Opinion
La France et la
Turquie réclament à l'ONU la création de
zones tampon en Syrie
Chris
Marsden
Recep
Tayyip Erdogan
Lundi 3 septembre
2012
La promotion d’une
intervention militaire occidentale en
Syrie est dirigée par la France, en
alliance avec la Turquie. Ces pays sont
cependant soutenus par les Etats-Unis,
la Grande-Bretagne et une alliance
régionale de monarchies sunnites
réactionnaires telles l’Arabie saoudite
et le Qatar, qui sont déterminés à
renverser le régime syrien du président
Bachar al-Assad dans le but d’isoler
l’Iran.
Hier, lors d’une
réunion du Conseil de sécurité des
Nations Unies le ministre turc des
Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a
réclamé la création d’une zone tampon en
Syrie. Qualifiant la création de
celle-ci d’initiative humanitaire et de
moyen d’endiguer l’afflux de réfugiés,
la mise en place d’une telle zone
implique une intervention militaire
contre la Syrie. La Turquie a critiqué
les pays qui se sont opposés à une
intervention militaire, en premier lieu
la Russie et la Chine.
Mercredi, Davutoglu
a dit aux médias, « Nous attendons des
Nations Unies qu'elles traitent la
question de la protection des réfugiés à
l’intérieur de la Syrie et si possible
en les abritant dans des camps. »
Le premier ministre
turc Recep Tayyip Erdogan a dit que ne
pas agir indirectement revenait à à
soutenir la répression en Syrie et a
qualifié de « fiasco » les vétos de la
Russie et de la Chine aux résolutions
anti-syriennes au Conseil de sécurité.
La proposition n’a
aucune chance d’être acceptée. La
réunion du Conseil de sécurité a été une
réunion inter-factions constituée par
les puissances déterminées à faire
tomber le gouvernement syrien par la
force et celles qui n’y ont participé
que pour faire connaître leur
opposition.
Annoncée comme une
réunion d’urgence des ministres des
Affaires étrangères, organisée par la
France qui préside ce mois-ci le Conseil
de sécurité, seuls Laurent Fabius et le
britannique, William Hague, étaient
présents sur les cinq membres
permanents. Et moins de la moitié des 15
membres du conseil y avaient envoyé des
ministres.
La Chine et la
Russie ont pratiquement boycotté une
réunion dont le seul but était de
légitimer les hostilités contre la
Syrie. Ceci a été accentué par
l’invitation adressée à la Turquie, au
Liban et à la Jordanie et qui tous
contribuent à abriter les forces anti-Assad
soutenues par les Etats-Unis tels le
Conseil national syrien, l’Armée libre
syrienne et divers groupes de type al
Qaïda.
La France a été
obligée de reconnaître un « double refus
», avec l’absence de la secrétaire
d’Etat américaine Hillary Clinton à
réunion. « Les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne estiment que nous avons
obtenu le maximum de ce qui pouvait
l’être au Conseil de sécurité et Moscou
et Beijing nous ont répondu qu’une
résolution de ce genre aurait été
biaisée, » a dit un diplomate.
L’implication de la
position de Clinton est que la réunion
du Conseil de sécurité, qui prend fin
aujourd’hui, passera pour la preuve que
la voie de l’ONU est fermée et qu’une
nouvelle « coalition of the willing » de
type Irak [nom donné par le gouvernement
Bush à la coalition intervenue en Irak]
doit agir. Le président américain Barack
Obama, le premier ministre britannique,
David Cameron et le président français,
François Hollande, ont tous déclaré ces
derniers jours que l’utilisation ou la
menace d’armes chimiques par la Syrie
constituerait le franchissement d'une «
ligne rouge » et provoquerait une
intervention militaire. Cette invocation
d' « armes de destruction massive » ou
bien une forte insistance sur des
préoccupations « humanitaires »
rhétoriques pourraient devenir le
casus belli pour que Washington,
Paris et Londres soutiennent une
intervention militaire menée par la
Turquie et soutenue par l’Arabie
saoudite et le Qatar.
Les Frères
Musulmans sont devenus un instrument clé
de la politique étrangère américaine
dans la région. Les puissances
impérialistes ont soutenu leur arrivée
au pouvoir après que les luttes
révolutionnaires de la classe ouvrière
eurent fait chuter deux anciens alliés
de Washington, Zine el Abidine Ben Ali
en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte.
Leur utilité a été
souligné par les agissements du nouveau
président égyptien, l’universitaire
formé aux Etats-Unis, Mohamed Morsi,
lors d’une conférence des Etats membres
du Mouvement des non-alignés réunis en
sommet à Téhéran. L’Iran a essayé de se
servir du Mouvement des non-alignés,
créé en 1961 à l’initiative du président
yougoslave Josip Tito, comme d’une
tribune pour s’opposer à l'isolement qui
lui est imposé par les Etats-Unis. Mais
Morsi a profité de son discours, lors de
cette conférence qui a duré une semaine,
pour accuser le régime d’Assad d'être «
un régime d’oppression qui a perdu sa
légitimité » et pour insister sur « une
ingérence active de nous tous. »
Morsi a exigé que
l’Iran intègre un groupe de contact de
quatre pays dont l’Egypte, la Turquie et
l’Arabie saoudite pour négocier la fin
de la crise syrienne sur la base de
l’éviction d’Assad. Son appel fait
partie d’un effort de propagande continu
pour justifier un changement de régime
par la force en Syrie sous la tutelle de
Washington.
Un élément
important de cette campagne de
désinformation est la référence
permanente à un nombre de victimes en
progression constante et absolument
invérifiable, auquel s’ajoutent des
accusations incessantes de massacres et
d’atrocités commis par l’armée syrienne.
Dans la période qui
précédait le Conseil de sécurité, les
allégations s'étaient concentrées sur
des affirmations de l’opposition d’un
massacre dans la ville de Déraya. Il fut
d’abord rapporté dimanche que 200 civils
en majorité sunnites avaient été tués.
Dès le mercredi suivant, on citait un
chiffre corrigé à la hausse et s’élevant
à 400 victimes civiles.
Tout comme les
affirmations similaires de massacres à
Houla et à Qubair, faites avant la tenue
de réunions précédentes du Conseil de
sécurité et destinées à justifier une
action contre la Syrie, les reportages
des médias sur les événements survenus à
Déraya, sont déjà en train de
s’effilocher.
Le premier
journaliste occidental à s’être rendu
dans la ville de Déraya a été Robert
Fisk du journal The Independent.
Il a rapporté mercredi que, loin d’être
la conséquence d’un massacre non
provoqué de civils, plusieurs habitants
lui ont parlé de « prise d’otages par
l’Armée syrienne libre et de pourparlers
désespérés d’échange de prisonniers
entre les opposants au régime, armés, et
l’armée syrienne, avant que les forces
gouvernementales du président Bachar al-Assad
ne prennent la ville d’assaut pour
l’arracher au contrôle des rebelles. »
Les habitants ont
expliqué que les combattants de
l’opposition avaient enlevé des civils
et des soldats en permission, en avaient
tué un grand nombre et en avaient
proposé d’autres comme otages en échange
de prisonniers.
En relatant des «
atrocités » qui étaient « bien plus
répandues que supposées », Fisk cite une
femme qui a vu « au moins dix corps
d’hommes sur la route près de chez elle…
ajoutant que les troupes syriennes
n’étaient pas encore entrées dans
Déraya. »
Un autre homme a
dit qu’il pensait que la plupart des
morts photographiés dans un cimetière et
que l'on faisait passer pour des
victimes de l’armée syrienne, « étaient
liés à l’armée gouvernementale et parmi
eux se trouvaient plusieurs appelés en
permission. »
Le témoin a dit, «
L’un des morts était un facteur – ils
l’ont inclus avec les autres parce qu’il
était fonctionnaire. »
Fisk fait
remarquer, « Si ces récits sont vrais,
alors les hommes armés – portant des
cagoules, selon une autre femme qui a
décrit comment ils ont investi sa maison
et comment elle les a embrassés pour
chercher à les empêcher de tirer sur sa
propre famille – étaient des insurgés
armés et non des soldats syriens. »
En claironnant sans
discernement les déclarations de
l'opposition et en attribuant tous les
morts de la guerre civile aux prétendus
méfaits d’un camp, les médias agissent
comme une arme au nom des pouvoirs
impérialistes qui cherchent à se
partager entre eux le Moyen-Orient.
(Article original
paru le 31 août 2012)
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Publié le 3 septembre 2012 avec
l'aimable autorisation du WSWS
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