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Opinion

Le charme obscur du sionisme
Un dialogue entre Israel Shamir et Saam Amerat


Israel Shamir

On Shamireaders, 7 juillet 2010

Propos recueillis et mis en forme par Ken Freeland

« Israel Shamir, vos arguments ont dépassé leur date de péremption !... » ;

telle était la teneur principale d’une lettre que j’ai reçue d’un lecteur (vivant jusqu’ici en Grande-Bretagne).

Celui-ci, Saam Amerat, écrivait :

« Il fut un temps où les organisations racistes étaient antisionistes. A cette époque-là, les antisionistes tels que vous n’hésitaient pas à parler de la possibilité de travailler avec celles-ci. Même si cela équivalait à œuvrer contre les antinazis... Mais ce temps est désormais révolu : les sionistes ont rejoint les nazis et les nazis sont devenus sionistes.
Aujourd’hui, nous voyons des nazis défiler main dans la main avec les sionistes dans les rues de Londres : un drapeau israélien dans une main, ils font le salut nazi de l’autre.
Par conséquent, vos arguments sont périmés. Vous n’avez pas su vous mettre à jour ».
 

Shamir : De fait, Saam a raison (jusqu’à un certain point). La situation politique est en train de changer ; la nouveauté du jour, c’est le virage pro-sioniste de l’extrême droite européenne. Naguère, ils étaient contre les juifs et, donc, ils étaient aussi contre l’entreprise sioniste. Mais, aujourd’hui, ils ont découvert le charme obscur du sionisme. Les partis d’extrême-droite les plus puissants d’Europe ont adopté Israël ; ils ont ouvert leurs portes aux juifs et désormais ils ont un programme antimusulman et anti-immigration. L’antisionisme est tout simplement trop coûteux – les partis de droite antisionistes sont généralement qualifiés d’ « antisémites néonazis », ils se retrouvent dehors dans le froid, sans aucun accès aux médias, totalement délégitimés ; mais il leur suffit de soutenir Israël pour devenir totalement légitimes !

Ainsi, Gianfranco Fini (un des dirigeants du parti italien Alliance Nationale) a découvert cette solution miracle il y a bien longtemps. Fasciste ou pas, après sa visite en Israël et une photo en une des journaux à côté de Sharon, au mémorial de l’Holocauste, il est devenu cachère, et il a atteint les sommets.

Au Royaume-Uni, le British National Party (BNP)(l’équivalent britannique du Front National français, ndt) est devenu plus amical envers Israël. Le BNP compte quelques juifs et quelques sionistes dans ses instances de direction. Les antisionistes Martin Webster (un ancien dirigeant du National Front) et Robert Edwards (un dirigeant de l’aile gauche du mouvement nationaliste) ont beaucoup moins d’argent, d’accès aux médias et de soutien populaire.

En Suède, l’extrême-droite est divisée depuis pas mal de temps entre pro-sionistes et antisionistes. Aujourd’hui, quelques années après le schisme, les démocrates suédois pro-sionistes sont sur le point de faire leur entrée au parlement, les médias détenus par les juifs ayant cessé de les boycotter. Les nationaux démocrates antisionistes sont quant à eux peu nombreux, et totalement boycottés.

En France, Jean-Marie Le Pen a exercé une influence antisioniste obstinée, bien que des juifs occupassent parmi les plus hautes fonctions de son parti. Mais aujourd’hui, ce vieil homme est sur le départ et sa fille Marine (qui lui succèdera probablement) s’apprête vraisemblablement à changer son fusil d’épaule en adoptant un programme antimusulman et anti-immigration. Les juifs y veillent activement. Ainsi, un partisan de Marine Le Pen, Pierre Cassin, a organisé un pique-nique gratuit « vin et saucisson » à l’heure de l’une des prières musulmanes dans un quartier largement musulman de Paris, La Goutte d’Or (initiative en définitive interdite par le gouvernement) : il a été immédiatement invité à donner une conférence par le Bnei Brith (ou B’nai B’rith), l’organisation sioniste-maçonnique à l’origine de l’Anti-Defamation League.

En Hollande et au Danemark, c’est encore pire : dans ces deux pays, l’extrême-droite est exclusivement sioniste.

Saam Amerat : Je vous avais envoyé une réaction à votre article « Winnie the Pooh » consacré au thème Immigration et Race. Je pense que les sionistes ont remarqué que les immigrants dans les pays occidentaux étaient pro-palestiniens et non pas pro-sionistes, contrairement à ce qu’ils avaient prévu : c’est la raison pour laquelle les sionistes ont fini par changer d’optique…

Shamir : Cette question a dépassé, elle aussi, sa date de péremption, comme vous dites… Il fut un temps où seule l’extrême-droite, à savoir les nazis, étaient contre toute aide généreuse aux immigrants. Aujourd’hui, personne, en Europe, ne veut d’un afflux d’immigrants. La restriction de l’immigration ne fait plus partie de l’agenda de l’extrême-droite ; en revanche, elle figure dans l’agenda de tout parti, qu’il soit de droite ou de gauche, parce que c’est ce que veulent les gens…

Si l’immigration vers l’Europe a été encouragée, c’est parce que des humanistes, des trotskistes, des antifascistes, des féministes, des gays ou des marginaux de gauche ont insisté à l’encourager. Leurs rêves d’importer beaucoup d’immigrés, d’instituer le mariage gay, de faire bannir les églises… ont connu leur âge d’or uniquement parce que les riches et puissants capitalistes et banquiers voulaient supprimer tout pouvoir de la classe laborieuse, saper la solidarité, détruire l’Etat-providence en le sur-sollicitant. De riches juifs – qui sont, comme l’on sait, une composante importante et influente des gens riches – avaient un biais particulier, du fait qu’ils se sentaient plus à l’aise et moins visibles au sein d’une société hétérogène. De plus, ils nourrissaient une animosité indéniable à l’encontre de la foi chrétienne.

Aujourd’hui, nous assistons à un marasme de la production ; l’Europe n’a plus d’emplois à proposer à des immigrants, les ouvriers sont au chômage, l’Etat-providence est sur le point de s’effondrer et même les juifs ne sont plus tellement enthousiastes pour l’immigration, les immigrés n’étant pas du tout pro-juifs, contrairement à leurs espérances…

Si vous voulez ma position personnelle ; j’ai toujours pensé qu’une immigration massive était l’outil des riches dans leur guerre contre la société ; j’ai toujours perçu le fait que la droite dispose d’un argument puissant contre l’immigration de masse, et j’ai conseillé à la gauche de réfléchir et d’admettre cette argumentation pour en faire un élément du paradigme de gauche. De fait, les sociétés communistes, par exemple l’URSS et Cuba, n’ont jamais autorisé d’immigration massive chez elles parce qu’elles se souciaient de leurs ouvriers. Mais désormais cette discussion est dépassée : le parti travailliste, en Grande-Bretagne, est fortement opposé à la poursuite d’une immigration massive, et il en va de même en France et ailleurs en Europe…  

Saam Amerat : Ma conception de l’histoire, c’est que l’alliance sionisto-nazie n’a pas été un changement récent : elle remonte très loin dans le temps. Les nazis et les sionistes ont de tout temps été des alliés ; simplement, c’est là quelque chose qu’ils se sont efforcés de cacher tant aux yeux de leurs partisans que de leurs ennemis, par le passé.
Cette alliance n’a rien pour surprendre, dès lors qu’ils partagent la même idéologie et qu’ils ont les mêmes objectifs. On dirait que « Le Mythe du Vingtième Siècle » (du théoricien nazi Alfred Rosenberg, ndt) a été pompé sur Theodor Herzl !..

Prenez le sionisme ; remplacez Israël par la Patrie, remplacez les juifs par la race aryenne, remplacez les Amalécites par les juifs, remplacez les Palestiniens par les Slaves, et vous aurez le nazisme !

Theodor Herzl était athée ; pour lui, le sionisme consistait en la création d’un mythe visant à promouvoir le peuple juif, exactement comme le nazisme est le mythe qu’Alfred Rosenberg a créé, dans son ouvrage fondateur, pour assurer la suprématie du peuple allemand.

Le nazisme, et de manière générale l’antisémitisme, ont les mêmes objectifs que le sionisme : les antisémites veulent voir les juifs hors d’Europe, et les sionistes aussi.

Par conséquent, nul ne devrait être surpris en apprenant que les banquiers sionistes américains ont aidé les nazis à s’emparer du pouvoir. Je ne pense pas que ce qui est advenu aux juifs après qu’Hitler eut accédé au pouvoir était de leur faute : non, je pense que c’était leur but. Ils voulaient que les juifs quittent les pays où ils vivaient pour aller en Palestine, et ils avaient besoin d’un Hitler pour les y contraindre par la terreur.

Et les sionistes locaux, aussi bien qu’Israël lui-même, ont été pris sur le vif en train d’agresser des juifs dans le monde entier afin de les terroriser et de les amener à abandonner leurs pays respectifs pour émigrer en Israël. C’est uniquement parce que la vie était aussi difficile que l’on pût l’imaginer pour les juifs vivant à l’extérieur de la Palestine que la vie en Palestine semblait quasi paradisiaque. Le fait que les juifs soient pris pour cibles par les nazis, c’est ce que les sionistes souhaitaient, car ils voulaient que les juifs aillent s’établir en Palestine.

Les néonazis et d’autres antisémites ont pris également conscience du fait que le sionisme était en mesure de débarrasser leurs nations respectives de leurs juifs. Il a fallu plusieurs décennies à leur unique cellule cérébrale collective pour le comprendre ; il faut bien reconnaître qu’ils ne sont pas connus pour leur intelligence.

Quand les néonazis eurent fini par comprendre cela et qu’ils furent devenus ouvertement sionistes, certaines personnes, dans le camp des défenseurs des droits des Palestiniens eurent peur, et d’autres ressentirent de la tristesse.

Franchement, cela ne m’a pas affecté, parce que j’ai toujours su que les sionistes et les néonazis étaient et sont du même côté. Ce qui était caché était devenu patent, sans perdants ni gagnants : la balle au centre !

Mais tout cela est désormais dépassé, parce que les nazis ont renoncé à solliciter notre aide contre les juifs, tandis que les sionistes, qui accusent quiconque s’oppose à eux d’être de connivence avec les nazis, sont aujourd’hui avec eux…

Je ne pense absolument pas que cela soit exactement ce que devrait être l’état des choses : je pense que les choses ont toujours été ainsi. Simplement, ils ont tenté d’empêcher les gens de le comprendre, jusqu’à aujourd’hui. 

Shamir : Dans les années 1930, les sionistes ont effectivement essayé de convaincre les nazis qu’ils avaient le même objectif : sortir les juifs d’Europe. Beaucoup de nazis ont reçu cet argument et il y a eu énormément de collaboration entre eux. Toutefois, Adolf Hitler n’y croyait pas. Il pensait que les juifs voulaient (« simplement ») créer une base territoriale pour leurs opérations [en Palestine, ndt], tout en continuant à vivre et à opérer en Europe.

L’Histoire a démontré que cette vision était plus réaliste : de fait, les juifs vivaient très bien aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et ils n’avaient nulle intention d’aller s’établir en Israël, mais ils soutenaient Israël, qui faisait partie de leurs plans. Israël a pour vertu de maintenir vivante la juiverie, mais il n’en reste pas moins que l’essentiel de l’activité juive se déroule à l’extérieur d’Israël. Que je sache, ni Goldman Sachs, ni Zuckerman, ni Foxman, ni Lieberman n’ont émigré en Israël !? Ils préfèrent faire du fric, combattre contre l’Eglise et limiter les droits civiques aux Etats-Unis. Il n’est donc pas raisonnable d’affirmer que les « néonazis et autres antisémites ont aussi compris que le sionisme était susceptible de débarrasser leurs nations respectives des juifs ». Certes, « ils ne sont pas connus pour leur intelligence », mais ils ne sont pas totalement stupides non plus !

L’extrême-droite européenne ne se berce plus de l’illusion que les sionistes vont emmener tous les juifs d’Europe en Israël… Cela n’est pas à la veille de se produire. Absolument pas. Ils ont fait la paix avec les juifs parce que c’était leur seule chance de sauver leur système politique existant. Ceux qui ne l’ont pas fait, comme Horst Mahler, sont en taule.

Si je me suis intéressé personnellement à la droite nationaliste européenne, c’est parce que ce mouvement était moins servile envers les juifs, moins apeuré par eux et que ses tenants parlaient à plus haute et intelligible voix pour défendre la Palestine. Le mouvement pro-palestinien de gauche avait déjà dépensé le plus clair de son temps à débattre de l’antisémitisme. Ils s’en préoccupaient bien plus qu’ils n’avaient le souci de la Palestine. Ils étaient infiltrés jusqu’au trognon. Vous vivez en Angleterre, c’est la raison pour laquelle vous connaissez sans doute Tony Greenstein, Roland Rance et d’autres, qui prétendent combattre pour la Palestine, mais qui, en réalité, se comportent en agents crypto-sionistes. La droite nationaliste n’était pas aussi infiltrée qu’eux ; elle avait une forte tradition antijuive et, de fait, elle avait brisé plus d’un tabou. Mais aujourd’hui, c’est fini : ses leaders ont passé un marché avec Satan : ils ont préféré prendre parti pour les sionistes, contre les musulmans.

Malheureusement, la droite nationaliste a toujours été particulièrement faible en matière de morale. Cette faiblesse a été héritée de Nietzsche, voire même de Descartes, via Mussolini et Hitler. Ses tenants aiment la force, ils aiment leurs nations respectives et disent : « Ma nation avant tout, qu’elle ait raison ou qu’elle ait tort ». Les dirigeants opportunistes ont été leur perte, comme cela fut le cas pour nombre de dirigeants communistes.

Des évolutions similaires se sont produites également en Russie. La droite nationaliste russe était fortement antijuive ; cela n’est plus le cas. Amoureux de la force et de l’action, ses partisans ont, de fait, beaucoup apprécié la tchuzpah israélienne, le « panache » avec lequel Israël a affronté la Flottille de la Liberté !?

Souvenons-nous de faits incontestables. Les juifs et les Arabes sont tout aussi totalement impliqués émotionnellement dans la cause du conflit israélo-palestinien, mais les juifs dament le pion aux Arabes, et de très loin, en Russie et ailleurs. Les Arabes et les musulmans ont sans doute non moins de fric que les juifs, mais ils ont tendance à le dépenser à la construction de mosquées ou à l’achat de chevaux… La cause palestinienne est la plus populaire, la plus connue, mais même dans ce domaine, l’implication financière arabe est modique. L’Europe dépense plus d’argent, beaucoup plus, mais l’argent européen va – à très juste titre – à l’aide aux réfugiés, et non pas au combat pour les esprits et les cœurs. Les juifs envoient des orateurs dans toutes les universités, dans toutes les conférences, ils organisent des meetings, ils gèrent le discours dans son entièreté : certes, pas seulement au sujet de la Palestine, mais la Palestine est, bien entendu, un de leurs paradigmes. Quant aux ambassades du gouvernement de Ramallah, elles tentent essentiellement d’arrêter les actions de solidarité et de soutien à Gaza, en raison du conflit dudit gouvernement avec le Hamas.

La situation actuelle est très dangereuse, et son issue dépendra de nos actions. Mais nos actions sont limitées par nos ressources. Le fait que l’extrême-droite ait changé de camp en est un signe.

Saam Amerat : nous ne souhaitons pas que les juifs soient attaqués par des nazis. Nous voulons que les juifs vivent heureux à jamais dans les pays où ils sont nés, afin que les familles palestiniennes ne soient pas expulsées, ni (encore moins) exterminées pour faire de la place aux juifs en Palestine…

Notre détestation du sionisme n’a rien à voir avec la haine des nazis à l’encontre des juifs. Nous ne haïssons pas les sionistes en raison de je ne sais quel ADN juif, contrairement aux nazis : si nous haïssons les sionistes, c’est en raison de ce qu’ils font. Nous combattons les sionistes pour la même raison pour laquelle Saladin a vaincu les Croisés et que Qutuz a triomphé des Mongols.

Nous nous opposons aux envahisseurs parce qu’ils nous envahissent, parce qu’ils nous réduisent en esclavage et nous imposent leur joug, et non pas pour leur ADN, ni en raison de ce en quoi ils croient.

Shamir : Oui, c’est une affirmation très juive, de dire que tout le monde hait les juifs pour ce qu’ils sont, qu’il s’agisse de leur élection par Dieu, de leur ADN ou de quoi que ce soit d’autre du même genre. Il n’existe rien de tel, dans la vraie vie. Cela fait partie de la croyance religieuse des juifs que de penser qu’ils sont tellement merveilleux que tout le monde les envie… L’antisémitisme est un mythe, c’est une invention, comme le désir de pénis, cette invention du Dr Freud, un juif (comme par hasard, ndt). Personne ne hait qui que ce soit comme ça, pour rien…

Les nazis – les authentiques nationaux-socialistes allemands, pas les nazis d’Hollywood – ne haïssaient pas les juifs pour ce qu’ils étaient, mais ils étaient contre les juifs en raison de ce qu’ils pensaient que ces derniers faisaient. Les nazis considéraient que l’Allemagne était colonisée par les juifs. Certes, leur mode de colonisation était différent de celui des Croisés ou des Mongols ; ils avaient plutôt tendance à s’emparer d’un immeuble ou d’une usine après une faillite provoquée, après une banqueroute ou une fraude, et certainement pas après une bataille rangée. Mais était-ce tellement différent, par le fait, arguaient les nazis, dès lors que dans les années 1920 certains juifs avaient accumulé le plus gros de la richesse de l’Allemagne, tandis que des millions d’Allemands de naissance se retrouvaient sur la paille ?

Dans l’Inde soumise au colonialisme britannique, Macaulay recommandait de faire de la colonisation une entreprise réellement durable en sapant la fierté nationale et l’éducation nationale des Indiens, de façon à ce qu’ils en vinssent à oublier leur glorieux passé. Etait-ce tellement différent des années 1920, au cours desquelles certains juifs – propriétaires de journaux et maîtres du discours – prenaient une part active à la ridiculisation et à la sape de la fierté allemande et du mode de vie des Allemands ?, demandaient-ils.

Si Guy de Lusignan (qui fut vaincu par Saladin) et Kitboga (qui fut, quant à lui, vaincu par Qutuz) avaient eu des comptes en banque, des tribunaux et des journaux à leur disposition, seraient-ils jamais allés se faire taper dessus du côté de la Corne de Hattin, ou à Ain Jalut ?

En bref, la vision que les nazis avaient des choses ressemblait à la vôtre de manière frappante, sauf votre respect. Vous voulez que les juifs vivent heureux, mais ailleurs : c’est aussi ce que voulaient les nazis. Les nazis avaient des plans d’envoyer les juifs à Madagascar ou en Ouganda, ou de créer un Etat juif en Europe orientale, afin qu’ils pussent y vivre heureux très longtemps. Vous n’êtes pas d’accord pour vous laisser « envahir, réduire en esclavage, soumettre à un joug étranger ». Eux ne l’étaient pas non plus.

Telle est (ou, plutôt, telle était) la position de la droite nationaliste en Europe. Ses tenants considéraient que l’irrésistible ascension des juifs, la détention par des juifs de mass médias, l’influence juive dans le discours, le contrôle exercé par des juifs sur la haute finance étaient des signes de la colonisation de leur pays par les juifs. Ils étaient, en quelque sorte Hamas. Aujourd’hui, ayant fait la paix avec les sionistes, ils ont marché dans les brisées de Mahmoud Abbas : ils se sont rendus à la force suprême.

Maintenant, permettez-moi d’être clair et de sortir de toute ambiguïté. Quel que soit l’avis qu’aient les uns et les autres au sujet de la tentative de colonisation de l’Allemagne par les juifs (ou de la Pologne, ou de la Russie, ou des Etats-Unis), l’on peut, que dis-je, l’on doit être révolté par la décolonisation-via-le-massacre-de-masse. Où qu’une telle horreur se soit produite, que ce soit en Haïti, où les propriétaires blancs d’esclaves noirs ont été massacrés par ces derniers lors d’une vague de décolonisation, ou en Ukraine occidentale, où les Polonais furent massacrés par les nazis ukrainiens, le résultat a – toujours – été désastreux : le pays a été ruiné pour plusieurs siècles et les peuples (ayant fait cela) ont été damnées pour des générations.

Je suis pour la décolonisation de la Palestine, mais pas au moyen du massacre de masse, ni au moyen d’une expulsion en masse ; je prône, en lieu et place, la suppression des privilèges et l’égalité entre tous. C’est la solution, aujourd’hui, en Palestine, et cela pourrait d’ailleurs être aussi une solution pour toute situation de colonisation, quelle qu’en soit la forme.

Saam Amerat : En matière de solutions possibles, je pense que, de ‘notre côté’, il en existe trois : la mienne, la vôtre et celle de tous les autres ; tous les autres, Norman Finkelstein compris, veulent un Israël pré-67, c’est ce que l’on connaît également sous l’intitulé de « solution à deux Etats ».

Nous croyons tous deux que cela n’est rien d’autre que l’apartheid de type sud-africain. Si les partisans de cette solution la soutiennent, c’est (uniquement) parce que l’apartheid à la mode sud-africaine était bien préférable à ce que subissent aujourd’hui les Palestiniens.

Mais nous le savons bien : Israël ne sera jamais d’accord pour l’apartheid de style sud-africain, étant donné que les Blancs, en Afrique du Sud, traitaient les Noirs de cette manière parce qu’ils considéraient que ceux-ci étaient des êtres humains de catégorie inférieure (mais non moins des êtres humains). Par conséquent, les sionistes ne concèderont jamais aux Palestiniens des droits d’êtres humains inférieurs, du fait qu’ils n’accepteront jamais que l’on dise que les Palestiniens sont des êtres humains.

Votre solution, la solution à Un seul Etat, est partagée par des gens comme Craig Murray ; c’est le post-régime britannique reprenant la législation antérieure à 1948. Vous prônez un Etat pour tous ses citoyens, sur des terres sur lesquelles les Arabes constituent d’ores et déjà une majorité incontestable.

Cela permettra aux réfugiés palestiniens de revenir, et cela permettra aussi aux colons juifs qui se sont installés dans les territoires occupés en 1967 d’y rester.

Mais cela n’offre aucune solution aux juifs qui voudraient retourner dans les pays arabes dont ils sont originaires. La société israélienne est en train de devenir de jour en jour plus fasciste, pas moins, et les gouvernements arabes sont en train de devenir de plus en plus complaisants et complices, et non pas moins.

La droite se renforce en raison de taux de natalité élevés (dans ses rangs), tandis que les Israéliens de gauche quittent le pays pour aller vivre en Europe. Par conséquent, quelle motivation Israël pourrait-il bien avoir d’être d’accord avec une telle solution ?

Ma solution est la solution pré-1948. C’est le retour au Moyen-Orient tel qu’il était avant que les Britanniques ne vinssent y foutre la merde.

Cela permettra aux Palestiniens de revenir s’ils le souhaitent et cela permettra aux juifs de retourner chez eux s’ils le souhaitent. Je pense que votre tendance consiste principalement à créer un changement au sein de la société israélienne, de l’inciter à faire un pas en arrière dans sa marche vers l’Armageddon. Il fut un temps où cela aurait pu être possible. Mais cette époque est révolue. Le fait d’expliquer aux sionistes qu’ils sont en train de foncer tête baissée vers l’Armageddon ne fonctionnera plus, parce qu’ils sont trop nombreux à croire en l’Armageddon, celui-ci étant leur objectif suprême.

Je parle ici tant des sionistes juifs en Israël que des chrétiens sionistes qui les financent en Amérique, et aussi bien des cinglés ultrareligieux des colonies en Cisjordanie que des athées de droite de Tel-Aviv.

Ils sont tous en train de foncer vers l’Armageddon, en s’efforçant d’être toujours plus de droite et de plus en plus dingues que leurs concurrents : c’est une compétition à qui sera le plus cinglé.

Shamir : ma conclusion est très similaire à la votre. Lisez mon essai consacré à la Turquie : j’y explique que la Palestine sera sauvée par son intégration totale dans la région, par l’élimination du cadre postcolonial. La solution à Un seul Etat pourrait être mise en application pour peu que le peuple américain parvienne à écarter le pouvoir des Goldman Sachs, Lieberman-Foxman et autres. Il faut décoloniser la colline du Capitole (à Washington) avant Ramallah. Ensuite, la démocratie et l’égalité s’instaureraient en Palestine, par défaut. Mais les Américains sont soumis.

S’ils ne soutiennent pas les Palestiniens, c’est parce qu’ils ne comprennent pas comment ceux-ci osent se rebeller contre le pouvoir juif. Quant aux nationalistes américains, il n’y a pas grand-chose à en attendre non plus : ils préfèrent rouler les mécaniques et vanter la blancheur de leur peau, alors qu’en réalité, le seul « homme blanc » (au sens de propre, ndt), à leur congrès, c’était Cynthia McKinney. C’est la raison pour laquelle je suis d’accord : la solution sera réalisée par les puissances locales, sans aucune aide, ni de l’Europe, ni des Etats-Unis. 

Saam Amerat : La solution, aujourd’hui, se trouve à l’extérieur d’Israël/Palestine. Pas vraiment en Iran ou en Turquie, mais assurément dans une union entre l’Iran et la Turquie. Il faut bâtir une ‘Union européenne moyen-orientale’. Notre action devrait consister à inciter les peuples du Moyen-Orient à pousser dans le sens d’un changement de gouvernements, de coups d’Etat sans effusion de sang, de l’élimination des dictateurs et des roitelets, pour les remplacer par un unique Etat.

Si la vision britannique du Moyen-Orient était capable d’éliminer le sionisme, elle l’aurait d’ores et déjà fait depuis bien longtemps. Par conséquent, il faut inventer une nouvelle carte permettant de jeter le sionisme dans la poubelle de l’Histoire. Une armée du Moyen-Orient uni sera capable de réunir la Palestine au reste du Moyen-Orient, chose que n’ont pas pu faire les Arabes en raison de leur désunion. Et le potentiel économique d’un Moyen-Orient uni, avec les usines de l’Egypte, de la Turquie et de l’Iran, avec la richesse pétrolière du Golfe et les terres agricoles du Soudan, serait en mesure de montrer aux sionistes que travailler ensemble est préférable à piller les autres.

Il est bien vrai que les sionistes les plus enragés se trouvent en Amérique et en Europe. Et ces gens n’ont aucun désir d’aller vivre en Israël. Tout ce qu’ils veulent, c’est que les fils de plus pauvres qu’eux le fassent à leur place. Ainsi, nous pouvons nous battre pour la patrie ; ces sionistes extrémistes veulent faire de l’argent dans leurs banques, tandis que les enfants de juifs plus pauvres qu’eux bossent dans les kibboutz tout en combattant pour la réalisation du rêve, de leur rêve.

Oui, l’Europe et l’Amérique sont les régions du monde où les sionistes tètent et ponctionnent, c’est là qu’ils achètent des politiciens susceptibles d’aider leur succion et leur ponction.

Mais Israël est le pays où ils construisent, c’est en Israël qu’ils veulent que les juifs travaillent et apportent leur contribution. Pour créer leur rêve. Aussi avez-vous raison : l’Amérique et l’Europe, c’est là où les sionistes sucent du sang, mais Israël est l’endroit où ils le vomissent dans les bouches grand ouvertes et affamées des colons. Le fait de se contenter de bouffer rend les gens, aussi égoïstes soient-ils, très constipés. Israël est l’endroit où ils se soulagent de leurs richesses bien mal acquises, au motif que cela fertilisera l’économie en plein marasme de ce pays, mais la seule chose que produise toute la merde qu’ils envoient en Israël, c’est une odeur fort désagréable.

Quant à l’unité et à un Etat unifié, je pense que plus cette union sera large et plus l’Etat ainsi créé sera étendu, le mieux ce sera.

Je suis d’accord avec ce que vous dites dans votre article, à savoir que l’autonomie est indispensable pour pouvoir conquérir cette unité.

Je voudrais y ajouter quelque chose, toutefois, en affirmant que l’autonomie a besoin de se concrétiser dans toutes ses composantes : les peuples ont tout autant besoin d’unité que les régions géographiques.

Ainsi, les juifs ultra-orthodoxes peuvent avoir leur fermeture du samedi dans leurs propres villages, et ils peuvent ouvrir des écoles où leurs filles n’auront pas à s’asseoir à côté de Séfarades dont ils soupçonnent que la télé qu’ils regardent risque de pourrir leurs enfants. Chaque religion, chaque région et chaque communauté doit avoir son propre tribunal pour trancher les problèmes que ses membres ont entre eux et ces tribunaux doivent recevoir le mandat le plus large possible si tel est le désir de ceux qui seront assujettis un jour auxdits tribunaux. En effet, cela ne regarde personne d’autre qu’eux.

La zone grise commence avec les mariages mixtes, en particulier, et les familles composites, de manière générale. Et pour résoudre les conflits surgissant dans cette zone de grisaille, il faut des cerveaux plus puissants que le mien, certes, mais ces problèmes n’en ont pas moins une solution possible.

Peut-être pas à la satisfaction de tout le monde, mais ils sont solubles d’une manière beaucoup plus équitable que ce qui proposé aujourd’hui. 

Shamir : Certes, j’aime l’Iran, mais, à mes yeux, celui-ci n’appartient pas à la région (du Moyen-Orient). Historiquement, l’Iran n’a jamais fait partie de l’Empire byzantin ou de l’Empire ottoman. L’Iran a son propres grossraum, son propre grand espace, qui s’étend vers l’Asie centrale, l’Afghanistan et une partie du Pakistan. Pour moi, il est douteux que quiconque puisse traverser ainsi les frontières civilisationnelles. 

Saam Amerat : A propos de l’Iran, je pense que ce pays doit être inclus (à la région) afin d’éviter des querelles à propos de territoires et de traitement de minorités divisées entre lui et les pays voisins. L’Union européenne signifie que l’Allemagne n’a pas besoin d’envahir la France ou la Pologne pour conquérir des territoires qu’elle croit siens, dès lors que l’Union signifie que les Allemands d’ores et déjà accès à ces territoires.

La meilleure manière de garantir les droits maximaux, pour les Palestiniens, de retourner chez eux consisterait à garantir aux juifs vivant en Israël les droits maximaux de retourner dans leurs pays d’origine respectifs, y compris l’Iran et les pays du Maghreb.

Mais il est vrai que l’Iran pourrait être une partie de cette même province d’un Etat beaucoup plus étendu, une province recouvrant l’Afghanistan (où près de la moitié de la population est tadjik, c’est-à-dire iranienne) et l’Asie Centrale, y compris le Tadjikistan, où les gens parlent le tadjik (l’iranien). Cette unité est nécessaire pour éviter les guerres séparatistes. En effet, tout le monde n’est pas iranien, dans cette région : les Azerbaïdjanais et les Turkmènes parlent une langue qu’il conviendrait d’appeler le turc, tandis que les Ouzbeks parlent une langue compréhensible pour un turcophone.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

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Source et traduction : Marcel Charbonnier


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