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Opinion
Les Tunisiens, les
islamistes et le choix du 24 juillet
Faïk Henablia
Mardi 10 mai 2011
Pour certains,
le débat relatif à la séparation entre Etat et religion est
surfait et ne correspond pas à un vrai souci des Tunisiens. Ils
ont tort… La question centrale qui sera posée
le 24 juillet, et dont la réponse dépendra des résultats des
élections, sera celle du choix entre modernisme et
obscurantisme, entre liberté et censure religieuse.
Car il ne faut pas se leurrer. Au-delà du flou savamment
entretenu par le parti islamiste Ennahdha concernant son
programme et ses objectifs véritables, sans doute pour ne pas
effrayer les électeurs, tout parti islamiste a un agenda, à
savoir l’instauration de la charia et une méthode pour y
parvenir, à savoir le chantage intellectuel à l’apostasie.
Un agenda qui n’a rien de
secret
L’ampleur de l’application de la charia dépendra certes
du degré d’intégrisme du mouvement fondamentaliste au pouvoir.
Mais il y aura, dans le meilleur des cas, un minimum «syndical».
L’éventail des dispositions les plus spectaculaires de la
charia est édifiant et va de la simple obligation faite aux
femmes de porter le voile (Arabie saoudite et Iran), à leur
réclusion pure et simple (Afghanistan), en passant par toute une
gamme de prescriptions dont l’obscurantisme le dispute au
conservatisme, polygamie, répudiation, châtiment de l’adultère,
flagellation publique et autres châtiments corporels, la liste
est longue. Notre propre constitution n’est d’ailleurs pas
parvenue à s’en affranchir totalement et en comporte toujours
certaines dispositions, notamment en matière d’héritage.
Lorsqu’il s’agit de charia, aucune discussion n’est acceptée par
les islamistes. C’est la loi divine, un point c’est tout, et
l’on s’assurera de son application y compris par Talibans (en
Afghanistan) et Moutawiouns (en Arabie saoudite), ou leurs
équivalents, interposés. Discuter relèverait en effet de
l’apostasie et ne saurait être toléré.
Certains tentent d’accréditer la thèse que tels islamistes sont
modérés, que les filles de tel leader ne portent pas le voile.
La belle affaire! Je ne suis pas raciste puisque mon meilleur
ami est noir!
D’autres nous disent que les islamistes au pouvoir en Turquie
constituent un modèle pour le mouvement Ennahdha et que certains
des dirigeants islamistes turcs ont même été des élèves de
Rached Ghannouchi. Chiche, la Turquie a une constitution laïque!
L’application de la charia est, par conséquent, bel est bien
l’objectif de tout ârti islamiste, sinon pourquoi se
qualifie-t-il ainsi?
Une méthode de Mouawiya
Lors de la bataille de Sifin en 657, les troupes de
Mouawiya, sous l’impulsion de Amr Ibn Al As, imaginèrent une
ruse consistant à accrocher des Coran au bout de leurs lances,
ce qui leur évita sans doute la défaite, puisque l’armée d’Ali,
manifestement impressionnée, tomba dans le panneau et n’osa
livrer bataille. Tout le monde connaît la suite !
Les islamistes d’aujourd’hui utilisent le même
stratagème, à savoir un chantage intellectuel à l’apostasie. Ils
brandissent la religion au bout de leurs armes politiques. Qui
donc oserait remettre en question la volonté de Dieu? Qui donc
s’opposerait à la vente d’alcool ou qui donc aurait l’audace de
réclamer l’égalité homme-femme en matière d’héritage puisque
Dieu ne pas l’a dit?
Il est malheureux de constater que bon nombre de nos
compatriotes tombent dans le panneau, de peur d’être taxés de
mauvais musulmans.
«Avez-vous honte d’être musulmans»? Que ne nous a-t-on rebattu
les oreilles avec cet argument en forme d’accusation!
Et la réponse est pourtant simple: tout d’abord, qui donc vous a
mandatés pour me dicter ma conduite? Ensuite, bien sûr que nous
n’avons pas honte mais la foi est une affaire personnelle,
relevant de la sphère individuelle. Elle n’intéresse pas la
collectivité ou l’Etat. Nos droits et devoirs ne découlent pas
de notre foi, mais de notre qualité de citoyens.
D’autres se font piéger en prêtant le flanc à la discussion sur
le point de savoir si Dieu a bien dit cela ou a bien voulu dire
cela. Pourtant, là n’est pas le problème. Qu’il l’ait dit ou
non, pensé ou non, nous ne voulons pas être régis par la loi de
Dieu, mais par celle des hommes, ceux que nous avons élus, ceux
que nous avons mandatés.
La loi de Dieu? Nous aurons l’éternité pour nous y soumettre,
sans intermédiaire.
En votant le 24 juillet, souvenons-nous de deux choses, d’une
part que les fondamentalistes ne sont modérés que
lorsqu’ils sont dans l’opposition, et d’autre part, qu’il
n’existe aucun exemple de parti islamiste ayant quitté le
pouvoir à la suite d’élection. Ils «s’arrangent» toujours
pour ne pas perdre.
Faïk Henablia, Gérant de
portefeuille associé
Copyright © 2011 Kapitalis. Tous
droits réservés
Publié le 10 mai 2011
avec l'aimable autorisation de Kapitalis
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