|
Peace
Palestine
Quand
ça suffit, ça suffit ! Le cas pendable de Tony Greenstein
Gilad Atzmon
on
Peacepalestine, 6 mars 2007
http://peacepalestine.blogspot.com
Ce bref article a
fort peu à voir avec la Palestine ; il ne porte pas sur la
famine à Gaza, il ne dit rien des barrages israéliens sur les
routes, il n’aborde pas le droit au retour des Palestiniens. Il
n’aura aucun effet sur la situation en Palestine, ni sur l’énorme
souffrance des Palestiniens. Non ; il parle d’une poignée
d’activistes juifs qui ont fait de la solidarité avec les
Palestiniens un cauchemar permanent. Cet article a été écrit
alors que j’étais en proie à de douloureux élancements de ma
conscience, persuadé que j’étais que je n’aurais jamais eu
à revenir là-dessus…
Il
est dédié, en particulier à Monsieur Tony Greenstein, un
activiste de la « solidarité » avec la Palestine qui
se voue entièrement à diffamer d’autres militants et à les
couvrir de fange, en particulier des intellectuels non dénués
d’un certain appétit continental.
Voici
deux ans, je tombai sur son nom, par hasard, pour la première
fois. C’était après que j’aie joué, au cours d’une matinée
très émouvante, en commémoration du massacre de Deir Yassine.
L’événement était organisé par Deir Yassin Remembered [DYR]
http://www.deiryasin.org/index1.html
et ce fut, de très loin, la manifestation palestinienne et le
rassemblement de Palestiniens les plus importants auxquels il me
fut donné d’assister et de participer au Royaume-Uni. J’eus
le choc, quelques jours après, de découvrir qu’un groupe
d’activistes juifs qui se qualifient eux-mêmes d’ « antisionistes »,
pour une raison que j’ignore, étaient en train d’investir une
quantité phénoménale d’énergie afin de dézinguer DYR.
Estomaqué
par leur perversité, je me mis dès lors à surveiller
l’activité des juifs du Royaume-Uni connu sous l’intitulé de
« solidarité avec le peuple palestinien ». Pour la
première fois de ma vie, je fus confronté à la signification réelle
de l’identité du juif de la diaspora ; pour la première
fois, j’appris ce que sont vraiment la ségrégation et la haine
[juive] envers les goyim [= les non-juifs, ndt]. Pour la première
fois de ma vie, je pris conscience de l’étendue des désastres
dont le lobbying juif est capable. J’ai résumé mes impressions
dans un pamphlet satirique composé de citations authentiques de
propos tenu par ces mêmes JAZ [Jewish anti-Zionists] se comptant
sur les doigts d’une seule main. Je l’ai intitulé Les
Protocoles des Sages de Londres [The Protocols of The Elders of
London]. Ce texte a largement circulé. J’étais convaincu, à
l’époque, qu’il aurait un impact positif en augmentant un
tant soit peu le degré de prise de conscience de ces activistes.
Et, de fait, certains d’entre eux ont démissionné de
l’association connue sous le nom de Just Peace UK, d’où les
citations reprises dans mon pamphlet provenaient pour partie :
certains avouèrent leur sionisme et rejoignirent l’association
Engage [ http://www.engageonline.org.uk/home/
] ; d’autres disparurent purement et simplement de la
circulation… Mais les très rares restants allaient se venger :
cela s’avéra, de fait, le début d’une guerre mondiale.
Tony Greenstein, un
des activistes que j’avais cités, ne mit pas longtemps à
trouver une occasion de frapper en retour. La deuxième fois où
j’entendis parler de lui, ce fut lorsqu’il organisa un piquet
de protestation contre moi, sur le trottoir, devant une librairie
marxiste de Londres : Bookmarks. Parce que j’avais mis en
circulation un article de Paul Eisen, que Greenstein considère
NASHD&M (Nazi, Anti-Semite, Holocaust Denier and a maggot) [« nazi,
antisémite, négationniste et asticot »]. Greenstein a
essayé d’interrompre une de mes conférence, accusant le Parti
Socialiste des Travailleurs [SWP] (un parti britannique) de donner
une tribune à devinez un peu quoi ? Un antisémite, un
raciste, un nazi et un négationniste. Pour ça, il faut reconnaître
que Greenstein et ses copains ne sont pas avares de noms
d’oiseaux. Inutile de préciser que le SWP les a royalement
ignorés.
Le temps passant,
je vis Greenstein lancer des accusations dans toutes les
directions possibles et imaginables, mais quelque chose de plutôt
inhabituel se produisit. Voici de cela une semaine, Greenstein a
publié une lettre dans le courrier des lecteurs [CIF :
Comment Is Free] du quotidien The Guardian : encore une fois,
il fustigeait DYR, accusant ses dirigeants d’être rien moins
que des négationnistes et des antisémites. Cette fois-ci,
Greenstein & Co voulaient que le mouvement britannique
Palestinian solidarity campaign (PSC) ostracise DYR. Cela, en dépit
du fait que les commémorations de DYR sont probablement les
rassemblements palestiniens les plus importants et ceux qui
remportent le plus de succès en Grande-Bretagne.
Durant les premières
heures consécutives à sa publication, le blog du Guardian
se remplit des commentaires siono-centrés oiseux habituels, mais
l’un d’entre eux émanait d’un inconnu se cachant sous le
pseudo de Sachman, qui faisait allusion au passé de Greenstein :
« S’agit-il
bien du même Tony Greenstein qui avait été exclu des Conférences
de l’Union nationale des étudiants, dans les années 1980, pour
avoir battu un étudiant juif ? »
Des
voyants rouges se mirent à clignoter. Je me demandais s’il était
possible que le même Greenstein qui avait fait un piquet de
protestation à mon encontre, me qualifiant d’antisémite, eût
été lui-même impliqué dans des actes de violence à
l’encontre de juifs ? Je dois avouer que je n’ai jamais
été impliqué, en ce qui me concerne, dans un quelconque
incident violent, que ce soit contre des juifs ou contre
n’importe qui, y compris en tenant compte de mes trois années
bousillées chez Tsahal. J’étais interloqué : quoi, et ce
type serait ce même Greensetein qui accuse mon ami, le militant
Paul Eisen, l’homme le plus paisible que j’aie jamais rencontré,
de racisme ??
A
ce stade, j’étais totalement convaincu que les accusations
contre Greenstein n’étaient rien d’autre que les rebuts de
quelque usine sioniste. Je soulevai la question sur le blog
Peacepalestine. Un flot d’informations dévastatrices concernant
le passé de Greenstein ne tarda pas à se déverser.
Apparemment,
Greenstein a beaucoup de choses à cacher ; son histoire
personnelle est entachée d’activités illégales peu ragoûtantes.
Mais ce n’est pas le sujet ici. Peu m’importe le passé des
gens. Reste que Greenstein est connu pour ses jugements moraux sur
autrui. J’ai tendance à penser que les gens qui s’adonnent
aux prêches moralisatrices devraient être eux-mêmes des modèles
de clarté morale. De plus, bien que considère que son passé est
bien moins grave que ses agissements actuels, je pense qu’un
homme politique qui lance des campagnes de diffamation
potentiellement mortelles et des motions conter un mouvement
international de solidarité avec les Palestiniens et des
activistes de la solidarité devrait s’attendre à voir son
propre passé exposé sur la place publique.
David
Cameron, un dirigeant du parti conservateur, dût faire face à la
résurgence d’une affaire de jeunesse impliquant l’usage de
cannabis. Blair et Clinton durent faire face à la musique (tous
deux à la guitare et au saxophone) de leurs anciennes turpitudes
données en pâture à l’opinion publique durant leurs premières
campagnes électorales. Au cas où vous décideriez de faire une
carrière politique, vous devez garder à l’esprit que votre
passé tombe dans le domaine public…
Mais
Greenstein ne l’entend manifestement pas de cette oreille. Ayant
pris conscience du fait que nous étions quelques-uns qui nous
apprêtions à apprendre des choses sur son passé très sérieusement
délictueux, de nouvelles tactiques de menace furent mises en
place, par ses soins.
Il
est de fait que la loi britannique autorise des criminels prouvés
de mentir sur leur passé après la période de préemption de
leur culpabilité. La loi est correcte, du point de vue moral :
elle permet à la personne condamnée de tourner la page. La loi
britannique autorise M. Greenstein à mentir au sujet de son passé.
Mais cela ne signifie nullement que le reste du monde doive nécessairement
l’imiter !
Toutefois,
que les gens mentent ou non sur leur passé ne m’intéresse pas ;
ça n’est pas mes oignons. Néanmoins, quand un homme politique
essaie de m’imposer un mensonge, je dois m’élever contre
cela. Quand une personne ayant un tel passé insiste à édicter
les fondements éthiques du programme d’action du mouvement de
solidarité avec les Palestiniens, cela me fout en rogne, et me
met sur le sentier de la guerre.
Mais
cela a des implications éthiques et idéologiques plus larges
encore, qu’il faut explorer. De manière très significative,
Greenstein veut se faire passer pour un historien spécialiste de
la Shoa. Non qu’il ait écrit un quelconque bouquin ni produit
le corpus de quelque
travail conséquent à ce sujet. Toutefois, il est obsédé par la
question du négationnisme et du révisionnisme historique.
Pourtant, il est plutôt comique que Greenstein ait si peu de
respect pour l’historicité, dès lors que c’est de son propre
passé dont il s’agit.
Une
question catégorique, relative au deux poids – deux mesures de
Greenstein reste pendante. Si Greenstein est effectivement
convaincu d’être légalement fondé à mentir sur son passé en
raison de ses convictions de naguère, qu’est-ce, exactement,
qui lui donne le droit de reprocher aux Israéliens leurs crimes
de 1948 ? Si tel est le cas, ne vaudrait-il pas mieux oublier
tout ça ? Y a-t-il un moment où la loi prenne la priorité
sur la vérité, où les échappatoires existantes doivent être
utilisées pour assurer la promotion d’une cause personnelle,
voire même pour dissimuler quelque chose de déplaisant, ou même
de criminel ? En raisonnant de la sorte, si Greenstein fait
sienne la loi de réhabilitation avec un tel enthousiasme,
aurait-il quelque chose à dire, par analogie, au sujet de la
mesure dans laquelle il serait possible de mentionner les crimes
nazis. Les nazis ne méritent-ils pas la même mesure en matière
de convictions passées, si nous prenons la position éthique de
Greenstein pour argent comptant ? Ou bien alors, existe-t-il
une toise morale variable, dont il ait conscience et dont nous ne
soupçonnerions même pas l’existence ?
Je
ne suis vraiment pas intéressé par les réponses de Greenstein
à ces questions. Je crois au pardon, à la grâce et à
l’amour. Je pense que comprendre l’Holocauste, c’est en
comprendre la signification, plus que la [simple] historicité. Je
pense que comprendre la Nakba, c’est en comprendre la
signification. Si Greenstein comprenait la signification de son
propre passé en termes de mauvais traitements infligés à
autrui, peut-être cesserait-il d’être une brute et un
inquisiteur autoproclamé. Je peux très bien vivre avec le passé
de Greenstein, pour peu qu’il m’offre une image d’un futur
d’empathie.
Je
me sens coupable d’écrire cet article. Je me sens coupable d’être
trop personnel et de faire référence à la conduite d’un vieil
homme qui pourrait tout aussi bien être un brave homme doté
d’une volonté authentiquement positive. Mais j’ai peur
qu’en évitant de le faire, je ne ferais que trahir mes
convictions. Il faut mettre un terme à la diffamation et au dénigrement.
Je pense que la solidarité avec la Palestine doit être fondée
sur une pensée éthique, sur l’empathie et sur l’amour entre
les personnes. J’en ai marre de ces campagnes haineuses lancées
par Greenstein et ses copains, j’en ai ma claque de ces gens que
l’on qualifie de nazis, d’antisémites et de négationnistes.
Quand ça suffit, ça suffit !
Il ne me viendrait jamais à
l’idée de bannir Greenstein et sa bande, bien que ce soit là
exactement ce qu’ils suggèrent de faire à autrui. Tout ce que
je demande, c’est la liberté de s’exprimer. C’est un
dialogue qui permette à des gens différents de penser différemment.
J’ai écrit cet article à regret. J’avais toujours espéré
que nous ne descendrions jamais aussi bas. Le mouvement de
solidarité doit aller de l’avant, il s’agit uniquement de la
Palestine, et non des quatre ou cinq juifs marxistes que compte le
Royaume-Uni, qui s’intéressent exclusivement à ce qu’ils
appellent l’antisémitisme. Le mouvement de solidarité
s’occupe de la Palestine. Il n’a rien à cirer des juifs
antisionistes. Il s’agit uniquement du mouvement de personnes
qui protestent contre les crimes inhumains commis par l’Etat
juif.
Traduit de
l’anglais par Marcel Charbonnier
|