Tunisie
Tunisie. Y a-t-il
des mains étrangères derrière les
salafistes ?
Jamel
Dridi
Photo:
Kapitalis
Mercredi 6 juin
2012
Des mains étrangères et tunisiennes
tirent les ficelles des pantins
salafistes. Le piège tendu à Ennahdha
risque de faire «tomber» toute
la Tunisie.
Par Jamel Dridi
Avant toute chose et pour en finir
avec les raccourcis intellectuels qui
avaient lieu sous Ben Ali et qui ont
lieu, aujourd’hui, dans certains pays ou
l’extrémisme laique est à la mode, la
majorité des salafistes sont
inoffensifs. Tous les salafistes ne sont
pas dangereux
Certes, on peut trouver leur pratique
religieuse rigide et trop littéraliste
mais tant qu’ils n’obligent pas autrui à
les mimer, cela reste leur vie privée.
La minorité salafiste qui pose problème
est celle qui souhaite imposer sa vision
de la société par la violence en
diminuant la liberté d’autrui. Et il
s’agit bien d’une minorité sans doute
d’ailleurs moins nombreuse que le nombre
de salafiste dans les banlieues
londoniennes.
Le piège
salafiste… tendu à Ennahdha
Mais là n’est pas le cœur du
problème. Car la vrai question est le
piège «salafiste» dans lequel
on veut faire tomber Ennadha.
D’un point de vue sécuritaire avant
tout. On veut tout à la fois montrer que
le gouvernement n’agit pas assez pour le
décrédibiliser et le pousser à la
confrontation précipitée afin qu’il
s’aliène une partie de sa base et meurt
dans un combat fratricide.
D’un point de vue économique: couplée
à une exagération médiatique qui agit
comme une extraordinaire caisse de
résonnance pour gonfler le problème, on
veut faire peur aux touristes et
investisseurs étrangers afin qu’ils ne
viennent plus en Tunisie.
D’un point de vue sociétal: l’élite
qui, pour une partie, vit plus en France
qu’en Tunisie, après une gifle
électorale de son favori politique,
recommence la même erreur précédant le
23 octobre 2011; non seulement, elle
ignore les vrais problèmes du peuple que
sont l’emploi, la santé et l’éducation,
mais elle développe un discours proche
des élites laicardes et islamophobes
françaises hostiles à l’islam politique.
Mais personne n’est dupe, en attaquant
les salafistes, cette élite ne vise qu’Ennahdha
car il véhicule une autre vision de la
société que la leur. Une société où le
musulman pourra enfin être respecté dans
ses choix.
C’est donc bien Ennahdha que l’on
veut abattre et avec lui l’islam
politique afin de le tuer, alors qu’elle
est encore bébé, toute possibilité de
renaissance d’un projet de société
reposant sur des valeurs musulmanes.
La sortie d’Ennahdha
ouvrira la porte de l’inconnu
Mais les détracteurs d’Ennahdha,
aveuglés par leur objectif de court
terme d’abattre cet acteur politique, ne
se posent pas la question de l’après.
Car oui que se passera-t-il après qu’Ennahda
soit «tombé»? Quel sera l’Etat
du pays. Alors qu’aujourd’hui, avec un
gouvernement, le pays tient bon gré mal
gré contre la tempête. Qu’est-ce qui se
passera si le gouvernement actuel
disparaît? Sans doute rien de moins que
le chaos auquel ces élites échapperont
grâce à leur visa ou carte d’identité
déjà prête pour passer les frontières.
Mais soyons optimistes et imaginons
qu’il n’y aura pas de chaos et que de
nouvelles élections auront lieu après
que le gouvernement de la troïka (lacolaition
tripartiteau pouvoir) s’effacera.
Imaginons que des partis «démocrates
et modernistes» arriveront au
pouvoir. Pourquoi alors Ennahdha et les
courants musulmans devraient-ils
respecter ceux qui sont au pouvoir et
qui ont tout fait pour allumer
constamment le feu tant dans la rue que
médiatiquement quand Ennahdha était au
pouvoir? Comment réagiront ces partis «démocrates»
quand des manifestants musulmans
sortiront par milliers dans la rue,
quand des sit in auront lieu dans toute
la Tunisie tous les jours? Les
accuseront-ils comme c’est à la mode
actuellement chez les extrémistes
laiques d’être des terroristes
islamistes, des intégristes dangereux,
des rétrogrades politiques qui
s’opposent à un pouvoir démocratiquement
élu? Les enverront-ils en prison comme
du temps de Ben Ali? Ce qu’Ennahdha
pourtant au pouvoir et possédant
l’autorité régalienne de la sécurité n’a
pas fait aujourd’hui même?
Vient maintenant la question
essentielle de ceux qui soutiennent
réellement les salafistes. On désolera
ici immédiatement les détracteurs d’Ennahdha
en disant que ce parti n’a aucun intérêt
à le faire. On notera qu’il est la
première victime politique de
l’activisme salafiste.
Qui sont les
marionnettistes des salafistes?
Question au demeurant simple mais qui
ne l’est pas. C’est là une véritable
équation à plusieurs inconnues. Il y a
l’inconnue interne à la Tunisie avec les
anciennes forces de la dictature qui
tirent les ficelles d’hordes de voyous
qui se sont laissés pousser la barbe
pour devenir de véritables faux
salafistes ou des salafistes de
circonstance. En interne aussi, y a-t-il
peut être le soutien tacite de ceux qui
sont allergiques à l’islam.
Mais il y a surtout l’inconnue
externe. Il y a tous les pays qui n’ont
pas accepté la révolution tunisienne.
Paradoxalement, pour des raisons parfois
diamétralement opposées mais qui les
rassemblent. Entre le pays occidental
qui perd de son champs d’influence
l’ancien pays qui lui obéissait au doigt
et à l’œil et la monarchie
archaïque
religieuse qui a peur de la contagion
révolutionnaire sur son territoire,
beaucoup de services secrets doivent
être à l’action pour manipuler les
jeunes jouets salafistes avec un même
but: déstabiliser Ennahdha et la
Tunisie.
Si dans dans ce grand jeu de guerre
et de déstabilisation secrète l’on
pouvait reprocher quelque chose à
Ennahdha, ce n’est pas son soutien au
salafisme mais c’est son temps de
réaction pour voir ce piège salafiste
que ses ennemis et ceux de la Tunisie
creusent, aujourd’hui, sous ses pieds.
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Publié le 6 juin 2012 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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