Syrie : le
mensonge de l'État et des médias
français François
Belliot
Lundi 13 mai 2013
L’Institut
du Monde arabe proposait à Paris une «
Journée de solidarité avec le
peuple syrien
» au cours de laquelle une dizaine
d’orateurs devaient répondre au public.
Présent dans la salle, François Belliot
est resté sur sa faim : discours
non-argumentés et questions interdites.
Analyse d’un « débat
» de propagande.
Depuis plus de 2 ans
les événements de Syrie sont couverts de
façon unilatérale et caricaturale dans
les grands médias commerciaux français
(cette remarque peut être étendue à tous
les pays situés dans la zone OTAN ou
celle du Conseil de coopération du
Golfe). Pour ceux-ci, nous aurions
affaire, en Syrie comme en Libye, à «
un dictateur sanguinaire qui massacre
son propre peuple ». Face à lui, une
opposition courageuse, démunie, et
pacifique qui, dans le sillage du «
printemps arabe », voudrait
s’émanciper en vain d’une ignoble
tutelle. Les dizaines de milliers de
morts depuis le début de la crise
seraient, dans des proportions
écrasantes, dues aux exactions des
troupes loyales au régime baathiste.
Voilà à peu près ce que l’on entend,
quotidiennement, depuis 2 ans, martelé
sur TF1, Le Monde, France Inter, Le
Point, Libération, Le Figaro, etc.
Je vous propose dans cette étude un
démontage de cette propagande à partir
de l’analyse de deux exemples précis.
Dans le premier j’examinerai un
compte rendu détaillé d’un débat sur la
Syrie tenu à l’institut du monde arabe
le 24 février dernier, débat à
l’évidence truqué, et truqué dans les
plus grandes largeurs. On y entend des «
journalistes » proférer les
mensonges les plus incroyables. On y
entend des incitations à la haine, des
présentations simplistes, des
déformations, des appels à l’émotion.
Dans le second je vous propose une
analyse de la couverture médiatique en
France du point de vue des chrétiens de
Syrie. J’y démontre que les seuls
chrétiens qui sont invités sur les
plateaux de télévision, et évoqués dans
les grands quotidiens, sont les
chrétiens hostiles au régime, qui
appellent à armer l’opposition. J’y
démontre aussi que ce point de vue est
ultra minoritaire dans cette composante
de la société syrienne, et que les
médias français, ont reçu consigne ou
choisi de passer sous silence des
témoignages très différents, de les
déformer, ou de les caricaturer.
Le lien entre ces deux sujets est
qu’il permet de bien comprendre la façon
dont fonctionne la propagande
politico-médiatique.
Cette propagande n’est pas seulement
une propagande « d’État », dans
le sens où seul l’État en serait le
responsable et l’auteur, mais une
propagande dans laquelle viennent
s’imbriquer l’État donc (en particulier
par la voix du ministre des Affaires
étrangères), la totalité des médias
commerciaux possédés par des grands
groupes privés, des institutions et des
bâtiments de l’État, enfin des
associations qui vont servir de force
militante pour organiser des «
événements », en profitant largement
de millions d’euros venus d’on ne sait
où. Tout ce monde-là fonctionne main
dans la main et agit comme un rouleau
compresseur, pour imposer dans l’opinion
une version officielle mensongère,
rendre inaudible tout point de vue
contestataire.
Le débat truqué à
l’Institut du Monde arabe
Dimanche 24 février, l’Institut du
Monde arabe (IMA) organisait une «
journée de solidarité avec le peuple
syrien ». Divers événements se sont
ainsi succédé pendant 12 heures entre
midi et minuit : concerts, expositions,
présentations d’ouvrages, et débats.
L’initiative venait du nouveau
président de l’institut, Jack Lang, et
était coorganisée par I télé et
le quotidien Le Monde.
Si l’intitulé de la « journée »
pouvait laisser présager un traitement
neutre de la crise syrienne, dans les
faits c’était, comme nous allons le voir
clairement une journée de soutien à «
l’opposition armée syrienne »
appelant à la chute du régime de Bachar
el Assad.
C’est flagrant si l’on ne considère que
le moment fort de la journée, qui
consistait en un « débat » sur le
« devenir de la Syrie ». Il a eu
lieu de 14 h à 16 h 30 dans la salle du
Haut-Conseil. Il était animé par
Abderrahim Hafidi, animateur de
l’émission « Islam » sur
France 2. Les caméras de télévision
étaient nombreuses, parmi lesquelles :
France 24, TV5, et bien sûr, I
télé.
Dix personnalités et intellectuels
avaient été conviés à ce « débat
», parmi lesquels, clou de l’aréopage, «
l’ambassadeur représentant » de
la « Coalition nationale syrienne
» à Paris, Monzer Makhous. Tous les
intervenants étaient des adversaires
résolus du régime syrien et du président
Bachar el-Assad, et entièrement acquis à
la version de la crise syrienne
quotidiennement martelée dans tous les
grands médias depuis deux ans.
Nous avons assisté à ce débat. Nous
étions curieux de voir jusqu’à quel
point les organisateurs et les
intervenants étaient capables de pousser
la mascarade.
Tout habitués que nous soyons aux
mensonges de la version officielle, à la
violence verbale de ceux qui dénoncent
le régime syrien et son président Bachar
el-Assad, nous pouvons dire que ce
dimanche 24 février, tous les records
ont été battus en terme de mauvaise foi,
de mensonges, d’amalgames, et de
violence verbale.
Le débat fut lancé par une courte
allocution de Jack Lang, dans laquelle
il remercia les équipes de l’IMA, et les
associations de soutien qui s’étaient
beaucoup mobilisées pour cet événement.
M. Hafidi ensuite introduisit le «
débat ».
Je diviserai le compte-rendu de ce
débat en deux parties. Dans la première
je résume brièvement chacune des
interventions en en soulignant les
points les plus marquants. Dans la
seconde j’entre dans le détail des
mensonges les plus énormes avancés par
les intervenants, et des conditions
douteuses dans lesquelles ce débat a été
organisé et mené.
Abderrahim Hafidi,
présentateur de l’émission « Islam
» sur France 2
Abderrahim Hafidi,
journaliste français d’origine
marocaine. Elu municipal (PRG)
d’Aubervilliers.
L’animateur de ce « débat »,
sans doute pour respecter la neutralité
de sa position, dénonça les «
châtiments barbares d’un gouvernement
qui n’a ni cœur ni miséricorde. » Il
appela à la conscience internationale.
Il invoqua la mémoire d’Albert Camus. Il
soutint qu’il fallait « combattre
pour la liberté du peuple syrien ».
Il se félicita de la présence de
journalistes du Monde et de
Libération à cet événement.
Il présenta les divers intervenants, et
annonça que leurs interventions seraient
suivies d’un échange avec le public.
Pour introduire le débat, il dit qu’ils
avaient trouvé opportun commencer par la
lecture d’un poème.
Le poème, intitulé «
La dame de Damas », de
Jean-Pierre Filiu, fut lu avec emphase
par une chanteuse/poétesse nommé Sapho.
C’était un réquisitoire sans concession
contre le régime d’el-Assad. N’entrant
dans le détail d’aucun fait ni d’aucun
argument, mais plein de pathos et de
cris de rage, ce poème émut
considérablement le public qui applaudit
longuement. En terme de conditionnement
par l’émotion il était difficile faire
mieux. M. Hafidi passa ensuite la parole
aux autres intervenants.
Jean-Pierre Filiu, professeur
à Sciences Po
Diplomate, Jean-Pierre Filiu
fut premier conseiller de
l’ambassade de France à Damas de
1996 à 1999. Ancien conseiller de
Lionel Jospin, il est aussi ancien
professeur aux universités US de
Columbia et de Georgetown.
L’auteur du poème fut le premier à
prendre la parole. Présenté comme un «
spécialiste », il était
visiblement encore dans son poème. Son
intervention fut la dénonciation en
prose de ce qu’il avait écrit en vers.
Il s’indigna de ce que le « barbare
Bachar » fût « toujours à l’ONU
». « Ce qui tue les Syriens, c’est
Bachar », affirma-t-il. Nous avions
là affaire à « un régime infâme
», « qui tue, abat, viole son peuple
». Il appela de ses vœux la comparution
de Bachar el-Assad devant la Cour pénale
internationale (CPI). Il conclut en
avançant que « les personnes qui se
battent ont le droit d’être armés. »
Cette intervention ne contenait
presqu’aucun fait et transpirait
l’indignation violente à chaque mot.
Monzer Makhous, «
ambassadeur représentant de la Coalition
nationale syrienne »
Monzer Makhous, géologue
syrien, spécialiste du pétrole.
Beaucoup des personnes qui s’étaient
déplacées étaient curieuses, en
particulier, de voir et entendre cette
figure du déjà célèbre Conseil national
syrien. Pour le coup je crois que tout
le monde fut déçu. Il est impossible de
résumer son intervention qu’il fit dans
un français extrêmement incertain et
dans des phrases peu construites.
C’étaient des blocs de mots qui
s’enchaînaient ; parfois sans liens
logiques. Il fustigea l’ONU, remarquant
que les deux résolutions proposées
avaient certes été votées par deux
membres de Conseil de sécurité, mais que
l’immense majorité des autres pays
avaient voté contre (135 contre 9 pour
l’une). En conséquence de quoi on
pouvait déduire que le Conseil de
sécurité ne valait rien. Il évoqua un
attentat dans lequel étaient morts de
nombreux enfants, l’imputant au régime.
Sur la question des groupes terroristes
islamistes semant la terreur, il avança
que le régime était le premier
responsable du terrorisme, qu’il avait
tout fait pour le faire émerger, afin de
se donner un prétexte pour réprimer. Il
conclut en rendant hommage à Omar Aziz,
mort selon lui « sous la torture
» du régime d’Assad la semaine dernière.
Des membres arabophones de la
Coordination font remarquer que l’homme
s’exprime aussi mal en arabe qu’en
français, et que sa conversation dans
cette langue est tout aussi
approximative et incohérente. Voilà le
genre d’homme qu’on trouve dans le
Conseil de transition syrien.
Ziyad Majed, professeur à
l’université américaine de Paris
Ziyad Majed est un
universitaire libanais qui joua un
rôle dans la révolution colorée du
cèdre.
Pour M. Majed, au diapason du premier
orateur (et de l’animateur), le régime
syrien fait preuve d’un « imaginaire
criminel rare », et est animé du «
plaisir sadique de punir des esclaves
». On ne s’inquiète pas assez du «
possible usage de l’arme chimique ».
Chaque mois le régime est réduit à
recourir à « une stratégie plus
violente ». Nous avons là affaire à
un « régime barbare qui n’hésite pas
à massacrer son peuple ». Au départ,
prétend-il, il n’y avait pas de
terrorisme. Pendant 6 mois les
manifestations ont été pacifiques. Il
devenait urgent, à présent, d’armer
l’opposition.
Gravement, il rappela que dans ces
circonstances, « ce sont les
journalistes qui ont la lourde
responsabilité d’informer ».
Ziyad Majed fut le seul des 10
intervenants à s’expliquer sur l’absence
de contestataire la version officielle à
ce colloque. « À l’époque de
l’apartheid, aurait-on accepté que dans
un débat la parole soit donné à des
tenants du suprématisme blanc ? » Ou
quelque chose comme ça… comparaison
d’autant plus ignoble qu’il ne jugea pas
utile d’expliquer la pertinence de ce
parallèle. Le public était ainsi amené,
insidieusement, à considérer les
contestataires de la version officielle
de la crise syrienne comme des racistes
tenants d’une idéologie inacceptable.
C’est du reste d’une ineptie totale de
faire ce genre de rapprochements entre
des affaires qui n’ont strictement rien
à voir entre elles.
Jack Ralite, ancien ministre
Jack Ralite, ancien ministre
communiste (1981-84).
Comme les deux intervenants
précédents, Jack Ralite alla de sa
diatribe contre Bachar el-Assad, un «
bourreau haineux », « un
dictateur massacreur qui tue son peuple
». Il se risqua à interpréter la
présence de djihadistes sur le sol
syrien : c’était une « histoire que
certains grossissaient ». Il
remercia l’engagement résolu de
l’Institut du Monde arabe et se félicita
de l’avancée de la mobilisation
française. Son intervention fut la plus
creuse car il n’avança strictement aucun
fait, et pour se donner du crédit
multiplia les références pédantes vers
des sources livresques complètement
hors-sujet. Nous eûmes ainsi droit à des
citations de Camus, de René Char, de
Holderlïn, de Boulez, de Bukowski,
d’Aragon, de Ricoeur. L’homme parlait
avec emphase et semblait heureux
d’étaler sa culture.
Remarquons que dans cette liste se
trouvent des résistants comme René Char,
dont il a souillé la mémoire (peut-être
sans s’en rendre compte, mais le mal est
fait) en les citant dans ce genre de
contexte.
Basma Kodmani, politologue
Basma Kodmani est la
maîtresse de l’ancien directeur
général de la DGSE, Jean-Claude
Cousseran. Sa soeur collabore à la
rubrique "Syrie" de Libération.
L’intervention de Bassma Kodmani fut
des plus étranges. Elle se lança dans un
très curieux développement sur des
conversations qu’elle avait eues avec
des jeunes de la rébellion. Elle était
émerveillée par ceux qui découvraient la
liberté, qui enfin pouvaient commencer à
respirer. Ces jeunes gens avaient vu des
choses affreuses, et passaient
rapidement du rire aux larmes et
inversement. Il fallait voir comme ces
jeunes chantaient avec cœur,
s’émut-elle. La révolution permettait
aux Syriens, selon elle, enfin de se
parler. Elle rapporta l’anecdote d’un
Syrien qui s’émerveillait d’avoir, pour
la première fois de sa vie, rencontré un
chrétien. Dans le propos de Mme Kodmani,
pas le moindre fait, pas le moindre
argument, juste ces histoires de jeunes
qui passent du rire aux larmes. En
revanche elle jouait à fond sur
l’émotion.
En présentant Bassma Kodmani, M. Hafidi
aurait pu mentionner les informations
suivantes : Bassma Kodmani a fait toute
sa carrière aux États-Unis. Elle n’a
aucun ancrage sur le terrain. Elle a
travaillé pour la NED [1],
a été directrice de la branche régionale
de la Ford Foundation au Caire, et
assisté à plusieurs forums du Club de
Bilderberg [2].
Co-fondatrice du conseil national de
transition syrien (jusqu’à sa démission
en aout 2012), elle est considérée par
le reste de l’opposition comme « la
principale représentante des intérêts
des États-Unis ».
Jean-Pierre Perrin, grand
reporter pour Libération
Jean-Pierre Perrin,
journaliste à Libération, double
national franco-israélien.
Il commença par se présenter comme
quelqu’un ayant « écrit sur la Syrie
depuis 20 ans ». Il revint d’abord
longtemps sur les événements de Hama de
1982, qui vit entre 15 000 et 25 000
Syriens tués [3].
À l’époque, rapporte-t-il, ces
événements n’eurent pas le moindre écho,
et l’homme en était désespéré. Il
rapporta quelques anecdotes poignantes
de témoins de ces massacres dont il
avait recueilli le témoignage, il y a
une quinzaine d’années. Quant à la
situation actuelle, il voulut souligner
la place très particulière de la torture
en Syrie. « On torture dans tous les
pays arabes, affirma-t-il, mais en Syrie
on torture pour torturer ». Cela
témoigne d’une « forme de perversité
assez extraordinaire ». On a pu
observer selon lui que les services,
souvent, se livraient entre eux à des «
compétitions » pour savoir lequel
était capable d’atteindre le plus haut
degré de cruauté dans la torture. Il
signala qu’au début de la crise, des
enfants avaient été torturés.
Il rappela l’anecdote d’une personne lui
ayant affirmé avoir été torturée dans
les années 80… parce qu’elle parlait le
français dans la rue. Ceux qui croient
que le français et son apprentissage
sont interdits en Syrie, peuvent chaque
jour le constater en visionnant le
journal d’informations quotidien en
français sur la chaîne gouvernementale,
dont voici un échantillon du 12 décembre
2012.
Cette anecdote est aussi grotesque que
celle du jeune Syrien qui était heureux
de rencontrer (enfin) un chrétien pour
la première fois de sa vie. Il conclut
son intervention en indiquant qu’au vu
de la gravité de la torture en Syrie, il
adoptait moins une posture de «
journaliste », qu’une posture «
humaniste ». Il aurait pu aussi
s’excuser de s’être trompé de sujet en
parlant essentiellement des événements
de Hama (et en oubliant de préciser la
réaction du régime en 1982 répondait en
partie à une série d’attaques
terroristes de mercenaires infiltrés
depuis la Jordanie et l’Irak, dans un
contexte comparable à maintenant).
Fabrice Weismann, conseiller
à la direction des opérations de MSF
Fabrice Weismann,
coordinateur de CRASH, la Fondation
de Médecins sans frontières, est
double national franco-israélien.
De toutes les interventions, celle de
M. Weismann fut la plus factuelle et la
plus mesurée. Il commença par préciser
qu’il ne pouvait parler que « des
zones contrôlées par l’opposition ».
Le problème de ces zones, c’est que le
gouvernement syrien a le monopole de
l’aide humanitaire. Il est d’autant plus
difficile d’acheminer l’aide dans ces
zones que les opposants refusent souvent
de recevoir une aide émanant du camp
qu’ils combattent.
Dans ces zones, il y a de nombreux
blessés, et on compte 3 blessés sérieux
pour un mort. Les soins sont difficiles
à prodiguer car selon lui l’armée
syrienne (ce qui pour M. Weismann
constitue sa spécialité), cible dans ses
bombardements les hôpitaux et les
dispensaires.
S’il imputait cette situation à Bachar
el-Assad il fustigea aussi la communauté
internationale, qui pour lui se rendait
coupable d’une démission humanitaire.
Cette intervention, exprimée sur un ton
dépassionné et tout en nuances, est la
seule qui apporta quelques informations
authentiques au public. Il faut tout de
même souligner le caractère grotesque de
ce qu’il considère comme la spécialité
de Bachar el-Assad : qui pourrait croire
qu’un État détruise volontairement et
systématiquement des infrastructures
vitales qu’il a lui-même construites ?
Christophe Ayad, journaliste
au Monde
Christophe Ayad, journaliste
au Monde, est double national
franco-israélien.
Le journaliste a commencé par
rapporter une anecdote : à son retour en
France, il s’entretient avec un
commerçant qu’il connaît bien, et ce
dernier se plaint de ce la situation en
Syrie ne serait plus couverte par les
médias. À ce moment-là, le journaliste
est saisi d’états d’âme, et se demande
si, avec ses collègues, ils n’auraient
pas fait leur travail sur la Syrie,
s’ils n’avaient pas, finalement, assez
insisté, n’avaient pas assez été
relayés. Ce témoignage anonyme et non
averti n’a absolument aucune valeur, et
il faut un culot formidable pour avancer
que «
les-horreurs-du-régime-de-Bachar-el-Assad
» ne seraient pas assez couvertes par
les grands médias, que les citoyens
français n’en seraient pas assez
informés.
Il a trouvé une nouvelle spécialité du
régime syrien (une de plus !) : le fait
de tirer avec des scuds sur les
quartiers résidentiels, parfois très
peuplés de civils.
Il rapporta une anecdote de 15 enfants
qui auraient été tués par le régime.
Il conclut son intervention en saluant
la mémoire d’Olivier Voisin, photographe
récemment mort sur le terrain dont il
lut la dernière lettre envoyée à sa
compagne.
De la part d’un journaliste on se serait
attendu à une vue d’ensemble de la
situation, mais l’homme s’est concentré
sur des anecdotes, vagues, des faits non
étayés, des témoignages sans intérêt.
Dans l’ensemble, il a essayé, comme
Jean-Pierre Filiu (quoique sur un ton
plus mesuré), de jouer sur l’émotion
plus que sur la raison.
Une conclusion en chanson
Le « débat » avait commencé par un
poème, il se termina par un poème et une
chanson récitée par Sapho. Le poème de
son cru était ampoulé et n’avait qu’un
rapport lointain avec la crise syrienne.
La chanson consistait en un début de
vers arabes qui ne furent pas traduits
et que personne ne comprit. De
l’émotion, encore de l’émotion, et
toujours de l’émotion…
Critique des aspects
les plus choquants du « débat »
Faire un sort à tous les mensonges et
approximations contenues dans ces dix
interventions demanderait plusieurs
dizaines de pages. Nous nous
contenterons donc de faire un sort aux
plus considérables, en évoquant au
passage quelques curiosités comme la
nomination de Jack Lang à la tête de
l’Institut du Monde arabe.
Des interventions qui vont
toutes dans le même sens, et qui jouent
sur l’émotion
C’est le principe de toute propagande
de faire appel aux émotions plutôt qu’à
la raison. En submergeant un auditoire
ou un lectorat d’émotions, on éteint sa
capacité de réflexion. Si en plus on
joint à l’émotion la répétition, on
obtient un effet puissant sur les
citoyens non avertis.
Les intervenants ont systématiquement
joué sur l’émotion lors de leurs
interventions, et ils ont joué notamment
sur la peur et l’indignation : ils ont
rapporté ainsi plusieurs anecdotes
d’enfants ou de groupes d’enfants tués
et torturés. Ils ont systématiquement
rendu coupable de ces exactions les
troupes régulières du régime syrien, en
apportant des éléments de preuve très
vagues, ou pas de preuve du tout.
La propagande fonctionne avec des
formules simples et bouleversantes.
C’est ainsi qu’a été utilisée par
presque tous les intervenants l’éculée
mais très efficace formule de «
l’horrible dictateur qui massacre son
propre peuple ». Le même procédé a
été utilisé par les grands médias
commerciaux pour préparer l’opinion au
renversement de Kadhafi et de Saddam
Husseïn. C’est un grand classique qui
marche toujours aussi bien pour préparer
l’opinion à accepter la nécessité de la
guerre.
La propagande fonctionne par la
répétition des mêmes formules. Vu
l’extrême similitude de la plupart des
interventions (et leur pauvreté), le
nombre d’intervenants aurait pu aisément
être réduit de 10 à 3. Tous ont effet
recouru à la même rhétorique simpliste,
faite de formules chocs. Les auditeurs
présents dans la salle ont entendu à de
nombreuses reprises les mêmes slogans
simplistes incitant à l’indignation
contre Bachar el-Assad et « son »
régime.
Il est significatif que ce débat qui
n’en était pas un ait été introduit par
un poème et clos par un poème et une
chanson, qui jouaient sur l’émotion et
n’entraient que de façon très
superficielle dans les faits et les
arguments. Clairement nous ne nous
situions pas dans le domaine de la
géopolitique, de l’histoire, et du
journalisme, mais dans celui de la
poésie, du chant, et de la propagande.
La propagande doit aller dans une
direction unique. Aucune voix
discordante ne doit se faire entendre.
C’est pourquoi aucun contestataire de la
version officielle ne devait être invité
ou autorisé à prendre la parole.
Était-ce vraiment un débat ?
Sur le fascicule de présentation de
la journée de soutien, il était
mentionné que la table ronde devant se
tenir de 14 h à 16 h 30 était un «
débat ». Cet intitulé est mensonger,
ce pourquoi nous l’avons mis entre
guillemets depuis le début de ce
compte-rendu. Les 10 intervenants, comme
on l’a vu, ont débité, parfois au mot
près le même discours et ne se sont
jamais opposés sur le moindre point. Si,
selon M. Perrin, les bourreaux syriens
rivalisaient d’imagination dans la
pratique de la torture, eux se livraient
entre eux à une autre compétition, dont
l’enjeu était de savoir qui allait
trouver les mots les plus durs et les
plus sales pour dénoncer « le régime
d’Assad ».
Nous avons été choqués par ailleurs
par la conclusion de ce « débat
». L’animateur de la table ronde, M.
Hafidi, avait annoncé au départ une
demi-heure d’échange entre les
conférenciers et le public à la fin des
prises de parole. Nous attendions ce
moment avec impatience, espérant pouvoir
équilibrer les propos, tant la somme de
mensonges proférés par les conférenciers
était monstrueuse. Las, sans donner la
moindre explication, l’animateur annonça
qu’il n’y aurait finalement pas
d’échange. Le mot « débat » se
trouvait ainsi complètement vidé de sa
substance, et la supercherie
apparaissait dans toute sa lumière.
Terminons sur un point sur un détail :
une femme contestant la version
officielle voulut prendre la parole. Non
seulement elle n’eut pas de micro, mais
elle fut ignorée et sifflée, procédé que
nous avons eu souvent l’occasion de
constater dans ce genre de « débat
». Non seulement il est très difficile
de pouvoir exprimer un point de vue
différent, mais on encourt des sifflets,
des propos insultants, et parfois des
intimidations physiques. Cela reflète
sans doute l’idée que les partisans en
France de la « rébellion » se
font de la liberté d’expression qu’ils
veulent apporter au peuple syrien.
Rappelons enfin la comparaison avancée
par l’un des intervenants pour justifier
l’absence de voix discordante dans cet
aréopage : contester la version
officielle équivaudrait à défendre le
régime d’apartheid en Afrique du sud.
Comparaison lancée comme une brique,
sans argumentation, et qui ne peut donc
être regardée que comme une grave
insulte. Comparaison honteuse pour son
auteur, Ziyad Majed, mais qui reflète
bien la mentalité des participants.
L’hypothèse de
l’instrumentation du terrorisme par le «
régime »
Pour cet argument on peut parler de
fable incroyable. Le nombre de morts
chaque jour en Syrie avancé par l’OSDH
ne donne pas de détails sur l’identité
des victimes. Or dans les faits, les
forces de l’ordre et l’armée essuient de
lourdes pertes imputables à des groupes
armés. Ils comptaient pour un tiers des
victimes à un moment. Les membres de
l’armée par ailleurs capturés par les
mercenaires sont systématiquement
torturés et assassinés. Comment le
régime pourrait-il forger des groupes
terroristes de toutes pièces, qu’il
chargerait d’attaquer sa propre armée ?
Cela démoraliserait l’armée,
engendrerait une terrible crise de
confiance ; les soldats déserteraient en
masse. Par ailleurs ces mercenaires
visaient particulièrement, au début du
conflit, les chrétiens et les alaouites,
réputés proches du régime. Pourquoi ce
régime sèmerait-il la terreur et la
désolation dans des populations qui le
soutiennent ? Le simple bon sens doit
nous amener à considérer l’hypothèse de
l’instrumentation du terrorisme par le
régime comme un énorme mensonge.
Mensonge qui du reste n’a rien de
gratuit : Pendant longtemps les grands
médias ont nié la présence de
terroristes djihadistes sur le sol
syrien. La situation néanmoins traînant
en longueur, et les preuves de leur
présence et de leurs exactions se
multipliant, il devint à un moment
impossible pour les grands médias de
nier l’évidence. Comme cela n’allait
cependant pas dans le sens de la version
officielle initiale, il fallait
accommoder cette reconnaissance d’une
explication convenable. C’est ainsi
qu’après avoir nié leur existence, les
grands médias ont été contraints de
relayer cette interprétation complotiste
et mensongère. Du négationnisme ils sont
passés au conspirationnisme.
Nous rappelons que le journal Le
Monde avait avancé ce genre
d’explication à propos de l’attentat qui
avait décapité l’état-major syrien, le
18 juillet 2012. Bachar el-Assad aurait
voulu en cette occasion effectuer une
purge pour mieux asseoir une autorité
qui lui échappait. Interprétation
absurde, tirée par les cheveux, mais qui
se comprend fort bien si le mot d’ordre
obligatoire est de dire que le mal, tout
le mal¸ ne peut venir que de «
Bachar-el-Assad-et-de-son-régime-ignoble-qui-massacre-son-propre-peuple
». C’est bien digne de cet outil
idéologique mondialiste qu’est devenue
le journal Le Monde avec les
années.
L’hypothèse de l’irruption
tardive du terrorisme en Syrie
On n’insistera pas assez sur la
gravité de ce mensonge. Voici quelques
faits cités par Bahar Kimyongur dans son
livre Syriana publié fin 2011 aux
éditions Investig’action. Tous ces faits
(qui ne sont qu’un échantillon), sont
survenus dans la période où les
intervenants du débat prétendent qu’il y
avait uniquement des manifestants
pacifiques.
« • Le 17 avril, huit membres des
forces de sécurité sont égorgés dans une
petite commune de la banlieue de Deraa.
• Le 8 mai, dix policiers sont
froidement égorgés à leur tour à Homs
• Le 19 avril, plusieurs officiers sont
sauvagement massacrés. Trois enfants
d’un général syrien sont achevés au
sabre.
• Le 7 juin, 120 militaires et policiers
sont attaqués dans leur caserne à Jisr
el-Choughour à la frontière turco
syrienne et décapités après avoir été
tués. Al Jazeera et BBC ont préféré
parler de 120 manifestants pacifistes
tués par les forces de sécurité !
D’autres ont essayé de faire croire à la
fable d’une mutinerie écrasée par leurs
supérieurs hiérarchiques.
• Le 21 juillet, 13 soldats ont été tués
et 100 autres blessés lors
d’affrontements avec des groupes armés
dans la ville de Homs. » (p
120-121).
Nous nous contenterons de
rappeler, pour clore cette liste
macabre, cet épisode
particulièrement atroce survenu dès
le début des événements. Nous sommes
le 2 avril 2011. Nidal Jannoud
(alaouite), le gardien du club des
officiers de la ville de Banyas, sur
la côte méditerranéenne, en se
rendant au marché se fait arrêter
par des hommes en armes. Les
terroristes prenant souvent soin
(sans doute par amour des Droits de
l’homme), de filmer les boucheries
qu’ils perpètrent, nous avons la
vidéo de son lynchage. On voit ainsi
qu’après l’avoir torturé, après lui
avoir affreusement lacéré le visage,
les rebelles le criblent de balles à
l’arme automatique. Les 20 coupables
seront retrouvés, condamnés, et
avoueront (les traces vidéos étant
irréfutables). On saura par la
suite, que l’un des participants au
lynchage était l’un des meneurs
d’une manifestation « pacifique
» appelant à la chute du régime dans
la même ville. 6 jours plus tard, 9
soldats syriens à Banyas périront
dans une embuscade tendue par un
groupe armé.
De telles histoires sont
malheureusement trop nombreuses pour
être toutes rapportées. Elles
attestent sans doute possible
l’action violente et cruelle de
groupes armés sur le sol syrien dès
le début des événements. Nous ne
pouvons imaginer que des «
spécialistes » comme les
personnes présentes à l’IMA puissent
être passées à côté. Ce serait faire
insulte à leurs « diplômes »
et à leurs employeurs (le quotidien
Le Monde par exemple) Elles
connaissent cette réalité, mais ont
choisi de la dissimuler aux citoyens
qui s’étaient déplacés lors de cette
journée. Cette posture est d’autant
plus choquante quand on constate la
barbarie dont font montre les
mercenaires étrangers pour torturer
et assassiner leurs victimes.
L’hypothèse de l’emploi
d’armes chimiques
Cet argument était attendu et a
été de nouveau lancé par Ziyad Majed.
Des armes chimiques pourraient être
utilisées en Syrie. En effet,
l’hypothèse est redoutable, et elle
s’est réalisée… Le 19 mars dernier,
un missile chimique a été tiré sur
le village de Khan el-Aklass dans la
banlieue d’Alep. Ce village, occupé
depuis un mois par le Front al-Nosra,
venait d’être repris d’être repris
par l’armée syrienne. Le missile a
fait trente victimes (femmes,
enfants, vieillards, soldats), et en
a intoxiqué une centaine d’autres.
Les villageois ont unanimement
dénoncé la provenance du missile :
une zone contrôlée par le Front al-Nosra.
Pour plus de détails, ouvrir
ce lien.
De manière tout à fait remarquable,
cette information a été très peu
relayée dans les grands médias
commerciaux. L’impossibilité de
donner une version officielle
crédible en est sans doute la cause.
« Assad envoie des missiles
chimiques sur les villages que son
armée libère d’une organisation
terroriste (le Front al-Nosra), il
tue ainsi des civils qu’auparavant
il protège… » Si c’était le cas
ce serait vraiment ignoble, mais il
faut être un demeuré ou un menteur
pour croire un instant à un tel
scénario, d’autant plus improbable
que M. el-Assad sait que l’usage de
ce genre d’armes amènera
mécaniquement une opération décisive
de renversement.
Le silence des médias sur ce point
s’explique sans doute par le fait
qu’ils sentent qu’ils ne peuvent pas
mettre ce crime sur le dos d’el-Assad,
que ce serait trop énorme à faire
gober. En conséquence, au lieu de
lancer le battage médiatique
habituel, ils en parlent très
brièvement, sans entrer dans le
détail, et en renvoyant les deux
parties dos à dos sans explication.
On voit bien avec cet exemple
horrible, que pour les médias et le
gouvernement français (M. Hollande
et M. Fabius en tête), le problème
ce n’est pas l’usage des armes
chimiques en soi, mais uniquement
celui qui y a recours. Si des «
rebelles » utilisent des armes
chimiques, ce n’est finalement pas
si grave que cela. Si le régime de
Bachar en utilise, en revanche, là
une ligne rouge est franchie, et il
faut faire 15 unes de suite dans la
totalité des grands quotidiens
subventionnés par l’État.
De comparaisons infâmes avec
l’apartheid aux dénonciations
infondées du possible usage de
l’arme chimique, on voit que
certains ne reculent devant rien
dans ce mensonge organisé qu’est la
couverture des événements de Syrie
par les médias commerciaux français.
Jack Lang, l’organisateur
de cette journée
On peut s’interroger sur la
personne qui a organisé cette
journée de soutien à la rébellion et
d’appel au renversement du régime
syrien n’est autre que le récemment
nommé directeur de l’Institut du
Monde arabe, Jack Lang. Si Jack Lang
a une incontestable expérience de
l’État et des activités culturelles,
son CV ne montre aucune expérience
du monde arabe. C’est apparemment
une région qu’il connaît très mal,
et il ne parle même pas la langue
qui donne son nom à l’institut.
C’est donc un homme dépourvu de
toute légitimité intellectuelle qui
a organisé cette journée de
solidarité avec le peuple syrien.
Cette initiative peut
s’interpréter de plusieurs façons,
par exemple :
1) Comme il ne connaît pas la
situation en Syrie, qu’il ne connaît
rien de l’histoire de la Syrie,
qu’il en ignore la complexité, qu’il
n’en connaît pas la langue, qu’il
doit s’occuper de mille autres
affaires concernant d’autres pays,
il n’a pas eu le temps de s’informer
correctement sur la réalité de la
situation sur place, et est
vulnérable à la propagande de médias
comme Le Monde ou I télé,
qui présentent les événements de
Syrie de la même façon unilatérale
et diabolisante.
2) En tant que membre du Parti
socialiste, et soutien du
gouvernement actuel (qui ne diffère
en rien du précédent sur le sujet de
la crise syrienne), il peut à
l’occasion servir de courroie de
transmission pour relayer sa
propagande. Cette journée ne serait
donc pas une initiative personnelle
mais une initiative gouvernementale.
Il est certain dans tous les cas
que la nomination d’une personnalité
aussi illégitime a de quoi semer les
doutes les plus profonds dans les
esprits.
Une comparaison
éclairante : le colloque organisé à
l’Assemblée nationale le 20 février
par l’Académie de géopolitique de
Paris
Pour comprendre l’étendue de la
fraude que représente ce « débat
», il peut être utile de faire la
comparaison avec d’autres événements
du même genre.
4 jours avant, le mercredi 20
février, nous avons assisté, et pour
certains d’entre nous participé
(Alain Corvez, Alain Benajam), à un
colloque sur la « Crise en Syrie
: défi à la diplomatie mondiale
».
Ce colloque était organisé par
l’Académie de géopolitique de Paris,
et se tenait dans une annexe de
l’Assemblée nationale (un résumé de
cet événement est consultable ici)
Instructif et de haute volée, ce
colloque se distinguait du faux
débat de l’Institut du Monde arabe
sur de nombreux points :
Les participants critiquaient
majoritairement (tout ou partie) la
version officielle martelée par les
grands médias commerciaux.
L’animateur du colloque, le
président de l’Académie de
géopolitique, a adopté une posture
neutre du début à la fin du débat.
Aucune télévision n’était présente,
ou n’a jugé utile de relater (ou de
s’associer à) l’événement, qui n’a
donc eu qu’un écho insignifiant dans
l’opinion. Bassam Tahhan, le
huitième intervenant de ce colloque,
a révélé qu’il était interdit
d’antenne sur France 24 (qui
couvrait le « débat » le
dimanche à l’IMA) depuis 2 ans car
son opinion n’allait pas dans le
sens de la propagande du
gouvernement français.
Certains intervenants ont joué sur
l’émotion, mais dans l’ensemble ils
se sont concentrés sur les faits et
les arguments. Ils appelaient plus à
la raison qu’à l’émotion.
Ils ont remis la crise syrienne dans
une perspective historique,
informant que la situation actuelle
prenait racine dans les années 20,
ce qui n’a été signalé par aucun des
intervenants de l’IMA.
À chaque fin de tour de parole,
toutes les personnes présentes dans
la salle pouvaient poser des
questions, sans la moindre censure.
Les intervenants se sont contestés
sur des points généraux ou de
détail, parfois avec vigueur. On ne
ressentait pas cette impression
comme à l’IMA d’être devant un
groupe de clones invités pour
matraquer sans arguments les mêmes
slogans simplistes et incitant à la
haine.
Le rôle des médias a été unanimement
critiqué, alors qu’à l’IMA les
intervenants leur rendaient hommage.
Bref, la véritable « Journée
de solidarité avec le peuple syrien
», et son fameux « débat »
n’ont pas eu lieu le 24 février
dernier à l’Institut du Monde arabe,
mais à l’Assemblée nationale, à la
faveur du colloque organisé par
l’Académie géopolitique de Paris,
dont aucun média n’a rendu compte.
Conclusion
Nous pouvons de ce résumé et de
cette somme de remarques tirer un
certain nombre de conclusions :
Cet ensemble d’interventions ne peut
en aucune façon être qualifié de «
débat », et cet intitulé est
donc mensonger.
L’intitulé de la « Journée »
elle-même (« Journée de
solidarité avec le peuple syrien
»), qui semble neutre, est
mensonger. Le titre : « Journée
d’appel à la chute du régime de
Bachar el-Assad » aurait
beaucoup mieux convenu.
En appelant unanimement à armer «
l’opposition », les
intervenants acceptent le risque que
ces armes tombent entre les mains de
mercenaires sans pitié qui
multiplient les attentats
terroristes et les massacres. Ils
prennent ainsi le risque de se
rendre complices de crimes contre
l’humanité. Ils ont menti en
prétendant que les premiers mois de
la crise il n’y avait que des
manifestations pacifiques.
Ils ont raconté n’importe quoi en
avançant que le seul terrorisme en
Syrie était le fait du gouvernement
syrien.
Jack Lang n’a pas la moindre
légitimité pour diriger l’Institut
du Monde arabe, et doit être
considéré dans cette affaire comme
une simple courroie de transmission
de la propagande gouvernementale.
L’IMA étant financé sur des fonds
publics, très majoritairement
français, l’organisation de cet
événement s’apparente à un
détournement de fonds publics à des
fins de propagande.
L’argument avancé pour expliquer
l’absence de contradicteurs dans ce
débat (la comparaison avec le débat
sur l’apartheid), est infâme et
dénuée de fondement.
Ce « débat » révèle avec
éclat, de nouveau, que les grands
médias commerciaux ont pour but,
avant tout, non pas d’informer mais
de relayer la propagande
gouvernementale et de justifier des
guerres injustes. Pour l’occasion
ils sont allés encore plus loin :
non seulement ils ont massivement
couvert l’événement, mais ils s’y
sont pour certains associés (I
télé, Le Monde). Il est vrai
maintenant, qu’à l’instar de l’IMA,
le journal Le Monde n’est pas
indépendant puisqu’il est financé à
hauteur de 17 millions d’euros par
an par l’État. Son rôle, en tant que
« journal de référence » de
la pensée unique, est de relayer la
propagande du gouvernement en
mentant au besoin à ses lecteurs. La
preuve n’est malheureusement plus à
faire.
Ce « débat » révèle que
non seulement « l’État »
tient les médias dans sa main, mais
qu’il n’hésite pas à nommer des
relais à la tête d’instituts
financés sur des fonds publics,
détournant ainsi l’argent public à
des fins de propagande. Du reste,
peut-on parler d’ « État »,
existe-t-il encore un État en France
? C’est la question que l’on peut se
poser en constatant l’alignement
systématique des gouvernements de
gauche comme de droite sur des
positons atlantistes et européistes.
Plus généralement, les médias
commerciaux appliquent à la lettre
la consigne de ne relayer qu’une
seule opinion sur la crise syrienne.
On peut conclure ce compte-rendu
en affirmant que ce débat constitue
une opération de manipulation de
l’opinion publique. Son financement
par des fonds publics rend
l’opération d’autant plus
scandaleuse. Il est une nouvelle
preuve de la dissolution
irrésistible de l’État français, de
son inféodation à des intérêts
étrangers et d’une compromission de
plus en plus évidente des médias
commerciaux comme Le Monde ou
I télé.
[3]
Le bombardement de Hama marque la fin de
la répression contre les coups d’État
manqués des Frères musulmans. On parlait
à l’époque de 8 000 morts.
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