Il Manifesto
Notre
Palestine
Editorial
La Palestine ne
fait quasiment plus l’info. Après des années de massacre elle
est considérée inévitablement comme « morte » :
maintenant qu’elle se massacre aussi toute seule et qu’elle se
laisse aller à une pratique suicidaire qui a pénétré dans les
esprits des résistants –divisés par une haine réciproque qui
a provoqué les massacres de Gaza – tout espoir de trouver
l’issue d’une tragédie sans fin semble s’effacer.
Introjecter les « valeurs » de l’ennemi
signe l’autodestruction et anéantit davantage que les
cannons.
La Palestine n’a jamais pu devenir un état,
mais dans nos esprits comme dans ses aspirations politiques
originaires elle a toujours été quelque chose de plus
qu’un territoire à rendre aux Palestiniens. Non seulement des
frontières géographiques à conquérir,
mais un lieu de culture et de vie.
Elle n’a existé que comme ça dans la pensée et dans
l’action de tous ceux qui se sont battus pour elle ; elle
ne pourra exister vraiment que comme ça. L’opposé du
terrorisme, de la guerre fratricide, d’une société où
l’ordre règne avec la loi de la répression et de l’intégrisme
islamique. Quelle
victoire pourrait fêter une Palestine remise au plus fort, à
ceux qui ont adopté (avec l’aide « généreuse »
d’Israël et des Etats-Unis), l’inhumanité de l’adversaire ?
L’ennemi de notre ennemi n’est pas notre ami.
La Palestine est un drame, une blessure qui
nous parle à nous aussi. Et pour cela justement, le projet de
société préfiguré par ceux qui veulent la sauver du feu israélien
n’est pas secondaire. Si aujourd’hui la lutte armée est
incarnée de façon la plus accomplie par le Hamas, non seulement
il est illusoire de lui confier la tache de battre militairement
Israël, mais l’idée que son modèle
social apportera des bénéfices aux Palestiniens est
suicidaire. C’est
une vision arriérée, militariste, autodestructrice, celle qui se
fie aux milices d’un
pouvoir qui lèguera Gaza à
quelque élite moyen-orientale et qui donnera
un nouveau prétexte à Israël pour la raser au sol avec
ses chars d’assaut. C’est un processus d’autodissolution,
l’esprit inacceptable de la martyrologie, ce que nous voyons,
qui rend vaine toute résistance.
Les femmes, fantômes voilés, qui réapparaissent dans la
Bande de Gaza, sont le symbole atroce d’une nouvelle république
islamique possible, qui brisera en deux
-à la plus grande joie des criminels en uniforme de Tel
Aviv- le peuple palestinien.
De l’autre côté, Al Fatah et ses sommets
corrompus répondent par la même logique armée,
tandis que les véritables perdants sont les femmes et les
hommes de chair et d’os, pris entre deux options mortifères.
C’est vers eux que nous devons tourner nos regards, même
si nous ne trouvons que les débris d’une gauche dissoute, d’une
société laïque anéantie par la guerre.
En Palestine -pour la Palestine- il faut regarder
« sous les décombres », discerner
la seule voie possible
pour nous ranger aux côtés des nombreuses
forces invisibles mais vives, les arracher à la solitude
et nous battre pour que la communauté internationale leur redonne
la possibilité de conquérir pour eux, en paix, un monde
meilleur.
Editorial non signé de samedi 23 juin 2007
de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/23-Giugno-2007/art19.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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