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Bouthainashaaban.com

Tiens, comme c'est étrange ! Nelson Mandela n'est plus un terroriste !?
Bouthaina Shaaban *

17 juillet 2008

http://www.bouthainashaaban.com/ENGLISH%20ARTICLES%202008/E.15.htm

Vous avez certainement lu cette information très importante : le Congrès américain a décidé, jeudi 26 juin 2008, de rayer le qualificatif de « terroriste » accolé au nom du plus grand héro de la lutte pour la liberté et la justice, l’ex-président de la République d’Afrique du Sud, M. Nelson Mandela. Cela signifie, bien entendu, que durant près d’un demi-siècle, le Congrès National Africain et son icône, Nelson Mandela, qui luttèrent contre l’apartheid, étaient considérés terroristes, et que cette classification resta en vigueur même après la défaite de l’apartheid et tout au long de la présidence de Nelson Mandela, et encore de nombreuses années, après. Même quand Nelson Mandela effectua une visite aux Etats-Unis, le 24 octobre 1994, en tant que Président de l’Afrique du Sud, il était encore couché sur une liste de terroristes recherchés, et il aurait pu se faire arrêter et être jugé, pour ce motif.

Loin de ressentir de la honte, au tout au moins une gêne, pour avoir participé au soutien apporté au système exécrable de l’apartheid en classifiant comme terroristes ceux qui y résistaient, certains membres du Congrès, comme le représentant Donald Bayne, considérèrent que « l’adoption du projet de loi visant à effacer de la liste des terroristes recherchés par les Etats-Unis Nelson Mandela et d’autres, qui oeuvrèrent à ce que soit mis un terme au système oppressif et inhumain de l’apartheid en Afrique du Sud est une grande victoire pour la justice ». Bayne a ajouté : « Je suis fier que nous ayons été capables de montrer notre respect et notre haute estime à un homme qui est aimé et admiré dans le monde entier. » 

Mais la véritable question, celle qui saute à l’esprit, est celle de savoir pour quelle raison le Congrès américain avait pris la décision de coucher le nom d’un combattant de la liberté qui était « aimé et admiré dans le monde entier », comme ils disent, sur la liste des terroristes recherchés ? Si des membres du Congrès reconnaissent que Nelson Mandela luttait contre « un système oppressif et inhumain », pourquoi ont-ils classifié l’ANC, qui luttait contre ledit système, ainsi que son président, en tant que terroristes ? 

Jusqu’à quel point cette décision du Congrès n’a-t-elle pas repoussé le triomphe du peuple sud-africain, et prolongé l’emprisonnement du prisonnier le plus célèbre au monde, Nelson Mandela, dans la cellule 46664 de la prison de Robin Island, en Afrique du Sud ? D’aucuns disent que ce n’est qu’en anticipation du quatre-vingt-dixième anniversaire de Mandela, le 18 juillet 2008 que le Congrès américain a rayé son nom de la liste des terroristes. Combien de combattants de la liberté auront la chance de vivre jusqu’à quatre-vingt-dix ans, afin de voir leur nom effacé de cette liste fallacieuse et infamante, et couché sur la bonne liste, sur la liste honorable ? La classification de l’ANC et de Nelson Mandela en tant que terroristes considérés hors-la-loi dans l’Afrique du Sud sous l’apartheid jette un réel et sincère doute sur la décision adoptée par le Congrès des Etats-Unis, ainsi que sur les valeurs et sur les objectifs moraux qui président à de telles décisions, d’autant plus que ladite décision avait été adoptée bien avant les attentats du 11 septembre 2001 et qu’elle ne pouvait par conséquent se prévaloir du prétexte de préserver la sécurité des Etats-Unis. Nous devons rappeler, ici, que la plupart des combattants de la liberté et contre l’occupation et l’oppression, dans le monde, depuis Ernesto che Guevara, Salvador Allende et Patrice Lumumba jusqu’à d’autres combattants résistants en Inde ou en Algérie, pour finir par l’Afrique du Sud, en passant par la Palestine et le Liban, figuraient, eux aussi, tous, sur la liste américaine des soi-disant « terroristes ».

La seconde question est celle de savoir combien de combattants de la liberté, de la justice et de la démocratie figurent, aujourd’hui, sur la liste des « terroristes » ? Et combien de mouvements de résistance, qui luttent contre l’occupation et l’humiliation, sont encore, aujourd’hui, sur la liste américaine des « organisations terroristes » ?

Après les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis se mirent à publier un classement de pays et de personnes, puis à agir selon des décisions qui n’appartenaient qu’à eux-mêmes en envahissant des pays, en en occupant d’autres, et en soutenant financièrement et militairement de l’occupation et des colonies, tout en autorisant les punitions collectives et le génocide contre une population indigène désarmée.

Du point de vue des principes, aucun pays, dans le monde, ne dispose de l’autorité morale qui lui permettrait de classifier des personnes, des mouvements ou des pays, ni à imposer à la volonté internationale sa propre façon de traiter les personnes, des mouvements et des pays. De tels jugements doivent être réservés à une instance judiciaire internationale, qui soit internationalement reconnue et qui jouisse d’une autorité morale irréprochable.

Durant les dernières années écoulées, la plupart des politiques occidentales ont marché dans les brisées du Congrès américain, en particulier après les attentats du 11 septembre, en opprimant et en pressurant les combattants de la liberté et les mouvements indépendantistes, sous le prétexte de lutter contre le terrorisme. Partant, nous pouvons comprendre les mesures et les décisions prises contre le peuple arabe en Palestine, en Irak, au Liban, au Soudan et en Somalie. Le fait d’avoir couché le nom de Nelson Mandela sur la liste des terroristes et celui de l’y avoir maintenu sont deux scandales, qui en disent fort long sur les grandes lignes du Congrès américain en matière d’éthique.

Tout ce que nous sommes en mesure de faire, aujourd’hui, c’est de répéter, avec le poète sud-africain Lebo Mashile : « Vous et moi, nous sommes les gardiens du rêve ».

J’espère que tous les lecteurs de cet article vont ressentir la responsabilité qui est la leur de garder vivant le rêve, jusqu’à ce que la justice et la liberté triomphent enfin dans le monde entier.

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

[* Madame Bouthaina Shaaban est ministre syrienne des Syriens vivant à l’étranger, depuis 2003]

 



Source et traduction : Marcel Charbonnier


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