Actualités du droit
Le lynchage
politique de Florence Lamblin
Gilles Devers
Florence
Lamblin / AFP
Lundi 15 octobre
2012
Oh purée quelle chasse contre Florence Lamblin, l’élue EELV, mise en examen
dans l’affaire du blanchiment de
l’argent de la drogue… Un élu est en
vue, certes, mais la hargne à démolir
cette adjointe d'arrondissement est
écœurante.
Elle est présumée innocente, et
bénéficie de la protection si bien posée
par l’article 9 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen : « Tout
homme étant présumé innocent jusqu'à ce
qu'il ait été déclaré coupable ». Selon
la première chambre de la Cour de
cassation (12 novembre 1998, Bull. n°
313), « seule une condamnation
pénale devenue irrévocable fait
disparaître, relativement aux faits
qu'elle sanctionne, la présomption
d'innocence »
Le régime juridique a été précisé par la
loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, qui a
rappelé au III de l’article préliminaire
du Code de procédure pénale : « Toute
personne suspectée ou poursuivie est
présumée innocente tant que sa
culpabilité n'a pas été établie. Les
atteintes à sa présomption d'innocence
sont prévenues, réparées et réprimées
dans les conditions prévues par la loi
».
La personne peut utiliser la voie pénale
de la diffamation, ou recourir aux
procédures efficaces prévues par
l’article 9-1 du Code civil :
« Lorsqu'une personne est, avant toute
condamnation, présentée publiquement
comme étant coupable de faits faisant
l'objet d'une enquête ou d'une
instruction judiciaire, le juge peut,
même en référé, sans
préjudice de la réparation du dommage
subi, prescrire toutes mesures, telles
que l'insertion d'une rectification ou
la diffusion d'un communiqué, aux fins
de faire cesser l'atteinte à la
présomption d'innocence, et ce aux frais
de la personne, physique ou morale,
responsable de cette atteinte ».
Il n’est donc interdit ni de parler des
faits, ni de donner son opinion, mais on
ne peut présenter comme condamnée une
personne qui ne l’est pas. Comme dirait
DSK : « Le doute m’habite »... Dans
notre affaire, Florence reconnait par le
biais de son avocat une fraude fiscale,
mais conteste être impliquée dans le
blanchiment de l’argent de la drogue.
Pour les dirigeants politiques
parisiens, c'est tout carré.
Du côté des élus de l’UMP, c’est assez
simple, genre gros bourrin. Pour
Philippe Goujon, le
patron de l’UMP parisienne, «
l’approche par les Verts et le PS de la
question de la drogue, qui passe pour
les Verts par la légalisation et pour
certains socialistes par la
dépénalisation, créé un climat
favorable, permissif, qui fait que
certains ne voient pas la différence
entre le licite et l’illicite, entre le
bien et le mal ».
Bref,
l’élue est plantée dans la drogue
jusque-là. Donc, chère Florence,
celui-là, tu le colles au tribunal.
Du
côté du PS, c’est Delanoë qui a fait le
coq sur BFM Télé : « C'est une
affaire grave. Il faut vraiment que
toute la vérité soit faite, que la
police, la justice puissent établir les
faits, mais il s'agit quand même de
blanchiment d'argent dans un cadre de
trafic de drogue, c'est très très grave
». Et
il demande à l’élue de démissionner de
son mandat de conseillère
d’arrondissement. Donc, chère Florence,
celui-là aussi tu le colles au tribunal,
d’autant plus que le lendemain, il a
ajouté une couche en affirmant que « l’exemplarité
des élus est non négociable».
Et cette manie d’imposer la démission
alors que l’enquête commence juste...
C’est un truc aberrant : il est plus
grave d’être concerné par une enquête
que d’être condamné !
Jean-Paul Huchon a été condamné par la
Cour d’appel de Paris le 21 novembre
2008 pour emploi fictif à
6 mois de prison avec sursis et 60 000
euros d'amende, mais Delanoë n’a rien à
en dire sur l'exemplarité. Le 17
décembre 1998, Harlem Désir avait été
condamné à 18 mois de prison avec sursis
pour abus de biens sociaux, mais Delanoë
n’a plus rien à dire non plus.
Quand Guérini avait été mis en examen,
le PS lui avait demandé de quitter ses
fonctions de président du Conseil
général des Bouches-du-Rhône, et il
avait répondu : « Il y a 57 élus socialistes, maires de
grandes villes, parlementaires ou
présidents de conseils généraux, qui ont
été mis en examen ou condamnés et qui
continuent à occuper d'éminentes
fonctions ».
Parole d’expert.
En réalité, Delanoë bondit sur
l’occasion, qui est trop belle, pour
taper sur EELV alors que s’approchent
les municipales de 2014, et que le match
interne à la Gauche est incertain car
Hidalgo sa protégée ne fait pas
l’unanimité. Ca, c’est pas fortiche,
camarade Delanoë...
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