Les
actualités du droit
Commission
européenne : Les colonies israéliennes
en Palestine n'ont aucune validité
juridique
Gilles Devers
Mercredi 17 juillet 2013
Les colonies israéliennes en Cisjordanie
sont illégales : la régle est bien
connue, mais elle reste sans
application. La Commission européenne,
avec constance, cherche à défendre le
droit, mais elle se heurte à des
montagnes d'inertie... Hier, elle a
publié une notice particulièrement
nette. Sur le plan technique, ce n’est
pas une révolution, mais juste une note
de service. Les réactions
grandiloquentes de Bibi Netanyahou
montrent qu'il n’a rien à dire. Désarmé
juridiquement par une note de service !
Nous n’avons faire ni à un jugement de
condamnation pénale (qui serait pourtant
bien mérité), ni à un revirement du
Conseil européen, l’organe politique. Je
lis ici ou là que c’est une directive
européenne : diable non ! La
« directive » est une norme juridique
qui repose sur une définition précise.
Non, ce que publie l’excellente (quoique
fort injustement critiquée) Commission
européenne, c’est un « guidelines », une
« notice » sur la pratique du commerce.
On est dans la prévenance. Comme le
droit est parfaitement connu, et que
l’une des parties ne le respecte pas,
n’hésitant pas à placer les entreprises
européennes dans l’illégalité la plus
parfaite, la Commission rappelle
quelques saints et bénis principes, qui
protégeront les acteurs de l’économie.
Ah, mais me diront mes amis
européanophobes, l’Europe est nulle
parce qu’elle n’a pas de politique
étrangère. Faux, et vrai : elle a une
compétence limitée en politique
étrangère… parce que les Etats ne lui
ont transféré que peu de compétences.
D’ailleurs, quel Etat européen
accepterait de renoncer à sa politique
étrangère pour la confier aux instances
européennes. Sauf que si la Commission a
peu de pouvoir en politique étrangère,
elle est hautement compétente en droit
douanier.
L’Union européenne a conclu un accord
avec Israël, signé le 20 novembre 1995,
et un autre avec l’OLP le 24 février
1997. Chacun de ces traités s’applique
en fonction d’un territoire, et retient
la frontière d’avant 1967, la seule qui
en l’état du droit fait l’objet de
reconnaissances juridiques
internationales. L’accord du 24 février
1997 définit clairement la Palestine
comme la Cisjordanie, Gaza et
Jérusalem-Est.
L’Europe n’invente
rien : le Conseil de sécurité
(Résolution
1860-2009 du 8 janvier 2009),
Assemblée générale de l’ONU (maintes
fois) ou la Cour Internationale de
Justice (Avis du 9 juillet 2004,
Edification d’un mur dans le territoire
palestinien occupé) disent la même
chose et rappellent que les colonies en
Cisjordanie sont illégales.
Pour accéder au marché européen
(hyper-libéralisme capitalistique), un
Etat d’exportation doit justifier d’un
certificat d’origine, prouvant que le
produit vient bien de chez lui, et
garantissant les qualités du produit. A
défaut, le produit n’est pas vendable.
Par exemple, le Vietnam ne peut pas
délivrer de certificats d’origine pour
des produits fabriqués au Cambodge. Et
donc, Israël ne peut pas délivrer de
certificats d’origine pour des produits
fabriqués en Palestine.
Or, Israël, contre tout le droit
international, considère que les
colonies en Palestine passent sous
souveraineté israélienne et délivre des
certificats d’origine, totalement bidon.
Depuis des années, la Commission
européenne dit que ça suffat comme-ci :
avis aux importateurs du 8 novembre
1997, JO C 338, p. 13 ; Implementation
of the interim agreement on trade and
trade‑related matters between the
European Community and Israël [SEC(1998)
695 final]; Procès‑verbal de la deuxième
session du Conseil d’association
UE‑Israël du 20 novembre 2001,
disponible sur le site Internet du
Conseil de l’Union européenne, spéc. p.
4 ; Avis aux importateurs – Importations
effectuées d’Israël dans la Communauté,
du 23 novembre 2001, JO C 328, p. 6 ;
Avis n° 2005/C 20/02JOCE C 20/2, 25
janvier 2005…
Mais tout le petit trafic continue,
amplifiant la misère des Palestiniens.
Un pas, resté discret et pourtant
essentiel, a été fait avec l’arrêt Brita
rendu par la Cour de Justice de l’Union
européenne
le 25 février 2010 (C-386/08).
Pour la
Cour, les produits originaires de
Cisjordanie ne relèvent pas du champ
d’application territorial de l’accord
CE-Israël. Ainsi, seules les autorités
palestiniennes peuvent attester de
l’origine des marchandises produites
dans les territoires occupés, et Israël
doit s’interdire tout ce qui serait une
immixtion dans les affaires
palestiniennes, par une certification ou
un contrôle de facto de
l’économie.
L’ensemble des territoires occupés est
concerné. La seule frontière opposable
en droit européen est celle d'avant 1967
et les produits « obtenus dans des
localités qui sont placées sous
administration israélienne depuis 1967 »
ne bénéficient pas du traitement
préférentiel défini dans cet accord. En
droit douanier, Israël n’a aucun droit
pour certifier d’origine des produits
issus des territoires occupés, de
Cisjordanie comme de Gaza.
Magnifique : le droit était dit, et sans
surprise.
On attendait donc que l’Autorité
Nationale Palestinienne (ANP) se
saisisse de cet arrêt, et en exige
l’application dans toute l’Europe :
l’ANP n’a rien fait, pas même un
communiqué !
On attendait donc que les Etats
européens se saisisse de cet arrêt, et
en assurent l’application dans toute
l’Europe : les Etats européens n’ont
rien fait, pas même un communiqué !
Alors, le trafic continue, amplifiant la
misère des Palestiniens…
C’est donc la Commission qui reprend le
sujet par cette notice aux importateurs,
qui est une sorte de circulaire. Pas de
révolution genre Place Tahrir, mais
quand même un joli recadrage, qui a
empli mon âme de juriste de bonheur. En
2004, la CIJ a rappelé aux Etats qu’ils
ne pouvaient reconnaitre des situations
illicites en droit international,... et
les Etats n’en ont rien fait. Là,
honneurs juridiques et salutations
républicaines, la Commission explique
qu’il n’y a pas d’autres solutions que
d’appliquer le droit international : “Their
aim is to ensure the respect of EU
positions and commitments in conformity
with international law on the
non-recognition by the EU of Israel’s
sovereignty over the territories
occupied by Israel since June 1967”.
La Commission rappelle que l’Union
européenne ne reconnait aucune
souveraineté israélienne sur la
Palestine, entendue comme la
Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Tout
le reste est conséquence : “The EU has
made it clear that it will not recognise
any changes to pre-1967 borders, other
than those agreed by the parties to the
Middle East Peace Process”.
Donc, le colonialiste Etat d’Israël a
tout faux : “Under Israeli law, East
Jerusalem and the Golan Heights are
annexed to the State of Israel, whereas
the Gaza Strip and the rest of the West
Bank are referred to as 'the
territories”. Mais, les régles du droit
international s’impose: “The EU must
unequivocally and explicitly indicate
their inapplicability to the territories
occupied by Israel in 1967”.
Cette circulaire de
la Commission n’est pas une révolution,
mais un grand pas en avant, et en
pratique elle renvoie la question vers
deux interlocuteurs.
Le premier est l’ANP,
qui a salué l'action de la Commission
par un communiqué mou comme une chique.
La question est pourtant simple :
quelles mesures pratiques prend l’ANP
pour appliquer la notice européenne, et
donc gérer les certificats d’origine sur
tout le territoire de la Cisjordanie, de
Gaza et de Jérusalem-Est?
Les seconds sont les
Etats européens. La question est
simple : quelles mesures pratiques
prennent les Etats européens pour
appliquer la notice européenne, et donc
refuser toute valeur aux certificats
d’origine établis par Israël sur le
territoire de la Cisjordanie, de Gaza et
de Jérusalem-Est ? Avec la précision
qu'il est plus facile aux Européens
qu'aux Palestiniens d'agir.
L’Europe est une
communauté de droit, et le droit est
bien connu. Tout irait bien si les
responsables assumaient leurs
responsabilité. L'inaction peut sembler
confortable, mais c’est juste retarder
l’échéance, car jamais un tribunal
n’acceptera de valider l’acquisition de
territoires par la force armée.
A nouveau, merci
l'Europe.
Une
armée, une entreprise européenne et un
hors-la-loi.
Question
: lequel des trois représente le droit
?
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