Opinion
Quand l'Irak se
réveille de sa léthargie... il revient
en force à la Maison arabe
G.
Houbballah
Photo: Al
Manar
Jeudi 12 avril 2012
Beaucoup d’encre a coulé sur la
période post-occupation américaine de
l’Irak avant même le retrait des forces
d’occupation américaines de
l’Irak...Malheureusement, nombreux sont
les écrits qui ont tenté de brosser un
paysage sombre sur l’avenir de ce pays..
L’une des thèses qui a le plus été
véhiculée est que les Irakiens sont
incapables de gérer une indépendance
nouvellement acquise.
A titre d’exemple, on a souligné que
l’opposition entre les différents partis
politiques risquerait de s’exacerber,
dont entre autre sur l’allocation de
sièges parlementaires, à la suite des
dernières élections, sans se soucier
d’améliorer les services de bases pour
les citoyens.
Autre défi estimé insurmontable est
la corruption, cette dernière étant
soi-disant largement répandue dans les
institutions publiques.
Ou encore la sécurité… thème cher aux
Etats-Unis qui ne cessent de le brandir
comme épouvantail face aux Irakiens.
Bref autant d’obstacles à une transition
réussie et tout en douceur du peuple
irakien vers une nation indépendante..
Or, les prémisses de la volonté
d’indépendance et d’autonomie des
Irakiens se sont révélés bien avant le
retrait des forces d’occupation : un
retrait qui il faut le rappeler n’a pas
été renégocié..
Bras de fer
entre Bush et Maliki: la souveraineté
irakienne l'emporte
En effet, la menace par
l’administration Bush de retirer tout
appui économique et militaire au
gouvernement irakien, si ce dernier
n’accepte pas l’accord sur le statut des
forces américaines en Irak, n’a pas fait
fléchir les responsables politiques
irakiens, qui se sont opposés à toute
forme de légitimation de la présence
militaire des Etats-Unis - et en
particulier à la reconnaissance d’un
droit à l’extraterritorialité juridique
pour les troupes américaines dans le
pays !
Il faut dire, et là nous ouvrons une
parenthèse, que pour la plupart des
Irakiens celui-ci rappelle trop les
conditions injustes du pacte qui avait
attribué des droits sur le plan
militaire à l’impérialisme britannique
en Irak de 1930 à 1958. Le symbolisme de
la domination étrangère, inhérent à ce
parallèle historique, fait courir aux
dirigeants des partis politiques et aux
membres du Parlement le risque d’être
considérés comme complices de tout
accord qui accorderait des privilèges
spéciaux aux États-Unis.
Mais encore..
Dans
un discours prononcé devant un parterre
de responsables militaires irakiens et
américains à Camp Victory, complexe
militaire situé au nord de la capitale
et considéré comme l'un des symboles de
l'invasion américaine en Irak, le
premier ministre irakien Nouri al-Maliki
a salué comme une «victoire historique»
le refus de son gouvernement de
prolonger le mandat des GI: une victoire
«qui restera dans les mémoires après le
retrait des troupes américaines de tout
le territoire irakien», avait-t-il dit.
Mais c’est surtout dans le dossier
syrien, que l’Irak a démontré sa volonté
de s’imposer sur la scène régionale, au
grand dam des pays du Golfe, comme une
nouvelle force régionale incontournable
et surtout qui partage un rôle axial
avec l’Iran, la Syrie, le Liban et la
Palestine occupée dans le projet de
résistance américano-sioniste..
Deux faits voire trois résument et
marquent le retour en puissance de
l’Irak sur la scène arabe : le discours
de Maliki à la Maison Blanche, le sommet
arabe de Bagdad et l’affaire Hachémi.
La bombe de
Maliki à la Maison Blanche
Là encore, la presse américaine et
européenne a beaucoup misé sur cette
visite pour un renforcement des
relations bilatérales entre les
Etats-Unis et l’Irak, mais surtout pour
un repositionnement de ce dernier en
faveur des Etats-Unis dans le dossier
syrien..
Mais les propos sans équivoque de
Maliki concernant le refus catégorique
de son pays à toute forme d’ingérence en
Syrie, voire à l’adoption de sanctions
ont eu l’effet d’une bombe sur les
ténors occidentaux de la guerre menée
contre la Syrie.
Et pour cause : d’abord, le contenu
des propos de Maliki reflètent l’échec
de la diplomatie américaine à convaincre
Bagdad de se rallier à leurs rangs et ce
malgré les promesses d’une coopération
économique et ensuite le lieu
géographique (la Maison Blache) d’où le
premier ministre irakien a souligné la
priorité les intérêts stratégiques
irakiens à toute autre considération.
D’ailleurs,
à la conférence de presse conjointe
tenue par le Premier ministre irakien
Nouri al-Maliki et le président
américain Barack Obama, le contraste
d'attitudes entre les deux pays n’a pas
échappé à Obama qui a dû reconnaitre
l'existence de différences entre
Washington et Bagdad sur la façon de
traiter avec la crise en Syrie..
« Nous ne sommes pas contre les
aspirations du peuple syrien, ni d’aucun
peuple arabe, mais pas nous n’avons pas
le droit de demander au président syrien
de démissionner et ne nous ne voulons
pas d'exercer ce rôle (..) je me soucie
des intérêts de l'Irak et de la sécurité
de la région et je sais que les pays de
la région sont interdépendants et leurs
intérêts doivent être pris en compte »
avait martelé Maliki, une allusion que
les intérêts stratégiques de l’Irak
viennent bien avant de ceux américains.
Après les Américains, venait le tour
des pays arabes, que le premier ministre
irakien n’a pas hésités à critiquer,
surtout le Qatar et l’Arabie, pour leur
soutien militaire aux opposants syriens.
«On ne peut pas renverser de force le
gouvernement de Bachar al-Assad, et les
aides militaires qu’apportent l’Arabie
et le Qatar sont une ingérence flagrante
dans les affaires intérieures de la
Syrie et de tous les autres pays
arabes», avait déclaré Nouri al-Maliki.
Sommet arabe
de Bagdad : consécration du rôle
régional de l’Irak
Si la participation au 23ème sommet
arabe a été du deuxième voire du
troisième degré, force est de constater
que rien que sa tenue à Bagdad, après le
retrait américain est un acquis
incontournable pour le gouvernement
irakien, le peuple irakienne et l’Irak..
Selon Dr Nabil Yassin, auteur et
analyste politique irakien vivant à
Londres, le sommet vient comme un rappel
que l'Irak est une partie essentielle de
l'histoire arabe, et il a tenu à la
restauration des relations avec les
Etats arabes à la normale.
A vrai dire, le sommet a été une
occasion pour l'Irak, de récupérer son
rôle régional, perdu au cours des
dernières décennies, un rôle dans lequel
il tient à rappeler qu'il ne devrait pas
être hors du sommet dans la prise des
décisions importantes.
Dans ce contexte, l’explosion de la
violence en Irak avant le sommet, près
d’une centaine d’attentats à travers le
pays, dont l’un en face du siège du
ministère irakien des Affaires
étrangères prouvent combien la seule
tenue de ce sommet à Bagdad irritait
l’axe américano-sioniste..
Et le gouvernement irakien a bien
compris le message d’où son insistance à
la réussite du sommet, par la voix de
son ministère irakien des Affaires
étrangères, qui avait publié après
l'attentat un communiqué: "De telles
opérations ne sauront dissuader l'Irak,
le gouvernement national et la direction
du ministère des Affaires étrangères
pour assurer le succès du sommet de
Bagdad des pays arabes et recevoir des
invités …"
Non
seulement le sommet arabe s’est tenu,
mais en plus les ministres des Affaires
étrangères, sont tombés d'accord sur un
projet de résolution qui ne mentionne
pas le départ du président syrien Bachar
al-Assad et l'armement des rebelles
syriens.
Sur ce dernier point, Maliki avait
exprimé ses craintes face aux appels de
certains régimes arabes, en allusion à
Doha et Riad à armer les insurgés
syriens du Conseil nationale syrien.
« Ces appels entrainent la région
dans une guerre sectaire à long terme,
et nous dénonçons et condamnons ces
appels », avait-il dit.
Réaction violente de la part du Qatar
et de l’Arabie-saoudite..
Ainsi des appels se sont élevés de la
presse saoudienne et qatarie pour
"boycotter le gouvernement" de Bagdad,
en raison notamment de son "soutien" au
régime syrien. Le quotidien saoudien al-Watan,
estime que Maliki n'a pas attendu "que
l'encre des résolutions du sommet de
Bagdad ait séché pour se dresser en
défenseur du régime bassiste en Syrie".
C’est à ce moment que ces deux
monarchies ont décidé de prendre à leur
compte l’affaire Hachémi, vice-président
accusé de terrorisme et recherché par la
justice. S’étant abrité dans un premier
temps au Kurdistan irakien, et après un
passage à Doha, il se trouve
actuellement à Riad. Depuis, de part et
d’autre, le différend avec le
gouvernement irakien une dimension
confessionnelle.
Au Qatar, le quotidien al-Sharq,
proche des autorités, a estimé que M.
Maliki, "un dirigeant du parti chiite
al-Daawa, mène campagne contre la
présence sunnite dans les institutions
de l'Etat en Irak". "La campagne contre
Hachémi et les sunnites d'Irak est
provoquée par les préférences
confessionnelles (de M. Maliki) que le
peuple irakien rejette", a ajouté le
journal.
L’affaire
Hachémi : souveraineté et non-ingérence
des lignes rouges
Pour l’Irak, l’affaire Hachémi est
une affaire judiciaire avant tout et
donc il s’agit d’une affaire interne au
pays. Par conséquent, quiconque qui
tente de se mêler de cette affaire porte
atteinte à la souveraineté
institutionnelle du pays.
D’ailleurs, le parti de Maleki, la
Coalition de l’Etat de droit a mis en
garde tous les pays qui ont accueilli le
vice-président Tareq al-Hashemi, de
prendre conscience que l'Irak ne restera
pas les bras croisés face à leur
attitude envers « un terroriste accusé
d’avoir dirigé les Escadrons de la mort
».
Et pour marquer sa volonté à
poursuivre cette affaire jusqu’au bout,
l’Irak compte présenter, par le biais du
Conseil suprême judiciaire, un dossier
contre Hachémi, pour le présenter à
Interpol et déclencher un mandat d’arrêt
international contre lui.
Une mesure qui comprend un message à
qui veut l’entendre que l’Irak
post-Saddam, post-occupation américaine
n’est plus. Désormais c’est l’Irak
souverain, autonome et arabe qui
s’impose sur la scène arabe.
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