Opinion
Rached Ghannouchi
et le sionisme aux épices tunisiennes
Fatma
Benmosbah
Photo:
Kapitalis
Mardi 13 décembre
2011
Début décembre le président d’Ennahdha
s’est rendu à
Washington pour montrer patte blanche
aux Américains et au lobby sioniste
international. Quelles sont les
motivations du cheikh?
Par
Fatma Benmosbah
Avant de prendre les rênes du pouvoir
et sur les conseils de son ami Richard
Pearl, le Premier ministre turc Erdogan
s’était rendu en 2003 à Washington pour
présenter ses lettres de créance.
Aujourd’hui c’est à Rached Ghannouchi de
quémander l’accord américain pour jouir
en toute tranquillité du pouvoir
tunisien.
Ghannouchi
invité de Foreign Policy
Au début du mois de décembre, M.
Ghannouchi s’est rendu à Washington pour
assister à la cérémonie organisée par le
magazine ‘‘Foreign Policy’’ au cours de
laquelle il a reçu la distinction de
l’un des plus grands intellectuels de
l’année 2011 décernée par le prestigieux
média américain.
Il est à noter que parmi ces 100 plus
grands intellectuels dont fait partie
Rached Ghannouchi on retrouve les
sinistres Dick Cheney, Condoleezza Rice,
Hillary and Bill Clinton, Robert Gates,
John McCain, Nicolas Sarkozy, Rajae
Tayeb Erdogan et, comble de tout, le
sioniste Bernard Henri Lévy comme on
retrouve certains de nos «intellectuels
arabes» tels que Wadah Khanfar, Mustapha
Barghouthi, Wael Ghonim ou Sami Ben
Gharbia, Mohamed Baradei et une liste
malheureusement encore bien longue de
laquais bien rodés à la tartufferie
révolutionnaire par des organismes comme
Freedom House ou Global Voice Project.
Curieux nationalistes que ces «héros»
qui acceptent les honneurs d’un
organisme américain qui a, de tout
temps, soutenu les dictatures et qui
continue à clamer haut et fort par la
personne de son président qu’aucun allié
n’est plus important aux Etats-Unis
qu’Israël. Il est vrai que, comme
l’estime le ‘‘Foreign Policy’’, «le
Printemps arabe a remodelé la région et
Obama s’est adapté, comme les valeurs et
les intérêts de l’Amérique
l’exigeaient.» C’est vrai qu’en
politique américaine, les alliances
changent, les intérêts restent les
mêmes.
Et comme si ce n’était pas suffisant,
Rached Ghannouchi a profité de son
séjour pour se rendre au Washington
Institute for Near East Policy (Winep)
où il a tenu une conférence sur sa
conception de l’islam moderne et modéré
et où il a répondu à plusieurs questions
posées par l’assistance.
Le vieil
homme et les casseroles
Avant de rendre compte de la teneur
de ses discussions avec les dirigeants
du Winep, il est utile d’expliquer que
cet organisme est un think tank très
influent fondé en 1985 par Martin Indyk,
auparavant chargé de recherche à
l’American Israel Public Affairs
Committee ou Aipac, le lobby israélien
le plus puissant et le plus influent aux
Etats-Unis. Son influence s’exerce
principalement sur les médias et le
pouvoir exécutif américain. A cet effet,
le Winep convie les journalistes à des
déjeuners hebdomadaires, publie des
analyses et fournit des «experts» aux
stations de radio et aux talk-shows
télévisés. Les collaborateurs israéliens
du Winep, et parmi eux les journalistes
Hirsh Goodman, David Makovsky, Ze’ev
Schiff et Ehud Yaari, bénéficient
également d’un accès direct aux médias
américains.
C’est donc devant un parterre composé
de journalistes, de politiques et
décideurs dans leur majorité plus
soucieux des intérêts d’Israël que de
ceux des Etats-Unis eux-mêmes que Rached
Ghannouchi a exposé sa vision du futur
rôle joué par les Frères Musulmans en
Tunisie, en Afrique du Nord et dans le
monde arabe et de leur collaboration
avec les Etats-Unis.
Non content de montrer son allégeance
totale au gouvernement américain en
ponctuant ses discours par des
compliments mielleux, Rached Ghannouchi
a tenu à rassurer le lobby sioniste
quant à l’article que lui-même avait
proposé d’inclure dans la constitution
tunisienne concernant le refus du
gouvernement de collaborer avec Israël.
Il ne sera jamais inscrit dans la
Constitution tunisienne que la Tunisie
n’établira jamais de relations de
quelque nature que ce soit avec l’entité
sioniste. Le problème n’est pas tant
dans l’inscription de l’article dans la
Constitution (bien que réclamée à cor et
à cris par les sit-inneurs du Bardo)
mais les voltes-faces et les revirements
du cheikh comme il aime à se faire
appeler. Le peuple tunisien n’est pas le
seul à le taxer de menteur. Son passage
au Winep n’a pas été un moment de
plaisir. On ne plaisante pas avec le
lobby juif qui est très rancunier et
n’oublie pas la moindre phrase ou
déclaration faite à son sujet.
Croyant jouer au plus malin, notre
pauvre Cheikh s’est fait épingler avec
vidéo à l’appui quand il a renié avoir
traité les Etats-Unis de Grand Satan en
1989. La honte pour une personne qui
prétend devenir une référence en matière
d’enseignement islamique.
Mais bon, notre serviteur de service
accumule les sciences et les expériences
et les alliances qu’il en tire. Il a
commencé par le nassérisme égyptien,
puis le baâthisme syrien, en passant par
le tourabisme soudanais, le khomeïnisme
iranien, le belhadjisme algérien, le
saddamisme irakien, le kadhafisme
libyen, l’erdoganisme turc, le
hamadbenkhalifisme qatari et même le
benalisme tunisien. Le voilà qui,
aujourd’hui, s’essaie au sionisme
israélien et à l’atlantisme américain.
Son appétit est grand, c’est pourquoi il
aura mangé à tous les râteliers. Mais
lors de sa visite à Washington, il s’est
réservé le morceau du chef en déclarant
qu’il s’engage à respecter la démocratie
et à coordonner ses actions avec l’Otan.
Clair et net, la Tunisie de Ghannouchi
sera occidentale ou elle ne le sera pas,
comme l’a été celle de Ben Ali.
La maison
Tunisie ne fait pas de crédit
On appelle cela le changement dans la
continuité. Avec cependant avec deux
nuances de taille. La première c’est
qu’aujourd’hui les choses ont changé et
les Tunisiens ont appris à séparer
l’Etat du parti. Si Ennahdha a obtenu le
plus grand nombre de voix, ce parti
n’est pas l’Etat. M. Ghannouchi, qui
n’est que chef de parti, doit se
souvenir que la Tunisie n’est plus à
l’ère du Rcd-Etat, et à ce titre, il n’a
aucun droit de parler au nom du
gouvernement qui est composé de
plusieurs partis. La seconde est que
dire une chose et faire son contraire a
un prix et dans le cas de la Tunisie de
2011, la maison ne fait pas de crédit.
M. Ghannouchi doit garder en tête que
la révolution s’est faite par les braves
et sans son soutien. S’il est vrai que
les millions de dollars du Qatar l’ont
mené au pouvoir, les millions de
Tunisiens qui ont renversé Ben Ali sont
autant capables de le renvoyer en
Grande-Bretagne si jamais il lui prenait
l’envie d’en faire des collaborateurs du
sionisme ou de l’impérialisme.
Il est dommage qu’un cheikh qui se
prétend «Haut Guide Musulman» se place
en tête de peloton de ceux qui ruent
dans les bras du sionisme international
alors qu’on attendait de lui qu’il soit
le chef de file du combat contre
l’occupation d’Al Qods et le projet de
destruction de sa mosquée.
Blog de l’auteur
‘‘Taamul’’.
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Publié le 13 décembre 2011 avec l'aimable
autorisation de Kapitalis
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