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L'EXPRESSIONDZ.COM
LE CALVAIRE DE GHAZA
Une éternité
après !
Pr Chems Eddine Chitour
© Photo: PCHR
Jeudi 31 décembre 2009
«Dans les temps de tromperie universelle,
dire la vérité devient un acte révolutionnaire.»
G. Orwell
Ghaza se meurt, Ghaza est morte! pourrait-on dire après les
crimes sans nom de l’opération Plomb durci et les crimes au
quotidien dus à la mort lente de l’espoir d’un peuple oublié de
Dieu et des hommes. Le dialogue suivant d’un enfant Omar avec sa
tante Aïcha nous peint d’une façon saisissante le traumatisme de
l’enfant et surtout son désespoir et sa perte de confiance.
Ecoutons-le nous interpeller tous autant que nous sommes, bien
installés dans nos certitudes, nos conforts et surtout notre
indifférence: «Explique-moi encore pourquoi ils nous ont
bombardés alors que j’étais en train de jouer devant la maison
avec Yasser et Nada? Tu sais, ils me manquent trop... maman
aussi...tu me dis toujours qu’ils sont au Paradis
mais...Pourquoi nous ne sommes pas partis avec eux? Je serais en
train de jouer avec eux, et maman me ferait encore le gâteau que
j’aimais trop...»(1)
«Tu pleures tante Aïcha?! Tu vois, toi aussi tu pleures alors
que tu me dis toujours de ne pas pleurer! Tu sais, toi aussi tu
as bien le droit de pleurer! Yasser et Muhammad, ton mari et ton
fils, tu les aimais, alors c’est normal que toi aussi tu
pleures! Moi, c’est surtout la nuit que j’ai du chagrin! Comme
la terrible nuit avec maman, tu sais quand les bombes sont
tombées sur notre maison et l’ont détruite. Maman avait du sang
sur la tête et je croyais qu’elle dormait... Je me suis allongé
à côté d’elle parce que j’avais peur! On a dormi trois nuits
comme ça! J’avais peur de me lever et de laisser maman toute
seule, elle avait froid, très froid...Tu pleures encore tante
Aïcha?...Après des gens sont venus nous aider...et ils ont amené
maman au Paradis. Elle te manque aussi maman, pas vrai?»(1)
«Dis tante, j’ai faim, j’aimerais bien du beurre sur mon pain
et du chocolat dans mon lait, oui...oui...oui...je sais tu me
l’as déjà répété mille fois...les Israéliens empêchent la
nourriture d’entrer à Ghaza!!! On pourra enfin quitter cette
tente où il fait très froid; j’en ai marre de la pluie qui
rentre partout! (...) Mais ça fait déjà des mois que tu me
racontes la même chose! Dis-moi, pourquoi les Israéliens
n’aiment pas les enfants palestiniens? Pourquoi ils détruisent
leurs maisons? Pourquoi ils tuent leur maman et leurs frères et
ne laissent pas entrer les jouets et le chocolat? Et puis tu es
toujours en train de me dire qu’il y a beaucoup de gens, des
musulmans et des chrétiens qui vont venir nous aider! Où
sont-ils tous ces gens dont tu parles mais que je ne vois pas?
Ils ne sont pas aussi nombreux que les Israéliens?»(1)
De fait, et malgré toutes les tentatives sporadiques d’ONG pour
attirer l’attention, Ghaza se meurt. Un an après l’opération «Plomb
durci», qui fit près de 1400 morts côté palestinien, seize
ONG accusent la communauté internationale d’avoir «trahi»
les habitants de la Bande de Ghaza. Pourtant, le blocus
israélien a perduré, ce qui a «empêché» la reconstruction
et les réparations nécessaires, dénoncent les ONG. Ces
organisations, parmi lesquelles Oxfam International, le Ccfd-Terre
solidaire et Amnesty International France, rappellent que plus
de 2,8 milliards d’euros d’aides avaient été annoncés en faveur
du territoire laissé exsangue par trois semaines de
bombardements, qui firent 600.000 tonnes de décombres. Mais «seule
une faible partie des sommes engagées ont été dépensées. Les
biens et équipements destinés à la reconstruction croupissent
dans des entrepôts en dehors de Ghaza et la région est toujours
en ruines (...). Seuls quarante et un chargements de matériaux
de construction ont été autorisés à entrer depuis, alors qu’il
en faudrait des milliers.» Les conséquences, recensées par
l’ONU et les ONG déployées sur le terrain, sont multiples: cet
été, vingt mille personnes vivaient toujours loin de chez elles;
90% des Ghazaouis subissent des coupures de courant quatre à
huit heures par jour, ainsi que des coupures d’eau, dont
seulement 5 à 10% est potable; les destructions dans les
entreprises ont intensifié le chômage, qui a atteint 40%; près
de la moitié des terres agricoles ont été rendues inexploitables
par le passage des blindés israéliens et l’extension de la
zone-tampon à la frontière avec Israël; le fonctionnement des
secteurs-clés de la santé et de l’éducation demeure très
perturbé. (...) Le blocus, commencé en juin 2007, «a
fortement aggravé la pauvreté, contribuant à rendre 80% de la
population dépendants de l’aide internationale»,
ajoutent-elles. Le blocus imposé par Israël depuis l’arrivée au
pouvoir du Hamas en 2007 dans ce territoire palestinien viole la
convention de Genève relative à la protection des personnes
civiles en temps de guerre, qui interdit les «punitions
collectives», selon elles. Elles terminent par un «appel
à l’action», notamment à destination de l’Union européenne,
pour obtenir la levée du blocus.(2)
La duplicité de
l’Egypte
«Ghaza ne peut pas continuer, déclare le président Sarkozy, à
être la plus grande prison à ciel ouvert du monde! Mais pour
cela, il faut que soit mis un terme au trafic illégal des armes.
La lutte contre la contrebande d’armes à destination de Ghaza
est un élément essentiel de la consolidation de la paix et je
veux saluer l’action de l’Egypte dans ce domaine. L’Europe et
les Etats-Unis ont d’ailleurs dit au gouvernement égyptien leur
disponibilité pour apporter un soutien.» Effet immédiat
après le massacre: les vedettes françaises - par un phénomène
d’ingérence intolérable - déclarent de facto «la guerre au
Hamas» en lui interdisant de se battre.(3)
L’histoire ne s’arrête pas là. Pour le camp occidental, il faut
aider l’Egypte - qui a empêché pendant les massacres israéliens
les ambulances transportant des blessés de pénétrer en Egypte -
à étrangler de son côté définitivement le Hamas. Comment? Le
chef des services de renseignements militaires français, Benoît
Bougier a visité le site de construction du mur d’acier de Ghaza,
sur la zone frontalière entre l’Égypte et la Bande de Ghaza,
afin de réduire le phénomène des tunnels.
Au cours de sa visite, il a rencontré des officiers français qui
participent avec des militaires égyptiens à la supervision de la
construction de la paroi de fer longeant l’axe de Salaheddine
afin de fermer les tunnels de passage des marchandises le long
de la frontière entre la Bande de Ghaza et l’Egypte. Il a
rencontré, avant son arrivée dans la zone frontalière, les
responsables de la direction américaine, créée spécifiquement
pour suivre et superviser le processus de fermeture des tunnels
basée à l’ambassade américaine au Caire. Le chef des services de
renseignements militaires français s’est aussi réuni avec la
direction exécutive du projet basée dans la ville égyptienne
d’El Arish, avant d’atteindre la frontière pour voir par
lui-même les grues égyptiennes géantes creuser et incruster des
plaques géantes d’acier de 50 cm d’épaisseur à 18 mètres de
profondeur dans lesquelles les officiers, français et américains
ont installés des capteurs hypersensibles ayant pour mission de
signaler toute tentative d’infiltration souterraine.(4)
Karim Mohsen du journal L’Expression résume assez bien la
duplicité de l’Egypte. Ecoutons-le: Aide internationale aux
Palestiniens bloquée, et cerise noire sur le gâteau, pour ainsi
dire, construction d’un nouveau mur de la honte entre l’Egypte
et la Bande de Ghaza, après celui de Cisjordanie construit par
Israël. Comment les Egyptiens en sont-ils arrivés là et à
justifier un tel forfait envers leurs «frères arabes»
palestiniens? (...) La Bande de Ghaza sous strict isolement
israélien, depuis près de trois ans, n’avait certes pas besoin
de ce surcroît d’épreuves créées par l’Egypte qui participe
ainsi à ce blocus. Après avoir tenté de démentir, Le Caire a dû
reconnaître implicitement par la voix de son chef de la
diplomatie, Ahmed Aboul Gheit - qui expliquait que son pays «avait
le droit de contrôler sa frontière». L’Egypte, devenue
alliée stratégique d’Israël, participe ainsi activement de son
côté à l’étranglement de la population de Ghaza pour la
contraindre à se soumettre à Israël. Ne s’arrêtant pas là, Le
Caire a bloqué en sus, un convoi d’aides - européennes, turques
et arabes avec de la nourriture et du matériel médical - arrivé
mercredi en Jordanie en provenance de Syrie et se dirigeant vers
le port jordanien d’Aqaba, constitué de 250 camions de vivres
destinés à la population de la Bande de Ghaza.(...)(5)
«Place aux Vivants!», s’exclame Myriam Abraham, aux
Ghazaouis, c’est eux qu’il faut sauver et dont il faut
impérativement parler. Que les Morts reposent en paix et qu’on
cesse de manipuler leurs cadavres décomposés à des fins
politiques sordides pour justifier l’injustifiable: le génocide
des Palestiniens par les Sionistes. Le bullodozer médiatique
sioniste de l’Holocauste a encore frappé avec cette stupide
histoire de Vol de l’enseigne de l’entrée d’Auschwitz «Le
travail rend libre».
Un an, bientôt un an, qu’une blitzkrieg sauvage, dévastatrice
menée avec pour seul but de tuer, massacrer des civils, de punir
une population enfermée, affamée, de détruire les
infrastructures autorisant un semblant de survie, a déferlé sur
la Bande de Ghaza, sa population palestinienne assiégée. Mais
qui, dans les médias bien pensants «s’est à l’époque insurgé
contre ce Vol de vies, Qui? Qui, dans les médias aujourd’hui,
s’insurge contre ce blocus qui se poursuit de par la volonté
cynique, diabolique des sionistes qui, non contents d’asservir
la Palestine agissent pour asservir par agents d’influence
interposés (Aipac, Crif, écrivains, hommes politiques...) les
pays dits influents sur la scène politique internationale? Place
aux enterrés Vivants, aux Ghazaouis! C’est eux qu’il faut
sauver! Que le Monde scrute Ghaza, qu’il entende Ghaza, qu’il
célèbre Ghaza! Auschwitz c’est du passé, c’est Ghaza qu’il faut
sauver!»(6)
Il faut cependant témoigner que ce que fait Israël est aussi
dénoncé par des intellectuels juifs à l’instar d’Illan Pappe,
Amira Hess et tant d’autres. Dans Etre juif après Ghaza,
l’intellectuelle Esther Benbassa se demande jusqu’à quand la
grande majorité des juifs de France va-t-elle continuer à
cautionner les yeux fermés tous les actes d’Israël? Même les
plus odieux, comme les bombes au phosphore déversées sur Ghaza.
(...) C’est simplement un cri, un cri de rage ou de colère d’une
Française qui se présente ainsi: «C’est parce que je suis une
juive sans Dieu, qu’Israël fait partie de la religion que je
n’ai pas, mais c’est aussi parce que j’y ai grandi, que je tiens
à son existence et ne puis donc qu’être critique.»
«Que dit-elle? Que les Israéliens sont "égarés" par leur
nationalisme. Un nationalisme que redoutait déjà un juif en
1917, instituteur à Ispahan». «Le premier usage de leur
liberté que font les peuples nouvellement délivrés du joug est
de persécuter les éléments étrangers se trouvant parmi eux, et
que la tyrannie qu’ils exercent est en fonction directe de celle
qu’ils ont supportée», écrivait cet instituteur au début du
siècle dernier.
«En devenant israéliens, ces juifs ont-ils été frappés
d’amnésie jusqu’à oublier les principes premiers de l’éthique,
socle de leur être juif?», s’interroge Ester Benbassa dans
Etre juif après Ghaza. Comment des juifs, dont les parents ont
vécu la persécution, la souffrance, peuvent-ils tolérer qu’un
autre peuple, les Palestiniens, connaisse un sort similaire? «Ghaza,
c’est un nouveau mur qui s’élève en diaspora, celui de
l’impossible communication entre les juifs et leur entourage,
qui ne peut plus comprendre leur excessive tolérance à l’endroit
d’Israël», lance Esther Benbassa, qui écrit: «Je ne veux
pas non plus être juive et approuver cette guerre immorale que
mène Israël.»(7)
Fidèle à lui-même, Mahmoud Abbas fait semblant de «menacer de
démissionner». Les Occidentaux et Israël le supplient et pour
cause, de rester à son poste, il continue à déclarer la guerre
au Hamas et indirectement aux Palestiniens de Ghaza pris en
otage entre le marteau israélien et l’enclume égyptienne.
Mahmoud Abbas laisse faire. Pour lui, c’est une occasion
inespérée d’étouffer le Hamas en lui coupant les vivres. Mieux
encore, Mahmoud Abbas a affirmé dans un entretien accordé au
Wall Street Journal qu’il n’y aura pas de nouvelle intifada
contre l’entité sioniste tant qu’il occupe ses fonctions. Selon
des sources proches du Hamas, tous les cadres du mouvement de
résistance palestinienne à Jenine, qui ont été libérés récemment
par l’entité sioniste après avoir été incarcérés pendant
plusieurs années pour leur participation à la bataille de cette
ville, ont été de nouveau kidnappés, mais par les forces de
l’Autorité palestinienne.(8)
Compter sur soi
Il est de la plus haute importance que les Palestiniens
retrouvent entre eux le chemin du dialogue. Ils ne peuvent
compter que sur eux-mêmes.
Cependant, l’horreur de Ghaza ne doit pas rester impunie. Car
cette série d’actes barbares, défie toute éthique, toute loi,
toute morale. On continue à rechercher des criminels d’il y a
près de 70 ans après la Seconde Guerre mondiale comme ce gardien
d’un camp de concentration à 90 ans passés que l’on a fait
comparaître sur une civière avec une ampoule à perfusion!!
Pendant ce temps, les responsables actuels de génocides au
quotidien courent toujours. Le feu de paille quant à
l’arrestation de Tzipi Livni suite à un ordre d’un juge anglais
dans le cadre du rapport Goldstone est peut-être le début d’une
prise de conscience. Pourtant, Israël continue de passer d’une
impunité à une autre. Elle vient d’autoriser la construction de
450 logements à Jérusalem-Est. Pas de condamnation dans les
faits. Ainsi va le monde et la «pax israéla» autrement
dit la paix des cimetières...
1.Ghaza, un an après: la tragédie continue et nous n’oublions
pas!
http://www.alterinfo.net/Ghaza,-un-an-apres-la-tragedie-continue-et-nous-n-oublions-pas!_a40553.html
20 Décembre 2009
2.Un an après l’offensive israélienne, Ghaza «abandonnée» Le
Monde.fr 22.12.09
3.Entretien du président Sarkozy avec le quotidien koweitien Al
Qabas le 11 février 2009
4.Les Français participent à l’enfermement de Ghaza. 24 Décembre
2009 http://french.irib
5.Karim Mohsen: Le Caire supplétif d’Israël? L’Expression 27
Décembre 2009
6.Myriam Abraham
http://www.planetenonviolence.org/Auschwitz-C-est-Du-Passe-C-est-Ghaza-Qu-il-Faut-Sauver-!_a2081.html
23 Décembre 2009
7.Ian Hamel: Le cri de colère d’Esther Benbassa. Site Oumma.com
17 novembre 2009
8.http://www.almanar.com.lb 24 Décembre 2009
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 31 décembre 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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