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Info Palestine
Mort ou coma du processus de paix ?
Fériel Berraies Guigny
Organisée par l’Institut
des Relations Internationales et Stratégiques, en partenariat
avec le journal Le Monde, Témoignage chrétien, la Tribune juive,
Radio Orient et le Forum de Paris, la 12e Conférence annuelle
stratégique de l’IRIS (Institut de Relations Internationales et
Stratégiques) s’est tenue à Paris, les 6 et 7 mars 2007. Deux
jours de débats passionnés et contradictoires.
Avec plus de 1000 auditeurs inscrits, le Colloque
a réuni tout un panel d’intervenants venus de tous bords :
universitaires, chercheurs, écrivains, académiques, politiques,
diplomates. Des représentants de la société civile et de
diverses ONG, ont également apporté leur vision du problème.
Toute une floraison d’experts reconnus et émérites, pour
tenter de débattre d’une question qui jusqu’à notre jour,
interpelle conscience collective et politique.
Jacques Boyon, ancien Ministre, Président du
Conseil d’administration de l’Institut de Relations
Internationales et Stratégiques, a ouvert la Conférence,
rappelant encore une fois, la pérennité d’un sujet qui n’a
de cesse de grandir en gravité et qui pourtant même après 60
ans d’actualité, est toujours en situation d’impasse. Un
sujet dont la solution est encore plus complexe aujourd’hui, car
il implique un curieux mélange de rationnel et d’irrationnel,
de conscient et d’inconscient.
Avec des acteurs qui n’ont cessé de grandir en
nombre et de se diversifier et au regard de l’hétérogénéité
de l’espace politique actuel, le sens et le contenu même du
Processus de Paix ont évolué. Les diversités économiques, et
financières rendant par ailleurs, la compréhension du politique
et de ses implications encore plus aléatoire.
En Occident, il semblerait toutefois qu’il y ait
un large consensus dans les finalités de cette question.
S’agissant de la France particulièrement, on peut reprocher à
cette dernière, une certaine inertie, un trop plein de paroles,
sans de véritables initiatives. On se pose aussi la question de
savoir si la France a eu raison de se retrancher derrière
l’Europe. Une Europe qui est de plus en plus considérée comme
un maillon faible au regard de l’échiquier décisionnaire
politique actuel.
Mais ce conflit est le plus ancien de la planète,
et il divise toujours autant les Etats. Il suscite, haine,
violence et clivages idéologiques. Aujourd’hui, face à l’échec
des politiques, il faut chercher une écoute, une compréhension,
des tentatives de résolution ailleurs. La société civile, la
coopération décentralisée, les collectivités territoriales,
tentent de prendre le relais. Dans l’espoir de relancer un
nouveau dialogue, de permettre de nouveaux échanges. Afin que
cesse la spirale infernale des langages hermétiques et promesses
creuses. En refusant la polémique, et la langue de bois, peut être
que ce processus aurait un jour la chance de renaître.
L’ouverture des débats a accueilli, Mme Hind
Khoury Représentante de la Palestine, et son excellence l’Ambassadeur
d’Israël, Daniel Sheck. Tous deux ont présenté leur vision de
la situation actuelle. Pour Mme Khoury, la question cruciale
reste pourtant simple et fondamentale « la Nation de la Paix
a-t-elle un sens au Proche Orient ? » ; « Est-ce
que le droit international doit s’appliquer partout sauf dans un
seul pays ? » Voilà en résumé, ce que subit la
Palestine depuis Oslo. Ce pays vit au rythme de promesses non
tenues et de Sommets qui ne font que reporter à plus tard, une
solution qui n’a aucune chance d’être. Aujourd’hui la
Palestine est en pleine déliquescence, avec un taux de chômage
qui touche 45% de la population active, un bouclage des
territoires qui paralyse l’économie, sans compter les
constantes violations des droits de l’homme et du droit
international dans la région.
La Palestine a, à l’heure actuelle, plusieurs
des ses Ministres, et militaires, détenus dans des prisons israéliennes,
ceci constituant de graves atteintes aux droits de l’homme. Avec
près de 60 ans d’occupation, et une colonisation sauvage en
constante évolution, de graves abus humanitaires, la situation ne
fait que se dégrader. Par ailleurs, la non reconnaissance de la
gouvernance actuelle, bien qu’élue démocratiquement, est un
autre frein, à une éventuelle amorce de dialogue. Comment dés
lors, penser qu’il y ait véritablement du côté israélien, un
réel désir ou une volonté de paix ?
Le calendrier de la feuille de route, n’ayant
jamais été respecté, la colonisation sauvage qui se poursuit (
on compte 3000 constructions inégales sur les collines), la
construction du mur qui se poursuit sur 21% du territoire, sont
autant de facteurs qui éloignent toute perspective de dialogue.
In fine, pour Hind Khoury « Jamais, les Palestiniens ne
pourront envisager un Etat avec comme Capitale, Jérusalem ».
Partis de ces constats, il est cependant encore
temps d’envisager, un avenir de paix, juste et équitable pour
les deux peuples. Mais pour qu’il y ait un véritable dialogue,
il faut renoncer aux promesses creuses. La Communauté
Internationale, doit dés lors réagir et faire respecter le droit
international. La politique américaine ayant perdu de sa crédibilité
dans cette région, même après la rencontre tripartite avec
Condolezza Rice. Pour Mme Khoury « ...on attend
beaucoup de la France » Et « l’Europe peut beaucoup,
même si elle ne peut pas tout », car « 2007, est
l’année de toutes les possibilités ».
Un message d’espoir est toujours possible,
« l’humanité 2007 peut être l’année de l’histoire
humaine » à condition qu’il y ait une véritable
mobilisation en France, pour faire que les hommes de paix soient
entendus. La Représentante de la Palestine, conclura en ajoutant
que Mahmoud Abbas, reste le seul acteur crédible pour négocier
avec Israël, et le Fatah, restera aussi le partenaire historique
de tous les Accords. Néanmoins, Un Etat palestinien, restera la
seule garantie et la seule solution pour une paix en Israël.
L’Ambassadeur israélien Daniel Sheck, a repris
le cours du débat, par un intéressant jeu de métaphores, en
introduction il a maintes fois parlé du « couloir de la
paix, qui s’est ouvert,puis qui s’est refermé » à différentes
étapes de l’histoire. Au préalable, il a commencé son récit
en faisant allusion à sa femme juive tunisienne qui a du fuir son
pays d’origine, la Tunisie.
Nous laissant perplexe et sur notre faim, quant
aux raisons « de cette fuite », il a repris son
discours sur l’importance du timing ou « moment historique »
qui modèle somme toute les chances et les lueurs d’espoir,
quand il s’agit d’apprécier les avancées du dialogue de la
paix. Pour résumer ce qui s’est dit en longueur diplomatique,
le nombre « d’occasions ratées » semble t-il serait
plus important que les occasions de facto. Camp David les négociations
de Taba, le retrait militaire de Gaza, ont été « les
portes de l’espoir » pour un temps. Mais aujourd’hui,
ces portes sont fermées alors que le rejet de la création d’un
Etat israélien et sa non reconnaissance, ont tôt fait de
« les sceller » irrémédiablement. Pour l’Ambassadeur
israélien, la plus belle occasion de « couloir ou porte
ouverte » a été 1947, avec la résolution de partage. Mais
« l’offre » s’est détériorée avec le temps. Et
la violence, l’insécurité, la souffrance des peuples ont mis
le processus en berne.
Avec Réalisme, Daniel Sheck ajoutera « qu’il
est temps de part et d’autre, d’ôter certains tabous, pour
laisser ses rêves dehors ». Pour le diplomate israélien,
il faut arriver à un véritable sens du compromis. Les Israéliens
ont appris à accepter une réalité : celle de la
construction d’un Etat palestinien. Ce qui est une grande avancée
en soi, « car le Grand Israël au sens biblique, n’est
plus ». Même si ajoute-t-il, une certaine minorité, y
croit encore.
Ceci constituerait, un grand retour à la
reconnaissance du droit palestinien, tel que défini depuis
1947-48. Si la majorité des Israéliens a reconnu « les
limites de sa force », il faut encore parvenir à établir
les meilleurs conditions pour une négociation politique
diplomatique. Pour Daniel Sheck le plus grand tabou que
constituait le démantèlement des implantations israéliennes,
devait augurer d’une belle reprise. Mais l’intifadha en a décidé
autrement et depuis « nous vivons un déficit d’espoir de
paix ».
Mais il n’est pas encore trop tard, pour le
diplomate israélien du moment que « l’on accepte le
concept de deux Etats pour deux peuples dans une Nation ».
Pour lui, on ne doit pas oublier que la création de l’Etat
Nation d’Israël est une solution au problème juif et celui des
réfugiés juifs à travers le monde. La même chose, pour le
peuple palestinien qui a autant droit à un Etat Nation en
Palestine. Cet état de fait, est l’espoir central pour briser
le cercle vicieux de la violence et pour désembourber un dialogue
en pleine impasse.
L’Accord de la Mecque fut un moment important
pour les arabes et les Palestiniens, car il met fin à un chaos
indescriptible et à des heurts militaires sans fin. Mais l’Ambassadeur
n’a pas caché ses réserves, ajoutant « . J’ai de forts
doutes sur la portée de l’Accord. » car Israël ne connaît
pas véritablement le projet politique du nouveau gouvernement
palestinien. Et d’ajouter, « qu’il n’est pas question
de légitimité s’agissant de la gouvernance actuelle
palestinienne. Mais Israël et la Communauté internationale, ont
tout de même le droit de choisir leur interlocuteur, d’autant
qu’ « il n’y a pas de principe israélien qui dise que
l’on doive négocier avec une entité qui cherche la perte d’Israël ».
Face aux réalités politiques actuelles
palestiniennes, et malgré toutes les nuances d’analyses des
Accords sur la Mecque, le fait de ne pas figurer ou être mentionné
par le seul terme d’Israël, une seule fois, dans les termes de
cet Accord, reste inacceptable pour Israël. Cette omission rend
le document caduc. Par ailleurs, autre composant qui rend la
lecture de ce document difficilement acceptable pour Israël ;
« on ne peut pas accepter le concept de retour des réfugiés
si on exige le droit du retour des Palestiniens dans l’Etat
palestinien et israélien ». C’est une problématique
insurmontable pour les Israéliens. A l’heure actuelle, pour
Daniel Sheck, « Israël n’a aucun intérêt à voir
perdurer la crise palestinienne », « je reconnais la
souffrance des Palestiniens, ce que nous recherchons ;
c’est une solution qui nous permette de ne pas mettre en doute
le droit des Israéliens à vivre honorablement et en sécurité ».
Et de conclure : « L’on ne peut éternellement,
verser des larmes sur le passé, ni se disputer le rôle de celui
qui a le plus souffert, dans ce concours il n’y a pas de
gagnants ».
Il faut regarder vers l’Avenir qui peut être
porteur d’espoir, car « les sentiers battus ne suffisent
plus et il va falloir être créatif, courageux, montrer de la
vision et du leadership. Enfin, « la balle se trouve dans le
camp de la paix » et dans le camp palestinien ou israélien.
S’agissant de l’implication des sociétés civile et du rôle
des médias dans le conflit palestinien, la question était de
tenter de savoir comment le citoyen moyen percevait la crise
actuelle ?
Bernard Ravenel, Président de la plate forme des
ONG françaises pour la Palestine, Président de France Palestine
Solidarité, a expliqué que les réponses pouvaient se trouver
dans la société civile, qui se sentait de plus en plus impliquée.
Car les personnes de bonne volonté ne manquent pas, et peuvent
contribuer de l’extérieur sans pour autant être impliquée
dans des appareils d’Etat. En fait, « le rapport avec l’Etat
doit être un rapport de pression et d’interpellation ».
Et « si la paix passe le droit », la question est de
savoir comment parvenir à faire appliquer ce droit.
Pour Bernard Ravenel, la politique israélienne
actuelle continu de jouir « d’une impunité éhontée ».
Et seules les pressions diplomatiques, économiques et politiques
et la société civile pourraient mener le combat à terme.
Aujourd’hui, un véritable mouvement de solidarité est né en
France, à travers ce mouvement, il faut arriver à imposer une
politique européenne, il faut aussi donner aux partis et à l’Etat
français les moyens d’y jouer un rôle significatif. Et ultérieurement,
il faut aboutir à une Conférence internationale pour discuter de
la paix. Marc Lefèvre, citoyen israélien et français, Porte
Parole pour la France, du mouvement « La Paix maintenant »ajoute
dans cet ordre d’idée que « dans toute démocratie, il
est normal que des citoyens se regroupent pour faire valoir leur
opinion ». S’agissant de La Paix Maintenant, il explique
que c’est une organisation citoyenne qui n’est pas inscrite
dans un quelconque parti politique. Pour lui, il est claire que
les Israéliens continuent d’ignorer avec mépris la souffrance
des Palestiniens alors que ces derniers, continuent d’œuvrer
dans un contexte de radicalisation et de résignation. Dans ce
contexte précis, seule la société civile pourrait encore faire
la différence. Et d’ajouter : « Nous saluons le
courage du côté palestinien, compte tenu de la situation ».
Pour lui, il est claire que pour les Palestiniens il faut faire
preuve d’un véritable courage physique, tant ceux qui essayent
de jouer les médiateurs, sont menacés dans leur propre vie. Pour
un Israélien, dans une société démocratique, il est plus
facile de s’engager dans cette voie. Marc Lefèvre déplore par
ailleurs le rôle des médias qui a tendance à « diffuser
des images de haine et de mépris » grossissant et
stigmatisant encore plus les faits. Globalement, selon lui, le rôle
des médias est extrêmement négatif.
Dans une logique de communication marchande, le
sensationnalisme aurait plus tendance à nuire aux tentatives de médiations
citoyennes. Traugott Schoefthaler, Directeur de la Fondation euro
méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures,
Alexandrie, a présenté son institution comme étant la plus
jeune, crée suite au partenariat euroméditeranéen, depuis la
Conférence d’Helsinki. Dans ce cadre précis, il explique
qu’il est important de promouvoir la diversité culturelle et
religieuse. Afin d’échapper, aux dangers de la récupération
politique et la stigmatisation. S’agissant de l’Islam, selon
lui, il est primordial de l’assimiler à l’identité européenne,
car nous sommes « tous différents et tous égaux ».
Mais les médias à l’heure actuelle, ont eu
tendance à créer des stéréotypes, et la religion est devenue
une étiquette idéologique dans laquelle on enferme des communautés
entières. Alors que les conflits économiques et politiques sont
le plus souvent fondés sur des revendications territoriales ou
politiques, on continue de se cacher derrière les arguments
culturels et religieux. Et aujourd’hui, la grande majorité
pense que la grande cause de tous les maux actuels, reste
l’Islam. Et de l’autre côté, on pense également que l’Islam
est victime d’une conspiration américano sioniste.
Aujourd’hui, il faut aboutir à un langage commun pour ne plus
avoir de vision partisane.
Si le politique et les médias faussent le débat,
qu’en est il de l’économique ? Les acteurs économiques
pourraient ils alors répondre aux limites des acteurs politiques ?
Mais peut-on raisonnablement penser à de l’économique dans un
environnement aussi dégradé ?
Et peut on croire que l’économique puisse réellement
rapprocher les peuples, s’agissant du processus de Paix ?
Question très difficile, car aujourd’hui les coûts sociaux du
conflit sont exorbitants et les institutions financières depuis
15 ans sont dans un processus d’implosion. Et la politique israélienne
actuelle dans les Territoires palestiniens, freine irrémédiablement
toute perspective de vie ou de développement économique. La décision
israélienne de stopper le transfert de revenu a contribué à un
gouffre fiscal, le revenu domestique a chuté, créant aussi une
absence de liquidité. Les salaires sont impayés depuis les 10
derniers mois. Les réformes des revenus financiers publiques
restent stagnantes. Les banques palestiniennes ne veulent plus
travailler avec le Hamas. En l’absence d’un budget en 2006 et
2007, la situation fiscale est devenue intenable. Les limites du
transfert de biens et de personnes imposées par Israël, ont fait
perdre plusieurs marchés extérieurs traditionnels.
L’investissement en Palestine est essoufflé. La Banque
Mondiale, estime par ailleurs, que les Territoires palestiniens
sont une zone de haut risque pour l’investissement étranger.
José Leandro Chef d’Unité Affaires Economiques
des pays tiers medditteranéens, explique pour sa part qu’il
faut imposer des mesures drastiques pour redresser la situation.
D’une part créer des mécanismes de résolution
des conflits commerciaux, réintroduire dans l’espace, des
contrats à court terme, faire accéder les crédits de facilité
en vue de booster les micro et petites entreprises. Par ailleurs,
il faut aussi appliquer des procédures pour permettre la libre
circulation des biens et personnes. Et enfin, permettre un accès
facilité aux marchés et notamment le marché israélien.
Jérôme Cazes, Directeur général, COFACE,
estime pour sa part que quand il y a un intérêt national, son
institution peut prendre des risques et jouer le rôle
d’assureur. Il ne cache pas néanmoins, que l’Europe ne joue
pas de tout son poids pour faire en sorte que les pays de la région
présentant le profil de pays à haut risque, soit intégré dans
la région. L’Egypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie et la
Palestine sont des pays à haut risque. Aujourd’hui, cette région
est délaissée au profit du Golfe et des pays comme Dubaï
retiennent toutes les attentions.
Stéphane Fouks, Directeur général de Havas, Président
de Euro RSGC Worldwide n’a pas caché que le monde des affaires
tenait compte de divers paramètres dont la sécurité, la
stabilité politique et l’environnement juridique. Aujourd’hui
dans la région, le climat n’est pas favorable à
l’investissement. Même « si l’on essaye d’être
rationnel dans un monde qui ne l’est pas ». Car il faut
d’abord jeter les bases d’un environnement politique stable
pour pouvoir établir des relations économiques. Avec l’Intifada,
bon nombre de travailleurs palestiniens ont été remplacés par
une main d’œuvre philippine. Ceci a contribué à la paupérisation
de la main d’œuvre. Et il y a par conséquent beaucoup de
raisons d’être pessimiste car cette région n’a aucun poids
économique dans l’échiquier international.
Par ailleurs, la construction du tramway de Jérusalem
par l’entreprise française Veolia, autre élément qui
n’arrange en rien la situation, vient contrevenir au droit
international. S.E. Joachim Bitterlich, Directeur des Affaires
internationales, Veolia Environnement, a tenté d’expliquer pour
sa part, que l’objectif de ce tramway était de transporter tout
le monde et qu’en l’occurrence, Veolia était habilitée par
le Quai D’Orsay et par les experts en Droit international. Une
explication qui reste très discutable, car ici les intérêts économiques
vont à l’encontre de certains droits les plus élémentaires.
L’Association France Palestine Solidarité, a par ailleurs engagé
une action judiciaire devant le Tribunal de Grande Instance de
Nanterre à l’encontre des sociétés Veolia Transport et Alstom,
en annulation d’un contrat passé par ces sociétés avec Israël
pour la construction et l’exploitation d’un tramway en
Cisjordanie. Pour beaucoup de personnes, ce tramway qui
permettrait de relier Jérusalem-Ouest aux colonies de
Cisjordanie, constitue, pour le moins, un facteur d’expansion de
la colonisation de Jérusalem-Est, par l’Etat d’Israël.
Illicite au regard du droit international, la convention entre le
gouvernement israélien et Alstom et Veolia Transport, l’est également
au regard du droit français (art 6,1131 et 1133 du Code Civil)
qui décide qu’est dépourvu de tout effet toute convention dont
la cause est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
Alors si l’économique est en panne, qu’il
dessert parfois certains intérêts humains, qu’en est il de
tous ces Accords politiques et diplomatiques en stand by ?
Pour Pascal Boniface, la liste des tentatives est longue, alors
que la solution à la crise peine toujours. « Il faut un
sursaut de réalisme et de lucidité pour trouver les mécanismes
porteurs ».
Les Accords « de bonne volonté politique »
ne manquent pas : Accords de Taba, Feuille de route, Plan
Abdallah, Accords de Genève et maintenant ?
Hervé de Charette, ancien Ministre, Député,
Vice-président de la Commission des Affaires étrangères,
Assemblée nationale, nous dresse une vision réaliste du scénario
actuel. « Nous vivons actuellement, une situation des plus
angoissante. » Et c’est peu dire. Aujourd’hui il est impératif
de comprendre les causes du blocage, pour tenter de trouver les
possibilités de rebondissements et surtout adopter la bonne méthode
de travail. Beaucoup parlent d’une relance, mais c’est
trompeur. Comme le citait Charles Enderlein dans son dernier
livre, il faut se pencher sur les causes des années perdues. De
l’assassinat de Rabin, au virage des néo conservateurs américains.
Car nul doute que l’âge d’or qu’avait constituait la présidence
Clinton, mais également celle de Bush Senior, n’est plus.
La tentative de Sharon qui incarnait l’idée
qu’il n’y avait pas de part pour la paix pour les Israéliens
en Palestine, et l’idée qu’il fallait pour Israël se débrouiller
toute seule et par la force, perdurant, reste très pernicieuse.
Aujourd’hui, l’échec du leadership palestinien à reconnaître
Israël et son droit d’exister en sécurité, divise aussi les
principaux acteurs internationaux. Européens et américains ne
sont pas du même avis, et les européens entre eux sont de plus
en plus divisés depuis les cinq dernières années. Quant à la
Chine et la Russie, ils ne sont pas de la même ligne que les
européens et américains.
Néanmoins, pour de Charrette, il y a des points
de rebondissements qui pourraient prédire une éventuelle relance :
l’idée
d’une coexistence entre deux Etats, qui fait désormais
consensus
la
définition concrète d’un arrangement final qui semblerait
progresser, vient ensuite le programme de Clinton, les négociations
de Taba, les initiatives de Genève. Tous ces éléments réunis
peuvent dessiner le contenu d’un hypothétique scénario de
sortie de crise. De plus aujourd’hui, les Etats-Unis seraient à
l’aube d’un nouveau virage stratégique. Le rapport Baker
Hamilton donnerait aujourd’hui une vision plus pragmatique des
choses, reléguant aux oubliettes la stratégie des néo
conservateurs à Washington.
Avec
la victoire des démocrates, il est à prévoir peut être que les
Etats-Unis joueront un rôle plus important dans la recherche
d’une solution.
Israël
de plus, semblerait peu à peu prendre conscience de l’échec de
la politique unilatérale de Sharon et l’initiative échouée au
Liban, cet été, conforte les électeurs israéliens sur la nécessité
de faire certains choix.
Dans
l’expérience Sharon, l’aspect positif est la levée du plus
grand tabou qui consistait à démanteler les colonies israéliennes
de Gaza.
De
plus les efforts de rapprochement entre le Hamas et la Fatah,
augurent de nouveaux espoirs.
La stratégie du Processus de Paix étant dépassée,
il faut néanmoins se fixer un nouveau calendrier. Cela justifie
plus que jamais, la tenue d’une Conférence Internationale pour
la paix. Il faudra une longue préparation et il faudra négocier
globalement les sujets les plus différents, mais « le choix
restera aux Palestiniens, car il ne faudra pas décider pour eux ».
Il faudra par ailleurs que le Hamas et le Fatah
parviennent à s’entendre pour la gouvernance. La Communauté
internationale devra respecter le choix gouvernemental de la
Palestine et « il nous faut arrêter de les affamer » !
« même si les problèmes de sécurité persistent ».
Car « je trouve qu’aujourd’hui, la balance est déséquilibrée ».
Et s’agissant de l’Europe, il est temps qu’elle joue un vrai
rôle et non pas se limiter à celui d’accompagnateur du quartet
avec les Etats-Unis. « On attend de l’Europe, qu’elle
puisse dessiner les lignes de la paix au Moyen Orient ». La
situation entre Israël et la Palestine est un enjeux vital pour
l’Europe qui est concernée à maints égards, s’agissant des
questions liées à la sécurité, la stabilité dans l’espace
euromed, mais plus que cela, il s’agit d’enjeux de
civilisation et de valeurs humanitaires. Il est primordial de
permettre aux peuples de vivre ensembles.
Ilan Halevi, ancien Ministre des Affaires étrangères
de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP),
Responsable des Relations internationales du Fatah, estime pour sa
part que la véritable question est de savoir ce qu’Israël veut
amener au processus de paix ? Du plan Abdallah aux résolutions
du Sommet arabe de Beyrouth, il y a certes des solutions
diplomatiques mais le fond du problème est autre. La guerre
n’est pas une alternative à l’échec du processus de paix,
mais il faut au contraire amener une autre proposition de paix.
Dans ce sens, toute initiative pour relancer le processus de paix,
en dehors de l’alliance américano-israélienne est la
bienvenue. « Le processus de paix n’est pas mort, mais il
n’y a pas eu autre chose ».
« La philosophie de l’unilatéralisme a
subi une grande défaite » en attendant, et pourtant elle
continue de dominer la pensée des leaders israéliens et américains.
Or la paix au Moyen Orient, ne peut se faire sans « ... les
quatre » de la Syrie, à l’Iran, au Hamas et Fatah.
« Le meurtre, ne saurait devenir un substitut de la pensée
politique » ; « il faut arrêter le meurtre d’Etat
systématique ».
Par ailleurs, pour Halevi, l’Accord tant attendu
entre le Fatah et le Hamas ne pourra se concrétiser si la
Communauté internationale attend de cette dernière, des déclarations
idéologiques qui sont contraires à ses principes : « Veut-on
une capitulation idéologique ou un résultat par un Accord qui
signifierait effectivement l’arrêt de la violence » ?
A l’heure actuelle, on estime quelque
soixantaine de parlementaires et ministres palestiniens qui sont
dans des prisons israéliennes. 50 Palestiniens ont été arrêtés
par ailleurs car membres de la sécurité de la présidence de
Mahmoud Abbas. Est-ce une provocation politique ? Ou un fait
isolé d’un policier ?
Le futur le dira peut être... Il reste que
c’est au gouvernement israélien de décider de l’ordre des
choses. Pour Ilan Halevi, contrairement à ce que l’on pourrait
penser, il n’y a pas de guerre civile qui se trame en Palestine
car il y a une réelle volonté d’unité au sein de la
population palestinienne. Et le peuple condamne jusqu’à
aujourd’hui ; tous ceux qui sont auteurs de violence.
Volker Perthes, Directeur, Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP)
estime qu’il est temps d’élargir le quartet, à la Syrie, le
Liban, c Israël et la Palestine. Il y aurait alors une véritable
chance pour le dialogue. Il faudrait également établir un
calendrier d’objectifs « goal map ». Y seraient évoqués
les intérêts nationaux des quatre pays : la sécurité d’Israël,
la reconnaissance d’une Etat palestinien, la souveraineté du
Liban, et l’intégrité territoriale de la Syrie. Il faudrait rétablir
la possibilité d’un dialogue entre les quatre et régler les
conflits de voisinage. Dés lors, la négociation avec le Hamas
reste aussi primordiale. La Syrie devrait démontrer sa bonne
volonté à l’égard de la Palestine, de l’Iran et des Etats
Unies. Mais il faudrait également qu’elle change d’attitude
vis-à-vis du Liban.
Il faudrait aussi mettre un terme à l’isolement
politique et économique de La Palestine dont le peuple est devenu
un « assisté » plus qu’un peuple capable de décider
de son propre sort. Il est donc à espérer que le futur
gouvernement d’unité nationale parviendra à construire un pont
vers l’Union Européenne. Et la tenue de la Conférence
internationale devrait déboucher sur l’édification d’un
calendrier d’objectifs.
Nacif Hitti, Ambassadeur de la Ligue des États
arabes et auprès de l’Unesco en France, estime qu’il est
temps de mettre fin à « la science de la prétextologie »
dans la région. Au Moyen Orient, il y a plus d’oppositions que
d’action. Depuis bien avant le 11 septembre, l’administration
Bush est influencée par un anti Clintonisme manifeste. Pour les
américains il n’y a pas de « problème palestinien »,
ce qui a résulté en une véritable marginalisation du conflit
arabo-israélien. Et le sens de cette politique a viré de la Méditerranée
au Golfe. Comme s’il y avait eu un véritable transfert de
gravité, alors que les néo conservateurs continuent de nier la
question palestinienne. Une atomisation de la question
palestinienne qui a défiguré le conflit. La crise est avant tout
un problème d’occupation et d’absence d’autonomie. A
l’heure actuelle, la politique de la droite américaine,
entretient une logique « de stabilisation active ».
Pour gérer l’impasse et justifier la désescalade. Il n’y a
aucune logique de règlement. Or il faut parvenir à une logique
de règlement.
Le plan de paix arabe, constitue l’approche la
plus globale pour gérer la crise, elle pourrait parvenir à créer
une paix régionale. Il faudra parvenir à établir un principe de
simultanéité et de réciprocité entre Israël et la Palestine.
La Conférence internationale est nécessaire, car
il y a une interdépendance entre les différents enjeux et volets
de ce conflit. Il faudra de ce fait, multilatéraliser
l’approche, internationaliser la responsabilité, pour tenter de
sortir de la logique intelligente.
Hubert Védrine, ancien Ministre des Affaires étrangères,
Associé-Gérant de Hubert Védrine Conseil, ajoute que la
situation est paradoxale, car tout le monde connaît les contours
de ce règlement, et tout le monde sait bien que ces différences
ne sont pas incontournables. Mais ce qui parait aujourd’hui,
c’est une véritable agitation diplomatique internationale pour
feindre une recherche de solution. Le processus de paix est vital
pour tous aujourd’hui, éloigné de toutes considérations
humanitaires. La Palestine pour l’heure, est incapable
d’appliquer les résolutions et cela constitue un gros problème
politique préalable. Le parrainage américain reste donc
important, car il faut aider les Palestiniens à se comporter
comme un Etat responsable. La société palestinienne doit se
reconstruire politiquement, et l’Europe doit aider à la réhabilitation
économique et sociale. « Le droit international est un
concept beau mais creux, car personne ne peut garantir son
application » ; « il faut cesser la machine à
illusion politique ». Pour Védrine pas de langue de bois,
« la déclaration du millénaire aux Nations Unies, est une
lettre gigantesque au Père Noël ».
Mais la ligne dure sans langue de bois se trouvera
dans le dernier panel, réunissant Marek Halter, romancier et
essayiste, et Ivan Levaï, Directeur de la publication, La
Tribune Juive, qui reviennent à la thèse du grand Israël.
Un discours plus modéré s’est ensuivi avec Noël Bouttier,
directeur de la publication Témoignage chrétien
qui rappelle à la nécessité de solutions justes et équitables
pour les peuples palestinien et israélien. Mais pour Marek Halter,
« si Israël venait à tomber », alors la démocratie
dans le monde n’aura plus sa raison d’être. Il ne sera plus
qu’une question de temps avant que le reste des démocraties
occidentales ne disparaissent.
Insinuations très pernicieuses, qui n’auront le
mérite que d’agrandir le clivage ancestral entre judaïsme et
islam. Des propos très forts et controversés, dans une conférence
qui a quand même respecté les usages de la courtoisie
diplomatique. Pour beaucoup de spectateurs, ces discours aux
intonations sionistes ont quelque peu échauffé les esprits. Ces
affirmations controversées qui ont provoqué un tollé dans
l’assemblée. « Israël est le grand perdant de
l’histoire, et son peuple souffre depuis 60 ans », mais
l’heure et le sujet de la conférence ne devaient théoriquement
pas amener des appréciations ou des études comparatives ou
quantitatives de l’économie des souffrances des peuples.
L’heure était uniquement à la recherche d’une reprise du
dialogue pour des solutions futures.
Fériel Berraies Guigny, Paris - Babnet Tunisie,
le 23 mars 2007
Publié avec l'aimable autorisation de Fériel
Berraies Guigny
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