Opinion
Les travailleurs
israéliens et la révolution égyptienne
Chris Marsden
Lundi 21 février 2011
La révolution égyptienne a envoyé des ondes de
choc dans tout le Moyen Orient. Les dirigeants despotiques et
les gouvernements corrompus discutent dans les capitales de
chaque Etat arabe comment prévenir que la révolte de masse
émanant du Caire ne se propage. Nulle part les implications du
soulèvement populaire du peuple égyptien ne sont craintes plus
intensément qu’au sein de la classe dirigeante israélienne.
Le gouvernement de Benjamin Netanyahu, le haut
commandement militaire et les services de renseignement du
Mossad ont clairement indiqué leur hostilité à l’égard du
mouvement contre le président Hosni Moubarak. Ils ont loué
Moubarak pour être le garant de la stabilité régionale en
invoquant le danger de l’extrémisme islamique pour justifier le
soutien du régime – y compris une aide pratique pour la
fermeture de l’Internet et l’acceptation du déploiement des
troupes égyptiennes au Sinaï.
La chute de Moubarak a été pour eux l’occasion
d’un chagrin non dissimulé. Tzvi Mazel, l’ancien ambassadeur
israélien au Caire, a fait cette mise en garde sur YNet,
« Israël se trouve à présent dans une situation hostile. Il est
fort probable que nous assistions à présent à une série de
soulèvements dans la région. La chute de Moubarak soutient les
révolutionnaires partout, du Yémen à l’Algérie. »
L’Etat d’Israël soutient le régime militaire
dirigé par le maréchal Mohamed Sayyed Tantaoui, en insistant
qu’aucune « démarche hâtive » ne soit faite en faveur
d’élections. Entre-temps, il est en train de préparer une
guerre, probablement contre l’Egypte même.
Le chef d’état-major sortant, Gabi Ashkenazi, a
donné un aperçu révélateur de la nature de ces discussions.
S’adressant lundi aux participants de la Conférence des
présidents des principales organisations juives américaines à
Jérusalem, il a dit, « En dépit des critiques à l’encontre de
Moubarak au cours des ces trois dernières décennies, il a été
une ancre de stabilité dans la région. Nous devrions le
reconnaître. » Si un nouveau régime devait annuler l’accord de
paix de 1979 avec Israël, « nous devons nous tenir prêts à cette
éventualité et disposer de projets pour cela, » a-t-il ajouté.
Dans un discours prononcé lors de la nomination
à la tête de l’armée israélienne (Israel Defense Forces, IDF) du
général Benny Gantz, Ashkenazi à dit à son successeur, « Je vous
remets le livre contenant la liste des cibles dans la Bande de
Gaza. »
L’IDF n’est pas seulement déterminée à cibler la
Bande de Gaza. Ashkenazi a publiquement insisté pour dire que
l’IDF devait être prête à mener différents types de guerre
simultanément sur différents fronts. « Cela pose le plus grand
défi et, à partir de là, nous pouvons procéder à des adaptations
à d’autres formes de guerre, » a-t-il dit.
La réponse d’Israël aux aspirations des masses
égyptiennes de se libérer de leurs chaînes et d’obtenir la
démocratie est de coopérer avec ses oppresseurs militaires tout
en planifiant une éventuelle guerre qui aurait des conséquences
dévastatrices tant pour les Arabes que pour les Juifs.
C’est là une condamnation dévastatrice du projet
sioniste – la création d’un Etat basé sur l’exclusivité
religieuse et l’expulsion forcée et la répression des
Palestiniens. Depuis sa création, Israël a été en conflit avec
ses voisins et est demeuré tributaire de l’impérialisme
américain pour sa survie.
Les accords de Camp David de 1979 avaient
normalisé les relations avec le régime égyptien et, par la
suite, avec d’autres Etats arabes. Mais, ils n’ont pas apporté
la paix. Au lieu de cela, le régime israélien a collaboré avec
le régime corrompu et de plus en plus sclérosé de Moubarak pour
réprimer l’opposition de la classe ouvrière en Egypte. Ceci n’a
pas seulement permis à Tel Aviv de poursuivre ses ambitions
militaires – en étendant son emprise sur Jérusalem et la
Cisjordanie par la brutalité exercée contre les Palestiniens et
des guerres répétées à Gaza et au Liban – mais encore de rendre
confuse l’opposition sociale et politique de la classe ouvrière
en Israël.
Pour l’élite israélienne, le fait de cultiver la
crainte et la haine à l’égard des masses arabes est une
politique du « diviser pour régner » – un instrument politique
vital pour prévenir un défi politique de la classe ouvrière. La
création d’une illusion d’unité nationale, le développement
d’une mentalité de siège, est essentielle à la dissimulation
d’un conflit d’intérêts réel et grandissant entre les
travailleurs et leurs exploiteurs.
En réalité, les profonds antagonismes de classe
qui ont produit la révolte en Egypte sont présents en Israël non
seulement pour les Palestiniens et les Israéliens arabes mais
pour les travailleurs juifs aussi. Israël est un baril de poudre
caractérisé par une inégalité sociale et une pauvreté
croissantes. Il est gouverné par une dizaine de familles qui
contrôlent près de la moitié des entreprises cotées à la bourse
de Tel Aviv.
Les salaires baissent et il règne une colère
sociale intense que la fédération syndicale Histadrut tente
désespérément de contrôler. En s’efforçant de trouver un accord
avec Netanyahou, le secrétaire général d’Histadrut, Ofer Eini,
lui a instamment demandé de ne pas laisser Israël devenir
l’Egypte. « Nous ne sommes pas en Egypte, » a-t-il dit à la
radio de l’armée. « Trouvons une façon d’aider les citoyens qui
ne peuvent joindre les deux bouts… rendons ce pays un peu plus
social. »
Il n’y a pas de moyen pour les travailleurs
israéliens de combattre les conditions lamentables auxquelles
ils sont confrontés ou de contrecarrer le danger de guerre sans
un rejet politique du poison du nationalisme et du chauvinisme
qui est répandu par la classe dirigeante. Ceci vaut aussi pour
ses agences telle l’Histadrut.
La responsabilité pour la détermination du
développement futur des événements au Moyen Orient repose à
présent sur la classe ouvrière. Il y a beaucoup de sympathie en
Israël à l’égard de la lutte que mènent les masses laborieuses
égyptiennes. Mais les travailleurs doivent aller plus loin en
prenant à leur compte le mouvement révolutionnaire naissant en
Egypte et dans le reste de la région et en faisant de l’unité
judéo arabe leur orientation stratégique.
Atteindre une telle unité est à l’opposé même
des efforts officiels entrepris pour cultiver les relations avec
les despotes de la région, y compris le soutien de la junte
militaire en Egypte. Ceci signifie tendre la main de l’amitié à
la classe ouvrière arabe et aux paysans pauvres en menant une
lutte commune contre leurs oppresseurs communs – le régime
militaire égyptien et ses partisans à Tel Aviv.
En Israël, la réaction politique nécessaire au
mouvement révolutionnaire émergeant en Egypte est, pour les
travailleurs et les intellectuels en Israël, de lutter pour la
construction d’un mouvement révolutionnaire unifié de la classe
ouvrière sur une base socialiste. La formation d’une direction
pour un tel mouvement signifie la construction d’une section
israélienne du Comité International de la Quatrième
Internationale qui luttera pour l’unification de la classe
ouvrière de par les frontières nationales dans une lutte pour
les Etats socialistes unis du Moyen Orient et pour la révolution
socialiste mondiale.
(Article original paru le 17 février 2011)
Copyright 1998 - 2011 - World Socialist
Web Site- Tous droits réservés
Publié le 21 février 2011 avec l'aimable autorisation du WSWS
Le dossier
Egypte
Dernières mises à
jour
|