Opinion
Tunisie: « Justice
- Liberté - Ordre »
Hedy
Belhassine
Mardi 27 septembre
2011
Un seul mot résume
tous les maux de la Tunisie : injustice.
La liberté est un concept réservé à
l'intelligentsia des cultures
levantines. L’égalité est à contresens
du bon sens car le destin des hommes ne
saurait être corrigé puisqu’il est
écrit.
Mais nul ne peut nuire sans être puni.
Le Tunisien ne transige pas sur ce
principe. Sa mémoire est éternelle. Sa
révolution réclame avant toutes choses :
la justice, al adâla.
Il appelle la foudre sur Ben Ali, sa
famille et leurs serviles serviteurs.
D’expérience, il se méfie des
réquisitoires et des plaidoiries qui
résonnent sous les dorures. Vous faisant
découvrir sa ville, le chauffeur de taxi
vous dira : « voici le Palais de
justice…enfin…. voici le Palais car pour
ce qui est de la justice, on ne l’y a
jamais vu entrer ! » Corruption,
chantage, prébendes, les abus de toutes
sortes des potentats et de leurs
caméristes ont réduit le Tunisien à
exercer le seul droit qui lui restait :
celui de s’immoler.
L’injustice est une blessure profonde
ouverte dans les cœurs depuis des
générations. Le protectorat ne fut pas
seulement une dépendance, mais surtout
au quotidien la manifestation d’une
discrimination permanente. L’occupation
arrogante et impunie de la Palestine est
une souffrance pour tous les arabes. Nul
n’a cicatrisé les massacres de Sabra, de
Chatila, de Jenin, de Gaza… Par deux
fois, Israël a tué sur le sol tunisien
aussi. D’évidence, les démocraties du
vicomte de Tocqueville protègent
l’impunité des assassins. Comment dans
ces conditions plaider pour les droits
de l’Homme comme socle de la justice ?
Le 23 octobre les Tunisiens voteront
pour choisir une assemblée constituante
laquelle désignera un Président et un
gouvernement. Le scrutin de listes
favorisera la représentation de la
centaine de partis dont la plupart
traduisent les ambitions personnelles de
prédateurs.
Déjà, au gré des sondages, se profile
une forte majorité de partisans de la
justice. Ils suivent le chemin tracé par
leurs cousins chrétiens démocrates
d’Europe et d’Amérique, au début du
siècle dernier. Comme eux ils sont
divisés en tendances conservatrices et
progressistes dont les parangons sont
l’Arabie Saoudite et la Turquie perçus à
tort ou sans raison comme des pays de
justice. Le Royaume Saoudien applique
strictement la loi de l’islam, la
République turque l’interprète avec des
accents de laïcité.
« Ordre – Liberté - Justice », c’est la
devise inscrite sur les armoiries de la
République Tunisienne. Quels que soient
les résultats du scrutin, la
Constituante aura l'obligation de la
lire à l’envers.
La Tunisie de demain sera probablement
une démocratie musulmane innovante dont
la tâche immense sera de réconcilier la
République avec la justice avant de
prendre Kairouan comme capitale et
d’inviter la Tripolitaine à partager son
destin.
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