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Opinion
Justice has been
done ? No !
Gilles Devers
Mardi 3 mai 2011
« Justice has been done ». Non : «
Just an illegal act of war has been committed
». Obama est libre de vanter sa réussite sur
un plan militaire, politique, moral, économique, avec ses
critères. Mais il y a une chose qu’il ne peut pas dire, c’est
« Justice has been done ». Car les règles sont d’ordre public.
Elles appartiennent à tous, sont opposables à tous et la réponse
juridique ne fait pas de doute.
Le droit international humanitaire
Le
droit international humanitaire est ce que l’on appelait jadis
le droit de la guerre. Même la guerre a des règles, qui sont
parfaitement définies par des textes reposant sur plus de cent
ans de pratique à travers le monde,
et spécialement les quatre Conventions de Genève de 1949.
La première protège les soldats blessés ou malades sur terre en
temps de guerre, la seconde les militaires blessés, malades ou
naufragés en mer en temps de guerre, la troisième s’applique aux
prisonniers de guerre, et la quatrième assure la protection des
civils, notamment en territoire occupé.
La difficulté, c’est l’application, et ce n’est pas nouveau. Les
tribunaux internes étant dépassés, l’ONU a créé de grandes cours
internationales : Nuremberg, Tokyo, puis les tribunaux
ad hoc pour
l’Ex-Yougoslavie, le Ruanda, le Libéria, le Cambodge. La base
légale a alors semblé suffisamment acquise pour créer une cour
permanente, et ce fût la Cour
pénale internationale, instaurée par le Traité de Rome en 1998,
et entrée en œuvre en 2002. En pratique, le statut reprend les
règles du droit international humanitaire, mais il définit les
sanctions et la procédure pour juger les faits. Le droit n'est
rien sans la volonté de rendre justice. Chercher à comprendre,
c'est une ligne de vie pour les humains.
L’arrestation et la mort
L’arrestation
et la mort ont-elles été conduites selon un procédé légal, qui
permettrait de dire « Justice has been done » ? Je lis ici et là
le décryptage de la législation US, et en particulier des actes
signés par Bush suite aux attentats du 11 septembre. Mais cette
analyse n’est d’aucun intérêt. Les actes ont été commis sur
ordre et en application de ces textes. Oki. Cela signifie
simplement, sous réserve de l’analyse des faits, que les
militaires ont agi dans le respect des consignes données. Mais
cela n’a aucune
incidence sur la validité des actes, car ils ont été commis au
Pakistan où la loi US - faut-il le rappeler ? - ne s’applique
pas. Les soldats US n’ont aucun droit pour exercer une action
militaire quelconque sur le sol pakistanais, sans l’accord et la
participation du Pakistan. Les actes sont illégaux par nature.
Les dirigeants
actuels, mis devant le fait accompli, ont sûrement beaucoup à
faire en interne ces jours-ci, et il va aussi être difficile
d’expliquer comme cette maison là dans ce quartier là n’avait
jamais été repérée. Mais l’ancien
président pakistanais Pervez Musharraf n’a pas les mêmes
réserves, déclarant l’évidence à la
BBC : « L'opération aurait du être menée par l'armée
pakistanaise. Des troupes étrangères ne doivent pas rentrer sur
notre sol (...) Je ne m'attends pas à des scènes de liesse du
peuple pakistanais car leur souveraineté a été violée».
Justice aurait été faite s'il y avait eu une
arrestation par les forces pakistanaises, avec sans doute
l'appui des US, puis un procès respectant les normes du droit
international, devant un juge indépendant et impartial. C'était
le moyen de chercher la vérité.
Pour le reste, on ne peut dire davantage des
faits, car les US seuls dirigent la communication. Mais
sous cette réserve, on peut évoquer les qualifications
juridiques, et donc ce qui est en jeu.
L’article 8 du statut de la CPI définit comme crimes de guerre,
« lorsque ces crimes s’inscrivent
dans le cadre d’un plan ou d’une politique » les infractions
graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, et notamment :
-
Art. 8, 2, b, i) : L’homicide intentionnel
;
-
Art. 8, 2, b, vi) : Le fait de priver
intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre
personne protégée de son droit d’être jugé régulièrement et
impartialement ;
-
Art. 8, 2, xxi) : Les atteintes à la
dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants.
3. Les funérailles
L’identification
Les guerres font des morts, et les références
sont multiples pour définir ce qui, dans une société du droit,
fait le respect des morts. Les deux grandes premières questions
sont la recherche des morts et leur identification. Après un
engagement, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder
toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et
évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.
L’obligation d’identifier les morts avant de
les inhumer, codifiée pour la première fois en 1929, se retrouve
dans les Conventions de Genève de 1949.
C’est pour la 1° Convention, l’article 17,
alinéa 1 : « Les Parties au conflit veilleront à ce que
l'inhumation ou l'incinération des morts, faite individuellement
dans toute la mesure où les circonstances le permettront, soit
précédée d'un examen attentif et si possible médical des corps,
en vue de constater la mort, d'établir l'identité et de pouvoir
en rendre compte. La moitié de la double plaque d'identité ou la
plaque elle-même, s'il s'agit d'une plaque simple, restera sur
le cadavre ».
La même règle est prévue par le droit des
droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme
(CEDH, Kaya c. Turquie,
et Yasa c. Turquie) et la Cour interaméricaine des droits
de l’homme (CIDH, Neira
Alegría) ont exigé que des mesures effectives soient prises
à cet effet en temps utile, même dans des situations de violence
armée.
La
restitution du cadavre aux familles
Les parties à un conflit ont l’obligation de
faciliter le retour des restes des personnes décédées à leur
famille, ce qui est conforme à l’exigence du respect de la vie
de famille reconnue par le droit humanitaire. La question est
bien celle de la restitution, pour les personnes tombées sur le
territoire ennemi. De même est reconnue l’obligation de
retourner les effets personnels des personnes décédées, et ce
depuis la Convention de Genève de 1929. Il existe peu de
contentieux, mais en 1985, la justice colombienne a jugé que
l’on ne pouvait nier aux familles leur droit légitime à
revendiquer les corps de leurs parents, à les transférer où
elles le souhaitaient et à les inhumer
(Cundinamarca, n° 4010).
Le Plan d’action adopté en 1999 par la XXVIIe
Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant
Rouge exige de toutes les parties à un conflit armé qu’elles
prennent des mesures efficaces pour s’assurer que « tout est mis
en œuvre pour identifier les morts, informer leurs proches et
leur remettre les dépouilles ».
L'inhumation
Les morts doivent être inhumés de manière
respectueuse. L’obligation d’inhumer les morts de manière
respectueuse, codifiée pour la première fois dans les
Conventions de Genève de
1929, est maintenant traitée de manière détaillée dans les
Conventions de Genève de 1949
(1°, art. 17 ; 2°, art.
20 ; 3°, art. 120 ; 4°, art. 130). De nombreux manuels
militaires précisent que les morts doivent être inhumés de
manière honorable, et cette obligation est inscrite dans la
législation de la plupart, sinon de la totalité, des États.
Les tombes doivent être respectées et
entretenues. Le Protocole additionnel I, art. 34, par. 2, ajoute
que les parties doivent conclure des accords pour assurer en
permanence la protection et l’entretien des sépultures.
Le respect des rites religieux
Les Conventions de Genève précisent que les
morts doivent être enterrés selon les rites de la religion à
laquelle ils appartenaient.
C’est, pour la 1° Convention, l’article 17,
alinéa 3 : « Les Parties au conflit veilleront, en outre, à ce
que les morts soient enterrés honorablement, si possible selon
les rites de la religion à laquelle ils appartenaient, que leurs
tombes soient respectées, rassemblées si possible selon la
nationalité des décédés, convenablement entretenues et marquées
de façon à pouvoir toujours être retrouvées. A cet effet et au
début des hostilités, elles organiseront officiellement un
service des tombes, afin de permettre des exhumations
éventuelles, d'assurer l'identification des cadavres, quel que
soit l'emplacement des tombes, et leur retour éventuel dans leur
pays d'origine. Ces dispositions s'appliquent de même aux
cendres qui seront conservées par le Service des tombes jusqu'à
ce que le pays d'origine fasse connaître les dernières
dispositions qu'il désire prendre à ce sujet ».
Des tombes collectives ne peuvent être
utilisées que lorsque les circonstances ne permettent pas
d’inhumer les morts individuellement. Afin de permettre
l’identification des morts, chaque partie au conflit doit
enregistrer toutes les informations disponibles avant
l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.
Rien, légalement, ne pouvait justifier de
s’emparer du corps, pour l’embarquer en mer, et l’immerger.
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