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IRIN
IRAK:
Recrudescence des problèmes de santé mentale et de stress
Salah Hashimy ne peut pas oublier les violences
qui lui ont fait perdre la quasi totalité de sa famille.
Photo:
Afif Sarhan/IRIN BAGDAD, 31
octobre 2007 (IRIN) Depuis l’invasion de son pays, menée par
les Etats-Unis en 2003, Salah Hashimy, 14 ans, a perdu ses
parents, ses sœurs et bon nombre de ses amis ; jusqu’à ce
qu’un jour, il ne reste plus personne pour s’occuper de lui.
Aujourd’hui, le jeune garçon est en manque d’éducation,
d’amour et de soutien, et c’est cette équation, selon les médecins,
qui est responsable de ses problèmes de santé mentale.
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l'article en arabe]
« J’ai une très mauvaise mémoire, mais je ne peux pas oublier
le jour où j’ai vu ma sœur se faire violer à mort par des
militants », a confié le jeune Salah.
Salah, actuellement sous traitement à l’hôpital psychiatrique
d’Ibn Roshd, à Bagdad, a enfin trouvé un endroit pour
l’accueillir : Keeping Children Alive (KCA), une organisation
non-gouvernementale (ONG) locale qui s’occupe d’enfants
atteints de troubles mentaux.
Toutefois, à la suite de plusieurs menaces proférées récemment
à l’encontre de cette ONG, Salah risque de devoir chercher
refuge ailleurs, si l’organisation doit fermer ses portes.
« Salah n’est qu’un exemple des dizaines d’enfants et
d’adultes qui se présentent à l’hôpital, dans notre service
; tous ont développé leurs troubles mentaux à la suite de la
guerre », selon Shalan Aboudy, directeur de l’hôpital
psychiatrique d’Ibn Roshd.
« Tous les patients ont des antécédents semblables. Certains
ont perdu des membres de leur famille, les enfants ont perdu leurs
parents, les femmes ont été violées, les hommes ont perdu leur
fiancée deux ou trois jours avant leur mariage », a ajouté M.
Aboudy.
Selon M. Aboudy, l’hôpital reçoit une centaine de patients par
jour ; il est en effet le seul de la capitale à disposer d’une
unité psychiatrique, bien qu’il manque de matériel et de
personnel médical. De longues files d’attente se forment chaque
jour devant la porte.
« La majorité [des patients] sont des femmes ; il y a aussi
beaucoup d’enfants, et un peu moins d’hommes », a noté M.
Aboudy.
En 2006, 14 spécialistes exerçaient à l’hôpital ; à présent,
il n’en reste plus que quatre, la plupart ayant fui le pays.
« Je viens ici au moins une fois par semaine afin de trouver une
solution pour ma fille, qui a perdu son fiancé dans une
explosion. Depuis, elle est devenue hystérique », a raconté
Mohammed Saad, 53 ans, père de trois enfants. « Cela fait plus
d’un an, mais elle continue de se comporter de façon hystérique
».
La guerre, à l'origine des troubles
KCA dit avoir observé des dizaines de cas d’enfants souffrant
de troubles mentaux causés par l’impact de la guerre.
« Dans notre branche principale, située dans le district d’Hadithiyah,
nous avons deux psychologues qui aident les enfants de Bagdad,
mais dans la plupart des cas, c’est inutile, étant donné que
les parents ne reviennent pas après l’établissement du
diagnostic clinique ; ils n’acceptent pas que leurs enfants
puissent souffrir de troubles mentaux causés par la guerre », a
révélé Mayada Marouf, porte-parole de KCA.
« Ils ramènent leurs enfants à la maison, ne se représentent
plus jamais, et laissent ainsi passer l’occasion de les faire
aider par des spécialistes », a-t-elle ajouté. « Les familles
traditionnelles pensent encore qu’il est honteux de souffrir de
troubles mentaux et préfèrent enfermer leurs enfants à la
maison comme des bons à rien ».
Depuis janvier 2007, environ 1 800 enfants et 1 100 femmes se sont
inscrits aux registres de KCA en vue de recevoir une aide
psychologique, mais moins de six pour cent d’entre eux se sont
représentés pour poursuivre le traitement après la première évaluation
du médecin.
Pour Farez Mahmoud, professeur de neurologie à l’université de
Bagdad, la peur est la cause principale de cette recrudescence des
troubles psychologiques et du stress au sein de la population.
« Les gens ont peur de la violence. Ils ne peuvent pas
[supporter] d’entendre les balles, les explosions ni la nouvelle
d’un décès dans leur famille. Les enfants ne supportent pas
l’idée de devoir rester à la maison ou vivre comme des déplacés,
et il y aura davantage de cas dans les mois qui viennent », selon
le docteur Mahmoud.
« La peur agit comme un cancer dans certaines situations : elle
prend le contrôle du corps, pour atteindre un niveau à partir
duquel ni le médecin ni les médicaments ne peuvent plus réparer
les dégâts », a-t-il expliqué.
A Bagdad, jusqu’au mois de mai 2007, au moins six ONG, dit-on,
proposaient une aide psychologique aux personnes atteintes de
troubles mentaux, mais à la suite de menaces continuellement proférées
par les insurgés, elles ont fermé leurs portes.
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