Opinion
Kadhafi héros d'un
film de fiction
Dmitri Kossyrev
Mouammar
Kadhafi - © RIA Novosti
Mercredi 24 août
2011
Le mensonge en temps de guerre est
depuis longtemps une arme utilisée par
tous les combattants. L’histoire étrange
de l’assaut raté de la capitale libyenne
par les rebelles est un mensonge qui bat
tous les records. Précisons que c’est
bien Tripoli qui a été assiégée, et non
pas la capitale de l’opposition
Benghazi, ainsi on sait qui l'a emporté.
Et imaginons qu’à l’issue de la guerre
libyenne, avec ses événements
mystérieux, on décide d’écrire le
scénario d’un film d’action. D’autant
plus qu’il sera certainement écrit
prochainement.
Un film intitulé Où est le
colonel?
Le plus étonnant est la disparition
totale du colonel Mouammar Kadhafi de la
scène informationnelle pour faire le
bilan de la situation de la journée de
mardi. Il n’est pas apparu en public
depuis juin, bien que des
enregistrements vidéo aient été diffusés
parfois. Et à l’heure actuelle, il est
clair que le dirigeant libyen a
complètement disparu. Ce qui arrive,
bien sûr, en temps de guerre.
Sur l’écran on voit le cratère de
l’explosion à Bab al-Azizia où Kadhafi
se serait caché dans un bunker
souterrain depuis six mois. La caméra
évite délicatement de s’attarder sur les
cadavres déchiquetés près du cratère.
Des experts de type européen travaillent
vêtus de combinaisons blanches. La
voix-off: "Il y a quelques semaines, à
Benghazi les rebelles ont arrêté par
erreur des agents britanniques. Londres
les a qualifiés de diplomates. Plus
tard, ces diplomates, comme l’a rapporté
le journal britannique Telegraph,
aidaient les rebelles à planifier
l’attaque contre la capitale. Parmi eux
se trouvaient des médecins légistes,
introuvables en Libye."
L’un des diplomates en combinaison
soulève un tube à essai avec un liquide
rougeâtre, l'approche de la lumière et
dit: "C’est lui. Aucun doute. Kadhafi
est mort." Le réalisateur, en jurant
comme un charretier, exige de réécrire
le scénario. A l’écran on voit une sorte
d’hôpital au milieu des ruines, les
infirmiers recouvrent jusqu’à la tête un
homme étendu sur un lit. On entend des
voix: "C’est lui."
Les images documentaires: Barack
Obama, en chemise sans cravate, le col
ouvert, en tenant un discours pendant
son congé à Martha's Vineyard dans le
Massachusetts, annonce la fin du règne
de pratiquement 42 ans de Kadhafi. La
voix-off: "Si au début de l’assaut de
Tripoli on dit "fin", alors c’est la
fin."
La mer, une vedette s’amarre à un
sous-marin presque immobile sur les
vagues, un homme âgé est hissé à bord.
Steven Seagal surgit des profondeurs du
sous-marin en passant difficilement par
la trappe. "Le voyage ne sera pas long,
mon colonel", dit Seagal.
Les dernières images: un homme vêtu d’un
burnous marron regarde les dunes quelque
part dans la péninsule arabique en
écoutant le bruissement du sable. La
voix-off: "Tous les documents sur les
transactions financières et politiques
de Mouammar Kadhafi avec les dirigeants
de l’UE et des Etats-Unis ont brûlé
pendant l’assaut de Tripoli."
Le père avait deux fils
intelligents…
On annonce la mort de certaines
personnes tellement de fois, qu’on
commence à s’interroger sur les raisons
de leur immortalité évidente. Si l’on
compte combien de fois on a mentionné
pendant cette guerre Seif al-Islam et
son frère Mohamed, on comprend que leur
père Mouammar Kadhafi ne joue pas le
rôle principal dans la comédie. Il est
plutôt question de savoir avec lequel
des fils le Conseil national de
transition de Benghazi décidera de
signer les accords de paix, si on en
arrive là.
Une fois, c’est un hasard, deux fois,
c’est une coïncidence, trois fois, c’est
une opération ennemie, disait le
personnage Goldfinger, l’une des bêtes
noires de James Bond. Et qu’en est-il
des frères Kadhafi? Mohamed a été
appréhendé par les rebelles en direct
sur la chaîne Al Jazeera, mais il a été
libéré par ses partisans. Seif, qui a
accordé mardi une interview aux
journalistes dans l’hôtel Rixos à
Tripoli, aurait été également capturé
par des rebelles. Et il se serait
lui-même enfui. Pour l’instant c’est
plutôt une coïncidence, mais si on se
souvient combien de fois on avait
annoncé la mort des deux frères…
La voix-off: "Le père était un
scélérat, mais les petiots sont
innocents. Alexandre Pouchkine." La voix
étouffée du réalisateur: "Quel
Pouchkine? On va faire autrement:
l’homme-araignée surgit et monte Seif
sur un mur…"
La période des congés
L’assaut de Tripoli, auquel ont
participé deux groupes de rebelles mal
organisés, à l’Est et à l’Ouest, a
étrangement coïncidé avec la période des
congés. Tous les gens sérieux se
reposent, et seules les rebelles libyens
s’emparent des villes (ou pas). On a
déjà parlé de Barack Obama. Mais voici
une autre histoire étrange. Le
secrétaire général de l’OTAN n’a pas
reçu la lettre de Dmitri Rogozine,
représentant de la Russie auprès de
l’OTAN, concernant les victimes parmi la
population civile de la Libye suite aux
raids aériens de l’Alliance. En fait,
tout le monde est en congés. Vraiment
tout le monde?
La voix-off: "Dès le début de
l’automne dernier l’administration
américaine a commencé à discuter des
informations au sujet d'éventuels
troubles au Moyen-Orient, qui ne
seraient pas forcément profitables aux
Etats-Unis. Il paraissait également
désagréable de les soutenir ou de les
condamner. Après réflexion, il a été
décidé que le mieux serait de qualifier
les événements de la lutte pour la
démocratie. Or les événements en Libye
ne sont rien de tout cela…"
Le cri du réalisateur: "Qu'est-ce
c'est que cette conspirologie et cette
politologie? Qu’est-ce qu’on est en
train de tourner? Je veux voir tout de
suite Steven Seagal et le Spiderman!"
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction
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