Opinion
Crimes avec la
CIA: 10 ans de prison pour
le responsable du renseignement
militaire italien
Gilles
Devers
Vendredi 15 février
2013 Une fois de plus, la justice italienne,
délestée de la lourdeur gouvernementale
sur le Parquet, montre la voie. La Cour
d’appel de Milan, ce 12 février, a
condamné Nicolo Pollari, ancien
responsable du renseignement militaire
italien, à dix ans de prison pour
enlèvement, dans le cadre des opérations
mafieuses conduites par la CIA en Europe
contre ceux que le gouvernement US
(Amérique du Nord) avait déclarés
coupables. L'affaire, c’est le rapt le 17 février
2003, à Milan, d’un réfugié politique
égyptien, Abou Omar, qui s’est ensuite
retrouvé sur une base américaine en
Allemagne, avant d’être livré un an plus
tard au gérant des intérêts US en
Egypte, un certain Hosni Moubarak. Là,
il a été placé dans une prison de «
sécurité » pour être isolé et torturé
pendant 7 mois. La toile de fond, c’est cette fumisterie
qui s’appelle la « guerre contre le
terrorisme ». Le mécanisme est bien
connu. Un chef d’Etat sans politique et
sans âme décrète qu’il doit faire la
guerre au terrorisme. Les services de
propagande diffusent aussitôt des
reportages montrant des méchants
vrai de vrai, et le lendemain le
chef de l’Etat ordonne des actes
illégaux, voire criminels. Il fait
adopter des lois qui permettent de
contrôler des populations entières, et
donne ordre aux services de commettre
des crimes. L’un de ces Etats organise,
sur toute la planète, des assassinats,
choisis secrètement. Je vous rassure :
c’est bien sûr la prison qui attend ce
chef d’Etat, car force doit rester à la
loi.
Selon le rapport de l'Open Society Justice
Initiative, de ce début février,
57 chefs d’Etat sont impliqués
: Afghanistan, Afrique du Sud, Albanie,
Allemagne, Algérie, Arabie Saoudite
Australie, Autriche, Azerbaïdjan,
Belgique, Bosnie-Herzégovine, Canada,
Croatie, Chypre, Danemark, Djibouti,
Egypte, Emirats arabes unis, Espagne
Ethiopie, Finlande, Gambie, Géorgie,
Grèce, Hong-Kong, Islande, Indonésie,
Iran, Irlande, Italie, Jordanie, Kenya,
Libye, Lituanie, Macédoine, Malawi,
Malaisie, Mauritanie, Maroc,
Ouzbékistan, Pakistan, Pologne,
Portugal, République tchèque, Roumanie,
Royaume-Uni, Somalie, Sri Lanka, Suède,
Syrie, Thaïlande, Turquie, Yémen,
Zimbabwe.
Leurs crimes ? Toute une gamme : présence
d'une prison secrète de la CIA sur le
territoire, conduite d'interrogatoires,
actes de tortures, assistance à l’enlèvement
ou au transport de détenus, fourniture
de renseignements, autorisations de
survol du territoire ou atterrissages
secrets
d’avions frelatés...
De toute l’Union Européenne Prix
Nobel de la Paix, seuls trois Etats
ont refusé leur concours : le
Luxembourg, les Pays-Bas et la France.
Je précise qu’à l’époque la France avait
un président qui refusait d’être une
serpillère US. Il s’appelait Jacques
Chirac. Les temps ont bien changé.
Dans l’affaire d’Abou Omar, la justice
italienne avait jugé le volet US en
condamnant en septembre 2012 et janvier
2013, par contumace, vingt-trois agents
de la section milanaise de la CIA, dont
leur boss, Robert Seldon et Jeff
Castelli, qui avaient pris huit et sept
ans de réclusion. Le président US
Prix Nobel de la Paix a donné ordre
de ne pas exécuter les mandats d’arrêt
délivrés par les juges italiens,
considéré comme une sorte de sous-Etat.
Chacun ses mœurs.
Le second volet concernait le service du
renseignement militaire italien (le
Sismi, devenu l’AISE). Un premier procès
avait eu lieu en 2007, mais les agents
italiens avaient été acquittés, au motif
qu’ils ne pouvaient se défendre sans
porter atteinte au secret d'Etat imposé
par le gouvernement italien. Argument
bidon, car l’obligation d’obéissance
s’arrête devant l’ordre criminel.
Avec l’arrêt de ce 12 février, le
général Nicolo Pollari, chef du Sismi de
2001 à 2006, prend dix ans de prison.
Marco Mancini, le numéro deux, neuf ans
et trois agents de rang inférieur, six
ans. Tous sont planqués à l’étranger.
Sur le plan civil, il est alloué un
million d'euros de dommages et intérêts
à Abou Omar et 500 000 euros à sa femme.
Le volet judiciaire à venir va concerner
les responsables politiques, car on voit
mal le service du renseignement
militaire pratiquer ces actes criminels
en lien avec les mafieux de la CIA sans
ordre gouvernemental. Berlusconi, Bush
et Obama entaulés : là, enfin, les
droits de l'homme commenceraient leur
émancipation.
Le sommaire de Gilles Devers
Les dernières mises à jour
|