Site d'information sur la Palestine, le Moyen-Orient et l'Amérique latine

 

Palestine - Solidarité

 

Retour :  Accueil  -  Sommaire Gilad Atzmon  -  Traductions de M. Charbonnier  -  Dossier Religion  -  Analyses


Gilad.co

Le Nègre de Polanski, une critique
Gilad Atzmon

Mercredi 21 avril 2010

Il est frappant de constater que le metteur en scène Roman Polanski, qui a réussi à échapper à la justice depuis plus de trente ans, a décidé de faire un film retraçant la chronique d’un député britannique en disgrâce tentant d’échapper au Tribunal pour les Crimes de Guerre de La Haye.

Le dernier film de Polanski s’inspire du bestseller Le Nègre, de Robert Harris, qui raconte l’histoire d’un ex-député britannique ‘fictionnel’, Adam Lang (interprété par Pierce Brosnan), lequel, bien qu’immensément populaire naguère, est aujourd’hui totalement méprisé. Lang vit en exil aux Etats-Unis avec son épouse Ruth (interprétée par Olivia Williams). Il redoute d’être extradé devant la Cour internationale de Justice de La Haye.

Le personnage principal, qui entraîne le film du début à la fin, est un nègre, un plumitif (Ewan McGregor). Il est employé par un éditeur pour écrire la biographie de Lang, à la suite de la mort mystérieuse du précédent plumitif de celui-ci. La nouvelle recrue ne tarde pas à découvrir que quelque chose, chez les Lang, n’est pas particulièrement cachère. Les Langs, s’avère-t-il, travaillaient pour la CIA.

La ressemblance entre Adam Lang et Tony Blair est plus qu’évidente. Adam Lang est un type élégant aux cheveux noirs, il est athlétique, charmant et svelte ; c’est un criminel de guerre, certes, mais il n’en est pas moins vulnérable, il est vite gagné par la panique. Le film s’attaque au chapitre le plus dévastateur de l’histoire récente : la transformation de la démocratie libérale anglo-américaine en machine à tuer alimentée par le pathos et la bonne conscience – un chapitre auquel la société britannique n’est pas encore assez mûre pour se confronter. Encore une fois, ce sont des esprits artistiques et créatifs comme ceux d’Harris et de Polanski qui sont aux prises avec des questions que la commission d’enquête Chilcot n’oserait aborder pour rien au monde.

Jusqu’ici, toute tentative conventionnelle de produire un récit rationnel susceptible d’expliquer la logique de la conduite de Tony Blair depuis 2002 a lamentablement échoué. Blair a lancé une guerre illégale fondée sur un dossier fabriqué de toutes pièces. Il a précipité le pays dans la guerre en dépit d’une forte opposition au sein de l’armée, des services de renseignement, du cabinet gouvernemental, du parti Travailliste, des médias et de l’opinion publique. Au cours de son procès, Blair a fait monter sérieusement la pression contre des officiers du renseignement et des experts juridiques afin d’obtenir l’approbation de son agenda mortel. Blair, par ailleurs, s’accrochait à ses financeurs sionistes et à ses partisans au sein des médias. La raison pour laquelle il a fait cela est loin d’être claire.

Cette forme particulière de propagande est largement promue par les sionistes et les néocons au sein des médias et du monde académique britanniques. Mais lancer une guerre sioniste et perpétrer un génocide au nom de la « morale » est une excuse encore plus embarrassante que l’utilisation de Dieu. Apparemment, aucun narratif patriotique ne pourra jamais justifier la politique et les crimes de Blair. Manifestement, l’absence de tout raisonnement politique sincère a conduit à l’invention d’Adam Lang, un pion fictionnel de la CIA américaine, planté au cœur du monde politique britannique.

Autant Lang ressemble à Blair, autant l’on peut remarquer qu’Adam Lang est dépourvu de certains comparses associés au leadership de Blair. Adam Lang opère sans disposer d’un Lord Caisse Enregistreuse ou d’un soutien appartenant aux « Amis d’Israël » et capable de tirer les choses au clair. Il souffre, par ailleurs, de l’absence d’un expert juridique soumis, de quelqu’un qui pourrait nous rappeler Lord Feu Vert. Il n’est pas non plus fait mention des Wolfowitz et autres Perle. Très significativement, il n’est pas prononcé un seul mot, dans ce film, au sujet des néocons sionistes extrémistes infiltrés au sein des médias britanniques. J’imagine que ce que nous pouvons attendre de la part de Polanski connaît des limites, même s’il s’agit du génie du cinéma qui nous a apporté Le Pianiste. 

Dans ce nouveau film de Polanski, Le Nègre, ce ne sont pas les sionistes qui mènent la danse et nous entraînent dans une guerre après une autre ; de fait, ce sont la CIA et l’épouse d’Adam, Ruth, qui nous baisent la gueule. Dans l’univers cinématographique de Polanski, Adam Lang n’est rien d’autre qu’une marionnette, un acteur charmant et néanmoins naïf issu de l’Université de Cambridge, qui a été recruté par une agence de renseignement étrangère. Lang lui-même ne comprend peut-être pas pourquoi on parle autant de lui. Il est innocent et il pourrait peut-être bien, même, être une victime. Dans le film de Polanski, Adam Lang est presque un héros tragique, un narcissiste pathétique qu’exploitent des forces maléfiques. Cette interprétation est de nature à nous aider à comprendre la raison pour laquelle Polanski, qui est aujourd’hui confronté à une extradition vers les Etats-Unis en raison d’une agression sexuelle commises il y a bien des années, a choisi de faire un film sur un criminel de guerre ex-dirigeant du monde en fuite. La véritable histoire, semble vouloir nous faire croire Polanski, est un tant soit peu plus compliquée qu’il n’y paraît.

A l’évidence, ce portrait d’Adam Lang en victime a pour fonction de briser toute ressemblance avec Tony Blair. Il laisse Adam Lang, le personnage tragique, en territoire fictionnel sûr, mais il nous confronte aussi à une tâche inachevée. Que Blair ait été un agent de la CIA soumis à un chantage, qu’il ait été un chrétien exalté ou (simplement) un interventionniste humanitaire, nous devons nous assurer qu’il soit remis en un seul morceau au Tribunal de La Haye, où il devra être confronté à la justice.

Nous devons bien ça aux millions de personnes qui ont été tuées au nom de son idéologie à la noix.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Les analyses de Gilad Atzmon
Les dernières mises à jour



Source et traduction : Marcel Charbonnier


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Moyen-Orient, de l'Amérique latine et de la Corse.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.
Pour contacter le webmaster, cliquez < ici >

Retour  -  Accueil Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Originaux