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Rapport
MONDE: Les ONG revoient leurs plans à la
baisse face à la crise financière
Les organisations
humanitaires font tout leur possible pour empêcher
que les baisses de rentrées de fonds ne pénalisent leurs
bénéficiaires
Photo: Waweru Mugo/IRIN
DAKAR, 28 octobre 2008 (IRIN)
Certaines des plus grandes organisations
non-gouvernementales (ONG) d’aide humanitaire et d’aide au
développement licencient leur personnel et revoient leurs
programmes pour 2009, à mesure que leurs rentrées de fonds
stagnent en raison de la crise financière mondiale.
Selon les experts de la collecte de fonds de trois des plus
grandes ONG du monde (Oxfam GB, Save the Children R.-U. et World
Vision USA), la croissance des programmes va ralentir en 2009,
en raison de ce resserrement.
« La croissance que nous supposions au moment de concevoir nos
plans, il y a un an, n’a pas lieu », a expliqué à IRIN John
Shaw, directeur des systèmes financiers et des systèmes
d’information d’Oxfam GB. « Globalement, l’heure est plutôt à la
stagnation ».
Oxfam avait envisagé cinq à six pour cent de croissance au cours
de la période 2009-10, des prévisions que l’organisme a
désormais portées à zéro. Parmi les réductions les plus
importantes, certaines ont été opérées par les sociétés
donatrices du secteur financier, selon le personnel des ONG.
« Les entreprises ont commencé à opérer des réductions il y a
six à neuf mois », selon Tanya Steele, directeur du service des
relations donateurs et de la collecte de fonds chez Save the
Children, à Londres. « Le secteur des services financiers et des
services bancaires d’investissement a été très généreux par le
passé, mais nous savons que l’année sera difficile pour eux,
financièrement, jusqu’en 2009. Nous nous attendons à ce que [les
fonds accordés par ce secteur] stagnent ou diminuent peut-être
jusqu’en 2009 ».
« La croissance des sociétés ne sera pas aussi forte, c’est
pourquoi nous ne déploierons pas nos programmes comme nous
l’aurions souhaité », a indiqué à IRIN Robert Zachritz,
directeur du plaidoyer et des relations avec le gouvernement à
World Vision, depuis Washington, DC.
C’est pourquoi les ONG telles que Save the Children ne pourront
pas investir d’importantes sommes dans leurs programmes actuels
ni dans de nouveaux programmes, comme elles l’avaient espéré.
Les trois organismes ont des revenus annuels de 3,1 milliards de
dollars.
Les conséquences
Les organisations humanitaires font néanmoins tout leur possible
pour empêcher que ces réductions ne pénalisent leurs
bénéficiaires.
« Nous nous efforçons de réduire les coûts de soutien, plutôt
que les coûts des programmes », a noté M. Shaw d’Oxfam, estimant
que des réductions de 10 à 15 pour cent des « coûts variables »,
notamment des frais de personnel au siège et dans les centres
régionaux, permettraient d’améliorer la rentabilité des
opérations.
Si tous ont convenu que de nouveaux fonds pourraient être
trouvés si une crise humanitaire survenait dans les mois à
venir, Mme Steele de Save the Children s’inquiète à l’idée que
certaines crises chroniques plus négligées, notamment celle du
Sud-Soudan, risquent d’être lésées.
World Vision craint que les bénéficiaires des programmes de
microcrédit, notamment les fermiers pauvres qui reçoivent des
prêts pour l’achat d’outils, de semences et d’engrais, ne soient
particulièrement touchés.
« Cela dépend en grande partie de l’obtention de prêts auprès
des banques, ce qui deviendra vraiment difficile dans un avenir
proche », a souligné M. Zachritz. « La perte de ce crédit est un
problème énorme pour les petits fermiers pauvres du monde ».
Avec ses 2,4 milliards de dollars de fonds annuels, dont 30 pour
cent proviennent du gouvernement américain, 30 pour cent de
fondations, et 40 pour cent de donateurs particuliers et de
sociétés, World Vision est le plus grand organisme international
humanitaire à but non-lucratif du monde.
Les stratégies des ONG
Pour faire face au resserrement financier, les ONG tentent
d’innover. Certains organismes, tels qu’Oxfam, cherchent à
obtenir davantage de fonds de la part de bailleurs
institutionnels, considérés comme plus stables à long terme.
Save the Children tente pour sa part d’obtenir davantage de
fonds auprès d’individus fortunés. « Ce sera un marché
compétitif, mais je ne peux pas croire que nous n’allons pas
nous développer dans les quatre à six prochaines années », a
estimé Mme Steele.
Tandis que les fonds accordés par les entreprises chutent, les
licenciements donnent l’occasion aux employés limogés du secteur
des entreprises de s’investir bénévolement auprès d’organismes à
but non-lucratif, utilisant ainsi leurs compétences à bon
escient, se félicite Mme Steele.
« Si les fonds accordés par les entreprises diminuent, cela ne
signifie pas que [notre] relation avec ces sociétés doit se
terminer », a-t-elle dit.
Mme Steele espère que grâce à la réduction des coûts de
publicité télévisuelle, conséquence de la crise mondiale de
liquidité, les organismes tels que Save the Children auront
désormais les moyens de s’offrir des campagnes de marketing
direct à la télévision.
Mais dans l’ensemble, de nombreuses ONG d’aide humanitaire et
d’aide au développement revoient à la baisse leurs plans de
collecte de fonds. Les organisations humanitaires ont en effet
moins de risques de se trouver en mauvaise posture si elles
prévoient à l’avance, selon M. Shaw d’Oxfam.
« Nous revoyons nos plans depuis six mois. Si nous devons
prendre des décisions automatiques, elles ne seront pas aussi
efficaces que si nous prévoyons l’avenir », a-t-il dit.
Le point positif
Malgré l’incertitude, certains signes sont encourageants. Les
grandes institutions donatrices telles que le Département
britannique d’aide au développement international ou l’Agence
américaine d’aide au développement international « adoptent une
vision à long terme et nous ne voyons aucun signe immédiat d’un
retrait de leur part », a affirmé Mme Steele.
Les fonds accordés par le gouvernement américain resteront au
même niveau qu’en 2008, selon M. Zachritz de World Vision, en
partie parce que le cycle de financement commence en octobre
2008 et se termine à la fin du mois de septembre 2009, et cette
année étant une année électorale, le Congrès a adopté une
résolution de continuation (continuing resolution) maintenant
les fonds accordés par le gouvernement américain au même niveau.
Il est néanmoins trop tôt pour déterminer si cette stratégie
perdurera, selon M. Shaw. « Au bout du compte, les fonds
accordés par les autorités publiques dépendent des bilans
[financiers] des gouvernements, et la politique intervient
également, alors il est trop tôt pour savoir, mais les
engagements pris jusqu’ici sont encourageants ».
Selon M. Zachritz, World Vision est en grande partie protégée
des conséquences qu’auront les réductions budgétaires des
entreprises : les dons accordés à l’ONG par les entreprises sont
essentiellement des « dons en nature », en d’autres termes, des
médicaments, des matériaux de construction et des vêtements,
plutôt que des fonds.
En outre, les dons accordés à World Vision par les particuliers
sont en grande partie versés dans le cadre d’opérations de
parrainage d’enfants.
« Les gens sont très fidèles à cela et généralement, on
n’observe pas de réduction [dans ce domaine-là], même lorsque
les familles connaissent des difficultés [financières] », a-t-il
fait remarquer.
C’est cette loyauté qui les fera résister, ont indiqué des
travailleurs humanitaires à IRIN.
« Le public est encore très réceptif aux besoins [humanitaires]
internationaux », a assuré M. Shaw.
Mais tandis que les experts financiers des ONG n’ont pas encore
observé de diminution significative des dons chez les
particuliers, ils prévoient une chute potentielle à l’approche
de la période de collecte des fêtes.
« Nos catalogues de Noël sont déjà partis […] ces fêtes seront
un test véritablement décisif en termes de serrage de ceintures
», a prédit Mme Steele.
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