Actualités du droit
Licencié pour
avoir mangé deux gâteaux
Gilles Devers
Gestion
moderne des ressources humaines
Jeudi 6 décembre
2012
Il y a vraiment des mecs qui ont le
melon, ça m’écœure. Virer pour faute
grave un salarié qui a trente ans
d’ancienneté parce qu’il a croqué deux
gâteaux destinés à être jetés… Ce sont
des brutes.
Joël, 49 ans, est chauffeur de nuit à la
base logistique d'Intermarché à Bressols
(Tarn et Garonne), avec trente ans
d’ancienneté.
Après sa tournée de nuit, il rentre au
dépôt et il explique : « Je me sentais
un peu fatigué. J'ai simplement voulu
grignoter deux biscuits de la casse.
Chez nous, la casse est un conteneur où
l'on entrepose des marchandises abîmées,
destinées au reconditionnement, à la
Banque alimentaire ou à la destruction
».
Oui, mais voilà, c’est interdit de chez
interdit. Son supérieur hiérarchique, à
qui rien n’échappe, l'a vu en flagrant
délit de manger les deux gâteaux, et il
en réfère à la direction, qui aussitôt
dégaine l’artillerie : mise à pied
conservatoire et licenciement pour faute
grave, c’est-à-dire sans préavis et sans
indemnité de licenciement, prononcé le
24 novembre.
Motif : le règlement intérieur prévoit
une interdiction formelle de piocher
dans les stocks, et même dans la fameuse
«casse.»
Les collègues, conduits par la CGT, ont
alors bloqué l’entrepôt, expliquant par
un tract : « Même si la faute est
avérée, comment pouvons-nous accepter
une telle décision ? ». La direction n’a
pas voulu revenir sur le licenciement,
mais elle a accepté de verser 20 000 €
de dommages et intérêts.
Sur RTL, Joël laisse parler son désarroi
: « Ils ne m'ont donné que 20.000 euros
après trente ans de boîte. Ce n’est pas
moi le voleur… Un gars qui a 50 ans, on
peut le détruire complètement pour deux
gâteaux. Grâce au directeur, mes enfants
vont être un peu plus privés pour Noël.
Je vais être obligé de vendre ma
maison.»
Alors, bien sûr, on va me sortir les
litanies : le respect du règlement
intérieur,... qui vole un œuf vole un
bœuf,... le vol dans les entreprises…
Merci, je suis au courant. Au bureau, la
salle d’attente est dans la bibliothèque
et des livres disparaissent
régulièrement.
Mais je me contrefiche de ça. J’invite
seulement les p’tits mecs au melon
d’Intermarché à s’écarter des certitudes
du règlement intérieur pour réfléchir
deux minutes à ce qu’est la vie d’un
père de famille qui, après trente ans de
bons et loyaux services, rentre chez lui
sans boulot, viré comme un voleur.
Continuez la casse, continuez la
violence et faites bien les malins avec
vos règlements de psychorigides... Si
vous avez cinq minutes, passez demain à
la médecine du travail que le toubib
vérifie si vous avez un cerveau dans le
crâne. Après, il faut toute une
éducation pour apprendre à s’en servir.
Au début, ça fait peur, mais vous
verrez, au final, c’est pas mal de
devenir un être humain.
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