Les
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Liberté
d'expression :
Sept ans de prison et 600 coups de fouet
Gilles Devers
Raef
Badawi
Mercredi 31 juillet 2013
Une petite devinette : dans quel grand
pays, ami de tous les pays bien gentils,
un citoyen peut-il être condamné à sept
ans de prison et 600 coups de fouet pour
avoir ouvert un site internet appelant
au respect de la liberté d’expression,
et au recul du religieux sur la vie
sociale ? Allez, c’est facile : c’est
bien entendu chez nos amis saoudiens.
L’Arabie Saoudite est une démocratie
vertueuse, pas comme les vilains
dictateurs des environs. Certes, elle
refuse ratifier le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,
le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et
culturels, et la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes,
mais c’est parce que le respect des
libertés individuelles y est tellement
merveilleux que signer ces textes serait
redondant. De même, permettre le recours
devant le Comité des Droits de l’Homme
de l’ONU serait un luxe bien inutile, ce
qui n’est pas le genre de la maison. Ce
pays est d’ailleurs tellement passionné
par la démocratie qu’il finance des
groupes de combattants allant affronter
l’armée nationale syrienne, pour
reverser un très vilain dictateur.
Oui, mais voilà... On ne se fâche pas
facilement avec ce pays d’accueil pour
les bases militaires US, bourré de
pétrole et d’argent. Les droits de
l’homme apprécié selon la stratégie
militaire…
L’Arabie saoudite vient de lancer un
gigantesque projet de métro à Ryad, pour
22,5 milliards de dollars, et les grands
groupes mondiaux se sont précipités. Le
français Alstom a récupéré un lot de 1,2
milliard de dollars pour la maintenance
de ce métro… utilisé par les femmes si
elles ont accompagnées ! La
responsabilité des entreprises pour
refuser de s’impliquer dans des projets
qui violent les droits fondamentaux,
c’est presque fait.. Mais ils ne perdent
rien pour attendre, car question dignité
de la femme, la France ne rigole pas :
on a même des lois spéciales-dignité,
parfaitement exportables, non ?
Mais l’actualité saoudienne, c’est aussi
la condamnation hier de Raef Badawi, 29
ans, père de trois enfants, co-fondateur
du site « Réseau libéral saoudien » par
un tribunal de Jeddah à sept ans de
prison et 600 coups de fouet. Selon son
avocat, Walid Abualkhair, les faits
reprochés sont uniquement la publication
des textes sur ce site, pendant sa brève
existence, textes dénonçaient le poids
du religieux dans le domaine public.
Raef Badawi avait été arrêté le 17 juin
dernier à Jeddah. Déjà un an en prison.
En décembre, il avait été inculpé pour
apostasie, passible de peine de mort en
Arabie Saoudite, mais cette charge a été
abandonnée. La condamnation vise la
création d’un site « portant atteinte à
la sécurité publique ». Il avait
contesté la Commission pour la Promotion
de la Vertu et la Prévention du Vice, et
avait publié des textes très critiques
sur la Al-Imam
Mohammad Ibn Saud Islamic University,
décrite comme un « repère de
terroristes».
Le juge n’a rien laissé au hasard, et il
prévoit que les 600 coups de fouet
seront administrés par série de 150.
Raef Badawi a fait appel, et on lui
souhaite bonne chance.
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