Syrie
Pourquoi les
États-Unis veulent la guerre contre la
Syrie
David North et Alex Lantier
Jeudi 29 août 2013
Dans la foulée de
la prétendue attaque à l'arme chimique
de la semaine dernière, les États-Unis
et leurs alliés européens se mobilisent
rapidement pour lancer une guerre contre
la Syrie. Des frappes de missiles vont
pleuvoir sur ce pays jusqu'à ce qu'il se
soumette, et cela pourrait commencer
d'ici quelques jours. La campagne de
propagande lancée par les médias, visant
à vendre au public une nouvelle guerre
impopulaire, est passée à la vitesse
supérieure.
Les raisons
officielles données pour cette attaque
imminente sont un paquet de mensonges
sans fondement, un ramassis de prétextes
visant à justifier une politique
planifiée de longue date.
On ne peut
comprendre les véritables raisons de
cette dernière guerre en date que dans
le contexte de la crise géopolitique,
économique et sociale du capitalisme
américain et européen, et du système
impérialiste mondial dans son ensemble.
Premièrement :
D'un point de vue géopolitique, la
guerre prévue de longue date contre la
Syrie est une étape de plus dans la
campagne de Washington, depuis la
dissolution de l'URSS en 1991, pour
assurer sa domination mondiale par la
force militaire. Confrontés au déclin
prolongé de leur position, jadis
dominante, dans l'économie mondiale, les
États-Unis voient dans leur puissance
militaire le moyen d'établir une
position hégémonique. Dès 1992, le
Pentagon Defense Planning Guidance
[document de perspective rédigé par le
ministre de la Défense, ndt] affirmait
que la politique américaine visait à
empêcher l'émergence de toute puissance
capable de devenir un rival à la mesure
des États-Unis. En 2002, le US
National Security Strategy [rédigé
par l'ensemble du gouvernement à
l'attention du Congrès, ndt] affirmait
que les États-Unis auraient recours à
des guerres préventives pour atteindre
ce but.
Une caractéristique
centrale de l'extension à toute la
planète du militarisme américain est la
volonté de Washington de s'assurer une
position dominante non seulement au
Moyen-Orient, mais sur tout le continent
eurasien. Ces dernières années, les
écrits datant de la fin du 19e
siècle et du début du 20e du
stratège impérialiste Sir Halford
Mackinder sont à nouveau devenus des
textes essentiels pour les décideurs du
ministère de la Défense, du Pentagone et
de la CIA. Dans de nombreux livres et un
nombre incalculable d'articles publiés
dans les revues universitaires, ce que
Mackinder appelait « l'île-monde »,
s'étendant depuis les frontières
occidentales de l'Allemagne jusqu'à la
côte chinoise, est considéré être d'une
importance stratégique décisive pour les
États-Unis et leurs alliés d'Europe de
l'Ouest.
Comme l'affirme une
étude récente, « le continent eurasien
devrait être le point focal des efforts
stratégiques occidentaux […] Si le
processus naissant du déclin occidental
doit être arrêté et inversé, une
meilleure compréhension de l'importance
géopolitique de l'Eurasie, et de la
lutte qui s'y joue, ainsi qu'un effort
concerté là-bas, est cruciale. » [The
World Island: Eurasian Geopolitics and
the Fate of the West, d'Alexandros
Petersen] Comme toutes les stratégies
impérialistes visant à la domination
mondiale, cela implique une lutte contre
les puissances considérées être des
obstacles à sa réalisation. L'effort
pour dominer l'Eurasie entraîne
inévitablement un conflit de plus en
plus grave avec la Russie et la Chine.
La série de guerres
d'agression lancées par les États-Unis
depuis les années 1990, dans les
Balkans, au Moyen-Orient, et en Asie
centrale, fait partie d'un agenda qui se
donne pour but la domination mondiale et
incontestable des États-Unis. Le fait
que l'on ne puisse atteindre la
domination mondiale sans des guerres qui
coûteront des centaines de millions de
vies, et, très probablement, la
destruction de la planète, ne dissuadera
pas Washington de s'y lancer tête
baissée.
Cette stratégie de
conquête impérialiste est peut-être
complètement démentielle, mais celle de
Hitler l'était tout autant. Les
objectifs géopolitiques de Hitler
semblent presque provinciaux dans leur
ampleur, comparés aux ambitions de
l'impérialisme américain. Comme Trotsky,
anticipant l'évolution de l'impérialisme
américain, l'écrivait il y a près de 80
ans : « pour l'Allemagne, il était
question d'"organiser l'Europe." Les
États-Unis doivent "organiser" le monde.
»
Quant aux
puissances européennes, pour le
moment, elles considèrent que leurs
propres ambitions impérialistes sont
mieux servies en liant leur sort au
Pentagone. Elles espèrent pouvoir
participer au pillage des guerres
américaines et, au passage, légitimer
leurs propres opérations de pillage,
comme les guerres de la France en
Afrique.
Deuxièmement :
Économiquement, le capitalisme mondial
est dans la cinquième année de sa plus
profonde crise depuis la Grande
dépression, produisant une stagnation
économique, du chômage de masse, et un
effondrement continuel du niveau de vie.
La situation économique toujours plus
désespérée, avec des dettes qui
s'approfondissent, des monnaies qui
perdent leur valeur, et une compétition
internationale qui s'intensifie,
entraîne des politiques étrangères
encore plus téméraires et violentes.
La Grande
dépression des années 1930 a entraîné la
seconde guerre mondiale, les puissances
impérialistes cherchant dans la guerre
une solution aux maux du capitalisme. La
Grande récession qui a commencé en 2008,
et qui ne montre aucun signe de
ralentissement, nous mène à la troisième
guerre mondiale. Les formes du
parasitisme économique associées aux
processus de la financiarisation
mondiale, où l'enrichissement d'une
petite couche de la société est réalisé
par des escroqueries commises à une
échelle monumentale, trouvent leur
complément naturel dans une politique
étrangère qui réalise ses objectifs par
une violence criminelle.
Il est significatif
que les États-Unis passent outre
les Nations unies et se lancent dans la
guerre sans l'approbation du Conseil de
sécurité de l'ONU, où la Russie et la
Chine ont un droit de veto. Cela
rappelle la manière dont la Société des
nations s'était effondrée après
l'invasion de l'Abyssinie par l'Italie
fasciste en 1935.
Troisièmement :
Tous les pays impérialistes sont
confrontés à une crise sociale qui ne
cesse d'empirer, produite par
l'accroissement de l'inégalité sociale
et des tensions de classes. Aux
États-Unis, où les 10 pour cent les plus
riches de la population possèdent près
des trois quarts de la richesse, et le 1
pour cent le plus riche monopolise la
moitié de cette somme, des villes sont
contraintes à la faillite dans une
contexte d'assauts permanents contre les
salaires et le niveau de vie.
En Europe, l'Union
européenne se désintègre dans le
contexte de tensions entre les
différentes puissances européennes et
d'un assaut contre les emplois et le
niveau de vie dont la dévastation
sociale de la Grèce est emblématique.
Plus les conflits sont âpres et
insolubles entre grandes puissances
européennes et plus elles s'en remettent
aux agressions extérieures comme unique
politique sur laquelle elles peuvent
toutes se mettre d'accord.
Les puissances
impérialistes considèrent de plus en
plus la guerre comme un moyen de
détourner l'attention de la révélation
de leurs opérations criminelles dirigées
contre le peuple. Le moment choisi pour
la guerre actuelle est clairement lié à
la crise politique provoquée par les
révélations d'Edward Snowden sur
l'espionnage massif et illégal des
agences de renseignement contre les
populations des États-Unis et les
puissances européennes. Le militarisme
impérialiste est considéré par l'élite
dirigeante comme un moyen essentiel de
diriger les tensions sociales vers
l'extérieur, vers les canaux inutiles et
destructeurs de la guerre.
Mais le vingtième
siècle nous enseigne que les classes
dirigeantes qui espéraient s'extraire de
la faillite du capitalisme en remportant
le gros lot à la roulette du militarisme
ont fini par découvrir que les
probabilités de l'histoire étaient
contre elles et qu'elles avaient fait de
très mauvais paris.
La guerre en Syrie,
tout comme les guerres en Irak et en
Afghanistan, va provoquer des morts et
de la souffrance à très grande échelle,
intensifier la crise économique et
politique mondiale, et pousser
l'humanité dans son ensemble plus près
de la catastrophe.
Le lancement de la
guerre contre un petit pays de plus
témoigne non seulement de la brutalité,
mais aussi de la faillite du capitalisme
américain et européen et de l'ensemble
du système mondial qui s'appuie sur
l'exploitation et le pillage. Le seul
moyen de sortir de l'impasse sanglante
du capitalisme et de l'impérialisme est
par la lutte unie de la classe ouvrière
internationale pour la victoire de la
révolution socialiste mondiale.
(Article original
paru le 28 août 2013)
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Publié le 29 août 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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