Chronique
Presse ou
média-crasse ?
Chérif Abdedaïm

© Chérif
Abdedaïm
Mardi 10 avril 2012
Les
événements de Ghaza nous ont fait
découvrir une Autorité Palestinienne
prête à réprimer les manifestants de
Cisjordanie parce qu’ils ont osé
soutenir leurs frères assassinés sous
les bombes sionistes. Mahmoud Abbas, le
premier responsable au sein de cette
Autorité et sa Cour, se sont beaucoup
plus souciés du « qu’en dira-t-on »
sioniste que de la tragédie de leur
peuple.
On se souvient de la fameuse histoire de
la dame qui vendait les « Falafels »
parce que son mari, policier, avait été
licencié et emprisonné par les services
secrets de l’AP. Raison ? Le bonhomme ne
ratait jamais sa prière à la Mosquée.
Oui, c’est vraisemblablement un crime
que d’être musulman, statut prêtant à
l’amalgame avec « islamiste ». «
Islamiste » en Palestine, veut dire
faisant partie du Hamas. Dans ce
pseudo-syllogisme cela se traduit par «
terroriste ».
Et voilà, qu’après avoir pris leur
courage à deux mains, les deux frères
ennemis se sont réconciliés. Ouf, au
moins un geste qui allait unir les
Palestiniens. Dans cette atmosphère
pseudo-fraternelle - car, sait-on
jamais, la corde reste encore fragile
pour pouvoir céder un jour- l’Autorité
Palestinienne, qui paraît œuvrer pour
une vraie démocratie, semble répugner la
« critique », ou plutôt la liberté
d’expression de la presse palestinienne.
Tout serait-il parfait pour prémunir
cette Autorité des critiques ? Je ne le
pense pas. D’ailleurs, dans un passé
récent, beaucoup de « bavures » ont été
révélées sur les relations
secrètes entre certains responsables
palestiniens et le régime sioniste.
Hier,
c’étaient donc des
manifestants qui étaient réprimés,
aujourd’hui ce sont les journalistes qui
sont muselés. Si les intellectuels
Palestiniens sont privés de cette
liberté de la presse et d’expression
sous couvert de « respect de la primauté
du droit », comment Abbas et consorts
comptent-ils légitimer leur
lutte dans le monde. Par le passé,
n’était-ce pas ce terrain médiatique qui
avait fait défaut à la cause
palestinienne ?
Khaled
Amayreh nous apprend
récemment, dans un article, que «
plusieurs journalistes palestiniens ont
été interrogés et emprisonnés ces
derniers temps pour des articles qu'ils
ont écrits ou des opinions qu'ils ont
exprimées sur des personnalités de l'AP,
dont le président Mahmoud Abbas. L'un
des cas signalés est celui de Youssef
Shayeb, qui est incarcéré depuis la
mi-mars suite à un article qu'il a écrit
à la mi-janvier où il révélait une
présumée corruption financière et
administrative gangrénant la mission
diplomatique de l'Organisation de
Libération de la Palestine (OLP) à
Paris.»
Serait-ce
là un tort que de dénoncer un fléau qui
risque de dévier la lutte de ses
objectifs ?
Faudrait-il qu’Abbas et son Autorité
disposent d’un groupe de média-crasse,
minant, telle une gangrène, les
fondements même de cette lutte ? A moins
que l’objecteur de
conscience soit le régime sioniste ; là
c’est une autre question.
Chérif
Abdedaïm, La Nouvelle République du 10
avril 2012
Publié sur
La Nouvelle République
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