Syrie
Bachar al-Assad
doit partir. Et pourquoi ça ?
Dmitri Kossyrev
Bachar al-Assad
- ©
RIA Novosti. Sergei Guneev
Mardi 3 juillet 2012
"Non, non et non!" est la réaction
préalable de divers mouvements
d'opposition syrienne à l'issue de la
réunion de samedi dernier à Genève, où a
été créé le Groupe d'action sur la
Syrie. Le départ du président Bachar al-Assad
sera presque à coup sûr le point clé du
communiqué final de la conférence des
forces d'opposition de Syrie, qui
s'achève mardi au Caire.
D'autres opposants, parmi ceux qui
combattent le régime en Syrie même, ne
veulent pas se lier d'amitié avec
l'équipe du Caire, mais sont d'accord en
ce qui concerne le départ d'al-Assad. Et
ils sont tous indignés par la décision
prise à Genève et selon laquelle la
démission du président syrien n'est pas
le début du règlement du conflit syrien,
mais plutôt la fin de celui-ci, si tant
est qu'elle soit nécessaire.
Un dictateur
par an
Faisons preuve de naïveté et
posons-nous la question: et pourquoi le
président syrien doit partir?
Il existe plusieurs réponses. Par
exemple, parce que pour le président
américain Barack Obama, qui cherche à
briguer un second mandat (ou plutôt pour
ses électeurs), Bachar al-Assad est un
dictateur qui utilise des chars et
l'aviation contre le peuple révolté
aspirant à la démocratie et armé
uniquement d'armes d'infanterie. Un bon
président américain est celui qui fera
partir Assad.
Mais à quoi vous attendiez-vous dans
une société où Blanche-Neige, autrefois
douce et gentille, revêt aujourd'hui une
cotte de mailles et lutte, épée à la
main, contre la dictature de la reine?
Et si votre public a été habitué à voir
un dictateur être renversé quelque part
dans le monde une fois par an?
Autre version: Bachar al-Assad doit
partir parce que l'Arabie saoudite lutte
contre l'Iran et cherche dans le même
temps à établir des régimes plus ou
moins extrémistes à travers tout le
Proche-Orient, en Tunisie, en Egypte, en
Libye… La Syrie n'est pas le seul pays
pro-iranien de la région, mais elle est
d'importante.
Ou encore. Le départ d'al-Assad est
le programme minimum, un moyen de
"sauver la face" pour l'opposition
syrienne qui doit, après tout, avoir
conscience qu'elle peut également
perdre. Au début, c'était facile –
Tunisie, Egypte, Libye, personne n'a
d'objections, personne n'utilise son
droit de veto au Conseil de sécurité des
Nations Unies, l'opinion publique
européenne et américainne est comme
toujours du côté des révolutionnaires
(peu importe le nombre de meurtres
qu'ils commettent), même les autorités
américaines ignorent comment empêcher
les Saoudiens de remanier le
Proche-Orient.
Mais aujourd'hui, tout est devenu
plus difficile, les opposants syriens
admettent déjà l'éventualité de rester
sans soutien. Et dans ce cas, un
compromis est nécessaire, une illusion
de victoire, un sacrifice rituel.
C'est-à-dire al-Assad.
Qui a
commencé
Posons-nous encore quelques questions
très simples: qui fait exploser des
studios de télévision, qui pose des
bombes dans les cortèges funéraires,
capture des quartiers et des villes? En
fait, combien exactement de personnes en
Syrie soutiennent l'opposition armée (et
non armée) – 10%? 20%? Pour quelle
raison l'armée syrienne se mettrait à
utiliser les chars et l'aviation contre
des habitants presque pacifiques, et
pourquoi le régime s'est tout à coup mis
à attaquer la population?
Et en cherchant les réponses à ces
questions, on sera immédiatement
confronté à une réalité très simple: la
majeure partie des informations
destinées au public en dehors de la
Syrie provient de l'opposition.
L'un des événements les plus
captivants de ces derniers jours est le
discours du ministre russe des Affaires
étrangères Sergueï Lavrov à Genève
devant la presse, à l'issue de la
conférence sur la Syrie. On ressent très
bien, à travers ses réponses, qu'au
sommet de la diplomatie mondiale, on est
parfaitement conscient de ce qui se
passe en réalité autour de la Syrie,
mais on cherche pathétiquement à ne pas
faire de scandale les uns avec les
autres.
Et d'après cette conférence de
presse, on constate également que dès
que quelqu'un (une mission quelconque de
maintien de la paix) commence à
comprendre ce qui se passe réellement en
Syrie, la mission prend fin.
A la fin de l'année dernière, c'était
le cas des observateurs de la Ligue
arabe, et aujourd'hui, cela concerne la
mission de l'émissaire de l'ONU Kofi
Annan… Tout cela se produit pour la
bonne et simple raison que ceux qui
commencent à voir la situation sur
place, en Syrie même, mentionnent
d'abord que l'opposition est "également"
responsable de l'effusion de sang, puis…
Et puis, à titre privé, ces gens se
mettent à dire que l'agresseur dans le
conflit est bien l'opposition, et qu'il
s'agit du même public hétéroclite et pas
forcément d'origine syrienne qui a
participé à la guerre en Libye, qui tue
des gens au Yémen et qui était impliqué
auparavant dans des opérations
similaires au Kosovo… Quant au
gouvernement syrien, évidemment il se
défend parfois férocement, et souvent il
utilise la répression sans discernement.
La guerre n'est jamais bonne.
Et pour régler quelque chose en
Syrie, il faut faire pression sur les
deux camps. A commencer par
l'opposition. Mais dès qu'on en arrive
là, la communauté internationale se
retrouve dans une impasse, comme l'a
très bien noté à Genève Kofi Annan: tout
le monde est d'accord, mais personne ne
fait rien.
L'affaire est arrivée dans la même
impasse immédiatement après Genève. Par
exemple, comment les Etats-Unis vont
pouvoir faire pression sur les opposants
syriens qui sont approvisionnés en
armements par les monarchies du Golfe?
Washington a déjà perdu pratiquement
toutes ses positions au Proche-Orient,
alors il ne va certainement pas se
brouiller avec ses derniers amis, tels
que l'Arabie saoudite…
Comment tout
se passera en réalité
Pendant la conférence à Genève, le
communiqué final du Groupe d'action a
été adopté. Il faut, bien sûr, le lire
en entier – c'est un document très sensé
qui décrit intelligemment les étapes
pour imposer la paix en Syrie. La
démission d'al-Assad n'est pas exclue,
étant donné que l'avenir du pays doit
être déterminé par l'ensemble du peuple,
et tout dépendra de son vote.
Comparons-le avec le document qui
sera adopté par une partie de
l'opposition syrienne demain au Caire:
il commence par le départ de tout le
monde – d'al-Assad, du gouvernement, du
parlement. Autrement dit, pour
commencer, le pays doit rester sans
gouvernement. Puis l'opposition
récupérera le tout et décidera.
Mais comment tout se passera
réellement en Syrie? Il existe plusieurs
scénarios, et tous sont plutôt
pessimistes. Admettons que des
volontaires iraniens commencent à se
battre sur le territoire syrien contre…
qui? Il y a déjà des volontaires armés
par les monarchies du Golfe, qui sont
précisément l'opposition. Mais il existe
toujours l'éventualité d'une
intervention étrangère sous un prétexte
quelconque.
Ou le scénario du chaos. Si, par
exemple, les militaires se retrouvent
les mains liées par certains
engagements, et que l'opposition
poursuit ses "exercices", alors la
population cesserait d'être pacifique et
exigerait (et obtiendrait) des armes de
la part de l'armée pour ne pas laisser
l'opposition la décimer trop facilement.
C'est précisément ce qui s'est passé au
Kosovo en 1999, et au Timor oriental la
même année. Et c'est une mauvaise
perspective, car la milice civile est
hors de contrôle et commet des atrocités
pires que l'armée.
De plus, c'est exactement ce qui se
passe. Récemment a été examinée une
mystérieuse affaire des cent morts dans
le village de Houla, et dans les
communiqués, on mentionnait les "chabiha".
Il s'agit précisément d'une milice
civile.
Quant au scénario positif, il ne
paraît pas très plausible. Non seulement
parce que l'opposition syrienne ne
souhaite pas déposer les armes, mais
également car ceux qui lui fournissent
ces armes expliquent à chaque fois: ne
faites pas attention à ces conférences.
C'est pour rire.
© 2012
RIA Novosti
Publié le 3 juillet 2012
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