Opinion
Ne touchez pas à
la Syrie !
Bill Van
Auken
Samedi 23 mars 2013
Lorsqu’il a entamé mercredi 21 mars une
visite de deux jours en Israël, le
président américain Barack Obama a lancé
des menaces belliqueuses à la fois
contre la Syrie et contre l’Iran. Cette
visite, qui avait ouvertement le
caractère d’un conseil de guerre
israélo-américain, montre clairement que
dix ans après l’invasion de l’Irak,
l’impérialisme américain est en train de
planifier des crimes encore plus grands
au Moyen-Orient.
Le président
démocrate a menacé le régime syrien de
Bachar al-Assad de le « tenir
responsable d’avoir recours à des armes
chimiques ou de les passer à des
terroristes, » ajoutant que s’il y avait
des preuves que de telles armes ont été
utilisées cela « changerait la règle du
jeu ».
Sur l’Iran, Obama a
réitéré son serment « d’empêcher ce pays
d’avoir une arme nucléaire » et que «
toutes les options étaient sur la table,
» tout en reconnaissant le « droit » à
Israël d’agir unilatéralement contre
l’Iran. Il « n’y a pas beaucoup de
différence » entre les Etats-Unis et
Israël au sujet de l’Iran, a-t-il dit.
Les remarques
d’Obama ont été faites un jour après le
dixième anniversaire de l’invasion
américaine de l’Irak. Ni discours ni
cérémonie ne fut organisé mardi par le
gouvernement Obama ou le Congrès pour
marquer le début d’une guerre dans
laquelle furent envoyés 1,5 million
d’Américains et au cours de laquelle
près de 4.500 d’entre eux sont morts et
des centaines de milliers d’autres ont
subi des blessures physiques ou
psychologiques.
Dans un tel cas, le
silence est signe de culpabilité. Les
deux partis politiques, chaque ministère
du gouvernement, les médias et les
grands groupes américains ont été
directement complices dans ce qui
représente incontestablement le plus
grand crime de guerre du 21ème
siècle : une guerre non provoquée lancée
sur la base de mensonges contre un pays
quasi sans défense et qui a coûté la vie
à près d’un million de personnes,
laissant une société entière en ruines.
L’élite dirigeante
américaine insiste maintenant pour
déclencher des conflits encore plus
grands et plus destructifs en dépit
d’une opposition massive à la guerre. De
manière orwellienne, des prétextes
connus et discrédités concernant des «
armes de destruction massive », le
terrorisme et la promotion de la «
démocratie » sont ressassés, cette
fois-ci pour justifier une guerre contre
la Syrie.
Au Congrès, il y a
eu une avalanche d’appels en faveur de
nouvelles guerres au Moyen-Orient.
L’amiral James Stavridis, le chef du
Commandement allié du Pentagone en
Europe, a témoigné mardi devant la
Commission des forces armées du Sénat au
sujet d’une planification approfondie
par l’OTAN d’une intervention en Syrie.
« Nous examinons un large éventail
d’opérations et nous sommes prêts, si on
nous le demande, à nous engager comme
nous l’étions en Libye, » a-t-il dit.
Selon Stavridis, la
mise en place d’une « zone d’exclusion
aérienne » est sérieusement étudiée. Des
appels en faveur d’une telle zone
d’interdiction de vol en Libye,
approuvée par le Conseil de sécurité des
Nations unies en mars 2011, avaient été
à l’origine d’une campagne de
bombardement des Etats-Unis et de l’OTAN
et d’une guerre visant à un changement
de régime.
Le président de
cette commission, le sénateur Carl
Levin, (Démocrate du Michigan) avait
dirigé l’audition de Stavridis. La
veille, il s’était exprimé devant le
Conseil sur les relations étrangères et
avait réclamé l’établissement d’une «
zone protégée le long de la frontière
turco-syrienne » et sur le recours à la
force militaire « pour s’en prendre à
une partie de la défense aérienne
syrienne et des forces aériennes
syriennes. »
Des résolutions
furent soumises à la fois à la Chambre
des représentants et au Sénat pour
réclamer une intensification de
l’armement et de l’entraînement des «
rebelles » luttant pour le renversement
d’Assad et qui sont soutenus par
l’Occident.
Entre-temps, le
recours apparemment à des armes
chimiques et qui a coûté mardi 19 mars
la vie à plus de trente Syriens a
suscité à Capitol Hill (siège du
Congrès) de nouvelles demandes pour une
intervention directe américaine.
Le gouvernement
syrien a accusé les combattants soutenus
par l’Occident d’avoir tiré le missile
armé d’une tête chimique. De toute
évidence, l’engin a touché un village
contrôlé par le gouvernement à
l’extérieur de la ville d’Alep. Des
sources de l’opposition ont dit que la
plupart des victimes étaient des soldats
du gouvernement syrien alors que des
sources en Syrie les ont décrites comme
étant des civils alaouites, une
population qui soutient en grande partie
Assad.
Des législateurs
ont évoqué les menaces antérieures
d’Obama selon lesquelles le recours à
l’arme chimique en Syrie constituait une
« ligne rouge » qui provoquerait une
intervention américaine. « Si les
articles d’aujourd’hui sont fondés, la
ligne rouge du président a été franchie,
et nous l’exhorterions à prendre une
action immédiate pour imposer les
conséquences qu’il a promises, » ont dit
les sénateurs républicains Lindsey
Graham et John McCain dans un communiqué
commun.
Dans une interview,
Graham est allé plus loin et a réclamé
l’envoi de troupes américaines au sol en
Syrie pour sécuriser ses armes
chimiques, une opération que le
Pentagone a jugé nécessiter 75.000
soldats et Marines.
La logique tordue
de cette campagne est que la guerre
civile sectaire, qui dure depuis deux
ans et que les Etats-Unis et leurs
alliés en Europe, en Turquie et les
monarchies du golfe Persique, ont
fomentée, financée et armée, a affaibli
le régime Assad à un point tel que ses
armes chimiques pourraient tomber entre
les mains de terroristes.
Cependant, ces
terroristes, comme le Jabhat al-Nusra
qui est lié à al Qaïda et d’autres
milices djihadistes, forment les
principales troupes de choc de la guerre
appuyée par l’Occident en vue d’un
changement de régime.
En ce qui concerne
l’affirmation que Washington est en
train de promouvoir la « démocratie » en
Syrie, il ne pourrait y avoir de
réfutation plus révélatrice que l’«
élection » lundi du premier ministre
d’un nouveau « gouvernement intérimaire
» qui doit être installé sur la partie
du territoire syrien saisie par les
soi-disant rebelles. Le vainqueur,
choisi par à peine 35 membres du Conseil
national syrien formé sous la tutelle du
Département d’Etat américain, est
Ghassan Hitto. Un citoyen américain et
cadre supérieur d’une entreprise de
télécommunications basée au Texas qui
avait quitté la Syrie il y a plus de 30
ans, à l’âge de dix-sept ans.
Les prétextes
idéologiques pour une guerre américaine
en Syrie sont encore moins cohérents que
ceux utilisés il y a dix ans pour la
guerre en Irak. Les véritables forces
motrices sont les mêmes. Ce qui est
impliqué c’est une guerre prédatrice
visant à redessiner la carte du
Moyen-Orient de façon à servir les
intérêts de l’impérialisme américain et
à garantir son hégémonie sur les
ressources énergétiques de la région.
Une guerre pour un changement de régime
en Syrie fait partie d’une campagne plus
générale pour une guerre contre l’Iran
qui comporte le risque d’un engagement
de la Russie et aussi de la Chine.
Alors que
l’establishment dirigeant américain
voudrait enterrer la mémoire de la
guerre en Irak, la population laborieuse
a tiré ses propres conclusions et un
sondage d’opinion après l’autre montre
que l’écrasante majorité est d’avis
qu’elle n’aurait jamais dû être menée.
La tentative
d’imposer, en recourant aux mêmes
mensonges réchauffés, une nouvelle
guerre à la population américaine,
s’accompagne d’une attaque grandissante
des emplois et des niveaux de vie ainsi
que de révélations permanentes sur la
criminalité de l’aristocratie financière
dans l’intérêt de laquelle ces guerres
sont menées. Un tel mélange volatile est
le meilleur moyen pour conduire à des
explosions sociales aux Etats-Unis et au
développement d’un mouvement politique
de masse contre les guerres
impérialistes en Irak, en Syrie et
au-delà.
(Article original
paru le 21 mars 2013)
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Publié le 23 mars 2013 avec l'aimable
autorisation du WSWS
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