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IRIN
ISRAËL: Que se passe-t-il à Kerem Shalom ?
Les autorités gazaouies
inscrivent sur leurs registres les camions qui entrent dans
Rafah
chargés de produits d’importation rapportés de Kerem Shalom
Photo: Erica Silverman/IRIN
GAZA-VILLE, 11 mai 2009 (IRIN)
Kerem Shalom étant actuellement l’unique point
d’entrée permettant l’acheminement de marchandises commerciales
et humanitaires d’Israël à Gaza, il est devenu la planche de
salut de la Bande ; mais comment fonctionne-t-il ?
Kerem Shalom, petit point de passage dépourvu des installations
nécessaires au passage d’un grand nombre de camions, se trouve
en Israël, à trois kilomètres de la ville gazaouie de Rafah,
située à la frontière égyptienne.
Seuls à avoir été autorisés par Israël à se rendre en personne à
Kerem Shalom, les employés de la société Shaiber, une entreprise
privée gazaouie, viennent y chercher des marchandises
d’importation. La société n’a pas souhaité s’exprimer.
Les autorités gazaouies, quant à elles, ne peuvent pas se rendre
à Kerem Shalom. Les camionneurs israéliens déchargent des
palettes de marchandises dans une zone ouverte et repartent,
puis les camionneurs palestiniens de Gaza viennent chercher ces
marchandises, selon Ghazi Hamad, haut responsable du Hamas, et
les commerçants de Gaza.
Les autorités israéliennes expliquent qu’elles utilisent Kerem
Shalom depuis la fermeture du point de passage de Karni, bien
plus grand et mieux équipé, à la suite d’attentats, commis par
des Palestiniens à Karni et qui avaient coûté la vie à plusieurs
soldats israéliens, il y a quelques années.
Aucun contact
« Il n’y a aucun contact entre le gouvernement
Hamas et les autorités israéliennes », a expliqué Mohammed Shaer,
responsable principal des douanes de Gaza, stationné à Rafah,
ajoutant : « Il y a encore quelques représentants des Autorités
palestiniennes (AP) à Ramallah, qui tentent de faire la liaison
entre le gouvernement de Ramallah [en Cisjordanie] et Israël
pour permettre l’acheminement de marchandises dans Gaza ».
Il n’y aucun contact non plus entre le ministère gazaoui des
Finances et les ministères concernés sous l’autorité des AP à
Ramallah, selon M. Shaer.
« Kerem Shalom est entièrement contrôlé par Israël », a commenté
M. Al-Bayari, représentant de terrain du Bureau des Nations
Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). «
Cette année, Gaza n’a exporté, en tout et pour tout, que
cinquante cargaisons d’œillets ».
Le point de passage n’est pas éclairé et les containers sont
interdits par Israël du côté palestinien de Kerem Shalom, selon
le groupement logistique, dirigé par le Programme alimentaire
mondial.
« On ne peut pas assurer un service de nuit à Kerem Shalom. Si
l’on éclaire l’endroit, des snipers pourront en profiter pour
tirer sur le point de passage », a déclaré à IRIN Shlomo Dror,
ministre israélien de la Défense.
« A Kerem Shalom, il n’y a pas de contact [physique] : on met
toute la marchandise en place, puis les Palestiniens viennent la
récupérer ».
Contrôle des marchandises importées à Rafah
Point d’entrée des
passagers et des véhicules au point de passage de Rafah, du côté
palestinien
Photo: Erica
Silverman/IRIN
Des camions palestiniens vides font la queue de
Rafah à Kerem Shalom, dans l’attente d’aller chercher les
marchandises que les autorités israéliennes leur permettront
d’acheminer dans Gaza.
Une fois chargés, les camions gazaouis repartent tranquillement
vers Rafah, où les représentants des autorités gazaouies
procèdent à l’admission des marchandises. Les autorités ne
disposant d’aucun scanner, les responsables vérifient les
documents de bord de chaque camion et sa cargaison.
Les commerçants palestiniens payent des impôts à Israël, et le
gouvernement gazaoui prélève une taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) de 14,5 pour cent sur les marchandises, a expliqué M.
Shaer.
Gaza et la Cisjordanie ne forment qu’une seule et même zone
douanière aux yeux des autorités israéliennes, qui prélèvent des
taxes douanières et sont censées les reverser chaque mois aux
AP, à Ramallah,
conformément au protocole de Paris, signé conjointement avec
les accords d’Oslo, en 1994.
Importations retardées
Un grand commerçant de Gaza-Ville, qui a préféré conserver
l’anonymat, a dit importer essentiellement du matériel
électronique via Kerem Shalom, « les chaussures et les vêtements
n’étant pas autorisés à l’importation ».
« Les produits restent au point de passage pendant des semaines,
exposés à l’environnement », a expliqué le commerçant. « La
marchandise est souvent endommagée et les différentes palettes
sont jetées par terre, toutes ensemble. Il faut compter au moins
un mois pour que la marchandise puisse passer dans Gaza ».
« Le gouvernement de Ramallah travaille avec les autorités
israéliennes pour assurer que je puisse importer des produits
pharmaceutiques à Gaza », a expliqué Nader Shurrab, propriétaire
de la Société centrale de Gaza, premier importateur de produits
pharmaceutiques de la Bande.
Il faut à Nader Shurrab quatre à six semaines, a-t-il dit, pour
obtenir un rendez-vous avec les autorités israéliennes, afin
d’obtenir l’autorisation d’envoyer ses camions à Kerem Shalom
pour y chercher ses produits pharmaceutiques importés. «
Cinquante pour cent du temps, mes camions doivent faire
demi-tour ».
Cinq points de passage permettent de se rendre à Gaza : quatre à
la frontière israélienne et un à la frontière égyptienne. Rafah
et Erez sont des points de passage réservés aux personnes ;
Nahal Oz est réservé aux importations de carburant ; et le tapis
roulant de Karni ne sert qu’au blé et au fourrage.
Trente-deux types de produits autorisés à l’importation
A la mi-avril, les autorités israéliennes
autorisaient l’importation de 32 types de produits à Gaza, selon
le Palestine Trade Centre (PalTrade), à Gaza.
En avril, selon le Coordinateur des activités du gouvernement
dans les territoires (le
COGAT, sous l’autorité du ministère israélien de la
Défense), 92 pour cent des marchandises autorisées à
l’importation dans Gaza via le point de passage de Kerem Shalom
étaient des produits alimentaires et d’hygiène.
Le matériel de construction, les pièces détachées, les intrants
agricoles (y compris le bétail) et le matériel IT figurent sur
la liste des produits interdits,
selon OCHA.
« Les livraisons sont désorganisées et irrégulières, et parfois,
certains produits sont interdits », a expliqué M. Shaer. « Cela
fait six mois que ni des chaussures, ni du bois n’ont pu être
importés à Gaza, et aucune importation de bétail n’a été
autorisée depuis septembre 2008 ».
Décision du cabinet israélien
Le 22 mars, le
cabinet israélien a décidé de lever les restrictions
d’importation imposées sur les produits alimentaires, mais cette
mesure n’a pas encore été mise en place, selon le groupement
logistique.
« Les restrictions imposées sur les types de produits
alimentaires autorisés à l’importation [à Gaza] ont été levées,
mais la question porte désormais sur le nombre de camions
pouvant passer [via Kerem Shalom]. Il y a une cinquantaine
d’employés civils au point de passage [de Kerem Shalom], dont
les camionneurs, et il est bien plus facile de les protéger la
journée. Mettre en service le point de passage est un risque
calculé ?...? Avant la dernière opération [du 27 décembre 2008
au 18 janvier 2009], des Qassams avaient été tirées [par les
militants palestiniens] dans la région, et après l’opération, il
y a eu, à plusieurs reprises, des tirs de mortier et des tirs de
sniper dans la zone [à Kerem Shalom] », a néanmoins déclaré M.
Dror, porte-parole du gouvernement israélien, pour souligner
l’importance des questions de sécurité.
De « graves pénuries »
La zone située à
l’intérieur du point de passage de Rafah, du côté palestinien.
Cette porte s’ouvre sur une multitude de tunnels, servant à
faire passer des denrées alimentaires
et autres en contrebande de l’Egypte vers Gaza
Photo:
Erica Silverman/IRIN
« Plus de 90 pour cent des industries de Gaza
ont cessé leurs activités en raison du peu d’importations, qui a
provoqué de graves pénuries de produits alimentaires et autres
denrées essentielles », selon M. Hamad du Hamas ; M. Hamad n’a
cependant pas évoqué les dizaines de tunnels illégaux creusés
entre l’Egypte et Gaza, qui ne permettent toutefois de faire
passer qu’une quantité limitée de produits, en partie du fait
des mesures de répression appliquées par les autorités
égyptiennes et des dégâts causés par les forces de sécurité
israéliennes.
« Le matériel médical a la priorité à l’importation dans Gaza ;
viennent ensuite les produits alimentaires acheminés par les
organismes internationaux. Le gouvernement a pris la décision de
ne pas laisser une crise humanitaire se produire à Gaza », a
déclaré M. Dror, porte-parole israélien, ajoutant : « Les
Palestiniens viennent nous voir pour nous demander [d’autoriser
l’importation de certains produits à Gaza] et nous déterminons
si c’est nécessaire (par exemple, dans le cas du fourrage, nous
avons autorisé qu’il soit importé, bien que ce ne soit pas
absolument nécessaire) ».
« Les autorités israéliennes autorisent l’entrée à Gaza de 80 à
110 camions par jour via Kerem Shalom », selon M. Hamad, bien
que jusqu’à la victoire électorale du Hamas à Gaza, en juin
2007, environ 475 camions arrivaient chaque jour d’Israël à
Gaza, selon OCHA.
« En mars et avril, 33 pour cent des camions entrés dans Gaza
transportaient de l’aide humanitaire pour le compte de l’Agence
des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens [UNRWA] et
d’autres organisations humanitaires internationales, et environ
70 pour cent [des camions transportaient de la marchandise] pour
le secteur privé », selon M. Al-Bayari. « La quantité d’aide
humanitaire a augmenté après la guerre, et elle est désormais en
train de diminuer ».
Le point de vue des Israéliens est quelque peu différent : « Le
nombre de camions transportant de l’aide humanitaire est resté
constant en mars-avril. Il n’y a pas de pénurie d’aide
humanitaire, ni d’autres produits à Gaza … La situation peut
changer, mais cela dépend du Hamas ; il faut qu’ils
reconnaissent qu’ils sont responsables de s’occuper des civils
», a déclaré M. Dror à IRIN.
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