|
Rapport
Israël: Décharges illégales et négligence à
Jérusalem Est
Des habitations
surplombent la décharge illégale
Photo: Shabtai Gold/IRIN
JÉRUSALEM, 28 juillet 2008 (IRIN)
« Chaque jour, quelqu’un décharge des ordures
ici. Jour et nuit, des camions viennent », raconte Afif,
fatigué. Juste en dessous du domicile d’Afif, dans le quartier
de Dahiyat es-Salam, dans le nord-est de Jérusalem, une décharge
illégale se développe, plus grande qu’un terrain de football, où
des ordures s’entassent à plusieurs mètres de hauteur.
Elle est le fait de criminels, qui ont sauté sur l’occasion que
leur offraient de récentes ordonnances de démolition. Les
criminels en question empochent de l’argent en laissant des
sociétés déverser leurs déchets ici, et les habitants du
quartier ne peuvent pas faire grand-chose pour les en empêcher.
« Chaque jour, c’est la guerre », explique Afif. « J’ai essayé
de bloquer la route [qui mène à la décharge]. Mais ils l’ont
rouverte ».
« Le déversement des ordures a commencé en 2007, après que [la
municipalité] a délivré des ordonnances [de démolition], qui
concernaient plusieurs maisons situées dans cette zone »,
raconte Afif.
Cinq maisons étaient concernées par ces ordonnances. Ces
dernières ont provoqué une ruée sur la zone, avec l’arrivée
prompte des criminels, qui s’étaient aperçus de l’occasion que
cela représentait pour eux de gagner de l’argent en déversant
illégalement des ordures sur place, plutôt que dans les
décharges officielles, plus coûteuses.
Menace de violences
Une montagne de déchets
menace d'engloutir cette habitation
Photo: Shabtai
Gold/IRIN
Mahmoud, un autre habitant du quartier,
explique qu’un jour, il est allé s’adresser aux responsables du
déversement eux-mêmes.
« Je leur ai dit d’arrêter, mais ils m’ont dit de m’en aller »,
raconte-t-il à IRIN, ajoutant : « Je savais qu’ils réagiraient
violemment, alors je les ai laissés tranquilles ».
Selon Mahmoud, les responsables du déversement sont souvent des
Palestiniens de la région, originaires de Jérusalem Est, dont
certains travaillent pour des sociétés situées sur le territoire
israélien.
Une bonne partie des déchets envoyés dans la zone semble en
effet arriver d’Israël. Karim Jubran, travailleur de terrain
pour B'tselem, une association israélienne de défense des droits
humains, a confié qu’il avait bien failli être passé à tabac
lorsqu’il avait tenté de mener une enquête sur l’affaire, il y a
quelques mois.
Lorsqu’Israël a occupé Jérusalem Est en 1967, il a annexé ce
territoire pour « unifier » la ville. La famille d’Afif et la
plupart des autres Palestiniens qui habitaient cette zone se
sont vu délivrer des cartes d’identité israéliennes, leur
donnant accès à tous les services publics israéliens.
Toutefois, les plaintes répétées déposées auprès de la
municipalité de Jérusalem pour demander que des mesures soient
prises à l’encontre de ces criminels n’ont pas abouti, selon les
habitants. En attendant, les déchets continuent de s’empiler,
dégageant une odeur pestilentielle.
« Il y a des déchets industriels et tout ce que vous pouvez
imaginer d’autre, même des déchets médicaux », se plaint
Mahmoud, inquiet des conséquences que ces ordures auront sur la
santé des centaines d’habitants de son quartier.
Point de contrôle
La maison démolie de
Basma, en face de sa nouvelle habitation adossée à une montagne
d'ordures
Photo: Shabtai
Gold/IRIN
« Quand ils veulent voir quelque chose, ils le
voient, le reste du temps, ils ferment les yeux », déplore Afif,
notant que la municipalité et la police viennent régulièrement
dans le quartier pour démolir des habitations, mais que
jusqu’ici elles n’ont pris aucune mesure pour fermer la décharge
illégale.
Les camions transportent les ordures sur la route principale,
selon les habitants. Or, à l’entrée de la route se dresse un
point de contrôle, bien gardé par des soldats de l’armée
israélienne.
« Ils sont obligés de passer par là pour acheminer les ordures
», a indiqué M. Jubran, de B'tselem, en montrant du doigt le
barrage routier en service.
M. Jubran, comme d’autres, se demande pourquoi les autorités
n’utilisent pas, au moins, ce point de contrôle pour lutter
contre cette menace à l’environnement.
Près du point de contrôle, un panneau en hébreu apposé par le
ministère de l’Environnement avertit qu’il est illégal de
transporter des déchets dans cette zone. Un panneau que les
déchargeurs clandestins ignorent.
Mesures prévues
Gidi Schmerling de la municipalité de Jérusalem a déclaré dans
un communiqué écrit adressé à IRIN que son bureau avait déjà
contacté les forces de sécurité pour « coordonner les mesures
prises à l’encontre des déchargeurs ».
« En outre, les services municipaux de protection de
l’environnement ont pris des mesures pour gérer cette décharge
illégale » et recycler les matériaux de construction déchargés
dans la zone.
M. Schmerling a ajouté qu’au cours des prochaines semaines,
Jérusalem se lancerait dans un nouveau projet visant à éliminer
les décharges illégales et à prendre des mesures à l’encontre
des criminels qui en sont responsables.
Des enfants bédouins
jouent dans la décharge
Photo: Shabtai
Gold/IRIN
Pour B'tselem, le cas de Dahiyat a-Salam «
illustre la négligence grave dont la municipalité continue de se
rendre coupable à l’égard des quartiers de Jérusalem Est ».
« Cette négligence se manifeste dans tous les domaines qui sont
du ressort de la municipalité : l’éducation, la collecte des
déchets, l’approvisionnement en eau, le développement et les
permis de construire », selon l’association de défense des
droits humains.
Témoignage
Le 10 juin, Basma, une femme d’âge mûr, a vu sa maison démolie
par les autorités israéliennes car elle n’avait pas obtenu de
permis pour la construire.
Sa famille vit aujourd’hui dans une petite cabane construite par
les activistes du Comité israélien contre les démolitions de
domiciles, a-t-elle confié. « Je m’inquiète à l’idée qu’ils
puissent détruire cette maison aussi ».
Sa famille, qui habite tout au bout de la décharge, sur le flanc
d’une colline, souffre plus que la plupart des habitants du
quartier.
« L’odeur, la poussière et la saleté sont terribles, mais nous
n’avons nulle part d’autre où vivre », déplore Basma, ajoutant :
« Ils n’ont plus de place près de ma maison, alors maintenant
ils déchargent plus loin le long de la route ».
Là-bas, un petit groupe d’enfants bédouins, tout aspergés de
l’eau sale qui s’écoule d’un égout à ciel ouvert, jouent au
milieu des ordures.
Copyright © IRIN
2008
Les informations contenues dans ce site web vous sont parvenues
via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations
Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations
Unies ou de ses agences. Si vous réimprimez, copiez, archivez ou
renvoyez ce bulletin, merci de tenir compte de cette réserve.
Toute citation ou extrait devrait inclure une référence aux
sources originales. Toute utilisation par des sites web
commerciaux nécessite l'autorisation écrite d'IRIN. UN Office
for the Coordination of Humanitarian Affairs 2008.
|