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Analyse

Quelle issue pour l'Égypte ?
IRIN


Des partisans du président égyptien déchu Mohamed Morsi aident un homme blessé
dans les affrontements du 27 juillet 2013, qui ont fait des dizaines de morts
Photo: Saeed Shahat/IRIN

LE CAIRE, 5 août 2013 (IRIN)

Après des violences pendant lesquelles le pays a bien failli basculer de nouveau dans le chaos, l’Égypte se trouve aujourd’hui dans l’impasse : des dizaines de milliers de partisans du président déchu Mohamed Morsi continuent d’occuper les rues de la capitale pour réclamer son rétablissement. L’armée, qui a renversé l’homme d’État islamiste démocratiquement élu après que des millions de personnes ont manifesté contre sa politique autocratique et d’exclusion, refuse de faire marche arrière.

Le 27 juillet, des dizaines de manifestants pro-Morsi ont été tués – d’une balle dans la tête ou à la poitrine pour la plupart, selon les organisations de défense des droits de l’homme – après avoir tenté d’étendre les manifestations au-delà de la principale zone de sit-in, située dans le nord-est du Caire. Selon les chiffres du ministère de la Santé, pas moins de 281 personnes ont été tuées dans des heurts entre pro et anti-Morsi, mais également entre les manifestants et la police épaulée par des civils armés depuis la destitution de Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier.

Le fossé entre les partisans et les opposants de Morsi ne cesse de se creuser, et l’usage d’une rhétorique dangereuse susceptible d’inciter à de nouvelles violences se généralise. À la télévision égyptienne, le mouvement des Frères musulmans est comparé à un « cancer » qu’il faut éradiquer. Sur l’estrade du campement des pro-Morsi, les chefs islamistes échauffent la foule en taxant les défenseurs du coup d’État d’apostats. Bien que les observateurs jugent cette issue très improbable, de nombreux Égyptiens craignent l’imminence d’une guerre civile.

Reste que la violence et l’instabilité politique qui dominent le pays depuis le soulèvement populaire qui s’est soldé par la chute de l’ancien chef d’État Hosni Moubarak en 2011 ont détruit l’économie nationale et que les plus démunis ont été les premiers à en payer le prix.

« La situation économique, déjà critique, risque de se détériorer encore davantage si aucune solution politique n’est trouvée », a dit à IRIN Rashad Abdo, éminent économiste et directeur du Forum économique égyptien, un groupe de réflexion local.

Les deux camps ont des exigences qualifiées de « maximalistes » par un observateur : le nouveau gouvernement intérimaire attend des Frères musulmans qu’ils acceptent sa feuille de route sans réserve ; les Frères musulmans refusent de prendre part au moindre dialogue tant que Mohamed Morsi n’aura pas été rétabli dans ses fonctions.

Dans ce contexte, quelle issue peut-on imaginer ?

Apaisement des tensions :
Les analystes s’entendent pour dire qu’il faut d’abord apaiser les tensions. Une approche sécuritaire du problème (le démantèlement du sit-in des Frères musulmans par la force, par exemple) serait « catastrophique », selon l’ancien diplomate Ibrahim Youssri, en fonction sous Hosni Moubarak.

L’organisation Human Rights Watch (HRW) a appelé l’armée à cesser d’utiliser des balles réelles pour contrôler les foules (le ministre de l’Intérieur nie ces allégations) et Amnesty International a encouragé les autorités à communiquer « des instructions claires aux forces de sécurité afin d’éviter un usage disproportionné de la force ».

Selon Oxford Analytica, une société de conseil et d’analyse internationale, des représailles islamistes risquent de se produire si l’armée poursuit sur la même lancée. Cela pourrait se traduire par le soutien accordé à une rébellion antimilitaire djihadiste dans le Sinaï et/ou par des actes terroristes dans d’autres régions d’Égypte, notamment au Caire.

Dans le camp des Frères musulmans, un exemple d’apaisement des tensions pourrait être la condamnation de toutes les formes de violence, y compris des activités militantes dans le Sinaï.

Consolidation de la confiance : Dans l’état actuel des choses, les membres des Frères musulmans traversent une « crise existentielle », selon Yasser El-Shimy, analyste auprès de l’International Crisis Group (ICG). « Ils craignent que ce soit la fin s’ils lèvent le camp : plus rien ne pourrait alors empêcher les forces de sécurité d’autoriser une répression massive et de les exclure tout à fait de la politique, mais aussi de réprimer les activités sociales et religieuses de l’organisation. C’est pourquoi ils ont besoin qu’on leur garantisse qu’ils ne seront pas persécutés ».


Des pro-Morsi prient au rassemblement massif de la place Raba’a al-Adaweya,
dans le quartier cairote de Nasr City
Photo: Amr Emam/IRIN

Voici quelques mesures préconisées par M. El-Shimy et des hauts responsables des Nations Unies et de l’Union européenne pour renforcer la confiance : libérer Mohamed Morsi, retenu prisonnier par les militaires dans un endroit gardé secret depuis sa destitution, ou du moins examiner son cas de manière transparente ; libérer les autres dirigeants du mouvement des Frères musulmans faits prisonniers depuis le 3 juillet ; et lancer une enquête impartiale et transparente sur les meurtres de manifestants pro-Morsi.

En retour, les Frères musulmans devront annuler les manifestations, ou du moins appeler leurs partisans à limiter les rassemblements au sit-in de la place Raba’a al-Adaweya, dans le quartier cairote de Nasr City. Les manifestations itinérantes ont paralysé le trafic, terrorisé les civils des quartiers concernés et parfois provoqué les forces de l’ordre.

La jeunesse libérale à l’origine de la première révolution de 2011 a également appelé l’armée à exprimer clairement qu’elle ne souhaitait pas reprendre le pouvoir (un conseil militaire a gouverné l’Égypte entre la chute de Moubarak et l’élection de Morsi).

« Ni les militaires ni les Frères musulmans n’incarnent les idéaux de la révolution du peuple égyptien », a dit Eslam Ahmed, militant libéral et fondateur du nouveau mouvement « Third Square », qui s’oppose à la fois aux Frères musulmans et à la gouvernance militaire.

Médiation : Toutes les parties s’accordent sur le fait qu’une certaine forme de médiation est nécessaire. Saad Eddin Ibrahim, éminent défenseur de la démocratie, a dit que même les Frères musulmans l’avaient contacté pour exercer le rôle de médiateur entre le mouvement et le nouveau gouvernement. Les Frères musulmans nient cependant avoir fait appel à lui.

L’absence d’arbitre légitime est l’une des principales difficultés. « En Égypte, il ne reste plus une seule institution en mesure de tenir ce rôle : ni l’armée, ni l’al-Azhar [la plus haute autorité musulmane d’Égypte], ni l’Église, personne », a dit M. El-Shimy. « Toutes ont été incroyablement politisées et ont pris parti pour l’un ou l’autre camp. » Même Atef Al Hadidi, chercheur à l’al-Azhar, a suggéré qu’une médiation internationale serait préférable.

La Ligue arabe a elle aussi été écartée par de nombreux analystes, ses membres étant divisés face aux événements. Plusieurs acteurs ont cité l’Union européenne (UE) comme une force étrangère bénéficiant d’une meilleure image que les États-Unis auprès des deux camps (Catherine Ashton, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, est la seule diplomate étrangère à avoir rencontré Mohamed Morsi pendant sa détention). Selon M. El-Shimy, de l’ICG, les Nations Unies pourraient également jouer un rôle. Les deux camps devront cependant tirer un trait sur l’ensemble de leurs conditions avant de s’asseoir à la table des négociations, a dit M. Al Hadidi

« Le pays ne peut pas continuer à être gouverné dans la rue, par la rue »
Dans le même temps, certains craignent qu’en « succombant aux Frères musulmans » – pour reprendre les termes de M. Ibrahim, l’ex-diplomate – le gouvernement n’encourage d’autres mouvements à rejoindre l’opposition, notamment les salafistes radicaux.

Feuille de route jusqu’aux élections : Les Frères musulmans ont demandé à ce que toutes les mesures récentes prises par l’armée – la destitution de Morsi, la dissolution du parlement et la suspension de la constitution – soient annulées. Ils ont également suggéré qu’après le rétablissement de Morsi, les Égyptiens pourraient décider légalement, par référendum, s’ils souhaitent le voir rester au pouvoir. Pour M. El-Shimy, c’est « prendre leurs désirs pour la réalité ».

Le penseur islamiste Mohamed Selim Al Awa a proposé un plan légèrement plus conciliant prévoyant le rétablissement de M. Morsi dans ses fonctions. Ce dernier déléguerait ses pouvoirs à un Premier ministre indépendant qui ouvrirait la voie à des élections parlementaires dans les 60 jours, suivies d’élections présidentielles. Cette proposition envisage également l’amendement de certains articles d’une constitution passée par un parlement majoritairement islamiste et qui continue de faire controverse en dépit de son approbation par voie de référendum l’année dernière.

Les partis libéraux et laïques égyptiens dénoncent cependant ce projet comme « une ultime tentative de la part du président déchu et de son parti de contourner la volonté du peuple exprimée le 30 juin », a dit le militant de gauche Ahmed Shaaban en faisant référence au jour où des millions d’Égyptiens sont descendus dans la rue pour réclamer la destitution de Mohamed Morsi. « Ils veulent simplement retourner au pouvoir par la petite porte. »

La proposition de M. El-Shimy diffère un peu : il préconise une réinstauration de la constitution (afin de protéger les libertés et les droits pendant la transition) en attendant qu’une constitution permanente plus consensuelle soit élaborée ; la résignation officielle de Mohamed Morsi afin que la question de la légitimité de la nouvelle autorité ne se pose plus ; la cession du pouvoir à un Premier ministre issu du consensus ; le lancement d’un processus d’amendement de la constitution ; et enfin, des élections.

Cette approche se heurte cependant elle aussi à l’absence de leadership au sein de la sphère politique égyptienne. En outre, de l’avis de certains, opter pour un candidat issu du consensus reviendrait à nier la colère populaire exprimée à l’encontre de M. Morsi lors des manifestations du 30 juin : « Un plan de partage du pouvoir n’est pas envisageable, car cela reviendrait à désavouer les faits à l’origine des événements », a dit M. Ibrahim.

Retour à la politique : En réponse à ce déficit en matière de leadership, un mécanisme institutionnel de recherche du consensus devra être adopté afin de garantir un retour rapide à la politique. « Le pays ne peut pas continuer à être gouverné dans la rue, par la rue », a dit M. El-Shimy. Pas plus que la mentalité d’un « gagnant tout-puissant » ne peut continuer de prédominer.

Dans le meilleur des scénarios, d’après Oxford Analytica, des débats permettraient aux islamistes de participer au processus de transition dans le cadre d’une unité gouvernementale nationale.

Une pièce importante du puzzle consistera à rasseoir la crédibilité du processus démocratique aux yeux du public, et plus particulièrement aux yeux des Frères musulmans. « Admettons que nous acceptions de participer à de nouvelles élections dans le cadre du plan de transition. L’armée acceptera-t-elle les résultats si nous gagnons ? J’en doute », a dit Taher Abdel Mohsen, représentant de la formation des Frères musulmans et membre de la choura, le parlement dissolu.


Un opposant des Frères musulmans lance une pierre contre le siège
du mouvement quelques jours avant la destitution de Mohamed Morsi
Photo: Amr Emam/IRIN

Réconciliation nationale : De l’avis des experts, la plupart des mesures citées plus haut sont les conditions préalables nécessaires à une véritable réconciliation nationale. Le 24 juillet, la présidence intérimaire a annoncé un plan judiciaire de transition dans le but d’amorcer une ère de vérité, a dit le conseiller présidentiel Mustafa Hegazi à l’occasion d’une conférence de presse. Le plan, qui s’inspire du modèle de réconciliation nationale de l’Afrique du Sud, prévoit la formation d’une commission de vérité et de réconciliation chargée d’enquêter sur les crimes commis ces dernières semaines, ainsi que sous les mandats de MM. Morsi et Moubarak. La commission aurait également pour mission d’imaginer un cadre légal pour une justice de transition, qui se traduirait par une amnistie pour certains et des poursuites pour d’autres, a dit M. Hegazi.

Depuis le premier soulèvement de 2011, les revendications d’un processus juridique de transition global et apolitique n’ont pas été entendues. « Des crimes continuent d’être perpétrés et la corruption est en hausse, simplement parce que nous n’avons pas amorcé ce plan », a dit Nasser Amin, avocat et militant des droits de l’homme ayant participé à des réunions présidentielles consacrées au sujet. « L’Égypte n’avancera pas d’un pouce sans cette justice transitionnelle… Les gens doivent payer pour leurs erreurs, sans quoi il n’y aura pas de réconciliation possible. »

Mais pour l’ancien juge constitutionnel Tahani Al Gibaly, les acteurs ne sont pas encore prêts : « Je pense que la réconciliation ne sera pas facile tant que l’un des camps [les Frères musulmans] refusera de reconnaître ses erreurs. »

Quoi qu’il en soit, les Frères musulmans ont jusqu’alors boycotté ces réunions. « L’armée doit commencer par respecter le message des urnes, et alors seulement on pourra parler de réconciliation », a dit Abdel Mohsen. Sans leur participation, tout processus de réconciliation nationale est voué à l’échec, ont dit les experts.

Quelques jours seulement avant l’éclatement des dernières violences, le vice-président provisoire Mohamed El Baradei avait écrit sur son compte Twitter : « Une justice transitionnelle et une réconciliation nationale inclusive sont notre seule option. Plus tôt nous en prendrons conscience, plus nous sauverons de vies. »

[Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]

Copyright © IRIN 2013. Tous droits réservés.
Publié le 6 août 2013 avec l'aimable autorisation de l'IRIN

 

 

   

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Source : IRIN
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