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Analyse
« Israël Palestine,
une autre analyse »
Pr Christophe Oberlin
Mercredi 17 mars 2010
Quelle réalité de la situation en Palestine et quelles
perspectives de paix ? Le Pr. Christophe Oberlin*, réfute des
points de vue couramment énoncés par les grands médias, les
dirigeants politiques occidentaux, et certains courants qui
affirment leur solidarité avec la cause palestinienne.
Un an après les massacres de Gaza,
grands médias et responsables politiques occidentaux
semblent s’accorder sur la même ligne. Les Palestiniens, en
particulier ceux de Gaza, massacrés l’an dernier et soumis
au blocus international, ont droit à notre compassion. Sur
le plan politique, il n’y a pas d’autre solution que de
reprendre la politique des petits pas après le « processus
d’Oslo », de remettre en piste le « quartette » et sa
« feuille de route », et de continuer à encourager
« l’autorité palestinienne » à poursuivre les contacts avec
Israël, tant il est vrai que le pire serait l’absence de
dialogue. Quand à l’autorité, légalement élue, qui
administre la bande de Gaza, attendons son effondrement
« spontané ».
Cette vision, largement consensuelle,
même dans certains milieux « pro palestiniens », repose sur
un certain nombre d’idées qui seraient "indiscutables".
Il
faut privilégier la Cisjordanie, car on y vit mieux, et le
Fatah, parti laïc et démocratique, y est majoritaire.
Le
Hamas est un mouvement terroriste, théocratique, qui suscite
un rejet grandissant dans la bande de Gaza.
Le
mur souterrain, en voie de finalisation entre Gaza et
l’Egypte, va stopper la contrebande d’armes et affaiblir le
Hamas.
La
clé de l’ouverture d’une vraie négociation de paix est la
reconnaissance préalable du droit à l’existence d’Israël par
les Palestiniens. Et cette négociation aboutira
nécessairement à un compromis douloureux pour les deux
parties.
Avec
la création d’un état palestinien démilitarisé sur la plus
grande partie de la Cisjordanie et à Gaza, la paix sera
définitivement assurée dans cette région du monde.
Et si nos
observateurs, stratèges et responsables politiques se
trompaient sur toute la ligne ?
Il faut privilégier la
Cisjordanie, car on y vit mieux, et le Fatah, parti laïc et
démocratique, y est majoritaire :
Ayant séjourné plusieurs dizaines de fois
à Gaza et en Cisjordanie depuis près de neuf ans, le
ressenti de mes amis palestiniens de tous les bords
politiques m’apparait différent. Non, on ne vit pas mieux en
Cisjordanie. Certes, les conditions économiques y sont sans
doutes meilleures, encore qu’on ait vu il n’y a pas si
longtemps des médecins fréquenter la soupe populaire…
Surtout, on vit plus mal dans sa tête. Les innombrables
blocages à la circulation sont de moins en moins acceptés
par la population. Et les rafles nocturnes de jeunes
palestiniens par l’armée israélienne, quotidiennes, minent
l’esprit des parents comme celui des enfants. Le
gouvernement du Fatah, incapable de protéger ses enfants,
est largement discrédité. Le résultat de véritables
élections libres n’est pas garanti pour le Fatah. Par contre
des fraudes massives, largement encouragées par l’occupant,
sont prévisibles, dès lors que tous les élus de l’opposition
n’auraient pas été libérés préalablement pour faire campagne
et participer au contrôle démocratique.
Suspendre l’aide actuelle fournie à
l’autorité palestinienne à la libération de prisonniers
politiques, la suppression de l’assignation à résidence des
députés libérés, la réouverture du parlement, seraient des
mesures positives que la communauté internationale pourrait
imposer, seules mesures pouvant conduire à des élections
irréprochables, comme celles de février 2006 (remportées
largement par le Hamas).
Le Hamas est un mouvement
terroriste, théocratique, qui suscite un rejet grandissant
dans la bande de Gaza :
Point n’est besoin de rappeler, sauf aux
gens de mauvaise foi, que le terrorisme est l’arme de ceux
qui n’en ont pas. Et peut-on imaginer l’apocalypse qui
résulterait d’un Hamas qui aurait les mêmes armes et en
ferait le même usage qu’Israël ? Par ailleurs le Hamas, qui
a conquis le pouvoir par des élections irréprochables,
serait bien d’accord d’y renoncer à la suite d’un revers
électoral. A l’heure où certains ont souhaité inscrire le
christianisme dans la constitution européenne, il y a de
véritables relents racistes à supposer qu’un parti marqué
par l’Islam ne peut qu’être une théocratie
anti-démocratique. J’ai interrogé personnellement en tête à
tête, il y a quelques semaines dans la bande de Gaza, un
ancien ministre Fatah et un député actuel indépendant. Aucun
des deux n’a été en mesure de me citer un seul responsable
Fatah en prison actuellement à Gaza. J’entends d’ici hurler
mes détracteurs. Mais s’il y en a, pourquoi ne me les
ont-ils pas mentionnés ?
Quant aux élections, il y a beaucoup de
raisons de penser que le Hamas les remporterait. Depuis
l’évacuation des colonies en aout 2005, on ne se fait plus
mitrailler tous les jours à partir des colonies. La sécurité
est revenue. On peut circuler du nord au sud de la bande de
Gaza. Les salaires coupés par Ramallah aux fonctionnaires
qui continuent de travailler, sont payés par le Hamas. Les
fonctionnaires payés par Ramallah à condition de rester chez
eux, ont mauvaise presse. Les hôpitaux, les écoles, les
universités (100 000 étudiants) fonctionnent. Et si c’était
aux Palestiniens de choisir eux-mêmes leurs dirigeants ? Et
si le Hamas austère était aujourd’hui le parti auquel
s’identifiait le mieux un peuple en lutte pour sa survie et
sa dignité ?
Le mur souterrain, en
voie de finalisation entre Gaza et l’Egypte, va stopper la
contrebande d’armes et affaiblir le Hamas :
Aujourd’hui les tunnels fonctionnent à
plein régime. Chaque tunnel est enregistré à la mairie de
Rafah. Les employés sont déclarés, leurs revenus garantis,
ainsi que les indemnités en cas d’accident. L’essence est
quatre fois moins chère qu’en Israël, le sac de ciment est à
50 shekels (le double du sac importé s’il était possible de
s’en procurer). Ceux qui ont découpé à l’arc électrique le
mur de dix km de long entre Gaza et l’Egypte en janvier
2008, sont évidemment capables de percer n’importe quel
coffre fort. Un tunnel de 300 mètres se construit en six
semaines. Nombres de tunnels sont creusés sous le mur
souterrain. La construction de ce mur souterrain est un
habillage psychologique pour une certaine opinion
occidentale, et une raison de plus pour l’opinion égyptienne
de détester son président à vie. Si des élections à Gaza
avaient pour objet de conforter une administration pour sa
bonne gestion, le Hamas serait aujourd’hui réélu.
La clé de l’ouverture
d’une vraie négociation de paix est la reconnaissance
préalable du droit à l’existence d’Israël par les
palestiniens. Et cette négociation aboutira nécessairement à
un compromis douloureux pour les deux parties :
Comme souvent lorsqu’on n’obtient pas une
réponse satisfaisante, c’est que la question est mal posée.
Les Palestiniens, à supposer qu’on le leur demande, ne
reconnaitront jamais le droit à l’existence d’un pays qui
s’est constitué en dehors de tout droit. Ce qu’ils
pourraient éventuellement accepter, c’est l’existence de cet
Etat, à condition qu’on les remercie, pourrait on ajouter !
Ce qui veut dire qu’une telle acceptation ne pourrait,
éventuellement, que constituer l’ultime aboutissement d’une
négociation, et non pas son préalable. Quant au « compromis
douloureux », il n’est pas imaginable que les Palestiniens
reclus dans 22% de la Palestine historique acceptent en leur
âme et conscience d’en donner d’avantage. Il ne pourrait
s’agir que d’une contrainte, non d’une paix qui est la
reconnaissance du droit des autres.
Avec la création d’un
Etat palestinien démilitarisé sur la plus grande partie de
la Cisjordanie et à Gaza, la paix sera définitivement
assurée dans cette région du monde.
Rien ne sera définitif sans la paix des
esprits de tous ceux qui vivent aujourd’hui en
Israël-Palestine. La « solution » de deux Etats est
probablement une étape nécessaire qui permettra aux
ressentiments les plus forts de s’atténuer. Mais ces deux
Etats devront avoir les mêmes prérogatives, notamment le
« monopole de la violence volontaire » selon Max Weber,
c’est-à-dire une police pour faire respecter ses lois, et
une armée pour asseoir sa diplomatie. A cet égard
l’acquisition, faute de mieux (une dénucléarisation des
grandes puissances), de la technologie nucléaire par l’Iran
devrait faire franchir un pas vers la table de négociation.
Mais la question israélienne ne sera pas
réglée pour autant. Aucun Etat ne pourra survivre
indéfiniment en limitant les droits d’une partie de sa
population, en fonction d’une origine ethnique « vraie ou
supposée ». Certains parlent déjà d’un « Kosovo en
Galilée ». Les Palestiniens israéliens auront nécessairement
un jour leurs pleins droits, et le caractère « juif » de
l’Etat devra être abandonné. Alors les deux entités qui se
seront affrontées pendant plus d’un siècle ouvriront leurs
frontières, pour leur plus grand bien être, et pour celui de
leurs enfants."
Le
Pr. Christophe Oberlin, chirurgien,
spécialiste mondialement renommé pour ses techniques
innovantes de réparation des lésions nerveuses, effectue
régulièrement des missions de chirurgie et d’enseignement
dans la Bande de Gaza. En 2010, il s’est rendu sur place à
l’occasion de sa 28ème mission chirurgicale, en compagnie
d’une équipe de médecins venus de plusieurs pays.
Cet article est à
paraître dans le mensuel Afrique-Asie sous le titre :
« Israël Palestine, une autre analyse »
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