Opinion
L'ancien patron de
Blackwater et le Mossad veillent sur les
Emirats Arabes Unis
Gilles Munier
Gilles
Munier
Mercredi 8 février
2012
Qatar n’est pas le
seul émirat mercenaire dans le Golfe. En
mai 2011, le New York Times (1) a
révélé qu’Erik Prince, ancien patron de
Blackwater (2), société militaire
privée dont les contactors ont commis de
nombreux meurtres, tortures et viols en
Irak, a signé discrètement, en 2010,
avec les Emirats Arabes Unis, un contrat
d’une valeur de 529 166 754 $, pour
former des mercenaires étrangers sur la
base militaire Cheikh Zayed, en plein
désert. Il a recruté 800 "soldats de
fortune", principalement colombiens,
et d’anciens officiers américains,
allemands, britanniques et de la Légion
étrangère française pour les entraîner.
Salaires : 150 $ par jour pour les
premiers, 200 à 300 000 dollars par an
pour les autres.
Premier bataillon de
580 «chiens de guerre» non-musulmans
L’idée de
constituer une armée secrète de
mercenaires était une des obsessions de
Mohamed ben Zayed al-Nahyan, prince
hériter d’Abou Dhabi et ministre de la
Défense. Formé comme il se doit à
l’Académie militaire de Sandhurst, en
Grande-Bretagne, il jugeait l’armée
régulière émiratie incapable
d’intervenir à l’étranger ou d’affronter
les menaces qui, selon lui, pointent à
l’horizon : soulèvements
révolutionnaires, guérilla urbaine,
émeutes d’ouvriers étrangers et,
surtout, guerre avec l’Iran. Aucun
musulman n’a été recruté. Erik Prince,
qui connaît Mohamed ben Zayed al-Nahyan
depuis plusieurs années, pense comme ce
dernier qu’on ne pourra jamais compter à
100% sur un musulman pour tuer d’autres
musulmans sans cas de conscience.
La création de
l’armée secrète émiratie n’a pas obtenu
le soutien officiel des Etats-Unis, mais
c’est tout comme. Le prince hériter
d’Abou Dhabi a été reçu par Barack Obama
après l’annonce de l’opération. Le
communiqué diffusé par la Maison-Blanche
faisait état des « liens étroits
entre les Etats-Unis et les Emirats
Arabes Unis » et de leurs
«intérêts stratégiques communs dans la
région». Depuis, le premier
bataillon, fort de 580 «chiens de
guerre», a fait ses preuves dans
« le monde réel » au Bahreïn et en
Libye, condition posée par l’Etat major
émirati pour passer au niveau de la
brigade de plusieurs milliers de
mercenaires. La création d’un service
secret privé est également à l’étude et,
dans la perspective d’une guerre avec
l’Iran, les Emirats demandent maintenant
à Obama de leur vendre des « bunker
buster», des bombes susceptibles de
détruire des sites nucléaires iraniens
enterrés en profondeur (3).
Echanges commerciaux
avec Israël en progression
Le 19 janvier 2010,
date de l’assassinat de Mahmoud Al-Mabhouh,
dirigeant du Hamas palestinien, une
vingtaine d’agents du Mossad, répartis
en trois groupes - un pour la
surveillance, un chargé des planques et
une équipe d'exécution – circulaient
dans Dubaï comme en pays conquis. Normal
! Etait présent depuis quatre jours aux
Emirats, parmi les invités vedettes
d’une conférence sur l'énergie
renouvelable qui s’y tenait : le
ministre israélien des Infrastructures,
Uzi Landau, membre d’Israël Beiteinou,
parti raciste pro- colons (4).
Dhahi Khalfan Tamim, chef de la police
de Dubaï, s’est certainement demandé si
ses gardes du corps – nombreux -
avaient joué un rôle dans l’opération.
Denis Brunetti, correspondant de TF1 à
Jérusalem, rapporte que les agents
israéliens savaient « qu'il y avait
des caméras de surveillance » (5),
mais croyaient la police émiratie
incapable de les suivre à la trace. Ils
le savaient… pour la bonne raison que la
sécurité des Emirats est assurée, depuis
2007, par des sociétés israéliennes
créées, pour la plupart, aux Etats-Unis
pour ne pas gêner le prince hériter
Mohamed ben Zayed al-Nahyan (6).
C’est l’homme d’affaire israélien Mati
Kovachi, patron de la société « suisse »
Asia Global Technology Group
(AGT), qui leur vend des caméras de
surveillance et des systèmes
d’intelligence pour faire face aux
menaces internes !
Le prince héritier
d’Abou Dhabi veut donner l’impression à
l’opinion publique émiratie qu’il
respecte le boycott d’Israël, mais il ne
trompe pas grand monde. En 2011, le
montant des échanges entre les deux pays
était d’environ 300 millions de dollars.
On s’attend à ce qu’il double cette
année.
Titre original : Une armée secrète
émiratie (Afrique Asie- février 2012)
Article actualisé et augmenté le 8/2/12.
Notes :
(1) Secret Desert
Force Set Up by Blackwater’s Founder
(NYT –
14/5/11)
http://www.nytimes.com/2011/05/15/world/middleeast/15prince.html?pagewanted=all
(2) Erik Prince dirige maintenant la
société Reflex Responses (R2).
(3) Thousands of US troops deploying to
Israel
http://rt.com/usa/news/us-troops-israel-iran-257/
(4) En Israël, le ministre des
Infrastructures est notamment chargé de
la destruction des infrastructures dans
les territoires occupés, du mur de
séparation. En novembre 2011, Uzi Landau
a quitté une réunion du conseil des
ministres israéliens pour rejoindre des
manifestants hostiles au soi-disant gel
de la colonisation, estimant qu’un recul
dans ce domaine était un recul des
« valeurs
juives et sionistes ».
(5) Comment Netanyahu a décidé du
meurtre de Dubaï
(blog de Denis
Brunetti - 21/1/10).
http://blog-correspondant-a-jerusalem-tf1.lci.fr/article-comment-netanyahu-a-decide-du-meurtre-de-dubai-45367194.html
(6) Emirates “has
security links with Israel”
(UPI.com -
27/1/12)
http://www.upi.com/Business_News/Security-Industry/2012/01/27/Emirates-has-security-links-with-Israel/UPI-73471327687767/
Sur le même sujet, lire:
Mossad, permis de tuer, par Xavière
Jardez
http://www.france-irak-actualite.com/article-mossad-permis-de-tuer-46403385.html
Mossadgate
à Dubaï, par Xavière Jardez
http://www.france-irak-actualite.com/article-mossad-permis-de-tuer-suite-46703993.html
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 8 février 2012 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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