|
IRIN
Liban:
Des réfugiés palestiniens restent inflexibles sur la question du
retour
Les armes sont un mode de vie pour plus d'une
dizaine de factions palestiniennes d'Ain al-Hilweh
Photo:
Hugh Macleod/IRIN
AIN AL-HILWEH,
20 décembre 2007 (IRIN) Si les leaders palestinien
et israélien ont convenu de parvenir à un accord de paix total
avant la fin de l’année prochaine, lors de la conférence d’Annapolis
du 27 novembre organisée par le gouvernement américain, dans le
camp de réfugiés d’Ain Al-Hilweh au Liban, la vie de 75 000
Palestiniens est marquée par un problème insoluble : le droit
des réfugiés palestiniens à retourner vivre chez eux.
« Personne ne peut négocier notre droit au retour en Palestine.
Il n’y a qu’un seul pays que l’on nomme Palestine et nous
n’y retournerons jamais si nous ne nous opposons pas à Israël
», a indiqué Abu Yousef, un combattant d’Ansar Allah, une
faction islamiste radicale palestinienne.
Comme aucun autre problème, le droit au retour est un sujet qui
polarise les négociations de paix entre Israéliens et
Palestiniens.
Pour bon nombre de Palestiniens, le droit au retour des quelque
six millions de réfugiés, descendants de personnes ayant fui la
Palestine après la création de l’Etat d’Israël en 1948, est
un droit non négociable.
Pour les autorités israéliennes – dont les historiens
officiels contestent le chiffre de six millions et la raison de
l’exode massif des Palestiniens – il s’agit d’un problème
existentiel : le nombre réel de réfugiés palestiniens pouvant
faire valoir leur droit au retour dans leurs foyers d’avant 1948
représente un danger démographique pour le seul Etat juif du
monde.
Marche de protestation contre la conférence
d'Annapolis dans le camp de réfugiés d'Ain al-Hilweh au Liban;
un jeune garçon tient dans sa main la clé de sa maison familiale
en Palestine
Photo:
Hugh Macleod/IRIN
Lors des négociations
de camp David, organisées en 2000 par les autorités américaines
et qui s’étaient soldées par un échec, les négociateurs israéliens
avaient suggéré qu’un nombre limité de réfugiés
palestiniens serait autorisé à retourner en Israël pour des
raisons humanitaires ou dans le cadre d’une réunification
familiale.
Quant aux autres personnes considérées aujourd’hui comme réfugiés
palestiniens, elles s’installeraient dans leur lieu de résidence
actuel, dans le nouvel Etat palestinien ou dans des pays tiers.
La création d’un fonds international avait également été préconisée.
Ce fonds, qui serait financé par Israël et d’autres pays,
serait chargé d’enregistrer les demandes d’indemnisation des
biens perdus et d’effectuer des paiements dans la limite de ses
ressources.
Adoptée en décembre 1948, la résolution 194 de l’Assemblée générale
des Nations Unies, reconnaît le droit des réfugiés à retourner
vivre en paix dans leurs anciens foyers ou à recevoir des
indemnités à titre de compensation pour les biens perdus.
De même, selon l’article 13 de la Déclaration universelle des
droits de l’homme, « toute personne a le droit de quitter tout
pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
« Nous vivons dans la misère tous les jours »
Si le problème du sort des réfugiés a été ignoré pendant les
précédentes consultations diplomatiques du Moyen-Orient, la
question n’a pas été oubliée dans le camp d’Ain al-Hilweh,
un camp poussiéreux et dangereux, fait de maisons en parpaing et
situé à la périphérie du port de Sidon, dans le sud du Liban.
« Je suis né ici en 1958 sous une petite tente », a raconté
Abu Ahmad Fadel Taha, responsable du groupe islamiste Hamas, à
Ain al-Hilweh. « J’ai vécu ici toute ma vie avec mon père,
qui a actuellement 94 ans, et mes huit enfants. Nous vivons dans
la misère tous les jours, mais tous les jours nous vivons avec le
rêve du retour ».
Abu Ahmad Fadel Taha, responsable du groupe
islamiste Hamas à Ain al-Hilweh,
vit avec son père et ses huit enfants dans le camp de réfugiés.
Photo:
Hugh Macleod/IRIN
Depuis leur
bureau, implanté au cœur du camp, les employés de Fadel Taha
retransmettent à partir des chaînes de télévision Al-Aqsa - du
nom de la Mosquée de Jérusalem – et Reesala – le Message
–, sponsorisées par le Hamas, des programmes destinés aux
foyers du camp et diffusés sur des fréquences satellites libres.
Le discours est souvent radical.
« Israël veut que les Palestiniens admettent que la Palestine
est la terre des Juifs. Ils veulent que nous abandonnions notre
droit au retour », a affirmé M. Taha. « La Palestine est notre
terre et celle de nos petits-enfants et elle ne peut être libérée
que par la résistance. Les conférences de paix d’Oslo et de
Madrid n’ont apporté que la honte. Nous ne croyons pas aux négociations
».
Double impasse
Outre leur rêve du retour, les Palestiniens du Liban sont
confrontés à un ensemble de difficultés uniques en leur genre.
Incapables d’acquérir la citoyenneté de ce pays, en raison des
risques que cela pourrait faire courir au délicat équilibre du
système de partage confessionnel du pouvoir, les quelque 400 000
Palestiniens du Liban vivent dans une double impasse : le refus de
s’installer ailleurs dans leur pays hôte et la revendication
d’une meilleure prise en compte de leurs droits, comme le droit
à exercer un métier dans plus de 70 professions qui leur sont
interdites actuellement.
Selon l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés
palestiniens, le Liban a le pourcentage le plus élevé de réfugiés
palestiniens vivant dans des conditions de pauvreté extrême et
les implications les plus graves de cet état de fait se font
sentir dans les 12 camps de réfugiés officiels.
Conformément aux accords de 1969, qui consacrent
l’extraterritorialité des camps, les autorités libanaises
n’ont pas le droit d’entrer dans ces camps et les Palestiniens
doivent assurer leur propre système de sécurité.
Pour bon nombre d’habitants des camps, le port d’arme est le
symbole de leur refus de renoncer à leur statut de réfugiés.
« Nous conservons nos armes comme un gage de garantie de notre
droit à retourner dans notre mère patrie », a déclaré Sheikh
Maher Oweid, commandant d’une faction islamiste radicale d’Ansar
Allah, à Ain al-Hilweh.
Mais trop souvent, les armes des factions rivales se sont retournées
contre elles, de fréquents combats meurtriers ayant opposé au
cours des deux dernières années des groupes islamistes radicaux
tels qu’Ozbat Ansar, qui prétend être la plus importante
faction du camp, et le Fatah, la faction rivale de toujours.
Sheikh Abu Sharif, porte-parole d'Ozbat Ansar,
un groupe sunnite radical
Photo:
Hugh Macleod/IRIN
Le
retour en Palestine, mais pas par des moyens pacifiques
La destruction cet été du camp de réfugiés de Nahr al-Bared
– nord de Beyrouth –, après trois mois d’affrontements
entre l’armée libanaise et les militants islamistes radicaux
dont la plupart étaient des étrangers qui se terraient dans le
camp, a contribué à aggraver encore plus la tension entre les
radicaux islamistes et les factions modérées.
« Les militants du Fatah nous ont tiré dessus à plusieurs
reprises, mais notre religion nous dit que nous devons protéger
les civils palestiniens du camp », a affirmé Sheikh Abu Sharif,
porte-parole d’Ozbat Ansar.
Les extrémistes sunnites d’Ozbat se définissent comme des
combattants internationaux du Jihad – la guerre sainte - luttant
contre ce qu’ils appellent « l’occupation israélienne et américaine
» et pour l’instauration d’un régime islamique dans le
monde. Ces militants critiquent à la fois le Hamas et le
Hezbollah, le mouvement islamique chiite libanais, pour leur
programme minimaliste qui vise uniquement à la fin de
l’occupation israélienne de la Palestine et d’une partie du
Sud-Liban.
Les militants d’Ozbat Ansar croient eux aussi au droit au
retour, mais pas par des moyens pacifiques.
« Nous avons réussi à créer une aile militaire à l’intérieur
de la Palestine occupée », a dit M. Abu Sharif, faisant le vœu
de combattre toute solution résultant de la rencontre d’Annapolis
et qui prônerait la création de deux Etats.
« Dieu nous avait promis que nous retournerions dans notre
patrie. Mais nous n’aurons jamais la Palestine sans le jihad ». Copyright © IRIN
2007
Les informations contenues dans ce site web vous sont parvenues
via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations
Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations
Unies ou de ses agences. Si vous réimprimez, copiez, archivez ou
renvoyez ce bulletin, merci de tenir compte de cette réserve.
Toute citation ou extrait devrait inclure une référence aux
sources originales. Toute utilisation par des sites web
commerciaux nécessite l'autorisation écrite d'IRIN. UN Office
for the Coordination of Humanitarian Affairs 2007.
|