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Un président expulsé par la rue
Les régimes arabes
craignent un effet dominos
Djamel Bouatta
Dimanche 16 janvier 2011
La Jordanie et
la Libye ont anticipé les émeutes de la vie chère en procédant
aussi à la baisse des prix des produits alimentaires de
première nécessité. Les régimes arabes ont en partage tous les
facteurs qui ont conduit in fine à l’expulsion de Ben Ali.
Un président chassé
par sa rue ! Une première dans les annales de l’histoire
politique du monde arabe pourtant largement ponctuée de coups
d’État, de transmissions au sommet des pouvoirs, d’instaurations
de régimes dynastiques et de répressions violentes.
Les émeutes en Tunisie ont été suivies avec inquiétude dans le
monde arabe où des situations plus ou moins identiques
pourraient advenir. Les mêmes causes produisent les mêmes effets
dans d'autres pays aussi vulnérables à la contestation. Et il
n’y a pas un seul pays arabe qui, aujourd’hui, peut se targuer
d’être un havre de paix, encore moins un îlot de sécurité.
L’Algérie vient de connaître des troubles imputés à l’huile et
au sucre !
La Jordanie et la Libye ont anticipé les émeutes de la vie chère
en procédant aussi à la baisse des prix des produits
alimentaires de première nécessité. Les régimes arabes ont en
partage tous les facteurs qui ont conduit in fine à l’expulsion
de Ben Ali. L’image du président tunisien fuyant précipitamment
le palais de Carthage pour voler au-dessus de la Méditerranée
plus de six heures avant d’obtenir l’asile en Arabie Saoudite
est certainement dans leurs esprits.
Même la France qui l’a protégé durant les émeutes, après
avoir fermement couvé sa dictature, ne s’est pas sentie
redevable de quoi que ce soit, dès lors qu’il n’était plus assis
sur le fauteuil présidentiel. Une leçon à méditer par tous les
pairs de Ben Ali qui estiment tirer des forces d’appuis
étrangers. Et l’histoire est pleine de ces dirigeants abandonnés
à leur sort comme l’ont été le shah d’Iran et le dictateur des
Philippines, pour ne citer que des pièces maîtresses de
stratégies américaines. Et cette autre image plus frappante :
des membres et clients de la nomenklatura, abandonnant des biens
mal acquis pour essayer de joindre par mer, des cieux plus
cléments, aéroports et frontières terrestres leur étant fermés.
Il est vrai cependant que la situation en Tunisie est assez
différente de ce qui prévaut sur la scène arabe. C’est toute la
Tunisie qui est descendue pour dire non à Ben Ali. Refusant
toutes les concessions de celui-ci, les Tunisiens sont restés
fermes dans leur revendication de voir s’instaurer chez eux la
démocratie, l’universelle et non plus celle spécifique, inventée
par les autocrates et dictateurs arabes : les droits de l’homme,
le pain dans la dignité, c’est-à-dire une bonne gouvernance
transparente et révocable par des élections libres et une presse
libre. Le sempiternel paradigme sécuritaire a volé en éclats,
démontrant, s’il en est besoin, que l’histoire de rempart au
terrorisme est derrière le pays. Le plus, qui a caractérisé les
émeutes tunisiennes, est que dans ce pays, paradoxalement, Ben
Ali aura réussi le pari de forger une véritable classe moyenne,
bien éduquée, entrepreneuriale et au sens aigu du service
public. Dans les pays pétroliers, les “bagarras” ont pris la
place des classes moyennes en gestation pour miner des
apparatchiks dans l’accumulation par la rapine. C’est ce qu’a
fait la belle-famille de Ben Ali dont les biens ont été
particulièrement ciblés par les pilleurs à propos desquels on ne
finit pas de s’interroger chez les manifestants tunisiens. Reste
que les évènements de Tunis ont montré en tout cas que des
révolutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe. Pour
la première fois, des gens se sont levés pour dire ça suffit et
cela a été une réussite. Quel que soit le montage du nouvel
attelage, le nouveau pouvoir qui apparaîtra devra composer avec
la rue. Tout a été verrouillé sous Ben Ali, tout est donc à
revoir. Il lui sera difficile de ne pas tenir compte de ce
miracle tunisien dans un monde arabe tétanisé par ses dirigeants
: les Tunisiens ont montré qu’ils ne sont plus un peuple qui
sombre dans l’obéissance, ils ont désobéi même en payant le prix
fort. Ce réveil doit être la hantise chez de nombreux régimes
arabes. L’effet de dominos de la révolution tunisienne n’est pas
du tout une vue de l’esprit.
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Publié le 16 janvier 2011 avec l'aimable autorisation de
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