Opinion
Ouattara et la
démocratie ?
Non, le crime institutionnalisé !
Gilles
Devers
Mercredi 27 février
2013
Amnesty
International
casse l’ambiance en Côte d’Ivoire….
Qu’ils étaient beaux les discours sur la
démocratie avec les mirlitons français
attaquant sans mandat de l’ONU le palais
de Gbagbo. La Côte d’Ivoire allait
renouer avec son histoire, fondée sur le
respect du droit. Sauf qu’installer la
démocratie au pouvoir par la force armée
n’a jamais marché… et qu’on recommence
avec obstination… il suffit de trouver
une agence de com’ correcte pour faire
de belles images…
Amnesty
vient de
publier un rapport accablant sur les
méthodes de Ouattara. Incapacité à
gouverner violations graves du droit,
insécurité massive dans le pays,… mais
ce Ouattara est tellement docile,
souriant et reconnaissant…
Sur le plan de
l’ordre public et des libertés, c’est
assez simple. Ouattara a vite renoncé à
gérer la police et la gendarmerie,
considérées comme des places fortes du
Gbagbo, et tout passe par ses services
propres : les Forces républicaines de
Côte d’Ivoire (FRCI), donc l’armée, une
géniale police militaire, et le soutien
de milices, les trois se rendant «
responsables de nombreuses violations
des droits humains en arrêtant et
détenant des individus en dehors de tout
cadre légal sur des bases souvent
ethniques et politiques » écrit
Amnesty.
« Ces exactions ont
été rendues possibles par la
prolifération de lieux de détention non
reconnus comme tels où des individus
soupçonnés de tentative d’atteinte à la
sûreté de l’État ont été détenus au
secret, parfois pendant de longues
périodes et dans des conditions
inhumaines et dégradantes. Beaucoup ont
été torturés et certains ont été remis
en liberté contre le paiement de rançons
».
Tous ces faits
sont connus, mais aucun des auteurs «
n’a été traduit en justice ni même
relevé de ses fonctions ».
Amnesty
poursuit : « Cela
illustre l’échec des autorités
ivoiriennes à instaurer un état de droit
près de deux ans après l’arrivée au
pouvoir des nouvelles autorités.
Quant à la justice, «
les autorités ont exclusivement ciblé
les partisans avérés ou présumés de
l’ancien président Laurent Gbagbo »,
avec procédures qui bafouent les règles
élémentaires du droit. Aucune démarche
sérieuse en deux ans d’instruction : «
ni confrontation avec des Victimes, ni
aucun élément de preuve matériel
communiqué à la défense ».
Je vous laisse
ci-dessous le lien pour lire ce rapport
accablant, mais voici quelques
témoignages qui devraient faire bondir
les ministres de la Défense et des
Affaires étrangères… s’ils n’étaient pas
les premières cautions ! Et puis, il est
vrai qu’ils sont très occupés à
installer la démocratie au Mali par la
force armée…
Arrestations
arbitraires, tortures et disparitions
Témoignage d’un jeune
homme sans emploi, âgé de vingt-huit
ans, qui a été arrêté le 11 août 2012
par les FRCI.
« Je me rendais sur
un chantier vers 14 h pour trouver du
travail. Des membres des FRCI m’ont
arrêté, m’ont fouillé et m’ont mis dans
le coffre de leur voiture. Je me suis
retrouvé au camp IIAO de Bassam
[Institut industriel d’Afrique de
l’ouest]. Ils m’ont demandé où étaient
cachées les armes, et m’ont frappé.
Ensuite, ils m’ont remis dans le coffre
de la voiture et m’ont emmené en bord de
mer. Ils ont menacé de m’exécuter si je
ne disais pas la vérité. Ils m’ont
frappé à nouveau, m’ont remis dans le
coffre et on est retourné au camp. Ils
m’ont demandé de dénoncer des gens qui
auraient fait venir des armes par
bateau. »
Mi-août 2012, un
détenu, ingénieur de profession, a été
violemment frappé par deux codétenus
militaires. Plusieurs témoins ont
raconté la scène à Amnesty
International. L’un d’eux a précisé :
« J’ai été arrêté le
17 août [2012] à 6h30 aux Deux Plateaux
[quartier d’Abidjan]. Quand je suis
arrivé au Génie militaire, il faisait
chaud. Il y avait dans la cellule
d’autres prisonniers dont des militaires
qui avaient été punis pour mauvaise
conduite. Ces militaires jouissaient de
petits avantages. Ils pouvaient sortir
la nuit et c’est eux qui gardaient le
peu d’eau qui nous était destinée. Un
jour, un détenu, un ingénieur, avait
très soif. Il a réclamé de l’eau à un
militaire détenu avec nous. Celui-ci a
refusé. L’ingénieur a insisté en disant
qu’il avait très soif. Le militaire
s’est jeté sur lui et l’a frappé. Il lui
a donné des coups de pied et des coups
de poing et l’a frappé avec sa ceinture.
Un autre militaire a prêté main forte à
son collègue. L’ingénieur est tombé, il
s’est évanoui. Les détenus ont frappé à
la porte pour appeler les gardes. Il a
été emmené à l’hôpital, il n’est plus
revenu. On raconte qu’il est mort des
suites de ces coups. »
Rapt et
libération contre rançon
Arrêtant et détenant
des individus selon leur bon vouloir et
sans rendre compte de leurs actes à qui
que ce soit, les éléments de la police
militaire et les FRCI ont également
instauré une « procédure de libération »
fondée sur le paiement de rançons. Un
grand nombre de détenus et d’anciens
détenus ont indiqué à Amnesty
International qu’au Génie militaire, «
les gens sont libérés contre le paiement
d’une somme fixée entre le responsable
de la police militaire et les parents
des détenus ».
Témoignage du chef du
personnel d’une société d’Abidjan,
arrêté le 27 août 2012 et détenu
quelques jours.
« Ils m’ont détenu
deux jours et m’ont dit que si je
voulais sortir, mes parents devaient
payer.
Ils demandaient la
somme de 70 000 francs CFA [environ 110
euros]. Ma famille a payé un premier
versement de 50 000 avant ma libération.
Le deuxième versement a été effectué
chez moi. Mes geôliers m’ont accompagné
à mon domicile pour réclamer la somme
restante mais, une fois sur place, ils
ont demandé une somme plus élevée. Ma
famille a expliqué qu’elle n’avait pas
d’argent. Finalement, ils se sont
fatigués et ils sont partis. »
Arrestation pour
motif racial
« Le 10 mars après le
service, je suis rentré chez moi. Vers
15 heures, des éléments des FRCI sont
arrivés et m’ont demandé de les
accompagner à la Place de la Liberté [un
lieu de détention non reconnu comme tel]
car j’étais accusé d’avoir fait un coup
d’État. Quand je suis arrivé, j’ai
remarqué qu’il y avait d’autres corps
habillés [hommes en uniforme]. Il n’y
avait que des gens comme moi, des Athiés,
des Guérés, des Bétés ou des Didas
[groupes ethniques du sud du pays]
arrêtés uniquement parce que soupçonnés
de soutenir Laurent Gbagbo. Ils nous
reprochaient de nous être battus contre
eux après l’élection présidentielle et
nous ont dit : “ Si vous pensez que
Laurent Gbagbo va revenir vous vous
trompez, il n’a aucun pouvoir ici ”. Ils
nous ont torturés pour nous faire parler
et nous avons dû rester couchés à même
le sol, avec des chaînes aux pieds. Nous
avons été arrêtés au hasard. La preuve
c’est que, au bout de 55 jours, ils nous
ont tous libérés ».
Lieux de détention
non officiels
« Le plus terrifiant,
ça a été quand ils nous ont emmenés en
brousse. C’était la nuit, ils ont tiré
en l’air pour nous effrayer. Ils ont
menacé de nous tuer si nous ne disions
pas la vérité. Ils disaient que les
Guérés et les Bétés avaient soutenu
Laurent Gbagbo et c’est pour cela qu’ils
nous frappaient. Jamais avant ou après,
nous n’avons eu une telle impression
d’être des jouets dans la main de nos
bourreaux. Puis, on a été emmenés dans
la résidence privée d’un officier des
FRCI et ensuite au Génie militaire. On a
aussi été torturés là-bas mais la
brousse c’est pire que tout car tout
peut vous arriver. »
Un autre témoignage
« Je me suis retrouvé
dans un véhicule avec quatre autres
personnes. On m’a mis des menottes
attachées derrière le dos. Une cagoule
m’a été enfoncée sur le visage, j’ai
senti le bout d’un pistolet automatique
contre ma tête. À un moment, j’ai
compris qu’on avait quitté le goudron
pour emprunter une piste. Le véhicule
s’est arrêté. Quand on a enlevé la
cagoule, j’ai compris qu’on était dans
la forêt. On nous a fait descendre et on
nous a demandé où étaient les armes.
J’ai répondu que je n’en savais rien.
Ils ont tiré des coups de feu d’abord en
l’air puis sur un des détenus. Il est
tombé et ils ont abandonné son corps
là-bas. »
Interrogatoires sous la torture
« Après m’avoir donné
des coups de câbles électriques et des
coups de pied avec leurs rangers
[bottes], trois membres des FRCI m’ont
tenu par les pieds et m’ont plongé la
tête dans une barrique d’eau. Je ne
pouvais pas me débattre parce que
j’avais les mains menottées derrière le
dos ».
Plusieurs autres
détenus ont affirmé avoir subi des
brûlures au plastique fondu et ont
montré aux délégués d’Amnesty
International des traces de brûlures sur
le dos et le cou. Un détenu a expliqué :
« Arrivé au camp
Place de la Liberté, ils m’ont demandé
d’enlever mes vêtements, je suis resté
avec mon caleçon et ils ont commencé à
m’interroger en me torturant. Ils m’ont
attaché les mains avec des menottes
reliées à une barre de fer verticale,
ils me donnaient des coups de matraques
et de barres de fer. Ils ont brûlé un
sac en plastique et ont fait en sorte
que le plastique fondu tombe sur mon dos
pendant que trois personnes me tenaient
les pieds. »
Plusieurs détenus ont
également affirmé avoir été torturés
dans des villas privées :
« J’ai été conduit
dans un camp militaire des FRCI non loin
de l’arrêt du terminus du bus N° 17.
J’étais au milieu d’un cercle de dix
militaires, les coups pleuvaient sur
moi. Ils me donnaient des coups de pied
et des coups de poing au visage et à la
tête. Quand l’un d’eux me parlait, un
autre me frappait dans le dos. Ils
m’empêchaient de parler pour contester
leurs assertions. Ils m’ont ensuite
attaché les mains dans le dos, ils m’ont
également attaché les pieds. Ils ont
percé deux trous dans un sac en
plastique qu’ils ont enfoncé sur ma
tête. Ils m’ont mis dans un coffre de
véhicule et m’ont conduit dans une villa
privée à Cocody. Ils m’ont accusé de
recevoir de l’argent pour recruter des
mercenaires. Ils m’ont fait asseoir sur
une chaise. Régulièrement je recevais
des décharges électriques. J’ai uriné et
déféqué dans mon caleçon. »
Mort de détenus
des suites de tortures
Amnesty dispose de
témoignages concordant sur le mort de
Serge Hervé Kribié, un sergent-chef de
police, d’ethnie bétée, arrêté pour
motif racial à San Pedro le 20 août
2012.
« Serge Hervé Kribié
a été remis aux FRCI. Il a été
déshabillé, attaché à un poteau et de
l’eau a été versée sur lui. Puis il a
reçu des décharges électriques. Moi,
j’étais allongé sur la dalle et je me
suis penché pour voir. Il criait, il a
évoqué ses enfants…..Il poussait des
cris atroces. Après cela, un de ceux qui
donnaient des ordres a demandé en dioula
: “ Est-ce qu’il est mort ? S’il est
mort, on va attacher ses pieds pour le
jeter dans la lagune ”. J’ai vu qu’on
lui faisait des massages cardiaques. On
ne l’a plus entendu. Quelques jours
après, un militaire que je connais m’a
informé que notre collègue était décédé
le jour même de son arrestation ».
* * *
Atterrés par ce
rapport d’Amnesty, les
ministres des Affaires étrangères et de
la Défense, vont annoncer ce matin
qu’ils suspendent l’accord de
coopération militaire, et exiger de
Ouatarra l’ouverture d’enquêtes
judiciaires sur ces faits. Les grandes
entreprises françaises, venues avec
Sarko installer Ouattara au pouvoir,
vont se voir ordonné de suspendre leurs
activités, pour ne pas être le poumon
économique de cette violation
institutionnalisée du droit.
C’est que la France
ne rigole pas avec la démocratie,
surtout en Afrique…
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