Opinion
La désunion
africaine : Prélude à la recolonisation
Chems
Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Lundi 28 janvier 2013
«Lorsque tu ne
sais pas où tu vas, regarde d'où tu
viens.»
Proverbe
africain
Placé sous le signe de la célébration du
cinquantenaire de la fondation de
l'Organisation de l'unité africaine
(OUA), devenue l'Union africaine (UA),
le sommet a retenu pour thème «le
Panafricanisme et la renaissance
africaine». Le sommet examinera
également les récents développements
liés aux défis de la paix, de la
sécurité et du développement sur le
continent. M.Sellal prendra part
également à la réunion du Conseil de
paix et de sécurité (CPS) de l'UA,
consacrée à la situation au Mali, ainsi
qu'au 28e sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement du Comité d'organisation du
Nepad et à la 18e session du Forum des
chefs d'Etat et de gouvernement du
Mécanisme africain d'évaluation par les
pairs (Maep). Pendant ce temps, l'autre
Afrique, groupée autour de la CEDEAO est
en guerre réelle. Le vent semble
souffler dans la bonne direction pour
elle. (1)
Il est curieux de constater comment les
chefs d'Etat ont une résiliance à
rebondir dans toutes les positions pour
garder le pouvoir à tout prix. Les
allégeances et les changements
d'alliance sont un quotidien de ces pays
avec une nouvelle donne, De quoi
parle-t-on, d'une Afrique où les deux
tiers des Africains n'ont pas accès à
l'électricité, où le milliard
d'individus exporte moins qu'un pays
comme l'Allemagne. Et pourtant, quels
rêves n'ont pas bercé les Africains au
sortir des colonisations. Aimé Césaire a
eu raison d'écrire que «la lutte pour
l'indépendance c'était l'épopée et que
l'indépendance acquise c'est la
tragédie». Nous sommes en pleine
tragédie! L'un des grands malheurs de
l'Afrique, outre la famine endémique due
notamment à une histoire coloniale, mais
pas seulement, mais aussi à des
dirigeants qui perpétuent l'ordre
colonial à leur profit, tout en prenant
la précaution d'être adoubés par leurs
anciens maîtres, est une nouvelle forme
d'asservissement à distance où
l'Africain travaille pour d'autres mais
est incapable de subvenir à ses besoins.
Serait- ce que parce qu'il n'est pas
encore «entré dans l'histoire» où est-ce
un atavisme, voire une malédiction?
On connait déjà le pillage des matières
premières du sol et du sous-sol de
l'Afrique, notamment l'énergie et les
métaux rares comme le coltran que l'on
utilise dans les technologie de la
communication (ordinateur, téléphones
mobiles...). Ce coltran est revendu cent
fois son prix par des intermédiaires
sans foi ni loi à des multinationales
occidentales très discrètes sur cette
nouvelle traite autrement plus abjecte
que la traite historique de ces mêmes
civilisateurs en terre de conquête et
d'évangélisation de ces peuplades
barbares qui devaient obligatoirement
être touchées par l'Evangile au nom de
la «règle des trois C».
Christianisation, Commerce,
Colonisation. Une autre colonisation,
véritable post-colonialisme qui perpétue
l'exploitation «consentante» de
l'indigène par des allogènes venus tirer
le meilleur profit de la terre africaine
pour nourrir les nouveaux colons à
distance.. L'accaparement des terres
agricoles en Afrique par des Etats
étrangers et des multinationales a été
plusieurs fois dénoncé, notamment en
février 2011 à Dakar, à l'occasion du
Forum social mondial, par l'ONG
Actionaid. Les
crises au cœur des travaux de l'Union
Africaine
Avant tout, c'est la situation au Mali
qui dominera les travaux du 20e Sommet
des chefs d'Etat et de gouvernement de
l'Union africaine (UA), qui s'ouvre
demain à Addis-Abeba et se penchera sur
d'autres conflits ou zones de tension
sur le continent, a-t-on annoncé auprès
de l'organisation panafricaine. «Nous
tentons de trouver une solution à la
situation au Mali, mais il nous faut des
ressources. Les opérations de maintien
de la paix sont très coûteuses et nous
mettons l'accent sur les mesures de
prévention», a notamment déclaré le
directeur de la Paix et de la Sécurité
de la Commission de l'UA, El Ghassim
Wan, lors d'une conférence de presse. Il
a déclaré que les efforts pour mobiliser
des fonds et le soutien logistique
requis pour appuyer la mission
internationale d'intervention au Mali (Misma)
seraient boostés par une réunion de l'UA
et de la Communauté économique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui
apporte une contribution de 3.500
soldats à la Misma, prévue en marge du
Sommet de l'UA.
Plusieurs pays ouest-africains ont
déployé des troupes au Mali pour aider
les forces maliennes à reprendre le
contrôle du Nord pris l'année dernière
par des groupes terroristes. La France a
également envoyé des troupes et apporté
un soutien aérien. Outre la situation au
Mali, le sommet devrait également se
pencher sur plusieurs autres conflits ou
zones de tension sur le continent. La
présidente de la Commission de l'UA, la
Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma,
élue lors du précédent sommet en
juillet, a notamment évoqué cette
semaine la «réémergence de conflits dans
l'est de la République démocratique du
Congo (RDC), en Guinée-Bissau et en
République centrafricaine». Si les
combats ont cessé dans la province du
Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, les
pourparlers à Kampala entre gouvernement
et rebelles du M23 avancent péniblement
et la rébellion continue d'étendre son
emprise, ont accusé des ONG locales. Le
Conseil exécutif de l'Union africaine se
propose de présenter aux chefs d'Etat et
de gouvernement un projet de déclaration
en signe de solidarité avec l'Algérie,
après l'attaque terroriste contre le
site gazier de Tiguentourine (In
Amenas), a-t-on appris hier auprès de
cette instance. La présidente de la
Commission de l'Union africaine (UA),
Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, a
«fermement» condamné l'attaque
terroriste perpétrée contre le site
gazier de Tiguentourine à In Amenas
(Illizi) et exprimé la solidarité de
l'UA avec l'Algérie.
Les vrais enjeux planétaires
Pendant que l'Afrique peine à se
redéployer, le forum des Riches
s'inquiète des changements climatiques.
Une étude publiée en amont du sommet de
Davos, qui aura lieu à la fin du mois,
évoque les conséquences désastreuses
probables du réchauffement climatique et
préconise d'agir vite. Le forum de Davos
(ou Forum économique mondial) n'est plus
ce qu'il était. Ce forum devrait mettre
cette année à l'honneur le réchauffement
climatique comme le montre son rapport
«Global Risks», sorte d'introduction à
la grande réunion, publié le jeudi 24
janvier. Ce rapport estime la
probabilité du risque appelé
augmentation des émissions de gaz à
effet de serre à 3,91 sur une échelle
qui va de 1 à 5, et estime sa gravité à
3,85 sur une échelle qui va de 1 à 5.
«Hésiter à agir maintenant ne ferait
qu'ajouter au fardeau des générations
futures.»
Pendant que les Africains s’étripent et
font des conférences zerda ou tam tam
selon, L'Europe, elle, avance , elle
s'inquiète à jute titre des gaz de
schiste aux Etats-Unis. L'UE redoute la
hausse de l'exploitation du gaz de
schiste aux Etats-Unis. Un renforcement
de l'activité industrielle américaine
grâce à sa capacité d'exploitation des
réserves de gaz de schiste suscite des
craintes du côté des entreprises
européennes énergivores en péril. Ces
dernières pourraient plus que jamais
connaître des difficultés à rivaliser
contre les entreprises américaines.
Des appels demandant à l'UE de trouver
un «remède magique» et de rivaliser
contre les États-Unis en exploitant du
gaz de schiste grâce à la méthode de
«fracturation» suscitent toujours une
controverse en raison des préoccupations
d'ordre environnemental et logistique.
En partie grâce à ses réserves de
schiste, les États-Unis devraient
devenir autosuffisants en pétrole et en
gaz d'ici 2035. Ils devraient dépasser
la Russie dans la production de gaz
d'ici 2015 et l'Arabie Saoudite dans
celle du pétrole d'ici 2017, selon des
prévisions récentes de l'Agence
internationale de l'énergie.(4)
Le gaz de schiste crée de ce fait, une
situation dans laquelle les États-Unis
disposent d'une sécurité énergétique
d'un niveau beaucoup plus élevé et de
coûts énergétiques plus bas que dans le
passé. De plus, le Royaume-Uni a levé
son interdiction sur l'exploration de
gaz de schiste le 13 décembre 2012,
malgré des craintes d'ordre
environnemental, car il aspire à jouer
un rôle prépondérant dans le secteur.
Les pays sur la liste de la
recolonisation
«Le Mali, qui fait l'objet des
attentions occidentales et
particulièrement de la France a mangé
son pain blanc. Il est hors de doute que
les troupes françaises sont installées
le temps qu'il faut.» Parmi ses
richesses citons quelques-unes: l'Or -
Mali: le troisième plus grand producteur
d'or de l'Afrique avec une exploration à
grande échelle en cours. Le Mali est
connu pour son or depuis le Grand Empire
malien et le pèlerinage à La Mecque de
l'empereur Kankou Moussa en 1324; dans
sa caravane, il transporta plus de 8
tonnes d'or! Le Mali a le potentiel de
développer son exploitation de diamants:
dans la région administrative de Kayès
(région minière), le Mali a, selon les
estimations, plus de 2 millions de
tonnes de potentielles réserves en
minerai de fer, situées dans les zones
de Djidian-Kenieba, Diamou et Bale. Les
réserves de bauxite sont estimées à 1,2
million de tonnes et elles sont situées
à Kita, Kenieba et Bafing - Makana. Des
traces de manganèse ont été découvertes
à Bafing - Makana, Tondibi et Tassiga.
Les autres ressources minières et
potentielles au Mali. Le potentiel
pétrolier du Mali est répertorié depuis
les années 1970 où des séismes
sporadiques et des forages avaient
permis de découvrir des traces de
pétrole. Avec l'augmentation globale du
prix du pétrole et du gaz, le Mali a
accéléré la promotion et la recherche de
nouvelles explorations, productions et
exportations pétrolières. En juillet
2008, le gouvernement malien a modifié
la loi sur l'exploration pétrolière,
faisant passer la période d'exploration
de 10 à 12 ans. Cette nouvelle loi a
pour objectif d'augmenter l'attractivité
de l'exploration pétrolière, du
transport et du raffinage au Mali.
L'autre proie est le Niger: «Le Niger
est encore considéré par le Pnud
(Programme des Nations unies pour le
développement) comme le pays le plus
pauvre du monde. Cette pauvreté est
avant tout le fruit d'une impossibilité
pour le peuple nigérien d'exprimer sa
souveraineté à travers son propre
appareil étatique. Pour la France, la
question du Niger est très ancienne et
date de l'époque coloniale. Dès 1956,
des études géologiques révèlent la
présence d'importantes mines d'uranium
dans le Sahara, en particulier dans la
région du Sahel(...) La création de l'Ocrs
correspondait avec celle d'un ministère
du Sahara et d'un Commandement militaire
du Sahara: l'Ocrs qui comportait le sud
de l'Algérie, est dissous à
l'indépendance de l'Algérie en 1962.
Mais, le 7 avril 1961, la France noua
avec ses anciennes colonies des «accords
de défense» qui lui offrirent un accès
exclusif aux ressources de l'Afrique,
dont l'uranium nigérien.
Une vieille règle africaine veut qu'«on
n'accepte les élections que si l'on est
sûr de les gagner». C'est dans les
faits, vrai dans la plupart des
élections à l'africaine, exception faite
de l'Afrique du Sud. Est-ce à dire que
l'Afrique n'est pas mûre pour la
démocratie et l'alternance? Ou est-ce
les intrigues et les soutiens occultes
et les promesses aux parrains, notamment
occidentaux qui font que celui qui
bafoue les élections a, d'une façon ou
d'une autre, protégé ses arrières ?.
Analysant le pourquoi de cette situation
en Afrique de l'Ouest et comment elle a
basculé entre les mains des
narcotrafiquants, Christophe Champin,
journaliste à RFI, explique cela par la
faiblesse des Etats: «L'Afrique de
l'Ouest est apparue comme une
plate-forme idéale: elle est proche de
l'Europe, les Etats y sont fragiles avec
des structures faibles et une corruption
forte. C'était donc facile de
s'implanter pour en faire une
plate-forme de stockage et de
redistribution.» «(...) la principale
difficulté est de contourner la
corruption des élites, policière,
judiciaire ou politique. En clair, il
est compliqué de mettre en place des
structures de lutte antidrogue
centralisée, lorsque l'entourage d'un
chef d'Etat est mêlé à ce trafic.» (5)
Pour rappel, le défilé du 14 juillet
2010, «africain» a provoqué la colère
d'anciens colonisés, responsables de
l'opposition camerounaise. «C'est une
insulte intolérable à la mémoire des
héros et martyrs des luttes pour
l'indépendance (...). Les peuples
d'Afrique
n'oublieront jamais les crimes commis
par les colonialistes», affirment-ils.
Et de proposer qu'un défilé ait lieu à
Addis-Abeba, la capitale de l'Ethiopie
et siège actuel de l'Union africaine.(6)
Pour une alternance endogène
Voilà donc des pays en coupe réglée qui
ne créent pas de la richesse, mais qui
confient les richesses naturelles du
pays aux multinationales occidentales
qui, elles, ne transforment pas sur
place. D'ailleurs, le nombre d'emplois
est très faible par rapport aux recettes
engrangées. Par contre, le port
d'Abidjan est l'un des plus importants
de la région! Les mêmes instances qui
ont condamné Gbagbo aujourd'hui au
profit de Alassane Ouattara, salueront
demain la réélection d'autres tyrans.
C'est cela la vision démocratique de
l'ultralibéralisme. A l'évidence, il n'y
aura pas, du fait des interférences
continuelles de l'Occident, d'alternance
endogène. La boutade de Jacques Chirac
est, une fois de plus, d'une brûlante
actualité. «Quand les riches se font la
guerre, ce sont les pauvres qui
meurent», disait Jean-Paul Sartre, en
l'occurrence les dizaines de morts
actuels en Côte d'Ivoire meurent pour
des personnalités assoiffées de pouvoir
et qui ne veulent pas passer la main.
C'est là tout le drame de l'Afrique. Du
fait des ingérences continuelles, les
potentats au pouvoir se prennent pour
des messies et à ce titre ils sont
irremplaçables.
Les successions sont généralement
sanglantes et se règlent, soit par
l'émeute, soit par le darwinisme. A
quand une Afrique où l'alternance sera
inscrite dans le marbre? La vraie
richesse de l'Afrique, c'est cette
jeunesse en panne d'espérance. Lors des
rendez-vous traditionnels, des «sommets
africains» où les dirigeants donnent
l'impression de vivre sur une autre
planète, déconnectés des aspirations
démocratiques de liberté, de seulement
vivre dans la dignité de leurs
peuples.(7)
Les kermesses actuelles, les rendez vous
annuelles ne doivent pas cacher que plus
que jamais et pour paraphraser René
Dumon, l’Afrique est mal partie. Le
Nepad, l'évaluation entre les pairs,
autant de poudre aux yeux des Africains
harassés par la gabegie sans fin des
gouvernants adoubés par l'Occident.
1.
http://www.elmoudjahid.com/fr/actualites/37437
2.
http://www.legrandsoir.info/l-afrique-nourrit-les-autres-le-grabbing-des-terres.html
3. http://reports.weforum.org/global-risks-2013/section-seven-online-only-content/data-explorer/
4.
http://www.euractiv.com/fr/editionspeciale-industrie-europe/ue-redoute-la-hausse-de-exploita-news-517276
5. D.Servenay:L'Afrique noire, nouvel
eldorado des cartels de drogue Rue89
03/07/2010
6. «Faire défiler nos soldats sur les
Champs-Elysées est une insulte»: 707
2010 Le Matin Dz
7.C.E. Chitour: L'alternance au pouvoir
en Afrique: L'ingérence continuelle de
l'Occident
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié le 28 janvier 2013 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
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