Chronique
Malhonnêteté
politique
Chérif
Abdedaïm

© Chérif
Abdedaïm
Lundi 11 février
2013
A entendre les propos de Manuel
Valls en réaction à l’assassinat de
Chokri Belaïd, on a envie de sourire
au lieu d’être sidéré. Pourquoi ?
Parce que d’abord, s’agissant des
troubles qu’a connues la Tunisie
depuis l’immolation de Bouazizi, la
France avait fait «un pas en avant
et deux pas en arrière».
Prise de vitesse et ne sachant
sur quel pied danser, la diplomatie
française n’avait fait que de
prendre acte à l’époque. Deux ans
après, un autre événement catalyseur
vient provoquer la colère des
Tunisiens. Cette fois-ci, ce n’est
plus une immolation mais bel et bien
un assassinat qui nécessite moult
questionnements. A ce propos, la
diplomatie tunisienne n’a trouvé
comme réponse qu’un simple
remaniement ministériel pour
prétendre apaiser les foules qui ont
renoué avec l’ancien slogan «Yaskot
ennidham». La France, sans doute
déçue d’avoir raté le premier train,
semble cette-fois ci réagir au bon
moment. Toutefois, ce qui chiffonne
dans cette réaction de Manuel Valls,
qui semble «soutenir les démocrates»
en Tunisie pour que les «valeurs de
la révolution du jasmin ne soient
pas trahies», condamner «un fascisme
islamique qui monte un peu partout
et cet obscurantisme» et affirmer
que «la France ne coopérera jamais
quand il s'agit de réprimer un
peuple», c’est qu’il semble oublier
que lors du premier soulèvement,
M.A.M. avait même proposé son aide à
Ben Ali pour réprimer son peuple. Et
puisque Valls soutient la thèse de
«cette démocratie pour laquelle les
peuples libyen, tunisien et égyptien
se sont battus», on a envie de lui
rappeler tout simplement la conduite
de son compatriote Nicolas Sarkozy,
l’artisan de la «démocratie» en
Libye. Dans ce contexte, nous nous
référerons aux récents propos
explosifs de l’homme d’affaires
franco-libanais Ziad Takieddine sur
le plateau de France 2 dans
l’émission de Laurent Ruquier «On
n’est pas couché». A cette occasion,
des révélations explosives ont été
faites par l’invité de la chaîne sur
la compromission de Nicolas Sarkozy
avec l’émirat du Qatar dans la
destruction de la Libye et
l’élimination physique de son guide.
«Ni pour des raisons de droits de
l’homme ou pour la démocratie, comme
on l’avait prétendu pour tromper
l’opinion publique française, mais
pour des raisons bassement
matérielles et personnelles»,
avait-il précisé. Cette guerre a été
fabriquée de toutes pièces selon
l’homme d’affaires franco-libanais :
«La guerre contre la Libye est une
histoire de pétrole avec le Qatar,
ça, vous pourrez en être certain.
Parce que le Qatar ne pouvait pas
s’engager dans une guerre sans une
grande puissance, cet émirat a
entraîné la France, qui a, à son
tour, entraîné l’OTAN». Rien de
démocratique, donc ! Alors,
persister à tromper l’opinion en
semant délibérément la confusion
entre coups d’Etat, assassinats et
démocratie dénotent à notre avis la
malhonnêteté politique. Le ministre
de l’Intérieur français ferait mieux
de résoudre d’abord cette équation
du «mariage pour tous» avant de se
poser en donneur de leçons.
Chérif Abdedaïm,
La Nouvelle République du
11
février 2013
Le sommaire de Chérif Abdedaïm
Le dossier
Tunisie
Les dernières mises à jour

|