Opinion
Notre Cap de Bonne
Espérance
Israël Shamir
Israël
Shamir
Lundi 7 octobre 2013
Commençons par la bonne nouvelle:
l'hégémonie américaine, c'est fini. La
bête est maîtrisée. Nous avons passé le
Cap de Bonne Espérance, symboliquement
parlant, en septembre 2013. Avec la
crise syrienne, le monde à la croisée
des chemins a pris le bon virage.
C'était un moment aussi risqué que lors
de la crise des missiles à Cuba en 1962.
Il y avait de fortes chances de
déclencher la guerre totale, dans la
mesure où les volontés d'acier de
l'Amérique et de l'Eurasie s'étaient
mesurées en Méditerranée orientale. Il
nous faudra un certain temps avant de
percevoir la réalisation de ce à quoi
nous avons travaillé dans l'ombre, et
c'est normal pour des événements d'une
telle grandeur. Les turbulences aux USA,
depuis la folle course poursuite à
Washington jusqu'à la fermeture de
l'administration fédérale et la
possibilité du défaut de paiement, sont
les conséquences de ce moment historique
là.
Souvenons-nous de la chute du Mur de
Berlin. Quand il s'est effondré, je me
trouvais à Moscou, j'écrivais pour
Haaretz. Je m'étais rendu à une
conférence de presse avec des membres du
Politburo à l'hôtel Président, et je
leur avais demandé s'ils pensaient que
c'était la fin de l'URSS et du système
socialiste. On m'avait ri au nez, parce
que c'était une situation trop
embarrassante pour eux. Mais non,
disaient-ils en chœur. Le socialisme va
se mettre à fleurir, voilà ce que va
donner la chute du Mur. Deux ans plus
tard, il n'y avait plus d'URSS. Notre
mémoire voit tout cela en raccourci,
maintenant, comme une seule courte
séquence. Or cela avait pris un certain
temps.
Le point de tension culminant, en ce
mois de septembre 013, ce fut la vision,
sous le soleil de midi, des cinq
destroyers US face aux rivages du
Levant, pointant leurs Tomahawks sur
Damas, et, leur faisant face, la flotte
russe composée de onze navires avec en
tête le Moskva, croiseur tueur chargé de
missiles, renforcés par des bateaux de
guerre chinois. Apparemment, deux
missiles ont bel et bien été lancés vers
la côte syrienne, et tous deux ont
échoué à atteindre leur cible.
Un quotidien libanais citant des sources
diplomatiques a prétendu que les
missiles étaient partis d'une base de
l'OTAN en Espagne et s'étaient vus
abattus par le système russe de défense
air-air, à partir d'un navire. Une autre
explication proposée par Asia Times
mentionne un détournement par les
Russes, avec leurs GPS puissants et bon
marché, qui auraient rendu inutilisables
les Tomahawks sophistiqués et chers, en
les égarant et en les faisant chuter. Il
y a encore une autre version, qui
attribue le lancement aux Israéliens,
soit qu'ils aient tenté de provoquer le
déclenchement des hostilités, soit
qu'ils se soient contentés d'observer
les nuages, comme ils le prétendent.
Quoi qu'il en soit, après cet étrange
incident, la pétarade n'a pas commencé,
parce que le président Obama a gardé son
sang-froid et rengainé son colt. Cela
fut précédé par un vote inattendu au
parlement britannique. Ce corps
vénérable a décliné l'honneur de se
joindre à l'attaque proposée par les US.
Pour la première fois depuis deux cents
ans, le parlement britannique a refusé
une offre bien réelle de prendre
l'initiative d'une guerre; d'habitude,
ils ne résistent pas à la tentation.
Puis le président Obama a décidé de
refiler la patate chaude au congrès. Il
n'avait pas envie d'être celui qui
déclencherait l'Armageddon. A partir de
là, c'était trop tard. Le Congrès ne
voulait pas entrer en guerre, une guerre
aux conséquences imprévisibles. Obama a
essayé de froncer les sourcils devant
Poutine lors du G20 à Saint Pétersbourg,
mais cela n'a pas marché. La proposition
russe d'en finir avec les armes
chimiques de la Syrie permettait au
président Obama de sauver la face. Cette
mésaventure a réglé leur compte à
l'hégémonie, à la suprématie et à
l'exceptionnalisme américains. Fini, le
"destin manifeste" des USA. Nous l'avons
tous appris des productions
hollywoodiennes: le héros ne saurait
faire profil bas: viser et tirer, c'est
tout ce qu'il peut faire. S'il rengaine,
ce n'est plus un héros, c'est un capon.
Après quoi, tout s'est accéléré. Le
président US a eu un entretien avec le
nouveau président iranien, ce qui ne
pouvait que peiner Tel Aviv. Les
rebelles de l'Armée syrienne libre ont
décidé de discuter avec Assad au bout de
deux ans de harcèlement, et leur
délégation est arrivée sans encombre à
Damas, laissant les extrémistes
islamistes le bec dans l'eau. Le Qatar,
leur grand soutien, s'écroule à tous les
étages. Ce qui se passe maintenant au
niveau de l'administration fédérale
donne aux citoyens US de vrais soucis
pour des enjeux bien réels. Avec la fin
de l'hégémonie US, les jours du dollar
comme monnaie de réserve mondiale sont
comptés.
La Troisième Guerre mondiale a failli
avoir lieu, comme le souhaitaient les
banksters. Ils ont trop de dettes, sans
compter la dette extérieure monstrueuse
des USA. Si les Tomahawks avaient fait
mouche, les auraient crié "c'est un cas
de force majeure!" et en auraient
profité pour effacer la dette. Des
millions de gens auraient péri, mais des
milliards de dollars seraient sains et
saufs dans les caves de JP Morgan et de
Goldman Sachs. En septembre, le monde a
su bifurquer et se tirer de leurs
griffes parce que le président Obama a
refusé de faire le jeu des banksters. Il
se pourrait qu'il l'ait bien mérité, son
prix Nobel de la paix, après tout.
Le futur proche s'annonce turbulent mais
il n'y a plus d'issue fatale. Les US
vont perdre leurs droits à tirer leurs
revenus de la planche à billets. Le
dollar US cessera de servir de monnaie
de réserve au monde entier, mais restera
la monnaie de l'Amérique du nord.
D'autres parties du monde vont faire
appel à leurs euros, yens, roubles,
bolivars ou dinars. Le budget de la
défense US retrouvera des proportions
normales, et la fermeture de bases à
l'étranger ainsi que la réduction des
armements permettra à la population US
de réussir la transition sans trop
écoper. Personne n'a envie courir
derrière l'Amérique; le monde en a juste
assez de leurs chevauchées revolver au
poing. Les US vont devoir trouver de
nouveaux emplois pour tous ces
banquiers, gardiens de prison, soldats,
sans oublier un certain nombre de
politiciens.
Comme j'étais à Moscou pendant la crise,
j'ai observé ces événements tels que les
ont ressenti les Russes. Poutine et la
Russie ont été soumis à des pressions
sans relâche, depuis un certain temps:
* Les US ont soutenu et financé
l'opposition libérale russe et
nationaliste; les élections ont été
présentées comme une immense fraude, en
bloc, le gouvernement russe en a perdu
une partie de sa légitimité.
* L'Acte Magnitsky au Congrès a permis
aux autorités US de confisquer les biens
de tous les Russes et d'arrêter tous
ceux dont ils subodorent qu'ils
pourraient mal agir, et sans qu'ils
puissent recourir à la justice.
* Certains fonds russes ont été saisis à
Chypre, où les banques avaient de gross
soucis.
* Les US ont encouragé les Pussy Riots,
les gay parades et autres à Moscou, dans
le but de faire passer Poutine pour un
dictateur, un ennemi des libertés et un
homophobe, dans les media occidentaux et
dans les media russes, tenus par
l'oligarchie.
*Le soutien de la Russie à la Syrie a
été critiqué, ridiculisé et présenté
comme un acte brutal de déni d'humanité.
Au même moment, les magnats de la presse
occidentale affirmaient que la Russie
finirait par laisser tomber la Syrie.
Comme je l'ai écrit il y a déjà
longtemps, la Russie n'avait pas
l'intention de lâcher la Syrie, pour un
certain nombre de bonnes raisons: les
chrétiens orthodoxes syriens mettent
leur confiance dans la Russie, et
géopolitiquement parlant, la guerre se
rapprochait trop des frontières russes.
Mais la raison principale, c'est que les
Russes en avaient assez que l'Amérique
leur tienne la dragée haute. Les Russes
considéraient que des décisions aussi
importantes devaient être prises par la
communauté internationale, plus
précisément par le Conseil de Sécurité
de l'ONU. Ils n'appréciaient nullement
le rôle d'arbitre mondial que se donnait
l'Amérique.
Dans les années 1990, la Russie était
très affaiblie, et ne pouvait guère
manifester son opposition, mais ils
n'avaient pas apprécié le bombardement
de la Yougoslavie et l'avancée des
troupes de l'OTAN vers l'est, en
violation de la promesse donnée par les
US à Gorbatchev. La tragédie libyenne a
rajouté à l'indignation. Ce malheureux
pays s'est vu bombardé par l'OTAN, et
s'en est trouvé désintégré. D'État le
plus prospère de l'Afrique, la Libye est
passée au rang des plus misérables. La
présence russe en Libye était des plus
limitées, mais la Russie y a quand même
perdu quelques investissements. La
Russie s'était abstenue de voter lors du
vote sur la Libye parce que c'était la
position du président Dimitri Medvedev
qui croyait au partenariat possible avec
l'Occident. Mais Poutine n'était
absolument pas prêt à livrer la Syrie au
même avenir.
La rébellion russe contre l'hégémonie US
a commencé en juin dernier, lorsque le
vol d'Aéroflot qui transportait Ed
Snowden a atterri à Moscou. Les
Américains ont appuyé sur tous les
boutons à leur portée pour le récupérer.
Tout le spectre de leurs agents s'est
déployé en Russie. Et très peu de voix,
parmi lesquelles celle de votre
serviteur, ont appelé la Russie à offrir
un refuge sûr à Snowden, mais ce sont
nos voix qui ont prévalu. Malgré les
pressions US, l'asile politique a été
garanti à Snowden.
Étape suivante, l'escalade syrienne. Je
ne veux pas entrer dans les détails des
attaques chimiques présumées. Du point
de vue russe, cela ne pouvait absolument
pas constituer une raison pour que les
US entrent en guerre en Syrie ni nulle
part ailleurs. En un sens, les Russes
ont restauré la loi des nations, à sa
place d'autrefois, sa place révérée. Le
monde est devenu plus sûr pour ses
habitants.
Rien de tout cela n'aurait pu se passer
sans le soutien de la Chine. Le géant
asiatique considère la Russie comme sa
grande sœur, et lui fait confiance pour
négocier adroitement avec le monde aux
yeux ronds. Les Chinois, avec leur style
placide et leur air de ne pas y toucher,
ont joué dans le camp de Poutine. Ils
ont fait passer Snowden jusqu'à Moscou.
Ils ont opposé leur veto aux projets
anti-syriens du Conseil de Sécurité, et
ont envoyé leurs navires de guerre en
Méditerranée. Voilà pourquoi Poutine a
tenu bon, pas seulement pour le compte
de la Russie, mais pour la masse entière
de l'Eurasie.
L'Église a soutenu les efforts de
Poutine: pas seulement l'église russe,
mais les catholiques et les orthodoxes
ensemble se sont élevés contre la
campagne yankee parce que les rebelles
soutenus par les USA massacraient les
chrétiens. Le pape a fait appel à
Poutine en tant que défenseur de
l'Église; les églises de Jérusalem et
d'Antioche ont fait de même. Et le pape
a quasiment menacé d'excommunication
Hollande, et la menace voilée a troublé
le président français. De sorte que
Poutine a bénéficié d'un double soutien:
celui des patriarches orthodoxes et
celui du pape: c'est un cas de
bénédiction double extrêmement rare.
Il y a eu bien des épisodes palpitants
dans la saga syrienne, de quoi remplir
des volumes.Ppar exemple la tentative
pour contraindre Poutine lors du G8 en
Irlande. Il devait y faire face au front
uni de l'Occident, mais il s'est
débrouillé pour en mettre quelques uns
de son côté, et a semé les graines du
doute dans le cœur des autres en leur
rappelant les hauts-faits des capitaines
anthropophages dans le camp des
rebelles.
La proposition d'éliminer les armes
chimiques syriennes a été introduite
adroitement; la résolution du conseil de
Sécurité bloquait la possibilité
d'attaquer la Syrie en se prévalant de
l'article 7. Miraculeusement, les Russes
ont gagné dans la surenchère grandiose.
Le risque était immense: la Syrie allait
se retrouver détruite comme comme la
Libye; une attaque israélo-américaine
sur l'Iran devenait inévitable; la
chrétienté orientale perdait son
berceau; l'Europe se voyait envahie de
millions de réfugiés supplémentaires; la
Russie aurait prouvé qu'elle ne comptait
pas, que sa parole était du vent,
qu'elle pesait à peu près autant que la
Bolivie, dont on peut se permettre
d'arraisonner et de fouiller l'avion
présidentiel à tout bout de champ.
Incapable de défendre ses alliés,
incapable de tenir sa position, la
Russie se serait vu gratifier d'une
victoire morale, euphémisme pour la
défaite. Tout le travail accompli par
Poutine en treize ans aurait été à
vau-l'eau. La Russie serait revenue à
son statut de 1999, quand Clinton
bombardait Belgrade.
Le point culminant de la confrontation a
été atteint lors de l'échange entre
Obama et Poutine à propos de
l'exceptionnalisme. Aucun des deux
n'était débutant, d'ailleurs. Poutine
était estomaqué par l'hypocrisie et le
manque de sincérité d'Obama. Dans la
mesure où il est parti de très bas pour
arriver très haut, Poutine se complaît
dans son habileté à parler franchement
aux gens les plus divers. Et son franc
parler peut être d'une brutalité
choquante. Quand il s'est trouvé harcelé
par un journaliste français sur la
question des séparatistes tchétchènes,
il a répondu:
"les extrémistes musulmans (les
tafkiristes) sont les ennemis des
chrétiens, des athées et même des
musulmans parce qu'ils considèrent que
l'islam traditionnel est hostile aux
buts qu'eux-mêmes poursuivent. Et si tu
veux devenir un islamiste radical, et
que tu es prêt à te faire circoncire, je
t'invite à Moscou. Nous sommes un pays
multiconfessionnel, et nous avons des
experts pour te le faire. Et je leur
dirai de t'opérer de façon à ce que rien
ne risque de repousser!"
Autre exemple de son style aussi candide
que choquant, quand il a répondu à
Bridget Kendall, de la BBC, à Valdai.
Elle lui avait demandé: est-ce que la
menace des frappes militaires US joue un
rôle dans le fait que la Syrie accepte
de mettre ses armes sous contrôle?
A quoi Poutine a répliqué: c'est la
Syrie elle-même qui a développé son
armement chimique comme alternative à
l'arsenal nucléaire d'Israël. Il a
appelé au désarmement d'Israël et a
invoqué l'exemple de Mordechai Vanunu
comme exemple de savant israélien opposé
aux armes nucléaires (mon entretien avec
Vanunu venait d'être publié dans le
quotidien russe ;le plus important, avec
une certaine notoriété).
Poutine a essayé de parler franchement
avec Obama. Nous connaissons la teneur
de leur dialogue par un enregistrement
du dialogue entre Poutine et Netanyahu
qui a fuité. Poutine a interpellé
l'Américain et lui a dit: c'est quoi,
ton objectif en Syrie? Obama a répondu:
"ce qui m'inquiète, c'est que le régime
d'Assad ne respecte pas les droits
humains." Poutine a failli vomir devant
une telle hypocrisie, et il l'a compris
comme un refus de la part d'Obama de
discuter avec lui "les yeux dans les
yeux".
Au lendemain de la crise aigüe en Syrie,
Obama s'est adressé au monde entier, au
nom de l'exceptionnalisme américain. La
politique des USA est ce qui "fait la
différence de l'Amérique. C'est ce qui
nous rend exceptionnels", a-t-il dit.
Poutine a rétorqué: "c'est très
dangereux d'encourager les gens à se
voir comme des exceptions. Nous sommes
tous différents, mais lorsque nous
implorons la bénédiction divine, nous ne
devons pas oublier que Dieu nous a fait
égaux." Ce n'était pas seulement un
débat idéologique, mais théologique.
Comme je l'ai développé dans mon ouvrage
PARDES*, les US se sont construits
sur la théologie judaïque de
l'exceptionnalisme, du peuple élu. C'est
le pays de l'Ancien Testament. C'est là
une raison très profonde de l'alliance
spéciale entre Israël et les USA.
L'Europe traverse une étape d'apostasie
et de rejet du Christ, alors que la
Russie est profondément chrétienne. Ses
églises sont pleines, on se souhaite
Joyeux Noël et Joyeuses Pâques les uns
aux autres, il n'y a pas de morne
"saison". La Russie est un pays du
Nouveau Testament. Et le rejet de
l'exceptionnalisme, de la notion de
peuple élu, est le soubassement de la
chrétienté.
Voilà pourquoi, tandis que la communauté
juive aux USA voulait la guerre, a
condamné Assad et appelé à une
intervention US, la communauté juive de
Russie, assez nombreuse, riche et
influente, n'a pas soutenu les rebelles
syriens mais plutôt les efforts de
Poutine pour préserver la paix. De même
en Iran, où la riche communauté juive a
choisi elle aussi le Cap de Bonne
Espérance.
Il apparaît que les pays guidés par une
église solidement implantée sont
immunisés contre l'influence délétère
des lobbies; alors que les pays qui
n'ont pas d'institution comparable,
qu'il s'agisse des USA ou de la France,
cèdent aux pressions, et adoptent
l'interventionnisme illégal comme norme.
Tandis que l'hégémonie US décline, nous
voyons s'ouvrir un avenir bien
incertain. La puissance militaire
américaine, telle un Béhémot de légende,
peut encore provoquer ravages et
naufrages; et la bête blessée est la
plus dangereuse. Les Américains
devraient écouter la voix du sénateur
Ron Paul qui appelle à renoncer aux
bases à l'étranger, et à couper les
crédits militaires. Les normes de la loi
internationale et la souveraineté de
tous les États devraient être observées.
Le monde entier aimera à nouveau
l'Amérique quand elle cessera de nous
harceler avant de nous piétiner
lourdement. Ce n'est pas gagné, mais
nous avons su franchir le Cap, et
atteindre la Bonne Espérance.
*
http://plumenclume.org/home/10-pardes-une-etude-de-la-kabbale-.html
Intervention au Forum international de
Rhodes, le 5 octobre 2013.
Traduction: Maria Poumier
Le sommaire d'Israël Shamir
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