Actualités
du droit
Charité chrétienne
: Le blog explique à Hollande
ce qu'est la colonisation de la
Palestine par Israël
Gilles Devers
Vendredi 22 novembre 2013
Notre grand et
lumineux président de la République,
lors de son discours devant le parlement
israélien, a appelé avec l’autorité
naturelle qui est la sienne à « l’arrêt
de la colonisation », et j’ai lu de
nombreux commentaires expliquant que, ce
faisant, la France avait « durci » le
ton. Durci ? Non, molli !...
Arrêter la
colonisation, c’est le minimum du
minimum. La colonisation de la Palestine
par Israël est une violation grave du
droit international, définie comme un
crime de guerre car la paix est menacée
si on admet que le but d’une guerre
puisse être la conquête de territoire.
Notre excellent Hollande aurait donc
aller au terme de sa logique, pour
condamner la colonisation, exiger que
ses auteurs soient traduits en justice
et que les terres injustement accaparées
soient restituées.
Mais, voilà, chacun
sait que c’est le bazar à l’Elysée, et
que les conseillers dépriment et se
délitent. Chaque jour de nouvelles infos
le confirment… Aussi, ne souhaitant que
la réussite de mon pays, ce qui suppose
que la direction de l’Etat agisse en
fonction de principes clairs, je me
dois, par amitié républicaine et charité
chrétienne, d'apporter à notre « durci
de président » le rappel de quelques
notions sur la colonisation de la
Palestine.
I – Avant 1948
A/ La
souveraineté palestinienne, reconnue par
la SDN depuis 1922
A l'issue de la première guerre
mondiale, la Palestine, partie de
l'Empire ottoman (Traité de Sèvres du
10 août 1920) a fait l’objet d’un
mandat confié à la Grande-Bretagne par
la Société des Nations (Pacte, Art. 22,
par. 4), dans un but d’émancipation :
« Certaines communautés, qui
appartenaient autrefois à l'Empire
ottoman, ont atteint un degré de
développement tel que leur existence
comme nations indépendantes peut être
reconnue provisoirement, à la condition
que les conseils et l'aide d'un
mandataire guident leur administration
jusqu'au moment où elles seront capables
de se conduire seules ». Vous avez bien
lu « nations indépendantes »…
Le Premier Ministre
britannique Lloyd Georges avait exprimé
le point de vue du Royaume-Uni, qui
allait être mandataire pour la Palestine
dès 1918 : « L’Arabie, la Mésopotamie,
la Syrie et la Palestine ont d’après
nous le droit de voir reconnaître leurs
aspirations nationales séparées, et (…)
le principe d’autodétermination
nationale est donc applicable à ces cas
de la même manière qu’aux territoires
européens occupés ». La Palestine comme
les autres.
Le régime juridique
du mandat avait pour bit cette
transition. Pour la CIJ, ces mandats
reposaient sur deux principes : la
non-annexion et le développement des
peuples (CIJ, Statut international du
sud-ouest africain, Recueil 1950, p.
131).
B/ L’ordre
juridique interne depuis 1922
Dans le même temps,
il faut noter que les textes du droit
applicable en Palestine montrent que
l’ordre juridique palestinien était déjà
pleinement structuré à la manière de
celui d’un Etat, et respecté en tant que
tel par le mandataire.
A la suite du
processus enclenché par le traité de
Lausanne du 24 juillet 1923, le Conseil
de la Société des Nations désigne un
arbitre qui devra décider de la
répartition de la dette publique
ottomane entre la Turquie et les «
territoires détachés de l’Empire Ottoman
». Dans la sentence, dite de « la dette
publique ottomane », du 18 avril 1925,
l’arbitre traite sur un pied d’égalité
les parties à l’arbitrage, qui étaient
la Turquie, la Bulgarie, la Grèce,
l’Italie, l’Irak, la Transjordanie et la
Palestine, et on lit page 609 : « Sous
le mandat britannique, la Palestine et
la Transjordanie ont chacune une
organisation entièrement distincte. On
est donc en présence de trois Etats
suffisamment séparés pour être
considérés ici comme Parties
distinctes ».
A la fin de la
sentence, l’arbitre conclut sur une
formule qui renvoie clairement à
l’égalité souveraine des parties entre
elles : « Le nombre des Parties à
considérer ici est donc de neuf.
L'Arbitre estime ne pas être autorisé à
faire entre Elles une distinction au
point de vue de leur importance et à
consacrer ainsi, même en simple
apparence, une inégalité qui n'existe
pas entre Elles ».
D’une manière
générale, il existait une législation
palestinienne et un ordre juridique
interne, qui était une donnée certaine
pour les juridictions.
Selon la Haute Cour
de Justice de Palestine, les personnes
nées en Palestine sous le mandat
n’accédaient pas à la nationalité
palestinienne. La Cour criminelle
d’appel de Grande-Bretagne a retenu la
même solution (REX v. Ketter, 21
February 1939). Dans une affaire
jugée le 17 juin 1942, la Cour de
cassation d’Egypte a qualifié la
Compagnie nationale de chemin de fer
comme organe de l’Etat de
Palestine.
II – Les faits
de 1947/1948 et le maintien de la
souveraineté
A/ Les faits de
1947-1948
En 1947, le
Royaume-Uni a fait connaître son
intention d’évacuer le territoire la
Palestine, et le 29 novembre 1947,
l’Assemblée générale a adopté la
résolution 181 (II) recommandant un plan
de partage de la Palestine, soit une
solution à deux Etats. Il
s’agissait d’une recommandation, n’ayant
donc pas de force créatrice, l’ONU ne
pouvant pas « donner » une terre qui ne
lui appartenait pas.
Cette
recommandation procédait aussi à une
description du droit existant, rappelant
que le retrait du mandataire conduit à
l’indépendance de l’Etat arabe (Art.
A, alinéa 3), avec transfert de
l’exercice des fonctions d’Etat (Art.
B. alinéa 2 et 7) et organisation
d’élections (Art. B. alinéa 9 et 10).
Pour la création de
l’Etat d’Israël, un accord entre Etats
aurait été nécessaire pour organiser le
partage. A défaut d’accord, le retrait
du mandataire conférait l’exercice des
fonctions étatiques à la Palestine, dont
la souveraineté préexistait, ce qui
avait été actée dans le traité de Sèvres
de 1920 et le mandat de 1922.
Les représentants
Palestiniens se sont opposés à ce plan
de partage.
Le 14 mai 1948, le
Royaume-Uni a mis fin à son mandat et
l’Agence juive a le jour même proclamé
la création de l’État d’Israël sur le
territoire préconisé par le plan de
partage. Des hostilités éclatèrent
immédiatement, et par cette opération
militaire, Israël a contrôlé une partie
du territoire qui était destinée à
l’État arabe dans le plan de l’ONU. Ce
fut une phase d’une violence rare, la
Nakba, avec des destructions, des
morts et des réfugiés en masse.
Des conventions
d'armistice furent conclues en 1949
entre Israël et les Etats voisins, avec
définition d’une ligne de démarcation,
appelée par la suite « Ligne Verte»,
précisant que les forces militaires ne
pourrait la franchir.
Le 11 décembre
1948, l’Assemblée générale a adopté sa
résolution 194 (III) affirmant que le
droit au retour des Palestiniens ayant
dû quitter leurs terres.
Le 11 mai 1949,
Israël est devenu Membre de
l’Organisation des Nations Unies, après
s’être engagé au respect des résolutions
181 (II) de 1947 et 194 (III) de 1948,
reconnaissant ainsi le droit à
l’autodétermination et le droit au
retour des réfugiés. A ce propose, j’ai
noté que Hollande demandait à la
Palestine de renoncer au droit au retour
des réfugiés… Allons… Qui peut interdire
à une personne de revenir sur sa terre
natale ?
La question de la
Palestine est demeurée en suspens, et
s’est instaurée une paix précaire.
B/
Les événements de 1967 et l’occupation
militaire de toute la Palestine
Le 5 juin 1967, les
hostilités ont éclaté entre Israël,
l’Égypte, la Jordanie et la Syrie.
Lorsque le cessez-le-feu prit effet,
Israël occupait la superficie de tout
l’ancien territoire de la Palestine
placé sous mandat britannique.
Après ces
évènements, le Conseil de sécurité
adopta deux résolutions, le 22 novembre
1967, la résolution 237 (1967) demandant
à Israël le respect de la quatrième
Convention de Genève de 1949, et la
résolution 242 (1967) posant les
principes d’un règlement pacifique avec
le retrait des forces armées
israéliennes des territoires
occupés et la reconnaissance de
la souveraineté de chaque État de la
région.
Israël a conservé
la maîtrise militaire, et tous les
territoires de Palestine restent occupés
depuis cette date.
Par une résolution
du 22 novembre 1974, l’Assemblée
générale de l’ONU, après avoir réaffirmé
les droits inaliénables du peuple
palestinien, y compris le droit à
l’autodétermination, a admis l’OLP à
participer à ses travaux en qualité
d’observateur.
Plusieurs accords
sont intervenus depuis 1993 entre Israël
et l'OLP. Ces accords, sans rien créer,
se limitaient à organiser les conditions
d’exercice des compétences inhérentes à
la souveraineté inaliénable du peuple
palestinien sur son territoire.
Israël devait
notamment restituer aux autorités
palestiniennes certains pouvoirs et
responsabilités exercés dans le
territoire palestinien occupé par ses
autorités militaires et son
administration civile. Ces restitutions,
quoique partiels et limités, ne
contredisent pas la plénitude de
compétence du gouvernement palestinien
(CIJ, 9 juillet 2004, Edification
d’un mur dans le territoire palestinien
occupé, par. 73).
3/ La Palestine
reconnue comme Etat
Le 15 novembre 1988
à Alger, le Conseil national palestinien
à Alger a proclamé la création d'un
« État palestinien », ensuite reconnu
par 117 Etats.
Le 31 octobre 2011,
l’UNESCO a admis la Palestine en tant
qu'État membre à part entière, par un
vote obtenu avec 107 voix pour, 14 voix
contre, et 52 abstentions.
Le 29 novembre
2012, l’Assemblée générale de l’ONU a
reconnu la Palestine en tant qu’État
observateur non membre par 138 voix
pour, 9 contre et 41 abstentions.
III – La
colonisation
1/ La politique
de colonisation
Profitant de
l’occupation, Israël a établi des
colonies de peuplement dans les
territoires palestiniens occupés en
1967, en violation de la IV° Convention
de Genève.
Le Conseil de
sécurité a rappelé que « le principe de
l'acquisition d'un territoire par la
conquête militaire est inadmissible »
(Résolution 298 du 25 septembre 1971)
maintes fois répétées depuis :
« Toutes les dispositions législatives
et administratives prises par Israël en
vue de modifier le statut de la ville de
Jérusalem, y compris l'expropriation de
terres et de biens immeubles, le
transfert de populations et la
législation visant à incorporer la
partie occupée, sont totalement nulles
et non avenues et ne peuvent modifier le
statut de la ville » (Résolution 446
(1979) du 22 mars 1979).
A la suite de
l'adoption par Israël le 30 juillet 1980
de la loi fondamentale faisant de
Jérusalem la capitale « entière et
réunifiée » d'Israël, le Conseil de
sécurité a dit que l'adoption de cette
loi constituait une violation du droit
international (Résolution 478 (1980)
du 20 août 1980).
En 1982,
l’Assemblée générale a demandé aux États
Membres d’appliquer des sanctions
économiques contre l’État d’Israël en
raison de la colonisation (Résolution
ES-9/1 du 5 février 1982).
Maints rapports
rédigés à la demande de l’ONU ont décrit
ce processus de colonisation, qui n’a
jamais pris fin, avec des conséquences
lourdes : déplacements forcés de
population, installation massive de
population israélienne dans les
colonies, confiscation de terres et de
ressources en eau, destruction de
maisons, bannissements, pressions
continues pour pousser à l’émigration
afin de faire de la place pour les
nouveaux colons, modifications du tissu
économique et social de la vie
quotidienne des populations arabes
restantes… (Rapport des 12 juillet
1979, 4 décembre 1979 et 25 novembre
1980 ; Rapport sur la situation des
droits de l’homme sur les colonies de
peuplement, Girogio Giacomelli,
rapporteur spécial, E/CN.4/2000/25, 15
mars 2000 ; Rapport John Dugard,
rapporteur spécial, A/HRC/4/17, 29
janvier 2007 ; Rapport Richard Falk,
rapporteur spécial sur la situation des
droits de l’homme dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967, (F),
25 août 2008 et septembre 2012).
B/ Le mur
Depuis, Israël a
construit un mur dans le territoire
palestinien occupé, y compris à
l'intérieur Jérusalem-Est, dont le tracé
s'écarte de la ligne d'armistice,
entraînant la confiscation de ressources
palestiniennes, le bouleversement de la
vie de milliers de civils et l'annexion
de fait de vastes parties du territoire.
Dans son avis du 9
juillet 2004, la Cour internationale de
Justice a déclaré que ce mur était
illégal et qu’il permettait à Israël de
s’approprier indûment des terres, mais
la Haute Cour de Justice d’Israël a
rendu des décisions contestant
l’autorité de la CIJ (HCJ 102/82
Tzemel v. Minister of Defence [1983]
IsrSC 37(3) 365 ; HCJ 69/81 Abu Ita v.
IDF Commander in Judaea and Samaria
[1983] IsrSC 37(2) 197; HCJ 9132/07
Albassioni v. Prime Minister; HCJ
769/02 Public Committee against Torture
v. Government [2006] (2) IsrLR 459.
David Kretzmer, The Occupation of
Justice : the Supreme Court of Israel
and the Occupied Territories, State
University of New York Press, 2002, 262
p).Ces arrêts montrent que l’Etat
d’Israël ne se situe pas dans le respect
de l’ordre juridique international. Cet
Etat applique un « droit international
domestique », qui à l’apparence mais
n’est qu’un outil de la coloniation.
3/ L’importance
factuelle de la colonisation
Entre 1967 et 2010,
Israël a implanté environ 150 colonies
de peuplement en Cisjordanie. S’y
ajoutent une centaine d’implantations «
sauvages » – des colonies construites
sans autorisation officielle
israélienne, mais avec la protection, le
soutien en équipement et l’aide
financière du Gouvernement israélien
(Rapport Falk septembre 2012, point 7).
Jérusalem compte 12
colonies, implantées avec l’aide
financière et l’assistance du
Gouvernement sur des terres illégalement
annexées par Israël et intégrées à la
ville. Les colonies ont la mainmise sur
plus de 40 % de la Cisjordanie, y
compris des ressources agricoles et
hydriques essentielles. De nombreuses
implantations sont très étendues et
forment des grands lotissements fermés
ou des petites localités. Israël
n’autorise pas les Palestiniens – sauf
s’ils ont un permis de travail – à y
pénétrer ou à en utiliser les terres
(Rapport Falk septembre 2012, point 8).
Les colonies de
peuplement israéliennes dans le
territoire palestinien occupé comptent
de 500 000 à 650 000 habitants, dont
quelque 200 000 vivants à Jérusalem-Est.
Gouvernement israélien offre aux colons
des prestations et des incitations dans
les domaines de la construction, du
logement, de l’éducation, de
l’industrie, de l’agriculture et du
tourisme, ainsi que des routes à usage
exclusif et un accès privilégié à
Israël. L’effort financier, juridique et
administratif déployé par Israël dans
son entreprise de colonisation a
transformé de nombreuses colonies en
opulentes enclaves pour citoyens
israéliens, et cela dans une zone où les
Palestiniens vivent sous régime
militaire et dans des conditions de
pauvreté généralisée (Rapport Falk
septembre 2012, point 9).
Dans la zone C,
soit 60 % de la Cisjordanie, les
autorités israéliennes n’autorisent les
constructions palestiniennes que dans
les limites d’un plan qui couvre moins
de 1 % de la zone. Les Palestiniens
n’ont donc d’autre choix que de
construire illégalement et de s’exposer
aux ripostes inhumaines des
Israéliens, telles que les démolitions
et les déplacements. (Rapport Falk
septembre 2012, point 15).
Israël prétend
avoir annexé Jérusalem-Est, et le
Gouvernement renforce la population
israélienne en isolant physiquement
Jérusalem-Est du reste de la
Cisjordanie, recourant à de nombreuse
pratiques illégales : le mur, des
expropriations de terres, des
démolitions de maisons, développent des
équipements collectifs au service de la
colonisation, notamment par le tramway
(Rapport Falk septembre 2012, point
16).
IV – L’impact
économique de la colonisation sur la
Palestine
On peut citer deux
rapports sur l’assistance de la CNUCED
(Conférence des Nations Unies sur le
commerce et le développement) au peuple
palestinien.
1/ Rapport du 7
août 2009, TD/B/56/3
On lit dans ce
rapport de la CNUCED
« Depuis vingt-cinq
ans que la CNUCED suit et étudie les
résultats économiques du territoire
palestinien occupé et les politiques qui
les influencent, la situation n’y a
jamais été aussi mauvaise qu’en 2009. De
tous points de vue – le niveau
d’activité enregistré, les faiblesses
structurelles affichées et le cadre
directif hostile dans lequel elle survit
malgré tous les obstacles –, l’économie
palestinienne est face à un véritable
défi: son intégrité, sa solvabilité et
même sa viabilité dans la perspective
d’une solution à «deux États» sont
aujourd’hui compromises.
« En particulier,
les dommages considérables infligés à la
bande de Gaza occupée et à son économie
ont plongé 1,5 million de Palestiniens
dans les affres d’une pauvreté et d’un
état de désintégration inconnus depuis
des générations. Le blocus a isolé la
bande de Gaza du reste du territoire
palestinien occupé et du monde. »
2/ Rapport 13
juillet 2012, TD/B/59/2
On lit dans ce
rapport de la CNUCED
« Les perspectives
à long terme de développement de
l’économique palestinienne sont devenues
encore plus irréalisables en 2011 que
jamais auparavant. Les restrictions à la
circulation, la diminution des flux
d’aide, un secteur privé paralysé et une
crise budgétaire chronique assombrissent
l’horizon. Le redressement de la
croissance récemment observé à Gaza ne
saurait être durable. Un chômage élevé
persiste, qui aggrave la pauvreté: un
Palestinien sur deux est considéré comme
pauvre. Dans les conditions actuelles,
étant donné la faiblesse de la demande
privée, la réduction des dépenses par
l’Autorité palestinien est
contre-productive. Les donateurs doivent
rendre leurs versements d’aide
prévisibles et il est indispensable
d’accroître les recettes budgétaires
liées au commerce pour empêcher une
crise socio-économique de grande
ampleur.
« Les effets de
l’occupation sur l’appareil productif
palestinien, en particulier le secteur
agricole, ont été catastrophiques.
L’économie palestinienne a perdu l’accès
à 40 % des terres, à 82 % des nappes
phréatiques et à plus des deux tiers des
terres de pâturages en Cisjordanie. À
Gaza, la moitié des terres cultivables
et 85 % des ressources halieutiques sont
devenues inaccessibles. Le développement
économique palestinien passe notamment
par la création d’une banque de
développement agricole permettant
d’assurer crédits, partage des risques
et investissements.
« En dépit de
ressources limitées, la CNUCED a
continué de soutenir le renforcement des
capacités institutionnelles
palestiniennes dans différents domaines,
y compris la formation et la réalisation
de projets de coopération technique
concernant la modernisation des douanes,
la facilitation du commerce et la
modélisation économétrique de l’économie
palestinienne.
« 4. L’économie
palestinienne continue de fonctionner
bien en dessous de son potentiel en
raison de la persistance des
restrictions à la mobilité (le nombre de
points de contrôle en Cisjordanie est
passé de 500 en 2010 à 523 en 2011), de
la poursuite du siège économique de
Gaza, de la crise budgétaire de
l’Autorité palestinienne et de la
diminution du soutien fourni par les
donateurs. La situation s’est encore
aggravée en 2011 avec l’augmentation des
destructions d’infrastructures
palestiniennes (en particulier de
logements) et l’expansion des colonies
israéliennes, notamment autour de
Jérusalem-Est et de Bethléem (Bureau du
Coordonnateur spécial des Nations Unies
pour le processus de paix au
Moyen-Orient (UNSCO), 2011), cela
s’ajoutant à l’actuelle «bantoustanisation»
du territoire palestinien.
« 7. L’occupation
prolongée et les conséquences
socioéconomiques de l’expansion des
colonies de peuplement israéliennes
(Salamanca et al., 2012) sont la
principale cause de l’échec des efforts
de développement de l’économie
palestinienne. Mettre un terme à
l’expansion des colonies et à
l’occupation est la condition sine
qua non d’un développement durable.
Faute d’un rééquilibrage économique et
politique radical entre l’occupation
israélienne et le peuple palestinien, il
ne saurait y avoir de véritable
redressement économique dans le
territoire palestinien occupé. Lever les
restrictions israéliennes qui pèsent sur
les travailleurs palestiniens
(s’agissant notamment de leur mobilité)
(Organisation internationale du Travail
(OIT), 2012) ainsi que sur les
entreprises et le commerce, et permettre
à l’Autorité palestinienne de percevoir
la totalité des recettes liées au
commerce qui lui reviennent seraient
d’utiles premières mesures à prendre
pour éliminer les conséquences négatives
de l’occupation et accroître les
possibilités de créer un État
palestinien souverain, conformément aux
résolutions pertinentes de l’ONU. »
V – Les
qualifications pénales
A/ Destruction
et appropriation indue de la propriété
privée
1/ Statut de la
CPI
Le statut de la
CPI, Article 8, 2, a, iv, définit comme
crimes de guerre, lorsqu’elles visent
des personnes protégées par les
Conventions de Genève « la destruction
et l’appropriation de biens, non
justifiées par des nécessités militaires
et exécutées sur une grande échelle de
façon illicite et arbitraire ».
Les éléments du
crime sont ainsi définis :
« 1. L’auteur a
détruit ou s’est approprié certains
biens.
« 2. La destruction
ou l’appropriation n’était pas justifiée
par des nécessités militaires.
« 3. La destruction
ou l’appropriation a été exécutée sur
une grande échelle et de façon
arbitraire.
« 4. Les biens
étaient protégés par une ou plusieurs
des Conventions de Genève de 1949.
« 5. L’auteur avait
connaissance des circonstances de fait
établissant ce statut de biens protégés.
« 6. Le
comportement a eu lieu dans le contexte
de et était associé à un conflit armé
international.
« 7. L’auteur avait
connaissance des circonstances de fait
établissant l’existence d’un conflit
armé ».
2/ Autres
sources
Constitue une
infraction grave aux Conventions de
Genève « la destruction et
l’appropriation de biens, non justifiées
par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de
façon illicite et arbitraire (I°
Convention de Genève (1949), art. 50 ;
II° Convention de Genève (1949), art. 51
; IV° Convention de Genève (1949), art.
147).
L’article 46 du
Règlement de La Haye prévoit que la
propriété privée doit être « respectée »
et « ne peut pas être confisquée.
Pour la CIJ, le
principe de la distinction des biens
militaires et civils est l’un des
«principes cardinaux » du droit
international humanitaire, et l’un des
«principes intransgressibles du droit
international coutumier» (TPIY,
affaires Le Procureur c. Zoran Kupreškić
et consorts, jugement, et Le Procureur
c. Dario Kordić et Mario Cerkez,
décision relative à la requête conjointe
de la défense et jugement).
Aux termes de
l’article 55 du même texte : « L’État
occupant ne se considèrera que comme
administrateur et usufruitier des
édifices publics, immeubles, forêts et
exploitations agricoles appartenant à
l’État ennemi et se trouvant dans le
pays occupé. Il devra sauvegarder le
fonds de ces propriétés et les
administrer conformément aux règles de
l’usufruit ». Cette règle a été
appliquée dans plusieurs affaires liées
à la Seconde guerre mondiale
(Pologne, Cour nationale suprême à
Poznan, affaire Greiser ; États-Unis,
Tribunal militaire à Nuremberg, affaire
Flick ; Les États- Unis c. Alfred Krupp
et autres et Krauch (procès I. G. Farben)
et postérieurement (Allemagne, Haute
Cour régionale de Düsseldorf et Cour
constitutionnelle fédérale, affaire
Jorgić ; Bosnie-Herzégovine, Cour
cantonale de Biha, affaire Bijeli´c ;
Chine, Tribunal militaire pour les
crimes de guerre du Ministère de la
défense nationale à Nanking, affaire
Takashi Sakai ; États-Unis, Tribunal
militaire à Nuremberg, affaires Flick,
Les États-Unis c. Alfred Krupp et
autres, Krauch (procès I. G. Farben),
Les États-Unis c. Wilhelm von Leeb et
autres (affaire du haut commandement) ;
France, Tribunal militaire permanent à
Clermont-Ferrand, affaire Szabados ;
France, Tribunal militaire permanent à
Metz, affaire Rust ; France, Tribunal
général du gouvernement militaire de la
zone française d’occupation en
Allemagne, affaire Herman Roechling et
consorts ; Israël, Haute Cour de
Justice, affaires Ayub et Sakhwil ;
Japon, Tribunal de district of Chiba,
affaire de l’Organisation religieuse
Hokekyoji ; Japon, Tribunal de district
de Tokyo, affaires Takada et Suikosha ;
Pays-Bas, Cour spéciale de cassation,
affaire Esau ; Pays-Bas, Cour pénale
spéciale à La Haye, affaire Fiebig et
Pologne, Cour nationale suprême à Poznan,
affaire Greiser).
Elle est reconnue
comme de droit coutumier, codifiée sous
le numéro 51 par le CICR :
« En territoire
occupé :
« a) la propriété
publique mobilière de nature à servir
aux opérations militaires peut être
confisquée ;
« b) la propriété
publique immobilière doit être
administrée conformément à la règle de
l’usufruit ; et
« c) la propriété
privée doit être respectée et ne peut
être confisquée, sauf si la destruction
ou la saisie de ces propriétés est
exigée par d’impérieuses nécessités
militaires ».
B/ Transfert de
populations
1/ Statut de la
CPI
Selon le Statut de
la Cour pénale internationale, Article 7
1) d) constitue un crime contre
l’humanité la « déportation ou transfert
forcé de population ».
Les éléments de
crime sont ainsi définis :
« 1. L’auteur a
déporté ou transféré de force 12, 13
sans motif admis en droit international,
une ou plusieurs personnes dans un autre
État ou un autre lieu, en les expulsant
ou par d’autres moyens coercitifs.
« 2. Les personnes
concernées étaient légalement présentes
dans la région d’où elles ont été ainsi
déportées ou déplacées.
« 3. L’auteur avait
connaissance des circonstances de fait
établissant la légalité de cette
présence.
« 4. Le
comportement faisait partie d’une
attaque généralisée ou systématique
dirigée contre une population civile.
« 5. L’auteur
savait que ce comportement faisait
partie d’une attaque généralisée ou
systématique dirigée contre une
population civile ou entendait qu’il en
fasse partie ».
Le texte ajoute :
« Le terme de force ne se limite
pas à la force physique et peut
comprendre un acte commis en usant à
l’encontre de ladite ou desdites ou de
tierces personnes de la menace de la
force ou de la coercition, telle que
celle causée par la menace de violences,
contrainte, détention, pressions
psychologiques, abus de pouvoir, ou bien
à la faveur d’un climat coercitif ».
Les mêmes faits
peuvent être qualifiés de crimes de
guerre (Article 8 2) b) viii) comme
étant, « le transfert, direct ou
indirect, par une puissance occupante
d’une partie de sa population civile,
dans le territoire qu’elle occupe ».
Les éléments de
crime sont ainsi définis :
« 1. L’auteur :
« a) A transféré,
directement ou indirectement, une partie
de la population de la puissance
occupante dans le territoire qu’elle
occupe ; ou
« b) A déporté ou
transféré la totalité ou une partie de
la population du territoire occupé à
l’intérieur ou hors de ce territoire.
« 2. Le
comportement a eu lieu dans le contexte
de et était associé à un conflit armé
international.
« 3. L’auteur avait
connaissance des circonstances de fait
établissant l’existence d’un conflit
armé ».
2/ Autres
sources
L’interdiction du
transfert ou de la déportation des
civils est inscrite dans la IV°
Convention de Genève, dont l’article 49
dispose en son alinéa 1, que les
transferts forcés, en masse ou
individuels, ainsi que les déportations
de personnes protégées hors du
territoire occupé dans le territoire de
la puissance occupante ou dans celui de
tout autre Etat, occupé ou non, sont
interdits, quel qu'en soit le motif, et
en son alinéa 6, que la puissance
occupante ne peut procéder à la
déportation ou au transfert d'une partie
de sa propre population civile dans le
territoire occupé par elle.
Ces pratiques
constituent une infraction grave au
Protocole additionnel I de 1977 (art.
85, par. 4, al. a)
La règle est
reconnue comme de droit coutumier,
codifiée sous le numéro 129 par le
CICR : « Les parties à un conflit armé
international ne peuvent procéder à la
déportation ou au transfert forcé de la
totalité ou d’une partie de la
population d’un territoire occupé, sauf
dans les cas où la sécurité des civils
ou des impératifs militaires l’exige. »
De même, il est de
droit coutumier que la puissance
occupante ne peut transférer dans les
territoires occupés une partie de sa
population. C’est la règle 130 :
« Les États ne
peuvent déporter ou transférer une
partie de leur population civile dans un
territoire qu’ils occupent.
« Selon le rapport
final du rapporteur spécial des Nations
Unies sur les transferts de populations
considérés sous l’angle des droits de
l’homme, « l’implantation de colons» est
un acte illicite qui met en jeu la
responsabilité de l’État et la
responsabilité pénale des individus (Sous-Commission
de la lutte contre les mesures
discriminatoires et de la protection des
minorités de la Commission des Nations
Unies pour les droits de l’homme,
Rapporteur spécial sur les transferts de
population, y compris l’implantation de
colons et de colonies, considérés sous
l’angle des droits de l’homme, rapport
final).
En 1981, la XXIVe
Conférence internationale de la
Croix-Rouge a affirmé que « les colonies
de peuplement installées dans les
territoires occupés sont incompatibles
avec les articles 27 et 49 de la IV°
Convention de Genève » (XXIVe
Conférence internationale de la
Croix-Rouge, rés. III. Voir aussi :
Conseil de sécurité de l’ONU, rés. 446,
452 et 476, rés. 465 et rés. 677 ;
Assemblée générale de l’ONU, rés. 36/147
C, 37/88 C, 38/79 D, 39/95 D et 40/161 D
et rés. 54/78 ; Commission des Nations
Unies pour les droits de l’homme, rés.
2001/7).
Cette règle se
retrouve dans de nombreuses décisions de
jurisprudence (Chine, Tribunal
militaire pour les crimes de guerre du
Ministère de la défense nationale,
affaire Takashi Sakai ; France, Tribunal
général du gouvernement militaire de la
zone française d’occupation en
Allemagne, affaire Herman Roechling et
consorts ; Israël, Tribunal de district
de Jérusalem, affaire Eichmann ;
Pays-Bas, Cour spéciale de cassation,
affaire Zimmermann ; Pologne, Cour
nationale suprême à Poznan, affaire
Greiser ; États-Unis, Tribunal militaire
à Nuremberg, affaires Krauch - procès
I.G. Farben - Les États-Unis c. Alfred
Krupp et autres) et déclarations
internationales (Assemblée
générale de l’ONU, rés. 2675 (XXV), rés.
3318 (XXIX), rés. 36/147 D, 37/88 D,
38/79 E, 39/95 E et 40/161 E, rés.
36/147 C, 37/88 C, 38/79 D, 39/95 D et
40/161 D ; Ligue des États arabes,
Conseil, rés. 4430 (ibid., par. 223),
rés. 5169 at rés. 5324 ; XXVe Conférence
internationale de la Croix-Rouge, rés.
I).
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