Chronique
Quelle obsession !
Chérif Abdedaïm

© Chérif
Abdedaïm
Samedi 28 septembre 2013
«Pour gagner une bataille
politique, le premier travail de
tout stratège consiste à identifier
avec soin la « géométrie mentale »
de son ennemi afin d’évaluer
précisément ses forces et ses
faiblesses».
(Karel Vereycken).
Le 11 septembre 2001, les
observateurs de la vie politique
américaine furent frappés de stupeur
en entendant les déclarations
fracassantes du vice-président, Dick
Cheney. En effet, avant même
l’ouverture d’une quelconque enquête
sur les attentats, celui-ci déclara
d’emblée qu’il fallait frapper
l’Irak. Dès le lendemain, à en
croire les dires du célèbre
journaliste du Washington Post, Bob
Woodward, dans son livre «Bush at
War», le ministre de la Défense,
Donald Rumsfeld, déclarait lors
d’une réunion à la Maison-Blanche
que « l’Irak devait être l’une des
premières cibles de la guerre contre
le terrorisme ». Réaction impulsive
de faucon ? Non, car, en réalité, la
clique de Cheney et Rumsfeld
souhaitait achever cette guerre
commencée en 1991. C’est un vieux
projet qu’ils défendent depuis la
chute du mur de Berlin et bien que,
selon eux, Bush père ait fait
quelques pas dans la bonne
direction, la présidence Clinton
faillit anéantir tout le chemin
parcouru. Ainsi, le 18 février 1992,
Paul Wolfowitz (n°2 du Pentagone) et
Lewis Libby (chef de cabinet de
Cheney) sonnent l’alarme dans un
document intitulé «Defense Policy
Guidance» (DPG). Avec Eric Edelman
et Zalmay Khalilzad (représentant
spécial américain pour l’Irak), ils
y développent d’abord la notion de
guerre préventive visant à garantir
la « prééminence américaine »,
imposée « par la force, si
nécessaire ». Aujourd’hui, grâce à
des fuites dans les médias, émanant
de documents officiels, nous savons
que ce milieu n’exclut nullement
l’utilisation d’armes nucléaires,
biologiques ou chimiques dans ce
but. Pratiquement, on assiste au
même scénario en guise de prélude à
une éventuelle attaque contre la
Syrie, et après ce sera le tour de
l’Iran, etc. Or, dans un récent
entretien accordé au Washington
Post, le ministre des Affaires
étrangères de Russie Sergueï Lavrov
a annoncé qu’il avait transmis au
secrétaire d'Etat américain John
Kerry des données confirmant
l'implication des opposants syriens
dans l'attaque chimique menée à
Damas le 21 août. Selon lui, il
s'agit notamment des témoignages des
journalistes s'étant rendus sur les
lieux et ayant parlé aux
combattants, ainsi que des
conclusions d'anciens membres de la
CIA envoyées à Barack Obama. « Ces
données sont à la portée de tout le
monde », a ajouté M. Lavrov. Cela
dit, pourquoi donc persiste-t-on à
désarmer la Syrie? L’un des atouts
dissuasifs syriens (armes chimiques
syriennes) disparaîtrait ainsi, pour
ensuite laisser le champ libre aux
prédateurs qui envisagent déjà de
lâcher leurs chiens de chasse (les
drones) dans le ciel syrien sous
prétexte, bien entendu, de chasser
les pigeons d’Al Qaïda, et ce, avant
le coup fatal. Dans cette bataille
politique, les « démocrates » de la
Maison-Blanche et leurs vassaux ont
brillé par l’incohérence de leur
politique. Au moment où Israël
détient un arsenal chimique,
biologique et nucléaire à même de
provoquer l’apocalypse, on craint
l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
Après moult efforts en vue de
désarmer la résistance libanaise,
après presque dix années de campagne
anti-iranienne pour justifier une
guerre sine die (pour laquelle les
Occidentaux ne semblent pas encore
prêts), l’heure est venue donc pour
entamer, dans une première phase, le
démantèlement de l’arsenal chimique
syrien avant de porter le coup
fatal. Quelle obsession !
Article publié sur
la
Nouvelle République
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