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L'EXPRESSIONDZ.COM
SALAH HAMOURI ET GILAD SHALIT
Deux français, deux collèges
Pr Chems Eddine Chitour
Salah Hamouri
Dimanche 3 mai 2009
«Seule la vérité peut affronter l’injustice. La vérité, ou
bien l’amour.»
Albert Camus Encore une fois, l’ambivalence du
discours sur l’égalité a rattrapé la France dans les dossiers
des deux Français Hamouri et Shalit. «Le 17 avril 2008, écrit
Hassane Zerrouky, un tribunal militaire israélien siégeant en
Cisjordanie occupée a condamné le jeune Salah Hamouri à sept ans
de prison pour tentative d’assassinat sur le rabbin d’extrême
droite, Yossef Obadia, chef du parti religieux Shass qui, soit
dit en passant, avait publiquement déclaré que les "Arabes
étaient des cafards qu’il fallait exterminer".! La mère du jeune
Franco-Palestinien, Denise Hamouri, a réagi comme toutes les
mères l’auraient fait: elle a interpellé les plus hautes
autorités françaises afin qu’elles agissent auprès d’Israël. Ces
dernières, si promptes à réagir quand il s’agit de
ressortissants français détenus à l’étranger, ont fait montre de
profil bas dans le cas de Salah Hamouri. Et c’est le moins qu’on
puisse dire. En effet, comment expliquer le zèle mis par la
présidence de la République française pour obtenir la libération
du soldat franco-israélien, Gilad Shalit, fait prisonnier par le
Hamas en 2006, à la suite d’un accrochage avec les forces
israéliennes, celle d’Ingrid Betancourt en Colombie ou tout
récemment celle de cette jeune Française détenue au Mexique, et
qu’elle n’a rien entrepris en ce qui concerne Salah Hamouri?»(1)
Dans cette affaire, la France a fait montre de deux poids, deux
mesures. Bien que Français, Salah Hamouri est sans doute
considéré comme un citoyen de seconde zone. «Je peux
comprendre l’émotion de M.Sarkozy face à la situation de Gilad
Shalit puisqu’il s’intéresse à tous les Français où qu’ils
soient. Mais apparemment cela ne concerne ni la Palestine ni les
Franco-Palestiniens», écrivait Denise Hamouri, la mère de
Salah, dans les colonnes de L’Humanité.(1)
Il n’en fallait pas plus pour que des personnalités et des
associations dénoncent ce parti-pris et ce régime de deux poids,
deux mesures s’agissant en définitive de deux Français.
L’association France-Palestine Solidarité tient, en ce 15
juillet 2008, à exprimer une nouvelle fois sa plus vive
consternation devant l’incroyable mépris, attentatoire aux
valeurs fondamentales de la République et aux droits de l’Homme,
dont font preuve les autorités françaises, à commencer par le
président Nicolas Sarkozy, concernant la dramatique situation
d’un jeune Franco-Palestinien, Salah Hamouri, condamné à une
peine de prison de 7 ans par un tribunal militaire israélien.
Alors que de manière systématique le président français évoque
le seul cas d’un jeune Franco-Israélien, Gilad Shalit, capturé
en uniforme tandis qu’il est caporal dans l’armée Israélienne
qui est une force d’occupation, pour demander sa libération pure
et simple sans conditions, il n’a jamais eu le moindre mot pour
notre compatriote Salah Hamouri kidnappé par l’armée israélienne
et accusé, sans le moindre début de preuve, d’actes hostiles
contre le rabbin Yossef Ovadia, chef du parti Shass qui soutient
le gouvernement Olmert, ou du moins ce qu’il en reste.(2)
L’ambivalence de la France
La Présidence française fait savoir aussi qu’en «marge»
de la visite d’Etat du président Sarkozy en Israël la question
de la recherche d’une solution humanitaire pour Salah Hamouri a
été posée qui respecte «l’indépendance de la justice
israélienne». (....) En vérité, dans tous ces cas évoqués,
il s’agit seulement et uniquement de décisions politiques. De
même est uniquement et fondamentalement politique le fait que
Nicolas Sarkozy demande la libération de Gilad Shalit et pas
celle de Salah Hamouri. Il ne peut y avoir des Français moins
français que d’autres. Le droit et le respect des libertés sont
d’application universelle ou ne le sont pas. Il n’y a pas
d’autre voie possible, du moins d’un point de vue des principes.
En conséquence, l’AFPS demande solennellement que les autorités
françaises mettent tout en oeuvre pour obtenir la libération de
Salah Hamouri. Elle en appelle à la conscience, à la justice et
à l’équité de tous.(2)
Autant la France se «mobilise» pour obtenir la libération
du Franco-Israélien Gilad Shalit. Mobilisée entre guillemets,
autant Nicolas Sarkozy, même s’il s’est fendu d’une lettre de
soutien à la famille de Gilad, n’entend faire pression que sur «tous
ceux qui parlent ou peuvent parler aux ravisseurs» de Gilad.
Ce qui signifie que la France s’adresse et s’adressera aux
Palestiniens et Egyptiens, mais en aucun cas aux Israéliens (qui
détiennent tout de même plus de 11.000 Palestiniens dont des
députés et dont Salah Hamouri). Autant on ne peut dire que le
sort de Salah Hamouri ne préoccupe pas trop notre président. En
effet, ce dernier a récemment refusé de recevoir Denise Hamouri,
la mère de Salah. Et d’après le journal Politis du 26/03/2009,
Nicolas Sarkozy n’a pas adressé un mot «au président
israélien Shimon Peres ou à la ministre des Affaires étrangères,
Tzipi Livni».(3)
Comble d’allégeance ou de vilenie, le Conseil de Paris a décidé,
le 16 décembre, de faire citoyen d’honneur de la Ville de Paris
le Franco-Israélien Gilad Shalit, détenu depuis 2006. Mais pour
Salah Hamouri, détenu depuis 2005, la même demande, présentée
par les élus Verts a été rejetée, pire le texte adopté à son
encontre est mensonger. (...) C’est sur le non-respect des
conventions internationales, notamment la convention de Genève,
que le Conseil de Paris appuie sa décision de faire citoyen
d’honneur le Franco-Israélien. Vouloir le respect du droit
international et agir pour le promouvoir, est une bonne chose.
Mais alors pourquoi n’avoir pas fait de même pour Salah? Dans le
voeu à minima pour Salah il n’est nullement fait mention que les
conventions internationales et la Déclaration universelle des
Droits de l’Homme sont violées par Israël à son encontre. Ce qui
est inacceptable c’est de voir un Conseil de Paris, institution
démocratique, reprendre la phraséologie d’un tribunal militaire
national. Les élus municipaux en adoptant ces voeux, mettent en
oeuvre une politique de la ville déséquilibrée, une politique du
deux poids, deux mesures. Par contre, à Marseille, les choses se
sont passées autrement.(4)
Le Collectif Palestine de Marseille a réussi à faire détacher
l’affichage du portrait de Gilat Shalit soldat d’occupation de
l’armée israélienne sur les murs d’une mairie de Marseille, le
jeudi 19 février.
Enfin, il faut savoir que même les médias lourds ont fait preuve
d’un rare ostracisme mettant carrément le black out sur le cas
Hamouri. À TF1, les Français ne sont pas tous égaux La première
chaîne française de télévision veut être celle de tous les
Français et pourtant, ses journalistes, oublient obstinément au
moins un Français. Ainsi, le 2 janvier dernier, profitant de la
visite de Nicolas Sarkozy en Israël, la rédaction de TF1 a
diffusé un sujet tourné à Jérusalem où «une famille attendait
beaucoup de cette visite». Toutefois, à Jérusalem, une autre
famille attend son fils, otage de ce conflit
israélo-palestinien. Il s’agit de la famille Hamouri. Salah
Hamouri, jeune Franco-Palestinien, est retenu prisonnier en
Israël sans qu’il ait commis d’actes délictueux. Mais pour TF1,
il semble que les Français ne sont pas tous égaux. Les
journalistes de TFI ignorent peut-être les droits et devoirs de
leur fonction. La Charte des devoirs et des droits des
journalistes dite «Charte de Munich» dans son premier
article précise que les journalistes doivent «respecter la
vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour
lui-même, en raison du droit que le public a de connaître la
vérité». Or, la vérité concernant Salah Hamouri n’est ni
révélée, ni respectée.(5)
Gilad Atzmon, écrivain israélien du camp de la paix, en réaction
à une lettre du père gilad Shalit où il fustigeait le Hamas, lui
répond: «Voici de cela quelques jours, Noam Shalit (le "père
de") a fustigé le Hamas, au motif que celui-ci retiendrait son
fils prisonnier sans raison. Miraculeusement, il a réussi le
tour de force d’oublier que son fils Gilad était bel et bien un
soldat combattant, qui servait en tant que gardien de mirador
d’un camp de concentration, et qu’il avait été capturé dans un
bunker blindé surplombant Ghaza...».
La saga de Gilad Shalit est, à n’en pas douter, un cas d’étude
exemplaire de l’identité israélienne. En dépit du fait que Gilad
Shalit est un soldat et qu’il a été directement impliqué dans
les crimes de l’armée israélienne contre une population civile,
les Israéliens et les lobbies juifs, dans le monde entier,
persistent à le présenter comme une «victime innocente».
Le slogan massue de la campagne pour Shalit est celui-ci: «Gilad
Shalit, un être humain, un Juif». Que peut-il donc bien y
avoir, dans ce titre de «Juif», qui puisse être dans
l’intérêt de la campagne pour la libération de Shalit?
Apparemment, le recours aux prédicats «être humain» et «juif»,
dans une telle proximité, est tout-à-fait informatif et
significatif. Dans les discours juifs et «progressiste»
post-holocaustiques, «être humain» est un synonyme d’«innocent»
et «juif» est un succédané de «victime». Par
conséquent, le slogan de la campagne pour Shalit doit être
compris ainsi: «Libérez Gilad Shalit, la victime innocente»
[!] A ce stade, il est loisible de se demander comment un soldat
combattant, servant de garde d’un camp de concentration, peut
devenir ainsi une «victime innocente?»(6)
Dans le roman national israélien, le soldat est campé comme un
être innocent, «pris» dans une guerre qu’il est condamné
à mener, à son corps défendant. Le combattant israélien est un
combattant qui «tire dans le tas, puis sanglote». (...)
En ce sens, il faut voir dans la «guerre contre le terrorisme»
israélienne une bataille contre la terreur, à l’intérieur des
Israéliens. La bataille, constante, contre «les Arabes»
est un biais qui permet de résoudre l’anxiété hébraïque
auto-infligée que les Israéliens sont incapables de gérer, voire
même de regarder en face. C’est précisément en ce sens que le
fait de balancer des bombes au phosphore contre des femmes, des
vieillards et des enfants, agit à l’instar d’une pilule
collective de Valium: cela calme le mental israélien, cela
apaise sa terreur intrinsèque. Tuer en masse, cela soigne l’état
de terreur collective insulaire israélienne. Cela explique
comment il se fait que 94% de la population juive israélienne a
soutenu le dernier génocide en date, à Ghaza.(6) «(...)Il
était soldat dans une armée criminelle qui sert une cause
criminelle et qui lance des guerres criminelles. Je suggère donc
sincèrement à M.Noam Shalit d’envisager de modifier son
discours. Il devrait laisser tomber son ton de prédicateur
bien-pensant, et adopter, en lieu et place, soit la dignité,
soit un appel désespéré à la merci du Hamas. (...) M.Shalit,
j’aimerais que vous nous disiez ce qui, au juste, a "changé au
point d’être méconnaissable" (si ce n’est le paysage de Ghaza?).
Vous continuez à vivre sur une terre palestinienne volée, et que
vous faites de l’appel biblique au pillage une réalité
contemporaine dévastatrice. Ce que nous voyons, c’est que vos
fils et vos filles continuent à être impliqués dans des
pratiques génocidaires assassines, comme ils n’ont jamais cessé
de l’être depuis soixante ans.»(6)
Que peut-on en conclure sur cette ambivalence de la France qui
se veut «patrie des Droits de l’Homme»? Une explication
nous est donnée par Allan Jules. Ecoutons le: «Il est de
notoriété publique que la France estime que tout ce qui est
Arabe ou considéré comme tel, n’est pas français. Pourtant, ils
nient cette assertion. Or, chaque jour davantage, l’histoire
revient au visage de ceux qui prônent cette idéologie dans les
faits, tous les jours, s’aidant d’une dialectique hypocrite.
(...) Les autorités israéliennes retiennent un jeune Français
depuis 3 ans...pour rien. Il a le tort, me semble-t-il, d’avoir
du sang arabe qui coule dans ses veines. Sollicité, je n’ai pas
hésité un seul instant à crier mon indignation face à cette
injustice. Peu m’importe les conséquences et, adviendra que
pourra, sachant que le "deux poids deux mesures" qui sévit ici,
est finalement la règle. Qu’est-ce qui me tombera dessus? Je
n’en ai cure».
Le lobby sioniste
L’histoire de Salah Amouri est totalement incongrue et fait de
la France, un pays raciste, à défaut d’être à la botte de l’Etat
hébreu. Prompt à libérer des voleurs d’enfants, confère Arche
des zozos déclinée en Arche de Zoé aka Children Rescue, ou
encore à courir dans la jungle amazonienne pour l’immaculée
conception Ingrid Betancourt, elle est aujourd’hui incapable de
faire libérer son fils Salah. Les autorités israéliennes
semblent jouer avec la vie de ce jeune homme, brillant étudiant
à l’université de Bethléem, qui aurait «penser» tuer un
dignitaire israélien. Sans arme, pour sa supposée idée ou
liberté de penser, ce qui est en plus une grosse arnaque
judiciaire, on a moins d’importance que Gilad Shalit, qui, lui,
est bel et bien, un prisonnier de guerre. Les autorités
françaises sont face à leur lâcheté. Ceci reviendra sur eux
comme un boomerang. La justice ne doit pas avoir de couleur ni
de parti pris. Sinon, la boîte de Pandore s’ouvrira, pour le
malheur de la France. Les Français doivent se poser la question
de savoir s’il y a une quelconque fierté de l’être, lorsqu’on
accepte l’injustice, l’anachronisme, et la diversion malsaine
sur le dossier de Salah Hamouri. Une phrase d’un homme célèbre
me revient à l’esprit: «J’irai également chercher ceux qui
restent quoi qu’ils aient fait»...(7)
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique
1.Hassane Zerrouky: Salah Hamouri,
Franco-Palestinien condamné pour l’exemple
Le Soir d’Algérie 30 04 2009
2.AFPS: Gilad Shalit et Salah Hamouri publié le mardi 15 juillet
2008 Paris, le 15 juillet 2008
http://www.france-palestine.org/article9442.html
3.»http://www.snui.fr/snui-locaux/dg/spip/spip.php?breve48
4.Un «citoyen d’honneur» de la ville de Paris et le
déshonneur! Libérez Salah Hamouri 17 12 2008
5.Appel de ce Comité national de soutien pour Salah Hamouri 9
janvier 2009
6.Gilad Atzmon Gilad Shalit: La Grande Illusion - Une analyse du
discours Source: Palestine Think Tank Traduction: Marcel
Charbonnier http://ism-france.org/news/article.php?id 9 02 2009
7.Allain Jules
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Publié le 4 mai 2009 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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