Opinion
Des marines en
Algérie ?
Djamaleddine Benchenouf
Base
Espagnole Morón de la Frontera
Dimanche 28 février
2013
Des
médias, pas toujours bien informés,
pas toujours bien intentionnés,
souvent orientés, ont fait état de
l’arrivée prochaine, en Espagne, de
500 Marines environ, et de 08 avions
de combat. Cette décision aurait été
prise, selon ces journaux, afin
d’intervenir en Algérie, "où
les prémices d’un chaos généralisé
se font de plus en plus précises..."
Prochaine ou imminente ?
Faudrait savoir…
Si l’information d’un déplacement de
troupes américaines, vers l’une de leurs
nombreuses bases dans le monde, en
l’occurrence celle de Moron de la
Frontera, en Andalousie, venait à se
confirmer, rien ne dit que cette
décision aurait été prise dans
l’urgence, en prévision de ce chaos qui
ne laisserait donc plus de doute. Dans
ces circonstances, les mots pèsent leur
poids. L’ordre de mouvement ne semble
donc pas avoir été pris dans la
précipitation, puisqu’il ne s’est pas
encore concrétisé sur le terrain. Il y a
donc de la marge donc, entre une arrivée
prochaine qui n’aurait pas de caractère
exceptionnel, et qui pourrait prendre
des mois, et une arrivée imminente, qui
aurait déjà dû se produire, et qui
aurait confirmé, un tant soit peu, qu’il
y de l’orage dans l’air.
Encore que si ce chaos généralisé
était aussi certain, et aussi imminent,
que nous l’annoncent ces mêmes médias,
ce ne serait pas le mouvement de forces
aussi minimal, 500 soldats et 8 avions,
qui pourrait y changer quelque chose, ni
être en mesure d’assurer la protection
de citoyens américains, dans un pays
aussi vaste. A la limite, c’est même
faire injure à ce si effroyable chaos,
tant espéré, semble-t-il, que de penser
qu’il suffirait de si petites forces
pour le conjurer, où pour s’y déployer
avec tant de désinvolture, façon Rambo,
pour ramener à la maison les gentils
compatriotes, sauvés des griffes de
quelques sauvages, qui auront provoqué
le désastre annoncé, juste avec des
canifs entre les dents.
Entre routine, et stimuli...
Cette annonce d’un mouvement de
forces américaines n’est peut-être
qu’une action tout à fait routinière,
comme il s’en passe tant, au sein de
cette grande armada, qui est présente
aux quatre coins de la planète. Mais
même si l’on considère qu’elle a obéi à
des considérations conjoncturelles, où
l’Algérie aurait sa place, ce ne
pourrait être qu’une force d’appoint,
venue renforcer, ou remplacer, des
troupes déjà en place, dont l’objectif
premier n’est pas l’intervention, mais
la prévention et le signal. En plus
clair, un tel événement, mineur en soi,
peut signifier que des dispositions,
presque banales, comme un mouvement
ordinaire de troupes, a été servi à
l’opinion publique sous un emballage qui
indique un autre contenu. Pour obtenir
des effets précis. Pour faire une
sommation sans frais !
En tout état de cause, et quelles que
soient les raisons de cette arrivée
probable de troupes américaines dans
leur base d’Espagne, le dispositif même
de l’opération indique qu’elle est
d’importance secondaire, et qu’elle
répond à des prévisions d’événements
probables, mais non imminents. Puisque
le processus, et le mode opératoire de
ce mouvement ne sont pas du genre à
répondre à l’urgence, telle qu’annoncée
par des médias d’appoint.
Cet envoi possible de ces troupes,
dont le support médiatique qui a été mis
en branle confirme qu’il recherche
surtout un effet psychologique et
politique, a un rôle de stimuli, à
destination d’acteurs divers et variés.
Il peut rechercher, en même temps, un
but qui exprime la détermination,
destiné à impressionner des groupes
islamistes qui s’agitent, et qui ont
besoin d’être gardés sous contrôle
psychologique, qu’un autre , à
l’attention de certaines puissances qui
lorgnent du côté du Sahel, du Maghreb et
de l’Afrique, d’une manière générale.
La Chine et l’Afrique...
Un aspect, géostratégique, d’une
importance primordiale dans la
compréhension de certains événements,
doit toujours être pris en
considération, lorsqu’il est question de
cette région du monde, même si la
conjoncture actuelle semble l’avoir
éclipsé. Les printemps des peuples dans
la région, même s’ils ont bouleversé la
composante des régimes qui étaient
autorisés par l’occident à gérer ces
territoires, et même s’ils ont fait
oublier que rien de vraiment fondamental
dans le destin de ces mêmes peuples n’a
changé, ont juste occulté les vrais
grands problèmes. Entre autres, celui de
l’affrontement titanesque, même s’il se
déroule en mode muet, entre les deux
plus grandes puissances du monde. C’est
la guerre silencieuse, mais d’une
violence inouïe, même si elle ne fait
pas de morts visibles, qui a lieu entre
les USA et leurs alliés, d’un côté, et
la Chine de l’autre.
La Chine est dans une phase de
déploiement en Afrique, qui reste le
seul continent dont elle pourrait faire
éventuellement son pôle énergétique, en
plus de multiples autres ressources,
immenses, qu’elle pourrait en tirer. Il
y va de sa propre survie. Le reste du
monde est déjà pris.
Elle aura bientôt besoin de façon
impérieuse, à l’instar des grandes
puissances, de pouvoir contrôler une
part du marché des hydrocarbures.
D’avoir, elle aussi, sa propre chasse
gardée, de faire de l’Afrique son Golfe
à elle. Les grandes manœuvres, dont ne
savons que la part émergée, qui ont lieu
autour du Sahel, et la détermination des
USA de contrôler cette région, sont bien
plus décisives qu’on ne pense. Ce n’est
pas là notre sujet, aujourd’hui, mais il
est nécessaire de savoir que le Sahel
est au cœur d’un déploiement stratégique
de premier plan. Cette région désertique
est l’exact centre du monde "utile", et
les ressources hydrocarbures prouvées
qui y dorment, ainsi que dans le Maghreb
et dans l’Afrique subsaharienne, en font
un champ de bataille où se jouera
l’avenir du monde.
La France aiguillonnée par
les Américains...
Pour les USA, qui savent qu’ils ne
pourront pas, seuls, contrôler la
situation dans cette région
ultra-stratégique, la France est l’allié
incontournable, puisqu’elle en a été
l’ancienne puissance occupante, que les
régimes qui s’y vautrent dans leurs
turpitudes sont censés être sous son
contrôle, et qu’elle affirme disposer
sur ces derniers, d’une influence
certaine. Son rôle dans l’éviction du
despote libyen, et dont certains dessous
sont tout à fait inavouables, ont
démultiplié la peur qu’elle inspire aux
despotes de toute la région.
Mais malgré cela, les Américains ne
sont pas loin de considérer que la
France n’est plus à la hauteur des
nouvelles données, qu’elle ne maîtrise
pas autant qu’elle le devrait la
situation, et qu’elle se montre
particulièrement décevante dans le
contrôle des vrais mécanismes. Dans une
telle conjoncture, où les Américains
considèrent qu’il ne faut pas subir les
événements mais les créer, pour pouvoir
mieux les juguler, la France n’a pas
assez de gnaque. C’en est fini de son
influence des années passées. Les temps
ont changé. Au point où même les marchés
lui échappent, peu à peu, comme du sable
qui lui glisse entre les doigts.
Les Américains ne ratent pas une
occasion de lui rappeler qu’elle doit
reprendre la main, et qu’ils ne
permettront pas que la situation leur
échappe, comme en Libye, où elle
semblait en position dominante,
pourtant. Ils disent clairement à la
France qu’ils n’hésiteront pas à palier
à son insuffisance, si elle continue
ainsi à perdre du terrain. Et il n’est
pas à écarter que les Américains
voudraient bien rogner, pour eux-mêmes,
certaines brisées de la France, quitte à
y mettre du leur.
C’est pourquoi le mouvement annoncé
des troupes américaines peut être
interprété, entre autres signaux, comme
un signal en direction de la France,
pour lui enjoindre de s’imposer, si elle
ne veut pas perdre ses chasses gardées.
Les Américains ne veulent pas de
relâchement de la garde au Maghreb et au
Sahel.
L’intervention de la France au Mali,
en plus d’autres considérations, comme
la protection de ses propres intérêts
dans la région, procède de cette
approche.
Il y a loin, de la coupe aux
lèvres...
L’Algérie, et les événements qui
pourraient y survenir, sont l’objet
d’une très grande attention, tant de la
part des Américains que celle des
Français. Parce que l’Algérie, même si
ses dirigeants ne sont pas à la hauteur
de ses capacités, est une puissance
potentielle. Toutes les dispositions ont
été prises, en tenant compte de
scénarios divers, pour y préserver,
coûte que coûte, les intérêts
occidentaux, si la situation venait à
dégénérer brusquement, dont la partition
du pays, et le détachement de son sud
utile, ne sont pas des moindres.
Mais ces tirages de plans sur la
comète restent encore du domaine de
l’hypothétique.
Rien, pour le moment, ni aucun signal
d’alarme, n’a suscité la mise en branle
d’un quelconque plan d’urgence.
L’Algérie est un morceau autrement plus
lourd que la Libye. Tout ce qui la
concerne, jusqu’au détail qui peut
sembler insignifiant, est examiné à la
loupe, soumis aux plus hautes autorités,
pesé au trébuchet, manipulé avec un soin
qui confine à l’orfèvrerie.
Tous les experts et les vigiles qui
sont au chevet de la situation, savent
que tant que le régime algérien dispose
encore du très considérable matelas
financier pour anesthésier les foules,
et tant qu’il continue à se ménager des
alliés naturels, au sein des
populations, par couches sociales
entières, ce chaos généralisé que nous
annoncent les uns et les autres relève
encore du canular, où de méthodes de
conditionnement des masses, pour des
raisons aussi surprenantes qu’elles sont
variées.
D.Benchenouf
© LE GRAND SOIR -
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Publié le 30 avril 2013
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Algérie
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