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du droit
Nelson Mandela,
respect
Gilles Devers
Vendredi 6 décembre 2013
C’est bon, c’est bon, j’ai compris : ce
n’est pas le jour des polémiques. Oki.
Mais il va alors falloir beaucoup de
calme pour supporter le spectacle des
hommages à Nelson Mandela, le grand
militant de l’égalité et le héros de la
réconciliation.
Du cotée de notre douce France, ce
devrait le jour d’excuses nationales au
mouvement anti-apartheid, alors que la
France a été l’un des principaux du
pouvoir raciste, vendant les armes pour
combattre les militants contre le précis
uranium de notre fière filière
électricité.
Et pour le reste,… bien sur l’égalité
est le principe et conduire la
réconciliation au sein de ce peuple a
été grandiose de la part de celui qui a
tant vécu l’arbitraire du pouvoir. Mais
on ne peut résoudre un problème que si
on a su bien le poser. Alors, ceux qui
aujourd’hui encensent Nelson Mandela
encensent celui qui analysait ainsi la
situation de la Palestine.
Lettre à Thomas Friedman,
éditorialiste au New York Times, du 28
mars 2001
Cher Thomas,
Je sais que vous et moi sommes
impatients de voir la paix au Moyen
Orient, mais avant que vous continuiez à
parler des conditions nécessaires d’un
point de vue israélien, vous devez
savoir ce que j’en pense. Par où
commencer ? Disons 1964.
Permettez-moi de citer mes propres
paroles lors de mon procès. Elles sont
aussi justes aujourd’hui qu’elles
l’étaient à l’époque : "J’ai combattu la
domination blanche et j’ai combattu la
domination noire. J’ai chéri l’idéal
d’une société démocratique et libre au
sein de laquelle tous vivraient
ensemble, en harmonie, et avec des
chances égales. C’est un idéal pour
lequel j’espère vivre et que j’espère
atteindre. Mais s’il le faut, c’est un
idéal pour lequel je suis prêt à
mourir."
Aujourd’hui, le monde, noir et blanc,
reconnaît que l’Apartheid n’a pas
d’avenir. En Afrique du Sud, il s’est
terminé grâce à notre propre action de
masse décisive, pour bâtir la paix et la
sécurité. Cette campagne massive de défi
et autres actions ne pouvait qu’aboutir
à l’établissement de la Démocratie.
Il est peut-être étrange pour vous
d’observer la situation en Palestine ou,
plus spécifiquement, la structure des
relations politiques et culturelles
entre les Palestiniens et les
Israéliens, comme un système
d’Apartheid. Votre article récent "Bush’s
First Memo", dans le New York Times du
27 mars 2001, le démontre.
Vous semblez surpris d’entendre qu’il y
a toujours des problèmes de 1948 à
résoudre, dont le plus important est le
droit au retour des réfugiés
palestiniens. Le conflit
palestino-israélien n’est pas qu’un
problème d’occupation militaire et
Israël n’est pas un pays qui a été créé
"normalement" et qui s’est mis à occuper
un autre pays en 1967. Les Palestiniens
ne luttent pas pour un "Etat" mais pour
la liberté, la libération et l’égalité,
exactement comme nous avons lutté pour
la liberté en Afrique du Sud.
Au cours de ces dernières années, et en
particulier lorsque le Parti
Travailliste était au gouvernement,
Israël a montré qu’il n’avait même pas
l’intention de rendre ce qu’il avait
occupé en 1967, que les colonies
resteraient, que Jérusalem serait sous
souveraineté exclusivement israélienne
et que les Palestiniens n’auraient pas
d’Etat indépendant mais qu’ils seraient
placés sous domination économique
israélienne, avec un contrôle israélien
des frontières, de la terre, de l’air,
de l’eau et de la mer.
Israël ne pensait pas à un "Etat" mais à
une "séparation". La valeur de la
séparation se mesure en terme de la
capacité d’Israël à garder juif l’Etat
juif, et pas d’avoir une minorité
palestinienne qui pourrait devenir une
majorité, dans l’avenir. Si cela
arrivait, cela forcerait Israël à
devenir soit un Etat laïque ou
bi-national, soit à devenir un Etat
d’Apartheid, non seulement de fait, mais
aussi de droit.
Thomas, si vous suivez les sondages
israéliens au cours des 30-40 dernières
années, vous verrez clairement un
racisme grossier, avec un tiers de la
population qui se déclare ouvertement
raciste. Ce racisme est de la nature de
"Je hais les Arabes", et "Je souhaite
que les Arabes meurent". Si vous suivez
également le système judiciaire en
Israël, vous verrez qu’il y a
discrimination contre les Palestiniens,
et si vous considérez plus
particulièrement les territoires occupés
en 1967, vous verrez qu’il y a déjà deux
systèmes judiciaires à l’œuvre, qui
représentent deux approches différentes
de la vie humaine : une pour la vie
palestinienne et l’autre pour la vie
juive.
De plus, il y a deux approches
différentes pour la propriété et pour la
terre. La propriété palestinienne n’est
pas reconnue comme propriété privée
puisqu’elle peut être confisquée.
Pour l’occupation israélienne de la
Cisjordanie et de Gaza, il y a un
facteur supplémentaire à prendre en
compte. Les soi-disant "Zones autonomes
palestiniennes" sont des Bantoustans. Ce
sont des entités restreintes au sein de
la structure de pouvoir du système
israélien d’Apartheid.
L’Etat palestinien ne peut pas être un
sous-produit de l’Etat juif, juste pour
garder la pureté juive d’Israël. La
discrimination raciale d’Israël est la
vie quotidienne de la plupart des
Palestiniens. Parce qu’Israël est un
Etat juif, les Juifs israéliens ont des
droits particuliers dont les non Juifs
ne bénéficient pas. Les Arabes
palestiniens n’ont aucune place dans un
Etat "juif".
L’Apartheid est un crime contre
l’humanité. Israël a privé des millions
de Palestiniens de leur liberté et de
leur propriété. Il perpétue un système
de discrimination raciale et
d’inégalité. Il a systématiquement
incarcéré et torturé des milliers de
Palestiniens, en violation du droit
international. Il a déclenché une guerre
contre une population civile et en
particulier contre des enfants. Les
réponses de l’Afrique du Sud en matière
de violation des droits humains
provenant des politiques de déportation
et des politiques d’apartheid ont mis en
lumière ce que la société israélienne
doit nécessairement accomplir avant que
l’on puisse parler d’une paix juste et
durable au Moyen Orient et de la fin de
la politique d’apartheid. Thomas, je
n’abandonne pas la diplomatie du Moyen
Orient, mais je ne serai pas complaisant
avec vous comme le sont vos supporters.
Si vous voulez la paix et la démocratie,
je vous soutiendrai. Si vous voulez
formaliser l’apartheid, nous ne vous
soutiendrons pas. Si vous voulez
soutenir la discrimination raciale et le
nettoyage ethnique, nous nous opposerons
à vous. Quand vous aurez pris votre
décision, passez-moi un coup de fil.
Nelson Mandela
Traduit par Mireille RUMEAU
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