Opinion
Le Liban face aux
difficultés d'être
La démocratie pose ses conditions
Etat des lieux - Propositions de
solution
Dr
Ghada El Yafi
Mercredi 12
septembre 2012
Le découpage du Moyen-Orient par
l’accord Sykes-Picot n’a pas été le
résultat d’une concertation avec les
populations de la région. Il a été
imposé sans tenir compte de la nature et
de la culture de ces sociétés.
Mais quelles que soient les motivations
des grandes puissances ou le jeu des
nations, ou encore les traités secrets
signés ici et là, la création du Liban
n’a pas abouti au rêve de ses citoyens:
un état souverain, indépendant et
moderne. Si les Libanais veulent
réellement construire une nation, ils
doivent obligatoirement procéder à des
réformes avec pour but de combler les
fossés qui se sont creusés entre eux, de
limiter la méfiance, les inégalités,
l’esprit confessionnel ou même
quelquefois, carrément raciste. Cela
pourrait être possible si l’on fait une
lecture rationnelle de l’état des lieux.
Après la constitution de 1926, qui
prévoyait l’égalité des citoyens devant
la loi, lors de l’indépendance du Liban
en 1943, un consensus entre communautés
est venu s’ajouter à la constitution.
Les Français ont accepté de donner au
Liban son indépendance, mais en y
laissant les germes de conflits futurs.
En effet, au lieu d’y instaurer un État
laïc, et sachant que la séparation des
Églises et de l’État est indispensable
pour l’assainissement de la vie
politique, tel qu’appliqué chez eux dès
1905, il a été proposé un partage des
représentations politiques et des postes
de la fonction publique entre les
confessions et les communautés.
Cette démocratie consensuelle était
supposée évoluer au fil des années
vers une démocratie réelle dans une
société, sinon homogène, au moins
partageant les mêmes valeurs basées sur
la citoyenneté. Au lieu de cela, cette
démocratie consensuelle a cristallisé le
confessionnalisme, favorisé le
clientélisme, la médiocrité, la
corruption et s’est transformée en une
dictature à plusieurs têtes avec une
société qui épouse les formes d’un
monstre, puisque, à plusieurs reprises,
les tensions et les différends n’ont pu
résoudre les dissensions des
protagonistes par le dialogue rationnel
mais par un conflit armé.
De plus, se sachant «protégé» dans sa
«secte» - car mieux vaut ne plus parler
de confession - le Libanais tolérait,
d’outre passer les règles et les lois.
Même les pires exactions, punies ou pas,
devaient obligatoirement trouver leur
analogue ou leur équivalent dans l’autre
confession pour que la «justice» se
trouve «juste».
Par ailleurs, pourquoi le Libanais ne
respecte-t-il pas la loi, pourquoi
considère-t-il qu’il peut transcender
les lois? Pourquoi ces mêmes Libanais,
lorsqu’ils se trouvent dans des pays
étrangers, savent faire la queue,
évitent de garer leur voiture sur les
passages cloutés et payent leurs impôts
sans se faire prier ?
Pourquoi une telle involution a-t-elle
eu lieu? Question de religion? Chrétiens
et Musulmans vivent côte à côte depuis
plus de mille quatre cents ans. Question
de niveau d’instruction? Parmi ceux qui
ont participé aux conflits armés, les
plus éduqués ou instruits n’étaient pas
une minorité. Pourquoi alors ce recul ?
Dans leur pays, les Libanais ont
progressivement perdu toute valeur
commune. Le sens civique a été relégué
au dernier plan.
Où réside donc le problème ?
Les Français en particulier, mais aussi
les autres missions étrangères qui se
sont établies au Liban, ont laissé
derrière eux des institutions, des
écoles avec des normes exemplaires tant
sur le plan éducatif que de
l’instruction, des universités de
niveau international, des hôpitaux
à l’image des hôpitaux de Paris, et une
administration qui étaient le reflet de
ce qu’il y avait en France. Ils ont
voulu garder avec les Libanais les liens
d’une amitié solide, y imprégnant leur
culture et leur langue. La France
n’a-t-elle pas été appelée par les
Libanais «notre tendre mère» ?
Le seul point qui clochait était ce
partage entre les communautés concernant
la gestion de l‘État. À partir de ce
point spécifique, commence l’étouffement
dans l’oeuf de celui qui devait devenir
citoyen et qui n’a réussi qu’à rester
«sujet».
Pourquoi ?
Le premier problème réside au niveau de
l’éducation.
La constitution libanaise a accordé aux
différentes confessions d’avoir leurs
écoles privées, mais, selon l’article 10
« sous réserve des prescriptions
générales sur l’instruction publique
édictées par l’État ».
Comment cela a-t-il été appliqué ?
L‘État, après l’indépendance, s’est
contenté sur le plan de l’enseignement,
de copier le schéma français. Ce schéma
est longtemps resté figé et n’a pas
suivi les réformes françaises dans leur
évolution ; il n’a surtout pas regardé
les besoins de la société libanaise et,
de plus, il a relativement négligé le
secteur de l’éducation. Les programmes
du baccalauréat libanais étaient calqués
sur le baccalauréat français.
L’article 11 de la constitution stipule:
«l’arabe est la langue nationale
officielle. Une loi déterminera les cas
où il sera fait usage de la langue
française ». Normalement, cela devait
s’appliquer à tous les élèves, à travers
tout le territoire libanais.
Or, l’État libanais tolérait
que le diplôme officiel qui couronnait
la fin des études secondaires, soit
présenté dans la langue étrangère à
l’exception d’une seule épreuve,
obligatoire en langue arabe: la
littérature pour la première partie du
baccalauréat et la philosophie pour la
seconde partie.
Pourquoi cela ? Parce que dans la
plupart des écoles privées, l’arabe
était devenu la langue secondaire. Cela
aurait été parfait si l’on était en
France. Mais on est au Liban et, ignorer
la langue, la culture, l’histoire du
pays et de la région par une partie de
la population était la faute grave
commise par les responsables de l’État
libanais. Puisque l’enseignement était
libre et que l’État ne semblait pas
accorder de l’importance à la formation
du citoyen, les écoles ont formé leurs
élèves selon leurs sensibilités propres
certaines écoles insistaient sur
l’enseignement religieux, d’autres sur
la suprématie de la langue étrangère qui
a facilement remplacé la langue mère,
d’autres ont enseigné les philosophes
orientaux et d’autres encore, les
auteurs étrangers.
Plus de la moitié des Libanais
connaissent mieux l’histoire de France
que l’histoire de leur région.
Quant à l’histoire du Liban, le
programme officiel n’en comporte qu’une
partie: celle de la montagne libanaise,
ignorant le reste, sans compter que même
dans cette partie du Liban, l’histoire
était relatée de façon à satisfaire les
besoins confessionnels. Il n’y avait
plus de base commune entre les élèves
des diverses écoles du Liban.
L’éducation religieuse, une fois
annulée, puis rétablie en force, s’est
chargée de consolider les différences.
Les défauts n’étaient pas cantonnés
uniquement sur l’instruction.
L’éducation civique a récemment été
introduite dans les programmes. Les
enseignants de cette matière n’ont pas
été nécessairement formés ou
motivés pour le faire. De ce fait, cet
enseignement a pris pour les élèves, un
caractère secondaire sinon superflu.
Personne ne se rendait compte alors que
ce système de l’enseignement allait vers
un clivage culturel profond de la
société.
L’aboutissement d’une telle négligence
de l’éducation, ne devrait plus étonner.
En réalité, les écoles, en général, les
écoles privées en particulier étaient
aussi, malheureusement, les lieux de
l’apprentissage du sectarisme, de
l’individualisme, du racisme. Il n’était
pas question de reconnaître le droit des
autres à l’égalité.
Le Libanais pense que son éducation
prévaut, mais surtout, sa conception de
l’autre est non seulement celle de
quelqu’un de différent, mais
d’inférieur.
Selon les yeux de certains Libanais,
celui qui parle bien une langue
étrangère est mieux considéré que celui
qui ne l’a pas apprise. Celui qui
connaît mieux les auteurs étrangers
paraît plus instruit que celui qui ne
les a pas appris et ainsi de suite.
N’avons-nous pas entendu un responsable
dire au cours d’une réunion officielle,
parlant d’une partie de la population
libanaise: «Ils sont la quantité, mais
nous sommes la qualité»? Un autre
responsable n’a-t-il pas proclamé devant
ses coreligionnaires: «Les maronites
sont un genre inférieur»? Ou encore un
ministre en poste n’a-t-il pas proposé
un projet de loi interdisant la vente
des biens entre communautés
différentes ? N’étaient-ce pas leurs
jeunes qui ont porté les armes les uns
contre les autres en 1975 comme pour
dire: «C’est nous ou vous, et pas de
place pour les deux» ?
La scission est aussi devenue politique.
Pour une partie de la population
libanaise, la référence est devenue
l’Occident qu’ils ont adopté d’un bloc,
avec ses qualités et ses défauts, sans
analyse critique, puisque, à leurs yeux,
cet Occident est la partie du monde qui
fait évoluer la science, la technologie,
la médecine, alors que l’orient, en
particulier les pays arabes sont restés
à la traîne, et donc méprisables. Cette
attitude souligne un complexe
d’infériorité vis-à-vis de l’Occident et
aussi une certaine myopie concernant
l’Orient non arabe qui a fait des
percées dans le domaine de la recherche
et de la technologie. Pour l’autre
partie ce même Occident est la cause du
recul et des déboires de ce monde arabe
forcé à se soumettre à des intérêts
étrangers aux populations arabes,
surtout après l’implantation et la
protection d’Israël en remplacement de
la Palestine. Pour eux, le devoir est de
résister aux volontés de cet Occident.
La déculturation (et l’acculturation)
d’une société peut difficilement
aboutir à des entités viables. Elle ne
peut qu’engendrer un sentiment de
non-appartenance au milieu et de malaise
qui ouvre les portes de l’émigration.
D’ailleurs ce climat du sentiment d’être
différent entretient un sentiment
d’insécurité qui ne fait qu’activer le
repli sur soi et le sectarisme. Au lieu
de cela n’aurait-il pas été plus
bénéfique, sans ignorer l’ouverture vers
l’Occident, d’apprendre l’histoire de
cet orient qui lui aussi a eu un passé
glorieux, qui a eu ses philosophes ses
scientifiques, ses savants, ses
écrivains, aussi valeureux que ceux de
l’Occident et parfois même
précurseurs. Certains n’étaient-ils pas
à l’origine même de l’essor de cet
Occident ? En ignorant son histoire, on
ne l’efface pas pour autant.
Et si le monde arabe passe par une
période de faiblesse, de dictatures, de
corruption, il n’est pas dit que la
fuite en avant peut résoudre les
problèmes. Seule une prise de
conscience du rôle que peut jouer la
société civile, prise de conscience de
ses responsabilités, de ses capacités,
avec une dose de courage et le miracle
devient possible. Deux exemples viennent
de nous le prouver : la Tunisie et
l’Égypte.
Cette analyse rapide de l’éducation au
Liban montre bien l’importance d’une vue
d’ensemble de l’éducation des jeunes. En
autorisant les confessions d’avoir leurs
écoles privées, l’État libanais a laissé
tomber la surveillance des enseignements
qui s’y dispensaient. Les communautés se
sont empressées d’inculquer à leurs
élèves en priorité ce qui pouvait les
distinguer des autres communautés et
l‘État a négligé, ce qui aurait pu les
rassembler, en particulier,
l’identité, la langue, l’histoire, mais
aussi la liberté, la responsabilité,
l’égalité, en un mot, la citoyenneté. Le
sens civique a été inconsciemment
délaissé.
Le secteur de l’éducation n’est pas le
seul en cause. La distribution
démographique et confessionnelle de la
population et son évolution est un
autre facteur qui a favorisé le
sectarisme et le confessionnalisme.
Le Liban est un petit pays avec une
population d’environ quatre millions
d’habitants. Aucun recensement n’a été
effectué depuis 1932 de crainte de
discerner un déséquilibre démographique
confessionnel, déséquilibre qui pourrait
prendre un caractère menaçant pour une
minorité si elle venait à se découvrir
comme telle. Quoi qu’il en soit, la
population du Liban était initialement
répartie sur tout le territoire, en
petites communautés en général uni
confessionnelles et relativement fermées
sur elles-mêmes. S’il existait entre
elles certaines relations de courtoisie
il ne viendrait pas à l’esprit d’un
Libanais d’habiter ailleurs qu’à
l’intérieur de sa communauté.
À l’encontre des villages et petites
localités dispersées à travers le pays,
le centre-ville de la capitale, avant la
guerre de 75-89, représentait le schéma
de la diversité libanaise et était en
quelque sorte le garant de la stabilité
du pays. Là s’y côtoyaient non seulement
les diverses confessions et communautés
mais aussi, toutes les classes sociales.
Il était le reflet de ce que stipulait
la constitution de « vie commune ».
Le brassage des communautés entre elles,
les relations quotidiennes, arrivaient à
effacer cette méfiance qui est le propre
des régions reculées et des localités
fermées.
Cette description pourrait relativement
être appliquée aux grandes villes,
comparées aux villages.
Avec le temps l’absence de politique de
décentralisation, a favorisé
progressivement la migration des
populations de la périphérie vers les
grandes villes ou localités, les
villages se sont relativement
vidés. L’urbanisation de la société
aurait pu avoir un côté bénéfique car
cette migration s’est accompagnée aussi
de plus d’ouverture des communautés les
unes envers les autres et donc plus
d’harmonie et moins de fanatisme.
Malheureusement, la politique n’a pas pu
suivre et la représentativité des
citoyens continue à se faire selon des
critères plus confessionnels et plus
sectaires.
Une des raisons de ce sectarisme se
trouve dans la loi électorale proposée
pour les élections législatives,
régulièrement modifiée pour arranger
certains candidats, et jamais
rationnelle.
Avant d’aller plus loin, je voudrais
ouvrir une parenthèse pour rappeler que
la fonction de député est mal comprise
par la population et même parfois, par
les personnes en charge de la politique
du pays.
En plus du contrôle de l’exécutif
et de la fonction publique, le rôle du
député est de légiférer: proposer et
voter des lois qui concernent tous les
Libanais sans distinction de région ou
de confession et applicables sur tout le
territoire libanais. Une fois élu, le
député est le représentant de tous les
Libanais sans distinction de région ou
de confession. Cette parenthèse fermée,
il est logique d’en déduire, que les
services soient du ressort des
municipalités et non des députés ; de
plus, que si le droit élémentaire du
citoyen est de se faire représenter au
parlement, ce droit doit être facilité
le mieux possible. De même, il est
logique que le découpage des
circonscriptions, doive inclure le plus
possible de localités variées afin
d’éviter qu’un vote n’ait lieu pour des
intérêts étroits, l’idéal étant une
seule circonscription, pour tout le
Liban.
Or, comment cela se passe-t-il sur le
terrain.
Le citoyen ne peut pas voter près de son
domicile. Il ne peut voter qu’à
l’endroit où se trouve son registre
civil, c’est-à-dire là où il est né ou
bien là où est né son père ou encore son
grand-père. La famille peut habiter une
grande ville depuis des décennies, mais
pour voter, ses membres doivent
obligatoirement se rendre à leur village
d’origine. Il faut une grande motivation
pour faire ce déplacement. Cela explique
que le nombre d’électeurs à chaque tour
de scrutin, ne dépasse pas en général
les 35%. Les plus nombreux à voter sont
ceux qui se trouvent sur place, donc les
plus sectaires, les moins ouverts. Ce
sont eux qui font pencher la balance.
Cela implique donc obligatoirement, pour
le candidat, un discours plus sectaire,
discours basé sur le renforcement du
confessionnalisme, l’entretien de la
peur de l’autre, la conservation de
l’esprit minoritaire avec le sentiment
de menace constant. Le candidat devient
de par ce discours le sauveur et le
protecteur de sa communauté. Une fois
élus, ces candidats font tout ce qu’ils
peuvent pour garder le discours et son
privilège, faisant fi des conséquences
sur l’ensemble de la société libanaise.
Si au contraire, tous les Libanais
avaient une plus grande facilité d’accès
au vote, ils forceraient les discours
des candidats vers des idées plus
tolérantes, plus universelles plus
modernes, car ils devraient intéresser
d’autres Libanais que ceux de leur
communauté ou de leur région. Ce
discours aurait ainsi pour objectif, la
solution des vrais problèmes, que
rencontre l’ensemble des Libanais.
La réforme de la loi électorale
législative est donc indispensable et
urgente afin que le prochain parlement
soit réellement représentatif et que le
service public soit au coeur des
réformes proposées pour assainir la vie
politique.
Mais suffit-il de réformer la loi
électorale pour que le miracle ait
lieu ? Si le choix de ses représentants
est le devoir essentiel du citoyen ce
devoir est-il suffisant ?
Dans les dictatures le pouvoir central
est fort, le citoyen est réduit à
l’assujettissement. Dans la démocratie,
le pouvoir central est faible et les
institutions prennent la relève avec un
contrôle réciproque des divers pouvoirs
pour éviter les abus.
Au Liban, le pouvoir central a les
éléments de la force, mais les
gestionnaires de ce pouvoir se sont
partagés les rôles et fonctions entre
communautés, sans aucun contrôle
réciproque. C’est plutôt l’inverse qui a
eu lieu avec une connivence des
personnes en charge du pouvoir, ce qui a
facilité l'effondrement de l’État par
l’utilisation de toutes les formes de la
corruption. Le Liban n’a plus d’état que
le nom, et le Libanais, complétement
désorienté, s’accroche à n’importe
quelle bouée de sauvetage.
La société civile a le pouvoir de
renverser cette fatalité.
Sans attendre les résultats de la
réforme du système éducatif qu’il est
urgent d’instaurer, de même que la
réforme électorale, il faudrait aussi et
de manière concomitante essayer
d’impliquer les citoyens dans le système
démocratique par le biais des
municipalités et les encourager.
La loi, ayant accordé l'autonomie
administrative et financière aux
municipalités, devrait être appliquée
dans son esprit, tout en prenant les
précautions nécessaires pour éviter le
clientélisme local. Les citoyens
devraient avoir le droit non seulement
de choisir leurs priorités, mais aussi
de les exécuter. La création
d’associations de citoyens, entre eux
et/ou avec des organismes publics,
devrait trouver des solutions pour le
développement des régions. Ainsi, d’une
part l’autonomie, et d’autre part, la
participation citoyenne à des
entreprises d’intérêt public d’ordre
culturel, médical, sportif, économique
ou environnemental, devraient permettre
progressivement, la création d’une
société citoyenne, responsable, dont les
membres se trouveraient liés par des
intérêts communs et pourraient aspirer
au développement et au progrès sur la
base de valeurs universelles communes.
Les organismes publics pourraient
surveiller pour éviter les deviations
et apporter leur soutien ou leurs
conseils en cas de besoin.
Ces quelques réflexions pour mieux
comprendre le problème libanais montrent
bien que pour gouverner un pays, il faut
être autre chose que maronite, sunnite
ou chiite. Il faut avant tout être
visionnaire. Le partage mercantile des
portefeuilles ministériels et des postes
de la fonction publique, même équitable,
restera bien en-dessous des espérances
de la population. La démocratie
reste l’aspiration des Libanais qui
tiennent par-dessus tout à leur liberté.
La démocratie consensuelle est un leurre
car elle empêche précisément la
libération du citoyen du
confessionnalisme.
La diversité des confessions au Liban
est certes une richesse, mais à la
condition qu’elle ne soit pas utilisée à
des fins qui ne concernent pas
l’ensemble des Libanais. Le chemin de la
vraie démocratie est long, ardu et
permanent. Un parlement et des élections
ne suffisent pas à la réaliser. Le
premier pas en est la création du
libanais citoyen, celui qui croit
réellement en l’égalité, celui qui est
responsable de ses choix, celui qui
sanctionne celui ou ceux qu’il a élus,
et ne se contente pas de suivre un homme
aussi important qu’il soit, mais le
programme qui est proposé. Il n’y a pas
de citoyenneté sans liberté et être
libre, c’est refuser de vendre sa voix
au plus offrant, c’est refuser toute
forme de corruption. La démocratie,
c’est la séparation des pouvoirs pour
éviter toute forme de dictature, c’est
aussi en particulier l’assainissement du
pouvoir judiciaire.
Se réaliser comme citoyen c’est l’effort
soutenu et continu de chacun pour
corriger ses propres imperfections et
pourquoi pas, donner l’exemple. C’est la
citoyenneté qui va permettre de tourner
une page de notre histoire, page de
guerres et de tensions, vers l’évolution
des personnes, de la société et de la
nation qui permettra à chaque Libanais
de se sentir bien chez lui.
Pour terminer, je dirai comme l’Abbé
Pierre: « Ce n’est pas à nos
gouvernements de nous dire comment être
solidaires. C’est à nous de leur montrer
la société que nous voulons. Ils
comprendront.”
Additif:
Pour comprendre la laïcité, il faut
savoir faire quelques distinctions.
- On peut être laïc et avoir un choix
politique avec un mouvement d’apparence
religieuse. Ce choix ne concerne pas le
dogme dudit mouvement mais sa conduite
politique.
- Adopter la laïcité ne signifie pas
s’écarter de sa foi ou de sa communauté.
Une femme peut porter le voile et être
laïque. Un homme de religion n’est pas
exclu de la laïcité si sa conduite est
citoyenne.
- Dans le même ordre d’idées, ne peut
être considérée comme laïque toute
personne qui réclame un poste au nom de
la confession ou qui distingue
politiquement un individu ou un groupe
d’individus d’après leur confession, de
même que ceux qui cherchent à attribuer
un rôle à une confession plutôt qu’à une
autre comme si les qualités humaines de
ses composants soient différentes parce
qu’ils sont nés dans cette famille
religieuse.
- La laïcité permet à tous les Libanais
d’accéder à un poste quelle que soit sa
confession s’il en a les critères. Riche
de ces valeurs, le Libanais de n’importe
quelle confession pourrait devenir
président de la République ou Premier
ministre.
Dr Ghada El
Yafi,
Médecin, Ancien chargé de cours à
l'Université Saint Joseph à Beyrouth.
Le
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