l’industrie
multinationale du pétrole et du gaz. La fusion politique entre
militaristes impérialistes confrontés à la Russie, au prix de
relations économiques stratégiques et la poursuite par les
militaristes sionistes de l’hégémonie régionale israélienne ont
conduit à de multiples aventures militaires pitoyables et, ce,
au prix de pertes économiques mondiales terrifiantes.
Le monde occidental
La mise en œuvre de cette stratégie militariste, ainsi que le
déclin relatif de l’hégémonie économique ont conduit à des
défaites stratégiques et à des échecs, dans le monde occidental.
A la fin 2001, Washington défia et menaça de représailles le
président vénézuélien Chavez qui refusait de se soumettre à la
guerre de Bush contre « la terreur ». Chavez, à l’époque, fit
savoir à un représentant particulièrement hargneux des
Etats-Unis (Grossman) ceci : « Nous ne combattrons pas la
terreur au moyen de la terreur ! ». Moins de six mois après, en
avril 2003, Washington soutenait un coup d’Etat militaire
foireux contre Chavez et, entre décembre 2002 et février 2003,
un lockout économique (qui fit un flop total), à l’initiative
des patrons vénézuéliens.
L’échec de la stratégie militariste américaine a dévasté l’armée
et les clients de Washington au sein de la classe dirigeante
vénézuélienne, et il n’a fait que radicaliser davantage le
gouvernement Chavez. En conséquence, le dirigeant du Venezuela a
nationalisé le pétrole et le gaz, et il a développé des
relations stratégiques avec des pays en compétition, voire
totalement opposés à l’Empire américain, tels que Cuba, l’Iran,
la Chine et la Russie. En Amérique latine, le Venezuela a conclu
des accords économiques stratégiques avec l’Argentine, la
Bolivie, l’Equateur, Cuba et le Nicaragua. Tandis que Washington
déversait plus de 6 milliards de dollars d’aide militaire sur la
Colombie, le Venezuela signait des investissements pétroliers et
gaziers, ainsi que des accords commerciaux, avec la plupart des
pays d’Amérique centrale et de la Caraïbe, remettant
sérieusement en question l’influence de Washington dans ces
régions du monde.
Des prix des matières premières exorbitants, des marchés
asiatiques en plein boom, des taxes et des subventions
américaines inacceptables ont conduit à une relative
indépendance des régimes « capitalistes nationaux » de
l’Amérique latine, qui ont adopté le « néolibéralisme » sans les
contraintes du FMI et sans les diktats de Washington. Dans ces
circonstances, les Etats-Unis ont perdu le plus gros de leur
influence – mis à part les menaces militaires du régime
colombien – dont ils auraient besoin pour inciter l’Amérique
latine à isoler Chavez – voire même Cuba. C’est la stratégie
militaire adoptée par Washington qui est la cause de son propre
auto-isolement.
Les conséquences, outre-mer, de stratégies militaires condamnées
à l’échec
L’isolement américain en Amérique latine ne saurait être
solutionné, car la poursuite de l’Empire par Washington, via son
agression militaire incessante – dans le reste du monde, et en
particulier en Amérique latine – ne saurait rivaliser avec les
profits, la richesse, les opportunités d’investir et de faire du
commerce offerts aux classes dirigeantes d’Amérique latine par
les nouveaux marchés en Russie, au Moyen-Orient, en Asie, ainsi
que par le Venezuela, un pays riche, grâce à son pétrole.
La stratégie impériale militariste de Washington apparaît très
clairement dans sa politique duplice : mise en priorité de la
dépense de 6 milliards de dollars en aide à la répression
colombienne, tout en sacrifiant pour plus de 10 milliards de
dollars en échanges commerciaux, en investissements et profits
avec le riche pays pétrolier qu’est le Venezuela. Washington a
gaspillé plus de 500 milliards de dollars dans ses agressions
contre l’Afghanistan et l’Irak ; des milliards de dollars sont
consacrés aux préparatifs d’agression contre l’Iran ; plus de 3
milliards de dollars sont gaspillés annuellement au profit de la
soldatesque israélienne ; le tout, sans cesser un seul instant
de perdre des centaines de milliards de dollars de commerce et
d’investissements croisés avec l’Amérique latine.
L’aspect le plus frappant de cette contradiction historique
réside dans le fait que les dépenses militaires inhérentes à un
meccano d’empire centré sur l’armée ont échoué, y compris dans
leur objectif minimaliste d’acquisition de contrôle politique,
d’avant-postes militaires et de matières premières stratégiques
du point de vue militaire. Par contraste, les concurrents des
Etats-Unis sur le marché globalisé se sont assurés de l’accès à
(suivi du contrôle sur) les ressources naturelles stratégiques,
et ils ont signés de lucratifs accords de coopération politique
sans aucun engagement militaire coûteux…
Les conséquences intérieures d’un meccano d’empire à dominante
militaire
Le coût du meccano d’empire sous la houlette siono-militaire,
pour l’économie américaine, a été dévastateur : la compétitivité
a décliné, l’inflation ronge le niveau de vie, l’emploi en
contrepartie de salaires stables et décents est en train de
disparaître, le chômage et les licenciements suivent une courbe
asymptotique, le système financier est totalement déconnecté de
l’économie réelle, et il est sur le point de s’effondrer, les
saisies de maisons atteignent des niveaux catastrophiques et les
contribuables sont saignés à blanc afin de combler la dette des
spéculateurs gagée sur les prêts immobiliers, qui atteint le
millier de milliards de dollars. Le malaise politique est
général. Au milieu d’une crise d’ampleur mondiale, un Etat
policier a étendu son emprise : des milliers de travailleurs
migrants, légaux et sans papiers ont été arrêtés sur leurs
chantiers et dans leurs usines et détenus dans des camps
militaires, loin de leurs enfants. Des associations musulmanes
et des associations arabes font l’objet de perquisitions
violentes ; elles sont poursuivies en justice sur le témoignage
d’informateurs stipendiés, dont des « témoins » israéliens
dûment cagoulés.
La police fédérale (étatique, sur l’ensemble des Etats-Unis) et
la police locale (particulière à chaque Etat) pratiquent la
« détention préventive » de militants et de journalistes avant
les conventions en vue du choix des candidats à l’élection
présidentielle, arrêtant des protestataires avant qu’ils aient
pu exercer leurs droits constitutionnels et détruisant
systématiquement les caméras, les appareils photo et les films
réalisés par des citoyens essayant d’enregistrer les passages à
tabac. L’impérialisme militaire failli amène lentement mais
sûrement un Etat policier pléthorique – soutenu tant par les
démocrates que par les républicains – afin de tenter de faire
face à des crises économiques qui menacent les fondations
politiques et sociales d’un empire aux pieds d’argile.
Conclusion
La crise économique, à quelques semaines des élections
américaines, n’a pas abouti à l’émergence d’un candidat
alternatif progressiste qui fût susceptible de s’appuyer sur les
masses. Les compétiteurs, tant démocrate que républicain,
promettent de prolonger et d’étendre les guerres impérialistes,
et ils se soumettent à un dictat militaire israélo-sioniste sans
aucun précédent, en ce qui concerne le contentieux avec l’Iran.
Les crises gigognes et les multiples défaites militaires n’ont
entraîné aucune reprise en considération des engagements globaux
des Etats-Unis, tant économiques que militaires. En lieu et
place, nous assistons à une radicalisation de la droite
américaine, qui cherche à aggraver les confrontations avec la
Chine, avec la Russie et avec l’Iran. Les Etats-Unis entraînent
derrière eux les régimes qui leur sont liges en Europe
orientale, au Caucase et dans les pays baltes afin de contrer
l’accent mis par l’Europe occidentale sur la dominante
« économique » de son propre meccano d’empire.
La réalité, qui est celle d’un monde économique multipolaire,
toutefois, sape les efforts américains visant à imposer une
confrontation militaire bipolaire. La Chine détient 1,2 milliers
de milliards de dollars de la dette extérieure américaine.
L’Europe occidentale, de manière générale, dépend de la Russie
pour plus d’un tiers de son énergie, pour ses foyers, ses
bureaux et ses usines. L’Allemagne en dépend pour près de 60 %
en matière de gaz naturel. Les économies asiatiques : Japon,
Inde, Chine, Vietnam et Corée du Sud dépendent, toutes, du
pétrole du Moyen-Orient et en aucun cas elles ne dépendent des
projets guerriers des militaristes israélo-américains au
Moyen-Orient… Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique
du Sud, le Venezuela et l’Iran sont des pays absolument
essentiels pour le
fonctionnement de l’économie mondiale. Au moins autant que l’axe
Etats-Unis-Israël-Royaume-Uni est tout-à-fait incapable de
maintenir son empire sur les bases de stratégies militaires
foireuses à l’extérieur et d’un désastre économique accompagné
d’un état policier chez eux.
Traduit de l’anglais par Marcel
Charbonnier
[1] Financial Times, 28.08.2008
[2] 28.08.2008
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