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Opinion
François Hollande en
Tunisie. Qu'est-il venu nous dire ?
Emmanuelle Houerbi
Jeudi 26 mai 2011
Pendant sa visite de deux jours à Tunis, François
Hollande a évoqué tous les sujets. Décryptage du message d’un
homme en campagne prônant un partenariat renouvelé entre la
Tunisie et la France.
M. Hollande
a parlé de la préparation des élections en Tunisie, l’aide
internationale et le G8, la question de la dette, l’immigration,
ou la place des jeunes dans la société, tout y est passé… Sans
oublier bien sûr les ambitions présidentielles de l’actuel
favori du Parti Socialiste français.
En marge de ses rencontres avec des jeunes, des leaders de la
transition démocratique et les principaux responsables
politiques, François Hollande a participé, mardi, à un débat sur
l’avenir des relations franco-tunisiennes.
Appel à un rassemblement immédiat de
la gauche
Après avoir rencontré le président de la Haute instance pour
la réalisation des objectifs de la révolution et les
représentants des principaux partis de gauche (Ettadjid,
Etakatol, et Pdp), M. Hollande a pointé le danger de
l’éparpillement et l’urgence de constituer un front commun entre
des partis qui partagent le même projet et les mêmes valeurs
démocratiques.
Il a rappelé que le scrutin proportionnel choisi pour les
prochaines élections fait la part belle aux grands partis en
excluant les autres de la scène politique, comme lors du
deuxième tour de la présidentielle de 2002, où les Français ont
eu à choisir entre Chirac et Le Pen. Tout en comparant la
poussée de l’extrême-droite en France au celle des partis
islamiste en Tunisie.
Sans avenir pour les jeunes, pas de
démocratie
Faisant à la fois référence aux révolutions arabes et à la
révolte qui gronde en ce moment en Espagne, il a rappelé que les
jeunes sont le levier de la réussite d’un pays et que, lorsqu’on
ne leur donne pas la place qu’ils méritent, ils finissent
forcément par se soulever et à se détourner de la démocratie.
M. Hollande a prôné un pacte entre les générations, une
pyramide des âges équilibrée dans l’entreprise et rappelé
l’importance majeure de la formation. Il a aussi pointé la
situation alarmante des jeunes issus de l’immigration en France,
stigmatisés et majoritairement exclusde la société, malgré le
plus souvent un passeport français en bonne et due forme !
Dénonçant un repli de l’Europe sur elle-même, M. Hollande a
particulièrement fustigé les dernières déclarations de la droite
française et rappelé les vrais chiffres de l’immigration: sur
les 200.000 immigrés arrivant en France chaque année, près de la
moitié viennent de plein droit dans le cadre de l’immigration
familiale et du rapprochement des conjoints. Viennent ensuite
60.000 étudiants, dont la France a besoin pour son rayonnement
et son dynamisme, les universités souhaitant même en recevoir
plus. Vient enfin l’émigration économique, la fameuse
«immigration choisie», que Sarkozy voulait voir augmenter
précédemment, et que l’actuel ministre de l’Intérieur veut à
présent réduire de 30.000 à 15.000 individus: un chiffre
dérisoire par rapport aux 4 millions de chômeurs! Pour M.
Hollande, le vrai problème concerne les clandestins en France,
pour lesquels il préconise la régularisation au cas par cas.
Une aide immédiate de la communauté
internationale
Lors du G8, jeudi et vendredi à Deauville, François Hollande
compte plaider la cause d’une aide immédiate de 500 millions
d’euros destinée à soutenir l’organisation des élections du 24
juillet, ainsi qu’une aide de 25 milliards sur 5 ans, sous forme
de prêts ou de dons. Il a aussi prôné un audit de la dette, tout
en rappelant que celle-ci ne représente «que» 37% de la richesse
nationale, contre 85% pour la France! Il a toutefois proposé, vu
la situation actuelle, de dispenser la Tunisie du paiement des
intérêts, mais sans suspendre complètement les paiements de la
dette elle-même, pour ne pas voir baisser la notation de la
Tunisie.
Candidat avant tout, François Hollande a régulièrement émaillé
son discours d’allusions aux primaires socialistes et à
l’élection présidentielle de 2012, et de piques bien senties à
l’adresse de la droite française, évoquant successivement
l’hystérie provoquée par l’arrivée de 25.000 Tunisiens à
Lampedusa, l’Union pour la Méditerranée (UpM) initiée par
Sarkozy et ses grands amis Ben Ali et Moubarak, les dernières
déclarations du ministère français de l’Intérieur ou la réaction
catastrophique de la France lors de la révolution tunisienne.
Tout cela pour le plus grand plaisir d’une salle, composée
principalement de Français et de binationaux, visiblement déjà
acquise à sa cause. Un public auquel il n’a pas manqué de
rappeler que tous les Français, et non pas seulement les
militants socialistes, pourront voter aux primaires le 9 octobre
prochain. Avis aux amateurs.
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Publié le 26 mai 2011
avec l'aimable autorisation de Kapitalis
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